Un chapitre un petit peu plus court, mais qui sert de commencement à une partie importante, celle du Héro Harry.
J'espère que ça vous plaira


Albion. Un pays rempli de magie où toute chose semblait à sa place mais où rien n'avait vraiment de sens pour autant. Son Histoire était sujette à débat constant, fluctuant au gré des récits des mimes et troubadours. Et chacun était libre d'y ajouter sa propre acception c'était là toute la richesse du lieu. De quand datait l'Albion ? Nul ne le savait. La plus lointaine trace datait de l'Ancien Royaume, sujet lui-même à mille interprétations savantes.

La Guilde des Héros ne faisait pas exception. Tout enfant d'Albion savait globalement expliquer ce qu'était la Guilde. Et Nostro son fondateur était vu comme un mystérieux bonhomme portant une grande épée et tuant des monstres. Les plus érudits et plus âgés avaient un regard plus sage et admettaient volontiers qu'on pouvait passer sa vie à l'observer sans jamais réellement la comprendre. « La Guilde est ce que l'on en fait. Sa seule permanence c'est son impermanence » avait un jour dit Maître Cuissecanard, qui dirigeait la Guilde quelques décennies auparavant.

Pour Harry James Potter, au crépuscule de sa seconde décennie de vie officielle, la Guilde était avant toute chose un refuge, mais également un instrument d'évolution.

Deux mois étaient passés depuis son intronisation comme Héro. Et durant ce laps de temps, il lui semblait que jamais sorcier anglais n'avait transporté autant de pommes au cours de sa vie. Il ne pouvait plus faire un pas hors de la Guilde sans qu'une armée de marchands des environs se jettent sur lui pour requérir ses services. Comme à chaque fois, Harry se maudit d'avoir été si arrogant.

En vue de gagner son premier pari – porter les cageots de pommes d'une seule main sur tout le voyage retour – il avait subtilement lancé un charme d'allègement sur le tout. Fier de son petit tour, c'est donc avec une décontraction affichée, qui aurait beaucoup amusé Sirius, qu'il avait porté la totalité sur tout le chemin. Une mission parfaitement réussie. Mais l'envers du décors c'est que désormais il était systématiquement demandé – et obtenu - auprès de la Guilde pour toutes les missions agricoles, l'empêchant à la fois de s'entraîner et d'obtenir des missions plus gratifiantes. Il semblait désormais que le pays entier s'était donné le mot pour harceler Harry le Pommé, surnom absolument infâme.

Bien évidemment Whisper et Blade se payaient systématiquement sa tête chaque fois qu'ils le croisaient. Le florilège de leurs blagues tournait invariablement sur les mêmes thèmes.

- Carte de quête pour le verger. Disait par exemple la jeune femme en faisant mine de réfléchir. Mon petit Harry je crois que c'est pour ta pomme.

- Sur le long terme il ne peut que récolter le fruit de son labeur.

- Garde la pêche.

- Cette jeune pousse est du bois dont on fait les plus grands héros.

- Ne prends pas racine mon ami, ton public te réclame pour les semis.

- Cinq quêtes de fruit et légume par jour, c'est excellent pour la santé.

Et les deux abrutis de s'esclaffer comme des baleine-toucans – emblème de la confrérie des marchands itinérants - tandis que le sorcier mortifié s'en allait aux champs.

C'est donc avec une profonde lassitude que notre jeune Héro retourna une nouvelle fois vers la porte principale de la Guilde pour récupérer sa prochaine mission.

- Bonjour Héro. Fit le Maître en le voyant arriver. Félicitations pour votre dernière performance. Cette odeur d'engrais imprégnant vos vêtements vous donne véritablement un côté très rustique.

Le tout agrémenté d'un sourire léger.

- Je suis désespéré….murmura le jeune homme. Comment vais-je pouvoir m'entraîner et devenir fort rapidement si je passe des mois à collecter des pommes, labourer des champs et porter des paquets.

