Nouveau chapitre. L'aventure continue
C'était un matin du dix-huitième soir de l'avant-dernière fête des poulets. Harry revenait de mission – une simple quête de régulation proactive des espèces endémiques non-essentielles émergentes.
Sans signe avant-coureur, le Maître l'avait regardé et pris la parole.
- Qu'est-ce qui fait réellement la valeur d'une personne, Harry ? Qu'est-ce qui fait la valeur de celui que vous voulez être ?
- Je ne suis pas sur de comprendre ce que vous voulez dire par là. Dans quel sens ?
Le Maître eut un geste entendu de la tête. Comme si cela ne le surprenait pas.
- Oui je me doute. C'est pourtant une question centrale. Laissez-moi vous demander cela d'une autre façon. Pourquoi êtes-vous là ?
- Pour apprendre. Pour devenir plus fort. Acquérir des compétences qui me seront utiles contre mon ennemi.
Le Maître s'était levé et avait ôté ses gants fourrés en cuir de poisson.
- « Faux. Si c'est cela que vous pensez, alors vous passez à côté de la véritable question et tout ce que vous accomplirez ici sera limité, insuffisant. Vous n'êtes pas là pour apprendre des passes d'armes avec une épée ou un poignard. Pas plus que vous n'êtes là pour tirer un serpent à 75 mètres ou déclencher des feux de forêt ». Il fit un grand geste presque agacé de la main droite. « Cela, c'est pour les apprentis, les étudiants, les soldats et les simples d'esprit. Cela a pu suffire au début mais désormais c'est insuffisant. N'en avez-vous pas marre d'être un simple exécutant, une simple arme que l'on brandit ?
Harry resta un instant perplexe devant cette verve si peu commune au Maître. Mais ce dernier semblait désormais lancé et reprit la parole.
- Voyez-vous Harry, ce voyage que vous avez entrepris il y a toutes ces années, cette aventure qui vous a mené ici en Albion, n'avait pas pour dessein pas plus que finalité de vous inculquer des compétences martiales.
- Mais enfin, l'entraînement, les missions, l'acharnement à comprendre, le…
- Accessoires ! Ce ne sont que des incidences. Comment pouvez-vous être aveugle à ce point avec tout le passif que vous avez ? Ce n'est pas anodin que la Volonté vous ait laissé vos pouvoirs précédents, vos possessions et votre mémoire. Les enseignements que vous aviez à en tirer allaient au-delà de vos connaissances théoriques. C'est un bagage émotionnel bien plus important que ce vous pensez. Oui...un certain savoir i tirer des ouvrages de la bibliothèque, des affrontements contre des bandits, ou du convoyage de fruits et légumes. C'est une expérience appréciable et qui ne sera jamais inutile.
- Alors qu'est-ce qui la rend si secondaire à vos yeux ? S'enquit Harry. Je veux dire, tout l'entraînement et les occurrences qui se sont succédé depuis sont toujours allées dans le sens de me renforcer physique comme magiquement.
- Vous avez tout dit. Et c'est là le problème. Votre réponse parle d'elle-même. Oui vous vous êtes renforcés magiquement et physiquement. Mais qu'en est-il du renforcement mental ? Qu'en est-il de ce qui compte vraiment ?
- N'est-ce pas également le cas ? J'ai appris à prendre une vie. Non par passion ou envie mais par nécessité. J'ai été confronté à des situations m'obligeant à faire des choix importants et sensibles parfois. Et puis l'improvisation, la hiérarchisation des priorités, l'adaptabilité...tout cela ne peut pas être dérisoire !
- Exactement. Pourtant, ce ne sont là encore que des points d'un ordre secondaire des considérations importantes mais insuffisantes. Je vous le répète Harry, vous passez à côté de l'essentiel. Vous devez devenir fort, c'est acquis et incontestable. Vous avez donc travaillé sur le comment et le quoi. Mais qu'en est-il du pourquoi ?
- Pourquoi ? Répéta le Héro.
- Pourquoi êtes-vous là ? Pourquoi vous battez-vous ? Cela, mon garçon, c'est la vraie question. Vous ne supposez pas je présume que l'univers se résume à des conditions physiques et professionnelles ? Relisez donc Fitz De Graou et demandez-vous à chaque instant ce que sont les choses, et quelle est en fait leur véritable nature ! Il y a une cause à tout ça. Et vous ne m'avez pas donné de réponse satisfaisante.
Harry protesta vivement.
- Je sais exactement pourquoi je me bats au contraire. Je l'ai toujours su depuis le jour où le monde magique a frappé à ma porte, et également à chaque occurrence où Voldemort a montré qu'il menaçait chaque aspect de mon existence et tous les proches que j'avais. Je ne peux pas ignorer pour quelle raison j'ai besoin d'être plus fort. Ces raisons sont mon quotidien, celles qui me donnent la force de me relever et de survivre !
- Et ce faisant vous vous trompez. Trancha le Maître. Vous vous éloignez de votre chemin à chaque bon sang de poulet de jour qui passe !
Il observa quelques instants le visage profondément choqué et hagard de son ancien élève.
- Vous vous trompez. Répéta-t-il avec force. Car vous grandissez dans la mauvaise direction. Vous bâtissez sur un terreau incertain. Et ce faisant, tout l'entraînement du monde sera insuffisant, vous prendra plus qu'il ne vous donnera et disparaîtra voire se muera en une contrepartie négative. Voldemort est le pire de vos adversaires mais il n'est pas celui qui importe. Et j'ai conscience de vous choquer en vous le disant aussi froidement, mais il est important que vous le compreniez.
