Comme le prologue est court, je me suis dit que vous mettre le 1er chapitre pourrait vous mettre l'eau à la bouche

Au programme : une rencontre, celle de toute une vie. mais je ne vous en dit pas plus

Enjoy


Chapitre 1: la rencontre:

Le restaurant Le Déducteur ne ressemblait à aucun autre à Londres. Sobre, presque austère, il se fondait dans l'ombre des rues discrètes de Soho. Aucune enseigne criarde, aucun menu affiché à l'extérieur. Seuls ceux qui devaient le trouver y entraient.

Et ce soir-là, John Watson devait y être.

Il poussa la porte, intrigué. L'intérieur était élégant sans être ostentatoire : des murs sombres, des lumières tamisées, et surtout, une cuisine ouverte où un homme en tablier noir se tenait, les bras croisés, les yeux déjà braqués sur lui.

Sherlock Holmes.

Il n'avait même pas bougé. Il l'observait, avec cette intensité presque menaçante, comme s'il venait de comprendre toute sa vie en une seule seconde.

John, mal à l'aise, avança et s'assit à une table. Il sentit immédiatement une tension dans l'air, quelque chose de presque électrique. Sherlock ne le lâchait pas du regard, et c'était… troublant.

Vous êtes critique culinaire.

John haussa un sourcil.

Pardon ?

Sherlock roula des yeux, comme s'il venait d'entendre la question la plus idiote du siècle.

Ne jouez pas à ça, c'est insultant pour nous deux. Regardez-vous. Votre veste est légèrement trop ajustée : vous passez vos journées à manger dans des restaurants sans avoir le temps de faire du sport. Vous portez un stylo cher dans votre poche intérieure, signe que vous prenez encore des notes à la main, une habitude rare aujourd'hui… Vous êtes rentré en balayant la salle du regard, cherchant les détails, notant mentalement l'ambiance, ce que les autres clients mangent. Vos chaussures sont solides mais confortables : vous marchez beaucoup, probablement de restaurant en restaurant. Vous êtes critique culinaire. Pas un snob, sinon vous seriez déjà reparti en voyant que nous n'avons pas de menu affiché. Vous êtes ici par curiosité. Une curiosité maladive, je dirais.

John cligna des yeux.

Vous faites ça avec tout le monde, ou c'est juste pour moi ?

Sherlock eut un sourire en coin.

Seulement avec les gens intéressants.

John croisa les bras, mi-amusé, mi-exaspéré.

Et vous ? Vous êtes quoi ?

Sherlock haussa un sourcil.

Un génie.

John souffla du nez.

Modeste, aussi.

Sherlock sourit, mais il n'ajouta rien. Il se retourna et disparut dans la cuisine.

Quelques minutes plus tard, une assiette fut posée devant John.

Aucune explication. Juste un plat soigneusement préparé.

John le regarda un instant, perplexe. Puis il prit une bouchée.

Et là, son univers bascula.

C'était exactement le goût qui le hantait depuis des semaines.

Il sentit son cœur rater un battement. Comment… ?

Il posa lentement sa fourchette et releva la tête vers Sherlock, qui le fixait toujours, impassible.

Comment vous avez fait ça ?

Sherlock haussa les épaules.

Je ne sais pas. J'ai juste su.

Il mentait. Il n'avait jamais su pourquoi il avait composé ce plat. Il savait juste qu'il devait le faire.

John l'observa encore un moment, un frisson parcourant sa colonne vertébrale.

Puis il prit une autre bouchée.

Il ne pouvait pas s'en empêcher.

Plus tard, en sortant du restaurant, John comprit qu'il n'avait pas juste envie d'y retourner. Il devait.

Pas pour écrire un article.

Pas pour analyser un autre plat.

Mais parce que quelque chose en lui lui soufflait que cet homme aux yeux perçants, cet homme agaçant et prétentieux, venait de cuisiner son âme sans même le savoir.

Et aussi…

Parce qu'il avait oublié son parapluie.

Il ne pleuvait même pas ce soir-là.

Il l'avait oublié exprès.

Pour avoir une excuse.

Parce qu'il voulait une autre bouchée de ce mystère.

Parce que Sherlock Holmes avait cuisiné quelque chose qu'il cherchait depuis toujours.

Et il était prêt à revenir encore et encore jusqu'à comprendre pourquoi.

