Le stress était à la fois le meilleur ami et le pire ennemi de Derek Hale dans la mesure où il le maintenait alerte la plupart du temps, tout en l'empêchant de dormir alors qu'il en avait diablement besoin. Trois heures du matin, et il était toujours réveillé, à se tourner et se retourner dans son lit, guettant la moindre notification qui pouvait apparaître sur son écran. Il n'attendait pas de petits bruits ou de vibrations: l'ancien alpha avait mis son téléphone en silencieux. Autrement, le bruit qu'il pouvait faire l'angoissait – c'était en tout cas le cas ces derniers temps. Il était dans une période où… Il avait la malchance de voir sa sensibilité exacerbée à un point tel qu'elle en était parfois difficilement supportable. En somme, un son tel que celui que pouvait produire un téléphone avait la capacité d'accroître son stress si rapidement qu'il avait du mal à l'accepter. Mais ça, personne ne le savait: il n'en parlait pas.
Et personne n'y croirait, de toute façon.
Parce que c'était ridicule: Derek Hale, dans la croyance populaire de son entourage, ne pouvait pas être dérangé à ce point-là par de pauvres notifications sonores. Ou alors, seulement parce que son ouïe surnaturelle rendait chaque son de ce genre fort agaçant.
Mais jamais on ne se douterait de tout le stress qu'il enfouissait en lui.
Alors, lorsque son écran se ralluma dans la nuit pour lui faire parvenir un message, une réponse à ce qu'il avait demandé, il s'en saisit rapidement dans un geste presque tremblant. S'occuper lorsqu'il avait une insomnie, c'était primordial.
Et savoir qu'il n'était pas le seul à être réveillé à cette heure-ci, ça le rassurait. Peut-être que Stiles ne l'était pas naturellement, certes, parce qu'il avait eu la bonne idée de garder le son de son cellulaire activé… Mais le résultat était là: cette nuit, Derek n'était en quelque sorte pas seul. Il avait de la compagnie par intermittence.
Stiles lui écrivait qu'il allait recevoir d'ici quelques instants un email concernant le fruit de ses recherches et qu'il lui faudrait sans doute, pour y accéder, avoir recours à son Mac. Dans un message plein de sarcasme, Stiles lui souhaitait d'excellentes recherches. Derek soupira. L'hyperactif lui en voulait et le lui faisait comprendre à sa manière. Il était facile de décrypter sa façon de parler même s'il ne le connaissait, au final, pas si bien que cela.
Enfin, au final ce n'était pas bien grave puisqu'il n'aurait pas besoin de partir au manoir pour y chercher son ordinateur. Ses mails, il pouvait les consulter depuis son téléphone grâce à une application lambda que la plupart des gens utilisait. Derek l'avait installée il y a peu, dans un désir singulier d'apprivoiser son téléphone et d'y trouver une utilité plus large que celle qu'il imaginait au départ. De même, il ne voulait pas avoir besoin de ressortir sans arrêt cet appareil dernier cri auquel il ne comprenait pas grand-chose. Son téléphone, ça allait: il était plutôt simple d'utilisation et aisé à prendre en main pour un débutant comme lui.
Et comme il aimait beaucoup rabattre le caquet de Stiles, il se fit un plaisir de lui répondre qu'il n'aurait pas à se déplacer pour un détail aussi insignifiant – il tourna la chose en ces termes pour mieux appuyer dessus. Par contre, avant de consulter ses mails, il prit le temps de le remercier. S'il se sentait effectivement un peu désolé de lui avoir demandé ça la nuit – et qu'il se soit senti obligé de répondre à sa demande –, il n'allait pas se priver pour profiter de la distraction que cela lui offrait. Ainsi, il prit son temps pour parcourir le résultat de ses recherches. C'était, bien évidemment, quelque chose qui allait lui servir et s'il était plus à l'aise avec internet, il aurait bien évidemment fait tout ça lui-même. Il savait que le jeune homme avait l'impression qu'on le prenait pour un larbin, ainsi… Mais ce n'était pas de cette façon que le voyait Derek. Stiles était tout simplement quelqu'un d'extrêmement disponible qui pouvait se montrer diablement efficace lorsqu'il le voulait. Il suffisait qu'il veuille rendre service ou que le sujet des recherches qui lui étaient demandées l'intéressent. Ensuite, la magie opérait.
Et elle opéra.
Parce que Derek savait quoi faire de ces informations. Car, bien que baignant dans le surnaturel depuis sa naissance, il ne connaissait pas tout de ce monde, bien au contraire. Il était incollable sur son espèce, mais pas sur les autres et… Tout ce qu'il savait faire, c'était chercher les informations dont il avait besoin dans des livres. Sauf que ça prenait du temps et de la place. Et même si Derek avait désespérément besoin de distraction, il gardait quand même à l'esprit l'idée qu'il valait mieux que quelqu'un de plus efficace que lui s'en charge. D'autant plus qu'internet, ce n'était pas son truc. Il apprivoisait doucement son téléphone, certes, mais c'était déjà beaucoup et… Il avait, dans un sens, un peu honte de ses lacunes. Même Peter savait mieux se débrouiller que lui dans ce domaine.
Les doigts de l'ancien alpha se crispèrent sur l'écran de son téléphone. Pour lui, il était toujours aussi difficile d'accepter que cet homme s'en sorte si bien. Peter avait… Tout, si l'on y réfléchissait bien. Une fille, une meute, des gens prêts à le protéger même s'ils le savaient particulier. Il s'était facilement adapté à cette existence nouvelle, y coulait des jours plus ou moins heureux – cette vie-là ne pourrait jamais effacer la précédente malgré tout. Mais elle l'aidait.
Derek aurait bien aimé avoir la même chance ou, tout simplement… Vivre tranquillement.
Il y avait une autre raison au fait qu'il avait demandé à Stiles de faire ces recherches-là à sa place. Outre le temps monstrueux que cela lui prendrait d'éplucher chaque bouquin qu'il avait dans sa bibliothèque, il était également question de bruit. Car Derek aurait beau se montrer aussi discret que possible, il ferait du bruit. Peut-être pas beaucoup, mais suffisamment pour déranger le sommeil de son oncle, lequel supportait mal, les… Nuisances, qu'importe leur type. Et Derek n'avait pas la moindre envie d'exacerber la colère qu'il savait immortelle chez lui.
Car Peter avait beau se donner un genre calme et posé, il gardait en son moi le plus profond une ire que rien ne semblait pouvoir calmer et qu'il laissait s'exprimer une fois le loft vide de tout autre occupant de la meute qu'eux. C'était simple: il se passait toujours quelque chose dans l'obscurité, lorsque Derek se retrouvait seul avec lui. Quelque chose de violent.
C'était là où Derek s'estimait heureux de ne pas être de la même espèce que Stiles car il savait que si tel était le cas, il serait sans doute mort depuis longtemps déjà. Aucun corps humain ne pourrait supporter ce qu'il endurait quotidiennement. Dire qu'il n'en portait pas la moindre marque… Rien, pas une seule trace de coup. Les bleus, il avait parfois l'impression de les imaginer.
Et d'autres fois, il y croyait réellement.
Derek continua sa lecture durant de longues minutes, ignorant la pression invisible qui s'exerçait sur ses paupières, lesquelles se faisaient toujours plus lourdes… Si bien qu'il ne sut pas à quel moment il ferma les yeux, mais le fait est que la fatigue finit par l'emporter sans lui laisser l'opportunité d'éteindre son téléphone.