- Mais…
- Parce que Voldemort est un obstacle, un objectif, mais il ne vous définit pas. Il ne peut pas vous définir. Croyez-vous que cette Guilde soit étrangère au concept de rivalité et de progression en miroir ? Que nenni. C'est l'essence même de son Histoire. Depuis les premiers Héros, depuis Archon même, jusqu'à Blade et Whisper en passant par Dumbledore, Merlin et combien d'autres, les plus grands Héros ont eu un adversaire qui a bouleversé leur vie et les a forcés à s'ériger en force déterminante. Pourtant, tous sans exception avaient compris que cette adversité n'était qu'un versant de leur vie. Si lorsque je vous demande « pourquoi » vous vous battez, vous me répondez Voldemort, c'est que vous fixez l'arbre sans voir la forêt. Si vous me répondez cela, Harry, c'est que vous n'avez pas compris.
- Alors pourquoi ? Pour quoi ?
Le Maître fit un geste las.
- Pour vous ! Vous et vous-même. N'est-ce pas l'évidence ? Parce qu'avoir un adversaire n'est pas la réponse sur le fait savoir pourquoi vous vous battez, pour quoi vous choisissez de lever l'épée. C'est cela qui différencie le Héro, le combattant, d'un simple exécutant. Vous n'êtes pas un mercenaire attendant simplement sa prochaine mission. Vous n'êtes pas une arme que d'autres posent sur un échiquier et utilisent jusqu'à la fin de sa potentialité avant de la jeter. Ces dernières années vous avez compris par vous-même que les opportunités se créent, se provoquent. Mais il faut maintenant que vous aiguisiez davantage votre esprit et moins votre épée. Les convictions, Harry, sont parfois bien plus acérées que les lames.
Il soupira et reprit le ton plus calme qu'on lui connaissait habituellement.
- Voldemort est votre objectif c'est incontestable. Mais arriver l'épée à la main, la baguette frémissante de votre haine, prêt à tout pour l'emporter pourrait être insuffisant. Parce que votre esprit, et votre esprit seul, sont les pièces centrales. Il faut que vous arriviez ce jour-là avec une conviction totale. Non pas d'être le vainqueur, mais surtout de savoir qui vous êtes et pourquoi vous êtes cette personne-là. Jusque-là vous aviez admirablement résisté à ses assauts, et ce parce que vous étiez indomptable. Parce que vous étiez libre de vos choix, et que fort de cette liberté vous refusiez de céder. C'est une force bien au-delà de la compétence martiale. Le problème étant qu'au final vous lui laissez décider.
- Décider ? Répéta Harry avec perplexité. Je lui laisserais décider de quelque chose ? J'ai passé la première partie de ma vie à déjouer ses plans, à m'opposer à lui, à toujours être sur son chemin.
- Oui. Vous le laissez décider pour vous de votre horizon. Bien sur il ignore votre venue ici et sera pris de court en vous revoyant. Mais néanmoins il a décidé pour vous, dès votre tendre enfance, que toutes vos pensées iraient vers lui. Il pollue votre passé, votre présent et votre futur. Et il a déjà gagné car toute votre vie tourne autours de lui. Si vous veniez alors à gagner, vous seriez incapables de rebondir. Vous ne voyez rien après Voldemort parce que durant toute votre vie, depuis que vous avez connaissance de sa menace, vous n'avez pu penser autrement. Vous ne vous voyez aucun avenir radieux après ça puisque vous pensez avoir tout perdu, famille, amis, avenir. Et c'est pour cela que votre entraînement demeure insuffisant. Vos yeux sont sur un futur où vous avez perdu dans tous les cas, quand bien même votre adversaire serait défait.
Et on ne gagne pas avec ça, Harry.
Harry s'assit lentement sur la chaise la plus proche. Chaque phrase qu'il venait d'entendre lui avait coupé le souffle. Quel avenir lui restait-il effectivement…
- C'est une chose fréquente chez les Hommes, Héros ou non, qui ont connu des passés analogues. La guerre a ce genre d'effet sur les survivants. C'est pour cela que je vous exhorte à faire le point de vos réelles convictions et volontés avant d'affronter cet adversaire. Car ces meurtriers vous obsèdent, ils occupent vos pensées et vous vous construisez pour eux au lieu de vous construire pour vous. Vous vous forgez comme une arme destinée à une utilisation unique. Mais vous n'êtes pas une arme, pas plus qu'un objet résumé à son seul but. Vos parents, vos amis, les gens qui vous ont aimé sincèrement, ne sont pas sacrifiés pour que votre vie soit simplement d'exister pour vaincre leur meurtrier. Ils ne veulent pas que vous les vengiez, ils veulent que vous viviez !
Et ces mots étaient d'autant plus durs qu'ils portaient le poids d'une vérité terrible.
- Voldemort n'est pas la fin d'Harry Potter, il n'a pas été son commencement. Si je ne me trompe pas, vous n'êtes pas né comme une arme, ou comme un outil. Vos parents vous ont donné naissance dans l'amour. Ils vous ont choyé et aimé autant qu'ils l'ont pu. Il y a plus, il doit y avoir plus dans ce bébé qu'un futur meurtrier de leur meurtrier. Vous avez un futur à conquérir, à vivre à expérimenter. Quel est-il ? Nous n'en savons rien. Mais vous devez cesser vos projections anticipatoires funestes à ce stade de votre élévation personnelle. Sinon vos propos demeureront de simples élucubrations, et vos objectifs des chimères.
