Quelque part dans un quartier résidentiel de Neo-Tokyo
— Arrête de rire, ce n'est pas drôle, bouda Sakura Haruno, assise en tailleur sur son lit. Elle fusillait du regard son familier, qui se tordait de rire de l'autre côté, la queue battant joyeusement contre les draps.
Les livres n'étaient pas très bavards sur les familiers. On savait seulement qu'ils étaient apparus en même temps que les démons, et les experts — historiens comme scientifiques — s'accordaient à dire qu'ils venaient du même monde. Pourquoi ces créatures choisissaient de se lier à un humain en particulier ? Mystère. Mais une chose était sûre : ce lien était unique, puissant, presque aussi fort que celui entre un maître et son Child.
À la différence des Childs, cependant, les familiers vivaient en permanence dans notre monde et se séparaient rarement de leur partenaire. Ils avaient chacun une apparence et des capacités bien à eux. Le familier de Sakura, Rin, ressemblait à un renard polaire, avec son pelage blanc éclatant, ses oreilles pointues et duveteuses, et sa queue touffue. Pour quelqu'un qui n'avait jamais croisé de familier, Rin aurait pu sembler presque ordinaire. Mais ses yeux... Ces iris dorés, perçants, trahissaient une intelligence bien supérieure à celle de n'importe quel animal. Une intelligence qui, parfois, agaçait profondément Sakura — surtout quand Rin se moquait ouvertement d'elle. Et aujourd'hui ne faisait pas exception.
— Rin ! Tu m'écoutes, oui ?! s'exclama Sakura, la voix pleine d'agacement. Moi qui avais prévu de passer une année normale. Une année tranquille, à me faire des amis, à construire doucement mon avenir. Peut-être même tomber amoureuse d'un garçon gentil, sérieux, avec qui j'aurais partagé mon rêve : intégrer l'école de Médecine. Mais tout ça… tout ce joli projet s'est effondré dès le premier jour ! Et toi, ça t'amuse ?!
Sans attendre de réponse, elle attrapa un coussin sur son lit et le lança de toutes ses forces vers Rin, dont les prunelles dorées pétillaient encore de rire. L'animal esquiva avec une agilité presque insultante et retomba sur ses pattes dans un mouvement gracieux. Rin s'ébroua, essuyant les larmes qui perlaient au coin de ses yeux.
— Désolée, désolée ! gloussa-t-elle en bondissant sur le lit à côté de Sakura. Mais franchement, pour cette fameuse année tranquille, il va peut-être falloir revoir le plan, tu crois pas ?
Elle inspecta la jeune fille avec une lueur d'amusement dans les yeux.
— On peut envisager une teinture, qui sait ? Avec un peu de chance, ils se rappelleront juste de ta couleur de cheveux…
Sakura lâcha un grognement désespéré, enfouissant son visage dans ses mains. Elle bascula en arrière, son dos heurtant le matelas avec un bruit sourd.
— Par contre, niveau garçon gentil, murmura Rin avec un sourire moqueur, je dis pas… Peut-être qu'un héritier richissime est tombé sous le charme ! Coup de foudre au premier regard, tout ça.
— Ha-ha, très drôle, ironisa Sakura, sa voix étouffée par ses mains. Elle attrapa l'une de ses mèches roses du bout des doigts, songeuse.
— La teinture… Ce serait pas si bête, souffla-t-elle à voix haute.
Rin ne perdit pas une seconde, bondissant sur le sol avec enthousiasme.
— Ça suffit de râler ! On va te changer les idées ! Allez, je t'invite au resto pour célébrer ton premier jour au prestigieux Senju Gakuen ! déclara fièrement la renarde en trottinant vers la porte d'entrée.
Sakura tourna la tête dans sa direction, un air blasé collé au visage.
— Avec quel argent, au juste ? demanda-t-elle. Je te rappelle que c'est moi qui paye le loyer ici.
— Oh ça va, ton argent, mon argent… c'est pareil ! On est presque une seule et même personne, non ? bredouilla Rin d'un ton faussement innocent.
Malgré elle, Sakura sentit ses lèvres s'étirer dans un sourire.
— T'es incorrigible… Bon, d'accord. Ça me fera au moins oublier cette journée.
Elle se redressa sur le lit, s'étira longuement avant de fouiller dans son armoire pour choisir un t-shirt et un pantalon confortable. Rin, qui la regardait se changer, remua la queue, ravie.
— Voilà ! Là je retrouve ma petite Sakura ! lança la renarde avec une énergie débordante.
Elle attendit patiemment que Sakura soit prête, puis bondit d'un saut agile sur ses épaules. C'était sa place préférée, juste là, nichée contre la nuque de la jeune fille.