- Je le conçois. A vos yeux cela doit être particulièrement frustrant compte tenu de la terrible échéance qui vous attend au retour. Comprenez cependant la démarche de ces gens. A leurs yeux, les Héros sont des personnes apportant leur aide contre rémunération. L'habitant moyen de Greatwood n'a que faire du combat contre les forces du mal. Mais surtout Harry, n'oubliez jamais ceci. Rien en Albion n'arrive par hasard alors même que la Volonté est prégnante. Quoique longue, cette période n'est pas dépourvue de raison d'être. Elle est un pas sur votre chemin. Quelle valeur a ce pas ? En quoi s'ajoute-t-il à l'ensemble ? Seul le futur le dira. Songez-y Héro. Et puis objectivement vous n'êtes pas dans ce que vous faites, alors comment pourriez-vous y prendre du plaisir ou y percevoir des nuances importantes. Allez, éblouissez-moi par votre sagacité, comme lors de nos mises en situations et échanges, et dites moi l'importance de ces quelques missions.

- Se faire connaître, engranger du renom, rencontrer de futurs commanditaires.

- En effet. Et nous avons eu déjà cette conversation et sommes déjà arrivés cette conclusion. Mais plus trivialement, vous devez également penser à vous établir, à collecter de l'or pour de futurs achats, rencontrer des artisans pour sans doute trouver de meilleures armes. Mais Harry, vous ne pouvez pas vous permettre de faire les choses en trainant les pieds. Si vous tenez tant à passer à autre chose, alors soyez productif ! Mais il y a encore au moins une chose que vous pouvez, et devez indéniablement, retirer de ces activités. Je vous laisse y réfléchir. Voici votre future carte de quête.

L'esprit empli d'interrogations, Harry le Pommé se dirigea vers le podium de renom situé devant la Guilde. Comme à chaque fois le crieur public s'enquit des paris qu'il souhaitait prendre.

Cette fois-ci, il fallait transporter un stock d'outils jusqu'à la petite échoppe du marchand située à côté du lac de Greatwood.

- Je prend le pari que j'effectuerai cette mission en moins d'une demi-heure, que ni mon requérant ni moi-même ne seront blessés au cours de cette traversée, et qu'enfin aucun des outils ne tombera au sol.

Cela étant établi, le crieur public se mit à vociférer devant le parterre de badauds présent afin que tout un chacun puisse en être informé.

La mort dans l'âme, le pauvre Héro se rapprocha du client, souleva le chargement pesant et pris son chemin.

Tandis qu'ils marchaient, le marchand ne cessait de pérorer, heureux selon lui d'obtenir pour lui tout seul le « fruitier héroïque » pour porter ses paquets. En effet, disait le brave homme, il semblait porter la malchance sur son dos depuis sa naissance et aucune de ses entreprises ne semblait réussir. Sa mère elle-même l'avait laissé dans un orphelinat en échange de deux chèvres et d'une barrique de liqueur de poireaux ce qui expliquait symboliquement son besoin de vendre ses propres produits depuis lors.

L'écoutant distraitement d'une oreille, notre fruitier aux yeux verts concentrait ses pensées sur l'énigme que lui avait posé le Maître. En quoi des missions aussi triviales apportaient une quelconque eau à son moulin ?

Par Merlin et Avo….qu'est-ce que j'ai du mal avec des gens qui s'obstinent toujours à parler de manière si obscure.

Bientôt le lac de Greatwood se profila, lointain et brumeux. Harry ne connaissait que très peu les lieux. Tout juste avait-il lu dans les ouvrages de la Guilde que les lieux grouillaient de vie animale, ce qui en faisait un lieu très prisé des chasseurs de tout poil. D'aucuns faisaient également mention d'une activité bandistique en hausse depuis quelques années. Harry se prit à espérer qu'un de ces malandrins se risque à venir le menacer.

Cela me changerait de ces trivialités agronomes. Je vais finir par rouiller.

Il eut mieux valu qu'il se fut tu car un bourdonnement retentit dans les environs et quelques formes apparurent dans la pénombre de la forêt. Ce n'étaient pas des bandits. C'étaient des guêpes. Et de fort grosses guêpes.