- Quel était selon vous le réel objectif d'Archon lorsqu'il a affronté la Cour ? Pourquoi se battait-il ?
- Hélas nous ne pouvons que faire des hypothèses. Archon voyait probablement au-delà de cet affrontement pourtant décidé depuis des décennies. Il brandissait l'épée pour ne plus avoir à la brandir. Comprenez-vous ? Il s'est battu pour avoir le bonheur ensuite de choisir librement de continuer ou non. C'est un choix si simple, mais pourtant tellement fort. Que voyait-il derrière la Cour, derrière l'Ombre ? Nul ne le saura jamais, mais sa conviction dépassait celle de couper une tête.
Il se perdit un instant dans ses pensées.
- Si votre objectif est de battre Voldemort, que ferez-vous après ? Vous resterez figé, éternellement insatisfait puisque dépourvu de raison de vivre ? Vous chercherez désespérément un autre mage noir à tuer ? Ce n'est pas avoir des convictions, c'est subir. Il est temps que vous affrontiez réellement votre adversaire. Vous y allez, non pas parce que le monde entier l'a décidé pour vous, non pas parce que Voldemort manipule votre vie en la détruisant, non pas parce c'est votre seule voie. Non. Vous y allez parce que vous le voulez, parce que vous le devez, parce qu'il est un frein à votre vie. Vous y allez parce que vous avez l'ambition d'être en paix, d'avoir le choix de décider, parce que vous voulez reconstruire quelque chose de nouveau. Si vous avez cet état d'esprit, alors Voldemort ne pourra décider du combat. Il ne pourra pas vous jeter vos pertes à la tête, pas plus que prendre votre vie en otage. Si vous savez pourquoi vous vous battez, pourquoi votre vie peut et doit exister sans lui, alors votre épée et votre baguette ne failliront pas.
Harry soupira.
- Je n'ai jamais appris à avoir un avenir en réalité. Toute mon enfance j'étais continuellement comparé avec mon cousin et à dissimuler ma réelle identité pour ne pas lui faire de l'ombre. J'ai été juste Harry jusqu'à 11 ans. Et en une seule journée j'apprends que mon passé, mon présent, mon futur, tout me relie au monde de la magie duquel j'ai été chassé par la mort de mes parents. En une seule et unique année, j'avais déjà compris que rien dans mon existence n'empêcherait que je recroise un jour le meurtrier de mes parents. Et ce dernier a ressuscité, repris des forces et coupé les liens que j'avais créés, il m'a enlevé mes amis et famille de cœur, obligeant mon propre directeur a m'envoyer sur un autre plan d'existence pour devenir plus fort.
- Harry, je vous le répète souvent, mais apparemment vous ne l'avez pas encore intégré. Fit le Maître avec sévérité. Ce n'est pas parce que vous n'avez pas appris quelque chose, ou n'avez été confrontés qu'aux mauvaises facettes d'une expérience que cela doit vous définir à vie. Oui le monde vous a jeté dans une guerre que vous n'aviez pas souhaitée, et oui tout semble vous ramener à cette monstruosité qui prend plaisir à votre souffrance. Mais se résigner à cet état de fait n'est pas la solution.
Il se tut quelques secondes, semblant réfléchir à comment il pourrait formuler sa pensée le plus clairement possible.
- Réfléchissons d'une autre façon plus mathématique si vous le voulez bien. Je ne veux que des réponses courtes sans noyer le basson. Vous tirez votre force du souvenir des gens à qui vous tenez et qui tiennent à vous. Correct ?
- Oui mais…
Noyer le basson ?
- Et c'est cet espoir, cette lumière, ce besoin de vous sacrifier pour ces proches qui est votre carburant. Oui ou non ?
- Oui.
- Vous étiez une personne bienveillante et altruiste bien avant de devenir un Héro. C'est votre nature. Vous avez besoin de quelque chose à protéger, une cause à défendre. Vous brillez particulièrement dans les quêtes où vous êtes missionné pour sauver. Oui ou non ?
- Oui.
- Et ce faisant vous êtes un défenseur brillant, celui qui se relèvera toujours et ne fléchira jamais, fut-il contraint par un sort interdit. Ai-je tort ou raison ?
Harry ne répondit pas mais hocha la tête.
- Cette approche c'est vous, c'est votre identité. Vous ne devez pas la cacher ou vous en défaire. Pourtant, remarquez comme cette approche vous coûte. Regardez le revers de la médaille de l'altruisme. Comme vous êtes habitué à défendre, à protéger, à prendre les coups pour épargner la douleur aux autres, l'échec de la perte de vos proches vous coûte considérablement. Vous n'acceptez pas d'avoir perdu ceux que vous aimiez. Vous n'avez plus de force car vous êtes seul. Vous n'avez plus de futur car vous n'avez plus de gens à aimer.
- C'est on ne peut plus factuel.
- Factuel mais incomplet, Héro. Car vous partez du postulat que le nombre de personnes que vous aimez est figé dans le marbre. Or c'est faux.
Il balaya de sa main les environs. Ce jour-là, le soleil resplendissait dans les jardins de la Guilde et le doux bruit de la cascade apportait un apaisement. Une vision enchanteresse.