— On y va ! s'écria Rin en pointant une patte en avant.
Sakura éclata de rire.
— Oui, oui, capitaine.
Et elles quittèrent l'appartement, prêtes à affronter les rues animées de la ville.
Quelque part dans le vieux quartier de la ville
-Tu me croiras peut-être pas, mais j'ai attendu ce moment toute la journée ! Itadakimasu !
Naruto attaqua son bol de ramen avec envie, comme s'il n'avait rien mangé depuis une éternité. Depuis qu'il avait ouvert les yeux ce matin, cette promesse de nouilles fumantes et de bouillon parfumé l'avait tenu debout. C'était leur tradition, à lui et Sasuke : clore le jour de la rentrée chez Ichiraku, leur refuge culinaire. Enfin… leur refuge, c'était vite dit. Disons plutôt celui de Naruto. Sasuke, lui, se contentait de suivre, plus par loyauté qu'amour sincère pour les ramens. Mais il devait admettre que ceux d'Ichiraku étaient incomparables, même pour un palais aussi exigeant que le sien.
Ce petit restaurant excentré leur offrait un havre de tranquillité. Ici, loin des visages familiers, ils pouvaient respirer, loin de la pression quotidienne. Avec le temps, ils avaient tissé une relation particulière avec le gérant de l'échoppe, un homme affable qui ajoutait souvent des extras à leurs bols.
— Alors, mon petit Sasuke, ce discours ? lança Ichiraku depuis son comptoir, tout en s'activant sur une nouvelle commande.
Le visage de Sasuke se ferma aussitôt. Son regard devint sombre et l'atmosphère autour de lui se chargea lourdement d'énergie négative, difficile à ignorer. Naruto haussa discrètement les épaules en direction du cuisinier, comme pour lui dire : Laissez tomber, terrain miné.
Ichiraku hocha imperceptiblement la tête et, sans insister, changea de sujet :
— Et votre emploi du temps, alors ? Sympa, au moins ?
Cette fois, ce fut une synchronisation parfaite : les deux garçons eurent le regard lourd, et le silence qui suivit suffit à répondre.
— D'accord, très bien… Peut-être des nouveaux camarades intéressants, alors ? tenta-t-il dans une ultime tentative d'éclaircir l'ambiance.
Naruto haussa les épaules tout en aspirant une longue bouchée de nouilles.
— Vous savez, chez les apprentis, c'est toujours les mêmes. Depuis le bac à sable, on tourne en rond.
Ichiraku soupira et secoua la tête, mais un sourire amusé étira ses lèvres.
— Eh bien, heureusement que vous m'avez, moi, pour varier un peu vos journées !
Naruto éclata de rire, levant son bol comme pour trinquer avec le cuisinier. Sasuke, lui, se contenta d'un petit grognement, mais l'image de la jeune fille aux yeux verts émergea dans son esprit, ce qui lui décrocha un sourire en coin.
- Merci pour ce repas, Nanami-san! Saluèrent en coeur Sakura et Rin, en sortant de leur restaurant favoris, l'Auberge de Nanami.
- Attendez les filles. La cuisinière, joviale et bien en chair, les rattrapa sur le perron. Elle les connaissait depuis qu'elles étaient petites et savait que son petit cadeau leur ferait plaisir.
— Tenez, un petit quelque chose pour la route.
Elle leur tendit un sachet de Pocky, ces fameux batônnets chocolatés dont la jeune fille raffolée. Cette dernière remercia encore une fois la gérante avec son sourire le plus chaleureux.
- Merci beaucoup, Nanami-san. Vous êtes adorable.
La vieille dame posa ses mains sur ses hanches, un éclat de fierté dans le regard.
— Haaaa... ma petite Sakura ! Une fille d'ici qui intègre la Senju ! Si tu savais comme je suis fière ! J'ai encore du mal à le croire.
- Arrêtez Nanami-san, vous allez me faire rougir. Lui répondit l'étudiante dans un rire gêné. Mais la vieille dame n'avait pas dit son dernier mot. S'approchant doucement, elle se pencha à l'oreille de Sakura et chuchota :
- Dis, tu ne voudrais pas sortir avec mon petit-fils ? Il est mignon comme tout, n'est-ce pas ?
Elle désigna d'un geste discret le jeune homme derrière le comptoir, qui baissait les yeux avec un mélange de gêne et d'espoir.
Sakura rougit jusqu'aux oreilles. Elle avait l'habitude des propositions embarrassantes de la gérante, mais cela n'en devenait pas plus facile à gérer. Comme toujours, elle esquiva avec la même réponse :
— Nanami-san, je vous l'ai déjà dit... mon cœur est déjà pris, et ce depuis longtemps.