Pour Harry qui en voyait pour la première fois c'était très impressionnant car les insectes avaient la taille de corbeaux et leur dard semblait particulièrement disproportionné.

- Elles sont attirées par mes pommes. S'écria le marchand arraché à son récit d'enfance. Faites quelque chose où elles vont tout manger.

- Comment ça des pommes ? S'indigna Harry. Vous aviez indiqué sur votre carte de quête que vous transportiez des outils !

Le marchand parut gêné. « Ecoutez...je ne voulais pas vous manquer de respect mais ces pommes sont arrivées à maturité et je n'avais pas le choix. Le transport d'outils coûte moins cher que des produits. »

Guère convaincu par cette explication Harry soupira. « Bon peu importe. Nous règlerons les formalités une fois cette menace volante derrière nous ».

Il estima du regard le nombre de ses ennemis. Une demi-douzaine. Rien de réellement préoccupant mais ce genre de créatures pouvait peut-être être rejointes par le reste du nid.

Il dégaina son arc machinalement. Ces immondices feraient elles de bonnes brochettes ?

Les deux premiers insectes furent mécaniquement alignés sans avoir eu le temps de réfléchir. Mais comme cette chance ne pouvait durer, le Héro eut la mauvaise surprise de voir arriver l'essaim dans son ensemble avec un vrombissement qui lui rappela vaguement un hélicoptère.

- Je vous conseille très sincèrement de vous mettre à l'abri le temps que je fasse place nette.

Il encocha et décocha deux autres flèches avant de rouler sur lui-même, dégainer sa baguette,...et la rengainer dans le même mouvement.

Je ne peux pas progresser si je continue à envisager la facilité d'une baguette.

De sa main libre il créa un puissant arc électrique qui projeta un grand nombre de nuisibles en arrière. A sa grande surprise, l'attaque magique s'était propagée d'un insecte à l'autre ce qu'il n'avait jamais réalisé pour ne l'avoir jamais réellement testé sur des cibles multiples.

Extraordinaire. Voilà un apport théorique à approfondir, mais finalement logique vu la nature électrique.

Profitant du court laps de temps à sa disposition, il lâcha son arc et raffermit son attaque de sa seconde main. Dans un crépitement sinistre et une odeur de grillé, la petite colonie de guêpe fut réduite à néant. Il poussa un léger soupir pour reprendre son souffle. L'électricité se propageant mécaniquement, elle nécessitait un meilleur contrôle pour demeurer en l'état, et bien plus de ressource. Efficace mais consommatrice de Mana cette attaque.

- Oh merci mon seigneur des fruits, vous m'avez sauvé moi et surtout mon honneur. Grâce à vous je ne serai pas la bonne poire roulée dans la farine et je pourrais apporter mes ressources à la fête. Vous ne payiez vraiment pas de mine à première vue mais force est de constater que vous en avez en réserve. C'est comme le cousin de l'oncle du neveu de mon ex-femme, je le lui disais encore tantôt. Car voyez-vous…..

Harry envisagea l'espace d'une seconde de lui lancer un sort de mutisme avant de concéder que ça pourrait faire baisser sa prime et de s'abstenir.

- Si vous voulez bien vous donner la peine de me suivre. Il nous reste encore du chemin.

Le reste du trajet fut on ne peut plus calme. Pas de trace de bandits sur le chemin. Mais Harry se fit la réflexion que ce n'était pas surprenant car il avait un vague souvenir d'une quête d'extermination donnée quelques jours auparavant.

Cela étant ça soulevait une nouvelle perspective pour l'avenir. Si on se bousculait pour ses services de porteur, il ne tenait qu'à lui de se vendre différemment. Et quoi de mieux qu'une oreille attentive ?

- Mais dites-moi, dit-il à son client, maintenant que nous sommes un peu plus tranquilles peut-être pourrions-nous parler de cette substitution de cargaison ?

A l'air embêté de son interlocuteur il comprit que ce dernier aurait bien aimé que ce point ne soit plus abordé.