- Lorsque vous êtes arrivé ici, vous étiez encore frémissant de colère. Il a fallu que je vous pousse dans vos extrémités pour que vous puissiez canaliser cette colère en force. Aujourd'hui que vous avez gagné en âge, il vous faut aller plus loin et dépasser définitivement ça. Ce qui s'est passé est révolu, Harry. Quoi que vous fassiez, il n'en demeure pas moins que vous n'avez plus vos proches et qu'il n'y a rien que vous puissiez faire pour inverser ce processus. Ce qui peut survenir au moment où vous retrouverez votre ennemi n'est pas plus écrit que certain. Qu'est-ce qu'il vous reste en dehors du passé révolu et du futur non écrit ? Le présent. Le concret.
- L'évolution se fait pas à pas, sans sauter d'étapes. Le concret, rien que le concret. Je sais bien tout ça...
- En effet, mais il n'est pas question là de philosophie ou de formules toutes faites. Il y a un temps pour disserter, il y en a d'autres pour agir. Cessez de changer de sujet. Vous n'avancerez pas avec vos formules rhétoriques. Vous n'avez plus de proches ? Créez-en, par Skorm ! Ne voyez-vous pas cette merveilleuse opportunité que vous avez ? Vous êtes en Albion ! Vous êtes loin de tout ce que pourrait vous envoyer ce Voldetort ou je ne sais plus quoi...Vos amis, vos connaissances, et même une famille, rien n'est menacé par cette créature que vous redoutez tant.
Il leva le doigt voyant l'objection dans les yeux de son élève.
- Vous alliez dire quelque chose comme « mes proches seront toujours en danger tant que je serai là », n'est-ce pas ?
Harry détourna le regard d'un air gêné.
- Ne soyez pas arrogant, Harry. Sermonna le Maître. Ce n'est pas à vous de porter le monde sur vos épaules. Vous devez accepter que vos proches ont et auront leur propre combat à mener. Et vous aussi. Personne ne vous demande de faire le dindon de garde devant la porte de Blade ou Whisper. Je doute qu'ils accepteraient de toute façon. Ils sont de taille à se défendre, et comme je vous le dis, loin de tout ce que votre ennemi pourrait leur envoyer.
Le Maître de la Guilde observa Harry avec une intensité perçante, laissant un silence chargé d'attente planer entre eux. Le jeune homme demeura pensif, ses pensées s'agitant dans sa tête, cherchant une réponse qui semblait lui échapper.
« Harry, » reprit le Maître d'une voix calme mais ferme, « depuis que vous êtes arrivé ici, j'ai suivi de près votre parcours. Vous avez progressé de manière remarquable dans l'art du combat, mais vous n'êtes plus un apprenti ou un novice. Vous avez avancé, acquis, compris. Et c'est désormais ce moment dans la vie d'un homme, d'une femme ou d'un poulet, où vous devez véritablement vous demander s'il y a plus en vous que ce que vous montrez. »
Harry releva les yeux, interpellé par le ton du Maître. Il pouvait sentir le poids de son regard, comme s'il scrutait son âme à la recherche de réponses.
« Vous avez une force indéniable, » poursuivit le Maître, « mais elle demeure encore trop guidée par une seule obsession : Voldenort. Vous vous êtes enfermé dans cette quête de vengeance, oubliant que la vie offre bien plus que la lutte contre les ténèbres. »
Harry baissa la tête, ses pensées se bousculant dans sa tête. Il n'avait jamais envisagé sa quête autrement que comme un devoir, une obligation à remplir à tout prix. C'est ce que tout son entourage lui avait inculqué après tout.
« Ce que je veux vous dire, Harry, » reprit le Maître d'un ton plus doux, « c'est qu'il est temps pour vous de regarder au-delà de Voldel'or. Vous êtes ici, en Albion, un endroit où les possibilités sont infinies. La Volonté a son propre emploi du temps, vous le savez, et bien des tableaux de la Salle du Destin demeurent vierges. C'est le signe que vous vous restreignez encore trop. Cessez donc de piétiner en songeant au moment où vous reverrez ce Voldeporc. Quittez cette angoisse du temps paralysante. Vous avez l'opportunité de créer de nouveaux liens, de trouver une raison de vivre en dehors de la vengeance. Sortez de vos fantasmes morbides perpétuels. Il vient un moment où vous devez trouver une raison de vivre pour vous, de vivre dans le présent sans appréhender la vie à travers des jumelles.»
Harry leva les yeux, son regard cherchant celui du Maître. Il sentit une lueur d'espoir naître en lui, une idée qui prenait forme lentement dans son esprit.
« Vous avez raison, » murmura-t-il finalement, sa voix empreinte d'une nouvelle détermination. « Je ne peux pas me contenter de vivre dans le passé, à attendre le prochain affrontement avec Voldemort desespérément. Il est temps pour moi de construire quelque chose de nouveau, quelque chose qui me permettra de trouver la paix et le bonheur, même au-delà de la bataille. »
Le Maître hocha lentement la tête, un léger sourire d'approbation étirant ses lèvres. « C'est cela, Harry. Vous avez tout en vous pour devenir bien plus qu'un simple combattant. Vous êtes un Héros, avec le pouvoir de changer votre propre destin. »
- Sans doute est ce que je me suis perdu en chemin. A trop vouloir progresser, je n'ai pas vécu. C'est tellement triste de se sentir si usé à mon âge.