— Vraiment ? Et où est-il cet homme mystérieux? Tu ne te moquerais pas un peu de moi, par hasard ? demanda la vieille dame avec un regard faussement accusateur. Sakura tenta de se justifier, mais ses explications s'emmêlèrent rapidement dans un chaos de mots sans queue ni tête. Elle battit en retraite, reculant sans réfléchir… jusqu'à ce que son talon dépasse du bord du trottoir.
Tout se passa en une fraction de seconde : elle ferma les yeux en anticipant le choc, mais au lieu de heurter le sol, elle atterrit contre quelque chose de ferme, chaud... et étonnamment humain. Lorsqu'elle ouvrit les yeux, elle tomba sur un visage familier. Deux prunelles sombres la scrutaient, aussi surprises qu'elle. Le major de promo. L'intouchable du lycée. Sakura ne savait pas si elle devait rire ou pleurer devant l'absurdité de la situation. Mais une idée, folle et désespérée, jaillit dans son esprit. Elle croisa brièvement le regard de la gérante, encore postée sur le perron avec une expression curieuse, puis reporta son attention sur Sasuke.
Prenant une grande inspiration, elle lui murmura : Aide-moi. Et, sans attendre sa réponse, elle s'agrippa à son bras.
— Parlez-moi d'une coïncidence ! Vous qui vouliez tant rencontrer celui qui fait battre mon cœur, Nanami-san… le voici !
S'accrochant au bras de Sasuke comme à une bouée de sauvetage, elle força un rire joyeux pour appuyer sa comédie.
— Quoi ? lâcha Sasuke, complètement perdu.
— Rentre dans mon jeu, marmonna-t-elle entre ses dents, un sourire crispé collé au visage. Je t'en supplie. Voyant qu'il ne cédait pas, elle rajouta. Je ferai ce que tu veux, pendant... une journée!
Sasuke haussa un sourcil, l'ombre d'un sourire narquois apparaissant au coin de ses lèvres.
— Une semaine, murmura-t-il à son tour.
Sakura lui lança un regard noir.
— Deux jours ? tenta-t-elle.
— Une semaine. répondit le brun, inflexible. Le sentant en train se défaire de son bras, elle se résigna.
— Très bien, une semaine.
Avec un naturel déconcertant, Sasuke tourna alors son attention vers la gérante et tendit une main chaleureuse.
— Vous devez être Nanami-san. Naruto… Harada, enchanté, j'ai tellement entendu parlé de vous. dit-il, improvisant un sourire charmeur. Merci de prendre soin de ma chère Sakura.
La vieille dame rougit violemment.
— Oh, mais c'est rien du tout ! Enfin, si je m'attendais à rencontrer un garçon si charmant... Vous formez un très beau couple, vraiment.
Sakura se força à rire, mais son sourire était figé.
— Mon cœur, on avait un rendez-vous au cinéma, non ? lâcha-t-elle, espérant mettre fin à cette scène rocambolesque.
Sasuke, sous le choc d'avoir été appelé "Mon coeur", mis quelques secondes à réagir mais le regard insistant de sa camarade le ramena à la réalité.
— Ah… oui. Tout à fait, dit-il enfin, jouant le jeu. On devrait y aller.
Ils s'éloignèrent rapidement, s'inclinant une dernière fois avant de disparaître dans la rue.
Quand ils furent enfin hors de vue, Sakura lâcha le bras de Sasuke et expira bruyamment, comme si elle avait retenu son souffle tout ce temps.
- Ha-ha-ha, je n'en peux plus! Rin s'écroula de rire tapant le sol de ses petites pattes. Sakura la regarda ennuyée.
— Rin... ce n'est pas le moment, grogna la jeune fille, mais la renarde continuait.
- Tu as un familier ? demanda le brun, qui s'était accroupi pour observer l'animal, ce qui surpris l'étudiante, qui pensait qu'il allait lui faire une leçon sur comment il n'était pas adéquate pour une civile de se servir d'un apprenti de la sorte. Il semblerait qu'il soit déjà passer à autre chose. Avec un peu de chance, il aurait aussi oublié qu'elle lui avait promis une semaine de service.
- Oui. Sasuke, je te présente, Rin, qui comme tu le vois, est toujours d'un grand soutien. Ironisa Sakura.
- C'était incroyable ! Le timing parfait ! La chute, le beau gosse du lycée, le "mon cœur"… !
Le lycéen se releva lentement, et lança d'un sourire narquois: " Le beau gosse du lycée, hein ?"