- Eh bien…

- Ecoutez, je ne veux pas vous mettre dans l'embarras. Vos pommes sont arrivées à destination et nous aussi. C'est ce qui compte. Certains confrères vous demanderaient probablement le paiement de la différence entre la valeur des outils et celle des pommes mais je pense à une autre alternative.

- Je vous écoute. Fit le marchand en avalant sa salive.

- Je ne serais pas contre un peu de publicité sur ma personne afin de monter en gamme. Voyez ces guêpes, elles n'ont pas fait long feu, mais il y a bien d'autres dangers qui menacent la guilde des marchands. Or je suis bien incapable d'apporter mon aide dans ce domaine puisque je suis demandé systématiquement pour les courts trajets.

Il leva la main pour interrompre le cri véhément du marchand.

- Je ne rabaisse pas votre commerce pour autant, et j'ai particulièrement...apprécié ce moment d'échange avec vous. Mais imaginez si je pouvais vous accompagner sur de plus longues distances ? Les Barrow Fields sont des endroits parfaits pour vendre vos pommes. Est-ce que vous avez connaissance d'autres marchands susceptibles de requérir les services d'un Héro ?

Comme il l'avait supposé, l'appât du gain fit miroiter l'oeil de l'intéressé.

- Eh bien...je pourrais être intéressé par une vente au comptoir de Darwood. Fit le marchand sur un ton détaché.

- Darkwood ? Cette région marécageuse et sinistre ?

- Précisément. Voyez-vous, les pommes ne sont pas très présentes sur place, tout comme l'ensemble des produits frais d'ailleurs, compte tenu de la vermine infestant le chemin. C'est qu'un Hobbes ça rechigne jamais. Et la demande en devient particulièrement importante.

- Loin de moi l'idée de cracher sur la soupe, mais dans ce cas pourquoi un marchand aussi...astucieux et malin que vous semblez l'être n'a pas tenté sa chance avec un Héro expérimenté pour ouvrir ce nouveau chemin commercial.

Le commerçant parut un peu gêné. « C'est que le commerce n'attire plus les pointures de votre Guilde. Une fois leurs quelques quêtes finies, ils se rabattent sur des plus lucratives et nous en sommes réduits aux nouveaux venus. Mais lorsque ceux-ci atteignent le niveau nécessaire pour un tel voyage ils ont déjà bifurqué sur d'autres voies. C'est que nous n'avons pas énormément à offrir ».

Harry ne pouvait qu'être d'accord. Quel Héro digne de ce nom choisirait des activités sans rendement lorsqu'il avait le niveau de prétendre aux gros contrats lucratifs ?

Mais ça voulait également dire qu'il y avait un filon à exploiter.

- Mon cher monsieur voilà ce que je vous propose. Vos pommes sont en parfaite sécurité si j'en crois l'épaisse barrière entourant le comptoir devant nous. Et à moins que la boite aux lettres nous attaque je pense pouvoir affirmer que tout s'est bien passé. D'ailleurs (il consulta une horloge sur la porte du terrain) j'ai même tenu mes délais. Je suis libre et vous également. Alors une fois que vous aurez rendu compte au crieur public, pourquoi ne me montreriez-vous pas cette fameuse route de Darwood ?

- Mais vous plaisantez !

- Vous n'auriez pas de marchandises donc cela nous épargnerait déjà un pourcentage de voleurs. Rappela Harry avec un ton rassurant. Et puis suivez mon raisonnement. Seul un marchand...chevronné, expérimenté et aux nerfs solides, comme vous l'êtes pourrait être l'éclaireur dans cette voie sinueuse. Un pionnier ! Vous n'en avez pas marre d'être celui qui ramasse les pommes des autres ? Imaginez une statue à votre effigie dans ce petit comptoir « Celui qui a osé ». Tous les marchands qui passeront devant se sentiront humbles.

Il sut au regard avide de reconnaissance de son interlocuteur qu'il tenait une piste.

OoOoOoO

- C'est exactement ça, Héro.

Harry, une fois sa quête initiale accomplie, était revenu rendre compte de celle-ci au Maître.