Le Maître posa une main réconfortante sur l'épaule de Harry. "C'est là tout le drame de ceux qui combattent, mettre leur existence entre parenthèses, survivre plutôt que vivre. Et c'est là que réside le défi, Harry. Dans cette interrogation que tout guerrier se pose un jour : Pourquoi est-ce que je combats ? Pour qui est-ce que je combats. Il vous appartient de chercher cette lumière, même dans les endroits les plus sombres. Cette paix intérieure, si vous l'atteignez, sera j'en suis sûr, une alliée précieuse voire déterminante dans tout votre avenir, Voldecor ou non.
Harry sentit un frisson le parcourir. Peut-être était-il temps de commencer un nouveau chapitre de sa vie, un chapitre où la vengeance ne serait plus sa seule motivation. C'était une pensée intimidante, mais aussi pleine de promesses.
Et puis soudain un souvenir s'imposa, avec une clarté violente. Comme s'il avait attendu ce moment pour réapparaître.
C'était un souvenir d'une époque pourtant récente. Celui de sa première et dernière expérimentation des visions de la lumière verte au sein de la Guilde. Cette étrange personne, Wild, qui avait tenu des propos mystérieux à l'époque mais étonnamment en phase avec ceux du Maître aujourd'hui.
Il pouvait presque entendre sa voix pleine de compassion et d'encouragements.
« Tu vaux mille fois mieux que Voldemort, Harry. Oui je connais ce nom, il m'a été révélé, et cela te prouve que ce dont je parle est sérieux. La manche retour de votre affrontement n'est pas encore écrite, et ton échec non plus. Toutes les personnes de ton passé ne sont pas encore parties, et ta famille renaîtra. Tu ne seras pas le dernier des Potter. »
Cette jeune femme...qui était-elle, que savait-elle exactement ? Ce n'était pas une coïncidence.
"Merci, Maître", murmura-t-il, déterminé. "Je vais y réfléchir."
Le Maître lui adressa un sourire encourageant. "Je suis sûr que vous trouverez votre voie, Harry. Et rappelez-vous, je serai toujours là pour vous guider. Pensez également à voir ce qu'en pensent vos amis. Ce ne sont pas des guerriers novices non plus et leur expérience de la vie vous permettrait de mettre en perspective votre propre parcours."
Il s'avança de quelques pas et récupéra la carte de quête qu'Harry avait prise plus tôt dans la journée.
- Pas de quête aujourd'hui Héro. Les petites contrariétés des marchands des Barrow Fields attendront. Vous avez à réfléchir, à parcourir les chemins par vous-même plutôt que par devoir. Ces derniers temps vous avez fonctionné avec des œillères, faisant vos missions en ne regardant que l'horizon. Il y a pourtant bien des choses à voir sur les côtés du chemin et cette vision en entonnoir vous prive de beaucoup d'enseignements que vous pourriez apprendre en ouvrant les yeux. Voyagez. Découvrez. Pesez et repensez à tout ce que nous venons de dire à tête reposée. C'est une étape beaucoup plus déterminante à ce stade de votre épopée que toute chose que vous pourriez vous voir confier. Ne revenez pas avant un moment.
Il n'y avait rien à répondre à cela.
- Très bien. S'inclina donc Harry avant de se diriger vers la porte.
- Une dernière chose…
Silence. Brisé par une ultime adresse.
- La perte de vos proches était un échec. Pas uniquement le votre, mais un échec. Toutefois, il n'y a qu'un être aigre, amer et haineux comme Voldetort qui peut penser vous abattre avec cet échec. Vous gagnez, ou vous apprenez et progressez. Vous reconstruisez et vous brillez. Cet échec sera votre meilleur enseignement et vous fera vous dépasser. Allez, Héro.
Harry laissa ces mots puissants résonner dans la pièce, leur donnant toute leur valeur pour la sagesse qu'ils transportaient. Puis il salua d'un geste de la tête et quitta la pièce.
Habillé de pied en cap, armes lustrées et baguette prête à l'emploi, il prit la direction de Greatwood presque machinalement, laissant ses pas le porter.
La saison estivale était bien avancée et les terres cultivées résonnaient de cris joyeux ou impérieux, s'interpellant pour les moissons ou pour telle fête à venir.
Ces paysans, ces civils, semblaient heureux de leur petite vie rangée et simple. Une existence de corvées, de labeur épuisant, qui pourtant les faisait rentrer au logis le dos raide mais le sourire aux lèvres prêts à profiter de leur soirée. Ils ne souciaient guère des péripéties de l'Albion ou des luttes intestines, se bornant simplement à veiller sur leur petite maison.
Ce bonheur leur suffit. C'est admirable...
Il s'approcha de l'un d'entre eux, un petit homme rougeaud qui sifflait joyeusement tout en retournant la terre inlassablement.
- Bonjour Monsieur. Dit-il.
- Monsieur ? Répondit le brave homme avec ébahissement. Par Avo, c'est qu'on me donne pas du Monsieur tous les jours. Appelez-moi Sagace.
- Sagace….c'est un beau surnom.
- Eh bien, ma pauvre nourrisse – qu'elle repose en paix la bougresse – avait coutume de dire que j'étais le plus sage de tous les p'tiots qu'elle avait eu à s'occuper. Ça m'est resté.
Harry sourit avec amusement.