Sakura plaça ses mains sur son visage, mortifiée, alors que Rin éclatait de rire une fois de plus. La voix de Naruto résonna soudain dans la rue :
- Hey Sas'ke! Je croyais que t'étais parti sans moi! Lança-t-il à son ami en lui passant le bras autour du cou.
Ce n'est qu'à cet instant qu'il remarqua la jeune fille, assise sur le trottoir, le tête dans les mains, à côté d'un renard qui se bidonnait sur le goudron.
- Euh... tu m'expliques ce qui se passe là ? demanda-t-il interloqué.
Sakura se redressa, essayant de garder une certaine contenance.
- Naruto! Ravie de te revoir. Je te présente mon familier, Rin! Souria-t-elle.
- Wow ! Un familier qui parle, je crois que c'est la première fois que j'en croise un! s'extasia le blond en s'accroupissant au niveau de la renarde. Il lui tendit la main pour se présenter. Naruto Uzumaki, enchanté Rin! Cette dernière se calma et tendit sa patte pour que le jeune homme la serre. Enchantée Naruto Uzumaki. répondit promptement le familier.
- Et bien, nous qui choisissions ce quartier pour ne croiser personne du lycée, c'est raté je crois. souffla le jeune homme en se relevant. Il regarda son ami, qui n'avait pas dit un mot depuis qu'il l'avait rejoint. Bon, tant qu'on est là, ça te dit d'aller prendre le dessert avec nous ? proposa le blond. Sasuke le regarda, surpris par sa proposition, mais ne s'y opposa pas.
Sakura s'apprêtait à refuser poliment, estimant qu'elle avait eu son lot d'émotion pour la soirée, mais c'était sans compter sur le goût prononcé pour le sucre de son familier qui reprit sa position favorite sur ses épaules et accepta pour elles deux. Avec plaisir! lança-t-elle joyeusement. Je connais un petit café pas loin qui fait les meilleurs mochis de la région, vous m'en direz des nouvelles. C'est moi qui invite ! ajouta-t-elle plein d'entrain. Sakura ne put s'empêcher de lever les yeux au ciel, pendant que la renarde lui expliquait comment se rendre au café, suivie des deux lycéens.
- Depuis quand les familiers ont de l'argent ? demanda doucement le blond à son meilleur ami.
- Jamais. Commenta le brun amusé.
— Mon cœur !? Naruto éclata de rire. Sasuke, "mon cœur" ! C'était trop pour lui, il se tordait de rire. C'est la meilleure de l'année, ça ! Attends que je raconte ça à Kiba !
Lui et Rin ne s'arrêtaient plus, se moquant sans relâche, pendant que Sakura et Sasuke tentaient désespérément de passer un moment tranquille. Sakura, à bout de nerfs, s'approcha brusquement de Naruto. Elle le fixa droit dans les yeux avec une intensité telle qu'il s'arrêta immédiatement. Son sourire, habituellement si doux, se transforma en une expression glaciale, presque menaçante.
— Si j'entends parler de cette soirée, même d'un seul petit détail, je saurai que ça vient de toi, Naruto. Elle brisa d'un seul coup les baguettes qu'elle tenait dans ses mains, l'air de rien.
Naruto, pris de panique, chercha du soutien chez Sasuke, mais ce dernier semblait totalement absorbé par son dessert, indifférent à la situation. Naruto se tourna alors vers Sakura, sa gorge soudainement sèche.
— Ai-je été assez claire ? demanda-t-elle, cette fois écrasant une canette vide entre ses mains.
Le blond déglutit, un petit frisson courant le long de son dos, et hocha vivement la tête.
— Bien. Le sujet est clos. Sakura se détendit enfin et engloutit son dernier mochi avec une satisfaction tranquille. Elle jeta un coup d'œil à l'heure : la soirée était déjà bien avancée. Puis, elle tourna son regard vers Rin, qui comprit aussitôt le message et sauta sur son épaule, prête à repartir.
Elles se levèrent, les garçons suivant le mouvement, conscients que la soirée touchait à sa fin. Une fois dehors, sur le trottoir, Sakura s'inclina en direction de leurs compagnons.
— Messieurs, merci pour l'invitation !
— C'était délicieux, merci ! ajouta Rin, avec un sourire.
— Y'a pas de quoi ! Rentrez bien ! répondit Naruto en agitant la main.
Les deux groupes prirent des directions opposées, se séparant dans la nuit.
— Elle est terrifiante, cette fille ! Naruto frissonna en marchant aux côtés de Sasuke.
Ce dernier, cependant, ne put s'empêcher de sourire, un léger éclat dans les yeux.