OoOoO

Le lendemain matin, Sherlock Holmes s'éveilla dans son appartement . Il n'avait pas fermé l'œil de la nuit, absorbé par une question qui refusait de le quitter.

John Watson.

Il était revenu chez lui en ressassant chaque détail de cette première rencontre explosive. Ce regard, ce moment où John avait goûté son plat et où tout avait basculé. Ce frisson imperceptible qu'il avait vu traverser son visage.

Et surtout…

Pourquoi diable avait-il oublié son parapluie ?

Personne n'oubliait un parapluie à Londres.

Sherlock descendit dans le restaurant, attrapa un espresso d'une main, et alluma son téléphone de l'autre. Une série de notifications vibrèrent aussitôt. Des messages. Des appels. Des e-mails. Tous portaient le même sujet.

La critique de John Watson.

Le Times. Première page de la section gastronomie. Il prit le journal que l'un de ses employés avait laissé sur le comptoir et déplia les pages d'un geste sec.

Et il lut.

"LE RESTAURANT QUI LIT DANS VOTRE ÂME"

Par John Watson, The Times

«Il y a des restaurants qui vous séduisent par leur ambiance. D'autres qui vous charment par un service impeccable. Certains vous attirent parce qu'ils sont à la mode.

Et puis, il y a Le Déducteur.

Un restaurant qui ne cherche ni à plaire, ni à séduire. Un restaurant qui ne s'explique pas, qui ne se vend pas, mais qui vous attrape et refuse de vous laisser partir.

J'ai franchi la porte en tant que critique culinaire. J'en suis sorti… avec la sensation d'avoir été analysé, déconstruit et reconstruit en un seul plat.

Le chef, Sherlock Holmes, est un phénomène en soi. Un homme qui vous observe comme si vous étiez une équation à résoudre et qui, en une fraction de seconde, sait exactement ce que vous voulez avant même que vous ne le sachiez vous-même.

Impressionnant ? Absolument.
Terrifiant ? Un peu.
Fascinant ? Plus que n'importe quel autre chef que j'ai rencontré.

Holmes ne sert pas des plats. Il raconte des histoires. Des énigmes en sauce, des énigmes en textures, des énigmes qui se posent sur votre langue et explosent en révélations inattendues.

Ce que j'ai goûté hier soir ? Je ne peux même pas l'expliquer. C'était moi. C'était un souvenir que je n'avais jamais eu mais qui m'a frappé en plein cœur. Une assiette qui a lu en moi avec une précision absurde.

Est-il fou ? Probablement.
Est-il un génie ? Définitivement.

Le Déducteur ne se visite pas. Il se vit.»

Sherlock resta immobile après avoir terminé la lecture.

Silence total.

Puis… il éclata de rire.

Un rire brut, sincère, incontrôlable.

Les critiques, il en avait déjà eues. Des dithyrambes, des louanges, des hochements de tête impressionnés. Mais jamais personne n'avait écrit quelque chose comme ça.

Tous les autres chefs étaient des artistes. Des passionnés. Mais aucun ne le comprenait.

Personne, sauf John Watson.

Sherlock relut la critique encore et encore, s'arrêtant sur certains mots comme s'il dégustait un plat qu'il ne voulait pas voir finir.

"Fascinant."

"Il raconte des histoires."

"Un souvenir que je n'avais jamais eu."

Un sourire lent, presque émerveillé, se dessina sur ses lèvres.

Les gens l'avaient toujours traité de fou. Taré, bizarre, obsédé, inadapté.

John Watson, lui, disait "incroyable."

C'était une première.

Et Sherlock adorait ça.

OoOoO

Quelques heures plus tard, Le Déducteur devint le restaurant le plus demandé de Londres.

Le téléphone n'arrêtait pas de sonner. Des réservations pleuvaient de toute part. Des journalistes voulaient des interviews. Même les critiques les plus influents, ceux qui avaient ignoré son existence jusqu'à présent, cherchaient à obtenir une table.

Le monde entier semblait enfin voir ce que Sherlock savait déjà : il était un génie.

Mais au fond, il n'en avait rien à faire de tout ça.

Parce que tout ce qu'il voulait, tout ce qui l'intéressait réellement, c'était de savoir si John Watson allait revenir.

Alors il attrapa le parapluie oublié.

Et il attendit.

Car les âmes sœurs reviennent toujours.


J'ai hâte de vous lire en commentaire

TBC

Ariane