- Mais qu'est-ce qui amène un fier et fringant jeune homme sur les routes, dites-moi ? S'enquit Sagace en s'appuyant sur sa bêche. On croise plutôt des soldats ou des voyous. Et vous avez l'air trop honnête pour être l'un ou l'autre.
- Je suis...un voyageur en quête de paix intérieure, on va dire. Fit Harry avec une légère hésitation. J'étais admiratif de la simplicité avec laquelle vous vivez votre vie.
- Ah le travail de la terre c'est une chose qui vous enlève tous vos soucis, mon jeune voyageur. L'esprit ne vous harasse pas avec des choses mauvaises quand on sent l'odeur des semis ou le bois de la houe sur ses paumes. Vous savez jardiner ?
Harry repensa à son enfance, lointaine, à Privet Drive où il avait été habitué très tôt à prendre soin des massifs de fleur de sa tante. Il songea également aux cours de botanique de Poudlard. Sans oublier les conseils sans queue ni tête des clients lui faisant porter leurs pommes.
- Je dirais que oui. Fit-il. Modestement toutefois.
- Alors très bien. Reprit Sagace avec un enthousiasme jovial. Je vous engage. Rien de tel qu'une saison dans les champs pour repartir du bon pied.
Pendant deux semaines, Harry demeura donc avec Sagace à l'aider dans les tâches agricoles. Du matin au soir il laboura, planta, désherba et s'échina à faire pousser les multiples graines et bulbes stockés dans le silo. Une tâche harassante pour laquelle son physique entraîné de Héro ne l'aidait guère.
Chaque soir il tombait comme un sac d'engrais sur sa couche et s'endormait. C'était pourtant une saine fatigue car, comme le brave homme lui avait dit, à aucun moment ses pensées sombres ne firent surface.
Brave homme qui, par ailleurs, semblait aussi imperméable à la morosité qu'une loutre ne l'est à l'eau.
- Vous savez pourquoi je suis tellement heureux ici ? Lui demanda Sagace un soir tandis qu'il tirait une bouffée de tabac aux champignons à l'aide de sa pipe en chardon massif. S'il y a bien une chose que j'ai comprise, c'est qu'il y a un vrai bonheur à voir pousser des fruits et des légumes car c'est la preuve que nous pouvons créer quelque chose de beau au quotidien. Ce sont des petites choses simples, mais à mes yeux ce sont des miracles qu'il faut chérir. Chaque jour est pour moi une découverte merveilleuse. Ce sont ces petites réussites qui me permettent de contrebalancer les aléas de la vie car elles me font me lever chaque matin, joyeux à l'idée que mes plantes ont poussé pendant la nuit. Le soleil me réchauffe et la pluie emporte mes peines, je n'ai pas besoin de superflus.
Il sourit pour lui-même. « Chaque jour, je suis reconnaissant du simple bonheur de vivre un jour de plus. ».
Harry hocha la tête. Il n'y avait à rajouter à ce résumé si pragmatique et pourtant épatant du travail de la terre.
L'espace d'un instant il songea à s'acheter également une petite maison pour vivre loin de tout en paix.
Mais au fond de lui, il sentait que son chemin n'était pas encore arrivé à ce stade. Il reprit donc sa route, non sans avoir promis de repasser au retour et s'être lesté de toutes sortes de victuailles comme les meilleures rillettes qui se puissent concevoir.
Marchant au gré des chemins, sans destination préétablie, le Héro vit le décors se transformer progressivement.
Bientôt les plaines verdoyantes firent place aux collines et montagnes. Un soir, Harry tomba sur une petite maison en bois comme perdue au milieu de nulle part. Craignant un repaire de bandits, il l'observa quelque temps mais n'y vit rien de suspect. De la fumée quittait pourtant la cheminée régulièrement.
Harry décida de s'approcher par curiosité. Le «Bonjour » qui retentit dans son dos manqua de le faire sursauter.
Se tournant vivement, il se retrouva face à un ermite, vieil homme aux cheveux argentés et à la barbe longue, simplement vêtu et dont le visage marqué par le temps et les éléments semblait refléter une sagesse infinie. Un petit air amusé faisait scintiller son regard et illuminait son visage ridé.
Assis sur un rocher proche de sa petite hutte, le vieil homme détourna la tête de son visiteur et se mit à observer la vallée en contrebas avec un calme imperturbable. Les yeux d'Harry se posèrent sur la silhouette imposante de la montagne qui s'élevait devant eux, semblant toucher le ciel lui-même.
"Bonjour, jeune voyageur", répéta l'ermite d'une voix calme et sereine.
"Bonjour", répondit Harry, surpris de trouver quelqu'un dans un endroit si reculé. « Je m'excuse de vous déranger »
- Tu ne me déranges pas, enfant. Répondit paisiblement le vieil homme. Une jeune présence comme la tienne est toujours une bénédiction lorsqu'elle vient pacifiquement. Surtout lorsqu'ils peuvent et veulent apprendre.
- Apprendre ? Qui vous dit que je veux apprendre ? S'enquit Harry.
- Ta voix ne l'a peut être pas dit, mais tout ton langage non-verbal crie pour ceux qui peuvent le déchiffrer. Et il y a tout à apprendre de l'observation et de la contemplation. Fit l'ermite. Il n'est jamais trop tard pour admirer toute la beauté environnante. Surtout lorsqu'on a le bonheur de contempler chaque jour une telle merveille de la nature.