Un mois s'était écoulé depuis la rentrée, et le campus commençait doucement à se draper dans les teintes chaudes de l'automne. Les journées raccourcissaient, une brise fraîche s'insinuait entre les branches des arbres, emportant avec elle les premières feuilles dorées. Sakura, de son côté, s'était progressivement adaptée au rythme effréné de la Senju Gakuen. Si les débuts avaient été marqués par des maladresses et des tensions avec ses camarades, les choses s'étaient apaisées. Ses faux pas du premier jour semblaient désormais oubliés, et sa position dans le top cinq des deuxièmes années n'y était sûrement pas étrangère. Ce classement imposait le respect, et il n'était pas rare qu'un élève vienne timidement lui poser des questions sur une leçon, entre deux cours.
À l'heure du déjeuner, elle recroisait parfois Lee, seul ou en compagnie de sa coéquipière. Bien que l'intérêt du jeune homme pour elle ne se soit pas estompé, il restait courtois et n'essayait jamais de forcer sa présence. Sakura appréciait leurs discussions. Il lui semblait que Lee était, à ce jour, la personne avec qui elle partageait le plus de points communs sur le campus. Tous deux venaient d'un milieu modeste, bien qu'ils n'appartiennent pas à la même section.
En dehors de Lee, les apprentis se faisaient rares dans son quotidien. Leur emploi du temps rigoureux les confinait souvent dans le sud du campus, une zone qu'elle fréquentait peu. Naruto, cependant, parvenait à se démarquer. Elle l'apercevait parfois de loin, courant dans tous les sens, visiblement toujours en retard. Malgré tout, il prenait le temps de lui adresser un salut enthousiaste, même si cela signifiait perdre encore du temps. Ce simple geste suffisait à égayer ses journées, lui apportant une chaleur inattendue.
En revanche, aucune trace du major de promotion. Cette absence ne lui pesait pas. Bien au contraire, elle y voyait une bénédiction. Sakura préférait concentrer ses efforts sur les relations, encore fragiles, qu'elle avait réussi à bâtir avec les filles de sa classe. Et elle n'oubliait pas qu'elle lui devait une semaine à son service. Tant qu'elle ne croisait pas Sasuke, il ne pouvait pas réclamer son dû — une pensée qui, chaque jour, lui arrachait un soupir de soulagement.
La journée s'acheva, comme tous les lundis, par le cours de mathématiques de Kakashi Hatake. Sakura avait appris de ses camarades qu'il avait autrefois appartenu à la Garde. Une légende vivante, disaient certains, bien que marquée par une tragédie : un incident avec son équipe, dont il était le seul survivant, l'avait laissé incapable d'invoquer son Child. Depuis, il s'était tourné vers l'enseignement, partageant son expérience du terrain avec les apprentis de la Senju tout en transmettant aux civils une passion inattendue pour les mathématiques.
Le quatrième coup du gong retentit, la cloche résonnant à travers tout le campus. Seize heures. Fin de journée pour les civils. Sakura, déjà en train de ranger ses affaires, accéléra le mouvement. Pas question de traîner aujourd'hui. Elle reprenait son poste au café, un job étudiant qu'elle avait décroché deux ans plus tôt. Le patron lui avait généreusement accordé un mois de congé pour qu'elle démarre l'année sans pression, mais un deuxième mois sans salaire était hors de question.
Elle salua Yui, sa voisine de classe depuis le premier jour, avant de se précipiter hors de la salle. En quelques minutes, elle avait atteint l'arrêt de l'Aerotram et grimpait à bord du premier véhicule en direction de chez elle. Quarante minutes plus tard, elle poussait la porte de son appartement avec énergie, envoyant valser son sac sur son lit. Le bruit réveilla Rin, sa renarde, qui émergea de sa sieste, l'air grognon.
— Sérieusement, tu pourrais arriver plus doucement, grogna le familier, bien qu'elle se leva pour tendre à Sakura son uniforme soigneusement préparé. La chemise blanche, ajustée juste ce qu'il fallait pour flatter sa silhouette sans être déplacée, le pantalon noir ample qui laissait une bonne liberté de mouvement, et une paire de baskets noires pratiques : l'ensemble l'attendait sur un cintre. Sakura attrapa ses vêtements et s'habilla en un temps record. Une fois prête, elle saisit une pomme qu'elle coinça entre ses dents, lança un regard entendu à Rin. La renarde sauta agilement sur ses épaules, sa place attitrée, tandis que Sakura dévalait les escaliers de son immeuble, prête à enchaîner une soirée de travail.