Pour ce faire, il avait eu l'opportunité d'utiliser pour la toute première fois une porte de Cullis. La sensation était extrêmement étrange au début, mais considérablement moins que celle d'un portoloin ou du transplanage quoique semblable sur de nombreux points.

En réalité la voie royale consistait à trouver une porte de cullis préexistante, entrer dans la lumière bleue et se focaliser sur la destination. Un éclair de lumière plus tard et c'était réglé.

La seconde, considérablement plus difficile, était employée lorsqu'un Héro se trouvait loin de toute porte. Elle consistait à focaliser son Mana dans le sceau héroique pour chercher la destination à atteindre, une autre porte. Plus risquée car nécessitant plus de concentration, et surtout une connaissance parfaite du lieu d'arrivée, elle était néanmoins plus polyvalente.

- La réponse est là, Harry. Elle a toujours été là. Ces missions que vous preniez en trainant les pieds, les déconsidérant, avaient plusieurs buts. Bien sûr il s'agit d'amasser de l'argent, de la notoriété et de la reconnaissance des badauds. C'est la voie classique. Mais il y avait autre chose et vous l'avez expérimenté.

- Il fallait créer des opportunités. Fit le jeune Héro. Il fallait aller les chercher même là où ça ne coulait pas de source.

Le Maître hocha la tête. « Évidemment. Parce que tout ne se résume pas à attendre que les missions arrivent ou que les aléas surviennent tous seuls. Sinon vous pouviez en effet attendre des années pour que les choses changent. Ce marchand que vous me décrivez est lui-aussi en quête de sortir de sa normalité banale et tout sauf gratifiante. Ce n'est pas anodin voyez-vous.

- Donc c'est ça la démarche ? Utiliser une situation prédéterminée et la transformer sois-même en autre chose ?

Le Maître fit un geste impatient de la main, comme si le raisonnement était trop simpliste.

- Voyons Harry, où est votre mentalité indomptable que vous m'avez évoquée ? N'aviez-vous fait que simplement suivre votre cursus scolaire sans faire de vague ? Sans tester les limites et faire confiance à votre instinct ? Votre caractère n'est pas de suivre le troupeau bêtement et d'attendre l'eau en aboyant des miaulements plaintifs de chameau-kiwi. Alors pourquoi agir de la sorte ici ? Se vendre pour un Héro ne se résume pas qu'à faire des paris avant sa quête. Il faut se vendre tout le temps.

- Mais dans quelle limite ? A quel point puis-je avoir le contrôle alors que je signe un engagement de m'en tenir à ce qui est préétabli.

- Harry, je ne cesse de vous le dire, mais encore et toujours vous vous posez trop de questions ! Vous vous noyez dans des détails sans importance ! Cessez donc de réfléchir, par Skorm, si ça doit déboucher sur de tels cas de conscience ! Il n'y a pas de cas standard, faites confiance à votre ressenti, essayez, nouez des liens avec les demandeurs. Vous l'avez fait avec de marchand parce que l'idée vous est venue. Et parce que justement le terrain des pommes était fertile. Ni plus ni moins. Je vais vous faire une confidence, Héro, les villageois et autres civils ne sont pas inspirés ni intéressés par les œuvres d'intérêt général à l'autre bout de l'Albion. Ils ont un besoin ponctuel et requièrent de l'aide. Mais parfois ils sont tout aussi ouverts à ce qui sort de leur quotidien. Croyez-vous que c'est un quidam qui viendra de Witchwood spontanément demander d'assainir une zone forestière remplie de balverines alors que personne n'y passe jamais ? Loin s'en faut. Un Héro avisé aura fait ce que vous avez fait pour votre marchand, il aura demandé pourquoi tant de lieux forestiers ne sont pas exploités ou traversés par la route et on lui aura répondu que la présence lupine freine l'expansion. L'intérêt se transmet, la cupidité fait jour. L'info remonte aux autorités et la carte de quête se crée. Vous n'êtes pas tributaire de votre ordre du jour si vous avez l'oeil suffisamment ouvert pour vous donner les moyens de vos ambitions futures.