Le sage sentit le regard d'Harry et lui fit signe de s'approcher. Sans un mot, il lui montra la montagne la plus proche du doigt, invitant Harry à contempler sa grandeur et sa beauté. L'atmosphère était empreinte d'une sérénité palpable, et Harry se sentit enveloppé par la tranquillité du lieu.
« Tu sembles perdu, jeune homme », dit-il d'une voix calme et profonde. « Que cherches-tu dans ces montagnes ? »
Harry hésita un instant, puis se lança : « Je cherche des réponses... Des réponses sur la vie, sur ma place dans ce monde. »
Le sage acquiesça lentement, comme s'il comprenait parfaitement le dilemme de Harry.
« La vie est comme un voyage en montagne », commença-t-il. « Parfois, nous nous trouvons au sommet, avec une vue imprenable sur le monde qui s'étend devant nous. Mais parfois, nous nous retrouvons dans les vallées les plus sombres, où même la lumière semble absente. »
Il fit une pause, laissant ses paroles résonner dans l'air pur alentours.
« Mais rappelle-toi ceci, jeune homme : même dans les vallées les plus sombres, il y a toujours une étoile pour nous guider. Il suffit parfois de regarder un peu plus haut, un peu plus loin, pour la trouver. Même dans le plus sombre des états d'esprit, il est toujours possible d'attirer la lumière. »
Harry sentit un frisson lui parcourir l'échine alors que les paroles du sage s'imprégnaient dans son esprit. Ce n'était pas la première fois qu'il entendait des mots semblables dans la bouche d'un vieil homme sage à la longue barbe. Dumbledore était toujours le premier à dire que même dans les moments les plus difficiles, il y avait toujours de l'espoir, toujours une possibilité de trouver sa voie et d'allumer la lumière.
Dumbledore qui avait été un Héro ici. Cette perspective en était presque étourdissante.
« Et qu'en est-il du temps qui passe ? » demanda Harry, curieux. Comment parvient-on à s'enlever cette angoisse perpétuelle de ne pas avoir assez de temps ou d'en avoir trop perdu ?
Il se sentait un peu gêné d'aborder ce sujet avec un homme qui devait avoir au moins 4 fois son âge et semblait avoir absolument tout vu dans sa longue existence.
Le sage sourit pourtant, comme s'il attendait cette question depuis longtemps.
« Le temps est comme le vent, enfant », répondit-il. « Il peut être impétueux et furieux, ou doux et caressant. Son trajet est incertain et inaltérable Mais une chose est certaine : il emporte tout sur son passage, ne laissant derrière lui que les souvenirs de ce qui a été. »
Il désigna les sommets enneigés au loin, où le soleil commençait à décliner lentement.
« Regarde le coucher du soleil, mon jeune ami. Vois-tu comment il embrase chaque pic, chaque vallée, chaque arbre sur son passage ? C'est ainsi que le temps agit sur nous, doucement et inéluctablement, mais pourtant si vaste par son amplitude. »
Un paysage absolument magnifique.
« Le Temps qui passe...c'est le fardeau de toute une existence», dit le sage d'une voix grave mais empreinte de douceur. « Regarde cette montagne. Elle est au-delà de toute construction, elle a préexisté à l'Ancien Royaume et probablement même à l'humanité. Vois-tu ces arbres qui couvrent les flancs de la montagne ? »
Harry acquiesça, ses yeux scrutant les forêts verdoyantes qui parsemaient les pentes escarpées.
« Ces arbres, ils naissent, grandissent, puis finissent par tomber, victimes du temps qui passe. Mais vois-tu ce qui se passe ensuite ? »
Harry secoua la tête, intrigué.
Le sage lui désigna un bosquet en contrebas où de jeunes pousses émergeaient des débris d'un arbre tombé.
« De la mort naît la vie », déclara-t-il. « La chute de ces arbres ne marque pas la fin, mais le commencement d'un nouveau cycle. Car de ces débris naissent de jeunes arbres, plus forts et plus vigoureux que leurs prédécesseurs. Et ainsi va le monde, dans un éternel renouvellement. »
Harry médita sur ces paroles, laissant la sagesse du vieil homme pénétrer son esprit. Il y avait une forme d'apaisement à accepter réellement que tout ce qui semblait sombre et définitif n'était en réalité que le début d'une nouvelle aventure, une opportunité de croissance et de renouveau.
Le sage poursuivit : « Et vois le soleil derrière la montagne ? Nous pouvons aujourd'hui l'admirer dans toute sa gloire. Pourtant autrefois, il y avait ici un chêne gigantesque. Et cet arbre colossal empêchait toute lumière d'atteindre ces terres, plongeant les environs dans l'ombre. Mais maintenant, avec sa chute, le soleil peut enfin éclairer chaque recoin de cette vallée, permettant à la vie de s'épanouir pleinement. Il est parfois nécessaire qu'un obstacle disparaisse pour que la vie réapparaisse sous une autre forme. Rien n'est éternel et même ce que l'on pensait être à l'apogée de la perfection peut et doit parfois chuter pour permettre l'émergence d'autre chose»
Harry sentit une émotion le submerger alors qu'il contemplait les mille nuances d'orange, violet et or du soleil déclinant. Quelle beauté merveilleuse…
« Et tu m'as demandé comment on échappait à la peur de manquer de temps. La réponse est devant toi, enfant. Vois-tu ce faucon là-bas, en train de planer dans le ciel ? », demanda le sage en pointant du doigt l'oiseau majestueux qui tournoyait au-dessus des crêtes rocheuses.