Elle arriva au café avec dix minutes d'avance, une habitude qu'elle avait prise pour se préparer mentalement avant l'effervescence du service du soir. Situé à la lisière du quartier des affaires, l'établissement était un carrefour animé où salarymen fatigués et étudiants pressés se croisaient dans un ballet quotidien. La soirée promettait d'être intense : c'était toujours le créneau le plus chargé, mais aussi celui qui garantissait les meilleurs pourboires.
Elle poussa la porte de la cuisine, saluant d'un sourire son patron, qui lui répondit avec chaleur.
— Sakura ! Ca me fait plaisir de te revoir ? Comment s'est passé ta rentrée ?
Elle répondit avec aisance, échangeant quelques banalités avant de s'éclipser vers le vestiaire.
Une fois là, elle enfila son tablier noir et l'ajusta avec soin. Quand elle revint dans la salle, la lumière tamisée baignait déjà l'espace d'une atmosphère accueillante, et les premières tables commençaient à se remplir. Elle salua d'un geste amical la nouvelle barista postée derrière le comptoir, puis s'empara d'un plateau avant de rejoindre le service. Rin, fidèle à ses habitudes, trottina tranquillement jusqu'au coin de la vitrine où un coussin moelleux l'attendait. La renarde s'y installa avec un soupir satisfait, observant d'un œil curieux l'agitation qui montait peu à peu dans la salle.
Un peu plus loin dans le quartier des affaires
— Une mission à 21 heures, un lundi soir… Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça ? grommela Naruto en étouffant un bâillement.
Appuyé contre un lampadaire dans le quartier des affaires, il attendait, posté au pied de l'imposant complexe Nara. L'uniforme blanc d'étudiant avait laissé place à une tenue entièrement noire, pensée pour se fondre dans l'obscurité. Une veste au col montant moulait ses épaules, et sur sa manche droite, le "G" de la Garde brillait discrètement sous la lumière des néons. Les badges accrochés au niveau de sa poitrine trahissaient son statut : malgré son jeune âge, il était déjà l'un des éléments les plus prometteurs de son unité.
Il releva la tête en entendant le grondement familier d'un moteur. Sasuke Uchiha fit son apparition quelques secondes plus tard, garé avec une précision impeccable. Le brun coupa le moteur de sa moto, descendit avec agilité, et retira son casque d'un geste fluide.
— Désolé pour le retard, grogna-t-il en secouant ses cheveux décoiffés. Mon père s'est éternisé avec ses fichus exercices.
Naruto haussa les épaules en guise de réponse, étouffant un autre bâillement. Sasuke, dans son uniforme identique au sien, portait néanmoins des barrettes supplémentaires sur l'épaule gauche, signe de son grade supérieur.
— Alors, c'est quoi cette mission ? demanda finalement le blond, curieux.
Le brun tapota sa montre, et un hologramme s'échappa du cadran, projetant une carte tridimensionnelle de la ville entre eux. Sasuke zooma sur un secteur en particulier, où plusieurs zones rouges scintillaient d'un éclat inquiétant.
— Des démons de niveau 1 ont été repérés ici, expliqua-t-il avec un sérieux froid. Pour l'instant, aucun dégât majeur, mais si on traîne, il pourrait y avoir des victimes civiles.
Il effleura à nouveau l'écran holographique, et la carte disparut. D'un geste synchronisé, les deux jeunes hommes enfilèrent leurs casques et montèrent sur leurs motos. Avant de démarrer, Sasuke se retourna pour vérifier que son coéquipier était prêt. Naruto lui adressa un signe de la main, le moteur grondant sous lui. Sasuke esquissa un hochement de tête et s'élança dans la nuit, avec Naruto sur ses talons.
De retour au café
Comme chaque soir, le café baissait son rideau à 20h30. La dernière cliente partie, il ne restait plus que Sakura et Rin pour s'occuper du ménage. La jeune barista avait terminé son service à 20h, laissant le duo régler les dernières corvées. Rin, limitée par sa taille et son physique, s'appliquait à essuyer les tables pendant que Sakura passait le balai et la serpillière avec énergie. Alors qu'elle s'activait, son patron sortit de la cuisine, sa veste enfilée à la hâte.
— Sakura, j'ai promis à ma femme d'être à la maison pour 21 heures. C'est notre anniversaire de mariage… et je suis déjà en retard. Tu pourrais t'occuper des poubelles pour moi, s'il te plaît ? demanda-t-il avec un sourire désolé.
— Bien sûr, Ichijo-san ! répondit-elle avec son habituel sourire chaleureux. Soulagé, il la remercia avant de disparaître par la porte de service. Sakura échangea un regard complice avec Rin, qui bondit sur le comptoir pour rejoindre l'étagère au-dessus de la machine à café, là où trônait l'enceinte Bluetooth. Avec une habitude bien rodée, elle connecta le téléphone de sa partenaire et lança leur playlist favorite. L'ambiance se métamorphosa instantanément. Portées par la musique, elles continuèrent le ménage, chantant à pleins poumons et improvisant des chorégraphies plus ou moins réussies.