- Vous avez raison. Dit Harry. Peut-être qu'à force de vouloir trop bien faire, trop analyser, je me perds en chemin.

- Parce que vous ne croyez plus en vos propres décisions. Répondit sévèrement le vieil homme. Ce serait désolant que vous ayez acquis tant de compétences martiales ici pour perdre vos qualités initiales dans le processus. Il n'y aura pas de carte de quête pour votre ennemi, Harry. A vous de paver le chemin qui y mène. Vous l'avez dit vous même, votre vie n'est pas dans les champs, mais si votre seule plus-value se borne à accomplir toujours les mêmes missions sans chercher ce que vous pouvez en faire, alors vous êtes le seul responsable de votre absence de progrès. Maintenant Héro, vous allez suivre votre décision sans en douter. Retournez à ce comptoir commercial, prenez donc la route de Darkwood, et voyez ce qui en découlera. Si vous voulez de nouvelles quêtes, allez donc les créer. Et osez, bon sang, osez !

OoOoOoOo

En ce matin, les vastes plaines de Darkwood étaient, comme toujours, plongées dans une brume épaisse. C'était hélas le pain quotidien des marchands qui traversaient ces routes désolées.

Lorsque le vent se levait, il charriait une odeur atroce de putréfaction et de mort.

Darkwood et ses environs étaient une des plaies d'albion. Hobbes et brigands de tout poils y stationnaient, rendant le commerce et le transport de civils particulièrement délicat.

S'y rendre seul c'était courir le risque d'être dépouillé, tué et dévoré. Et pas forcément dans cet ordre.

Le principal problème de cet état de fait tenait en sa situation géographique. Darkwood, son marais, son lac et son comptoir commercial était le seul chemin reliant le Nord et le Sud d'Albion. Pour passer de Bowerstone à Oakvale, il fallait nécessairement emprunter cette voie.

Ce que les détrousseurs avaient fort bien compris.

Les gardes des cités environnantes avaient donc entamés, quelques années auparavant, un long travail de nettoyage de la zone. Au terme de longues traques et missions d'observations, ils avaient entrepris de démanteler le principal groupe de bandits occupant la zone.

Le plus dur fut ensuite de s'attaquer aux Hobbes. Ces bestioles vaguement humanoïdes se plaisaient beaucoup dans cet environnement délétère, humide et toujours fourni en marchands assez stupides pour s'y aventurer.

On avait alors fait légitimement appel aux Héros. Si l'intitulé de la mission avait semblé basique « tuer les hobbes de Darkwood », il s'avéra que cette dernière était très loin d'être aussi simple. Car Darkwood était immense. Un dédale de forêts, de marais insalubres, de grottes sombres et d'autres lieux propices à la prolifération.

Ce pourquoi, le Héro en charge de cette tâche fut rapidement débordé. Tellement débordé qu'il passa un an et demi de sa vie à se battre contre des mirages, qu'il perdit une jambe dévorée et qu'il écopa d'un esprit complètement brisé – il entendait les rires des Hobbes jusque dans son sommeil.

Il fallut l'évacuer en urgence et le faire soigner dans quelque lieu reculé. On ne le revit jamais. D'aucun racontèrent qu'il n'arrivait même plus à sortir de chez lui.

Malgré ses bons et loyaux services, il s'avéra que les Hobbes se reproduisaient plus vite qu'ils n'étaient tués. Ce fut la première fois qu'on considéra l'hypothèse qu'ils puissent disposer du pouvoir de transformer les enfants en Hobbes, ce qui expliquerait en partie la croissance exponentielle de la harde.

C'est en ayant tout cela en tête que le fruitier héroïque surmotivé marchait à côté de son marchand l'œil grand ouvert et la main sur l'épée. Ces gargouillis immondes qu'il entendait autours de lui ne lui disaient rien qui vaille.


Darkwood et sa faune répugnante.

Merci à Aillind pour ses reviews. J'espère que la suite plaira.