Harry hocha la tête, émerveillé par la grâce de l'oiseau.
« Le temps est comme le vent, mais on n'attrape pas le vent, on le suit. On se joue de lui, on le dompte. Le faucon ne se soucie pas du passé ni de l'avenir », continua le sage. « Il vit dans l'instant présent, en parfaite harmonie avec son environnement. C'est là que réside la vraie liberté, dans la capacité à se libérer des chaînes du passé et des inquiétudes de l'avenir, pour embrasser pleinement le moment présent. Ce n'est pas pour rien que l'homme rêve depuis toujours de savoir voler. Il envie cette liberté que les oiseaux vivent, eux, perpétuellement sans s'en soucier. »
Comment ne pas penser au bonheur qu'il avait ressenti en volant dans ses affrontements de Quidditch. Harry réalisa, non sans un pincement au coeur, que cela faisait bien longtemps qu'il n'avait pas volé.
- L'immensité de ce paysage nous rappelle notre place dans l'univers", continua l'ermite. "Ce qui nous semble insurmontable est minuscule à l'échelle du monde. Nos soucis, nos peines, nos combats prennent une toute autre dimension lorsque nous contemplons la grandeur de la nature qui nous entoure. Veux-tu partager avec moi une tisane d'herbes des bois, pendant que le soleil nous abandonne pour mieux célébrer son retour ?
Harry accepta. Les heures qui suivirent semblaient s'étirer inlassablement dans cet écrin de verdure et de calme, et peu à peur devinrent des jours entiers. Un temps indéfinissable ils demeurèrent perdus dans la contemplation des étoiles ou à l'écoute des sonorités de la nature.
De temps à autre, l'ermite attirait son attention sur tel ou tel aspect du paysage, l'enrichissant de métaphores. Tout semblait propice à l'émerveillement depuis la rivière bruissante capable de prendre une autre direction en cas d'obstacle, jusqu'aux fourmis besogneuses s'appliquant à la construction d'un grand tout sans hésitation.
Ces moments auraient pu demeurer pour toujours, mais la Volonté semblait avoir son propre calendrier car un jour, un invité se présenta à l'orée de la petite cabane.
Quoique moins vieux que l'ermite, il semblait d'un âge déjà plus que mûr. Dans ses cheveux en broussaille, le gris prenait le pas sur le noir corbeau d'origine. Ses yeux mordorés semblaient pleins de douceur et ressortaient particulièrement sur sa tenue d'un vert sombre semblable aux aiguilles de pin.
Il salua Harry de son chapeau décoré d'un bec de mouette sur le devant et prit la parole sur un ton rigolard. Sa voix était curieusement chuintante mais pas désagréable pour autant.
- Bien bien, un visiteur ce me semble. Mes félicitations. Si notre cher hôte ne vous a pas encore dévoré c'est que vous devez être une personne de compagnie agréable. Enchanté de faire votre connaissance.
Il esquissa un sourire amusé devant l'air effrayé d'Harry et celui empli d'une fausse désapprobation de l'ermite.
- Il faudrait songer à se renouveler cher ami. Fit d'ailleurs ce dernier en secouant le doigt. Cette plaisanterie douteuse est éculée par trop d'utilisations.
Il se tourna ensuite vers le plus jeune. « Heureuse rencontre, enfant, car je crois que notre visiteur pourrait te donner son propre point de vue sur bien des sujets sur lesquels nous avons échangés ces derniers jours. Cet homme que voici est un grand voyageur de mes amis, et il a vu bien des choses au gré de ses pérégrinations. Sa sagesse, quoique parfois insolente, serait un apport notable à certaines interrogations que peut être tu conserves. »
Le nouveau venu observa Harry avec plus d'attention. La lueur taquine avait disparu de son regard.
- Un homme encore juvénile en quête de réponses. Décidément vous êtes d'une espèce rare mon jeune ami. Et peut-on savoir ce qui vous turlupine ?
Harry lui fit un rapide résumé des dernières semaines, tandis que l'ermite sortait une nouvelle théière de sa hutte et leur servait sa fameuse tisane.
- Bien bien...vaste programme s'il en est. Fit pensivement le voyageur. Je ne sais pas ce que je pourrais ajouter aux métaphores étincelantes que vous avez apprises ici, mais si vous êtes à la recherche de vous-même j'ai peut-être quelques petites choses à vous faire découvrir. Ce genre de vocation ne doit pas être ignoré. Je me rends à un petit bourg à quelques journées de marche, vous êtes le bienvenu.
Harry acquiesça. Il ignorait ce qu'était ce voyageur, mais la recommandation de l'ermite l'intriguait. Et de toute façon il devait poursuivre sa route.
Les adieux furent brefs mais chargés d'émotion.
"Merci", dit Harry. "Je ne regarderai plus jamais le monde de la même manière. Et vous avez raison en tout point. On peut voler, et s'évader dans l'immensité qui nous est offerte, afin d'être véritablement libre."
- En ce cas, enfant, si tu as compris ça, tu es déjà plus sage que bien des hommes.
L'ermite lui sourit et lui souhaita bon voyage, sachant que le jeune homme avait encore beaucoup à apprendre sur le chemin de la paix et de l'épanouissement personnel.
Suite du voyage prochainement.
clems17