Peu après 21h, elles avaient terminé. Sakura rangea le matériel pendant que Rin s'éclipsait chercher leurs affaires. Une fois le tablier accroché, la jeune fille s'avança vers l'arrière du café, une poubelle dans chaque main. La ruelle sombre qui servait de dépôt aux déchets n'était pas un endroit qu'elle appréciait. Les lampadaires y fonctionnaient rarement, et ce soir encore, la rue baignait dans l'obscurité, un brouillard épais se levant des extracteurs des restaurants voisins.
En refermant la benne, un râle sourd lui parvint depuis l'ombre. Elle se figea, son cœur s'accélérant brutalement.
— Il y a quelqu'un ? lança-t-elle, hésitante.
Le silence sembla s'épaissir avant qu'une voix cassée ne murmure :
— Sa…ku…ra…
Elle se tourna d'un coup, horrifiée de découvrir son patron, Ichijo-san, affalé contre le mur de briques. Son bras pendait à un angle anormal, et un filet de sang épais coulait jusqu'au sol.
— Mon dieu, Ichijo-san ! s'écria-t-elle en se précipitant vers lui. Elle se baissa pour examiner la blessure et blanchit en voyant un os saillir de la plaie ouverte.
— Qu'est-ce qui s'est passé ?!
Avant qu'il ne puisse répondre, ses yeux se révulsèrent, et un frisson glacé parcourut Sakura. Derrière elle, une ombre se mouvait dans la nuit.
— Sakura ! Baisse-toi !
La voix de Rin la fit réagir à l'instant même où une masse noire surgissait de l'obscurité. Elle s'accroupit d'un mouvement rapide, juste à temps pour voir sa renarde bondir par-dessus sa tête et attaquer une créature grotesque, quatre fois plus grosse que la renarde.
— Rin ! hurla Sakura, tétanisée. Les bruits du combat emplirent la ruelle : grognements, griffes raclant le sol, rugissements déchirants. Mais bientôt, elle vit son familier en difficulté, plaquée au sol sous une patte monstrueuse. Les crocs du démon s'abaissaient dangereusement vers le cou de Rin.
Un cri de rage explosa en elle. Ignorant sa peur, Sakura saisit un tuyau métallique abandonné et fonça. D'un coup puissant, elle frappa la créature à la tête, la forçant à lâcher sa prise. Rin bondit dans ses bras, tremblante mais vivante.
— Ne refais jamais ça, espèce d'idiote ! gémit Sakura, enfouissant son visage dans le pelage blanc de son amie. Rin répondit en frottant doucement son front contre sa joue, mais son corps restait tendu.
Un instinct primal envahit Sakura, et elle releva les yeux. Le démon se redressait déjà, ses griffes raclant le béton. Une nouvelle fois, il chargea.
— Sakura ! cria Rin.
Elle n'eut pas le temps de réfléchir. Tétanisée, elle se plaça instinctivement devant son familier, croisant les bras pour se protéger. Elle ferma les yeux, attendant l'impact. Un bruit sourd résonna dans la ruelle. Mais aucune douleur ne vint. Quand elle ouvrit les yeux, un champ de force rouge orangé l'entourait, vibrant d'une énergie intense. Le démon gisait au sol, la nuque brisée contre un mur fissuré. Sakura laissa retomber ses bras, brisant la barrière. Vidée, elle s'écroula, les larmes dévalant ses joues.
— Tu as vu ce que j'ai vu ? demanda une voix, incrédule.
Sakura tourna la tête et distingua deux silhouettes familières dans la lumière vacillante : Naruto Uzumaki et Sasuke Uchiha, les yeux écarquillés, aussi abasourdis qu'elle. Ce fut le chef d'équipe qui brisa le silence en premier. Sasuke s'avança prudemment vers le démon, dégaina son katana et enfonça la pointe dans le corps inerte de la bête. La lame glissa sans rencontrer de résistance.
— Mort, annonça-t-il d'une voix basse, autant pour Naruto que pour lui-même, comme s'il avait besoin de se convaincre.
Les deux jeunes hommes se tournèrent vers Sakura, toujours prostrée, ses épaules secouées de sanglots. Sasuke s'approcha et s'accroupit devant elle, son regard grave cherchant celui de la jeune fille.
— Haruno. Son ton était sec, presque brusque, mais elle releva la tête à l'entente de son nom. Ses yeux embués de larmes rencontrèrent les siens, émeraudes troublés, brisés, si différents de la détermination qu'il avait pris l'habitude d'y voir. Sasuke déglutit, une pointe d'hésitation dans la voix avant de la rendre plus douce.
— C'est fini. Le démon est mort. Toi et Rin, vous êtes hors de danger maintenant.
Il observa son souffle se réguler, ses épaules perdre leur tension. La lucidité revint peu à peu dans son regard. Mais à peine retrouva-t-elle son calme qu'elle s'anima d'un bond.
— Ichijo-san !
Elle se leva précipitamment et courut vers le fond de la ruelle où son patron gisait, inconscient.
— Sasuke ! Naruto ! cria-t-elle avec une urgence désespérée.
Les apprentis accoururent aussitôt, suivant son regard horrifié. Ils réalisèrent alors qu'ils étaient arrivés trop tard pour empêcher une victime.
— Il faut l'emmener à l'hôpital, maintenant ! Il a perdu tellement de sang… Et son bras… son bras a été... déchiqueté, balbutia-t-elle, sa voix tremblante d'émotion.
— Je m'en charge, répondit Naruto, déjà en train de sortir son téléphone.
Il composa un numéro d'urgence, et en moins de trente secondes, une ambulance fit son apparition, surgissant de l'entrée d'un tunnel proche. C'était l'une des merveilles du réseau souterrain développé par Tsunade Senju : des véhicules médicaux autonomes sillonnant constamment la ville, prêts à intervenir en un instant. Sasuke et Naruto soulevèrent Ichijo-san avec précaution et le placèrent dans l'ambulance, où une série de scanners s'activa automatiquement. Les premiers soins furent administrés par des bras robotiques, minutieux et précis, tandis que le véhicule repartait déjà, s'engouffrant dans le réseau souterrain en direction de la clinique la plus proche. Sakura resta immobile, les yeux fixant l'arrière de l'ambulance jusqu'à ce qu'elle disparaisse. Rin vint se blottir contre elle, son pelage réconfortant contre ses jambes tremblantes.
— On va faire comme si on n'avait pas vu qu'elle venait de balancer un démon avec un champ de force, ou bien… ? marmonna Naruto à l'intention de Sasuke, sa voix pleine de perplexité. Sasuke lui lança un regard en coin, le visage impassible. Il n'avait pas de réponse, pas vraiment. C'était difficile de savoir comment aborder la situation avec Sakura. Elle était clairement bouleversée, encore sous le choc de ce qui venait de se passer, mais eux deux n'avaient pas rêvé : elle avait effectivement activé un champ de force assez puissant pour briser la nuque d'un démon. La pensée même lui fit froncer les sourcils. Il se gratta la tête, un geste qu'il faisait souvent lorsqu'il se retrouvait dans une situation délicate. En tant que chef d'équipe, c'était à lui de prendre la parole, il le savait, mais en cet instant, il regrettait de porter cette responsabilité. Parfois, être le plus gradé des deux n'avait rien de glorieux. Il s'approcha de la jeune fille, qui parvenait lentement à reprendre le contrôle de ses émotions. Elle avait les yeux embués, mais son souffle se calmait peu à peu.
— Haruno, dit-il d'une voix plus douce que ce qu'il aurait voulu. Tu vas devoir nous accompagner.
Elle le regarda alors, un éclat d'inquiétude traversant ses yeux. Sasuke ne s'y attendait pas, mais il sentit un léger malaise s'emparer de lui. Il ne voulait pas l'admettre, mais c'était plus perturbant qu'il ne l'aurait cru.
— Je... Il toussota, tenta de reprendre contenance. On ne peut pas faire comme si on n'avait rien vu. Ce que tu as fait, là… tu as clairement déclenché une aptitude. On doit suivre la procédure.
Elle l'écouta en silence, mais ses yeux s'étaient baissés vers ses bras, comme pour chercher des réponses dans les traces invisibles de l'énergie qu'elle avait libérée. Son esprit tourbillonnait. Un flot de pensées envahit son cerveau, et tous les scénarios qu'elle avait imaginés pour son avenir se brisèrent en un instant, éclatant en mille morceaux.
— Je vais devoir intégrer la Garde, c'est ça ? demanda-t-elle d'une voix calme, presque trop calme.
Naruto posa alors une main réconfortante sur son épaule. Elle tourna légèrement la tête, et il les vit. Les larmes, silencieuses, recommençaient à couler, traçant des sillons humides sur ses joues.
— Je suis désolé, Sakura, souffla-t-il avec une sincérité qu'il ne cherchait pas à dissimuler.
