Diri-chan : N'est-ce pas ? Il est capable d'être arrangeant, Harry, quand il le veut bien !
holybleu : Avec plaisir :D J'espère que la suite continuera à te plaire !
Une nouvelle nuit blanche, mais infiniment plus agréable que la précédente.
La petite lampe à pétrole lui offrait la possibilité de prolonger la soirée bien au-delà du couvre-feu, lui permettant de réfléchir posément… Et Drago avait passé des heures à réfléchir : Obéir à son père ou fuir comme un lâche. Dans les deux cas, les conséquences étaient colossales.
D'un côté, il pouvait garder sa vie actuelle, misérable, répugnante, insupportable, mais qui avait l'avantage d'être routinière et prévisible.
D'un autre côté…
Il ne parvenait pas à mettre des mots sur l'angoisse qui lui étreignait le cœur à l'idée de désobéir à son père.
Il avait cependant toute la nuit pour y réfléchir. Rien n'était urgent. Il avait un réveil qui lui indiquait qu'il avait encore huit heures pour se décider.
Il entama la lecture de son roman moldu pour s'aérer l'esprit. Et quelle aération ! Tout était bizarre et incompréhensible, des métiers des personnages (Facteur ? Existait-il réellement des moldus dont le métier consistait à imiter les hiboux ?!) aux objets qu'ils utilisaient (Un micro-onde pour fabriquer de la nourriture ?!), sans oublier les expressions et exclamations religieuses que des personnages supposés athées utilisaient sans arrêt (Mon dieu, par tous les saints, Jesus Christ, Seigneur tout puissant…) Il était parfois difficile de savoir s'il s'agissait d'une faiblesse d'écriture ou d'une invention moldue réelle. Par exemple, les métros ressemblaient à des deus ex machina : Des trains sans horaires qui permettaient d'aller à peu près n'importe où à Londres.
Il avait l'esprit encore plus embrumé quand il ferma le livre pour reprendre le cours de ses réflexions et jeter un œil au réveil. Toujours pas d'urgence, il lui restait six heures. Une crise d'angoisse commença toutefois à apparaître, et Drago reprit rapidement sa lecture.
La nuit se déroula ainsi, entre hésitations sur le comportement à adopter, stress, et lecture.
A 5h30, les torches du couloir s'enflammèrent, et le sortilège de sa cellule illumina les portes en blanc. Drago se leva, trottina dans le couloir en ayant l'impression de commettre une infraction, pénétra les cuisines désertes sans que la barre de fer rouge ne le blesse, et récupéra son chariot, son tablier, son bloc-notes, qu'il ramena en vitesse dans le couloir. Son cœur battait à tout rompre, et il dut s'asseoir sur le sol, la tête entre les genoux, pour parvenir à se calmer.
Avoir le chariot n'engageait à rien. Il pouvait toujours retourner aux cuisines dans une heure, à son horaire habituel. Il avait encore une heure pour se décider. Une heure, c'était largement suffisant.
Il regarda les aiguilles tourner dans un état second : Cinquante minutes lui laissaient toujours largement le temps de réfléchir posément. Une demi-heure était plus que nécessaire. Un quart d'heure ne posait pas de problème si l'on posait les faits de façon objective. Cinq minutes étaient suffisantes, maintenant qu'il avait analysé tous les tenants et aboutissants. Une minute offrait largement le temps de prendre une décision. Trente secondes suffisaient puisque le choix était binaire. Même dix secondes, en y pensant bien. Neuf, huit, sept, six, cinq, quatre, trois, deux, une…
Son réveil n'était pas parfaitement synchronisé aux horaires des cuisines. Il se leva, régla les aiguilles, et attendit la seconde exacte où les portes s'ouvrirent pour remettre la petite machine en route.
Il était désormais trop tard pour prendre une décision. Ce n'était pas un problème : Il pourrait revenir le lendemain, et raconter un mensonge. Il avait vingt-quatre heures de plus pour se décider. Pas un problème.
Il suivit la file des chariots ensorcelés comme à son habitude.
Il prit son petit déjeuner avec Potter sans évoquer un seul des évènements survenus la veille : Il y avait de nouveaux comptes-rendus à recopier, des commandes à rédiger, des courriers auxquels répondre… Drago rappela poliment au Directeur que le matin, sa priorité allait aux tâches ménagères.
« Arrête d'exagérer, il n'y a plus rien à faire à ce niveau-là ! »
En effet, l'éternel adolescent avait appris à mettre son linge sale dans le bac prévu à cet effet, à ranger à peu près ses affaires, et à faire son lit d'une façon passable. Il restait à Drago à effectuer toutes les tâches « invisibles » dont il n'avait pas conscience : balayage, nettoyage, dépoussiérage des meubles, astiquage des fenêtres et bibelots, récurage des toilettes…
« Et bien note-moi sur un papier à quelle fréquence il faut faire quoi ! ça ira de toute façon plus vite avec de la magie ! »
Oh oui, ça allait plus vite… Encore fallait-il pour cela être doué pour les sortilèges ménagers, et ceux-là ne faisaient pas partie de la formation d'Auror. Le Survivant était extraordinairement doué pour les sorts d'attaques et de protection. Il maitrisait remarquablement bien les métamorphoses, les déplacements, les disparitions, les lévitations et tout ce qui avait trait à l'espace et au temps. Il avait un talent certain pour les soins. En revanche, il manquait cruellement de délicatesse et de perfectionnisme pour effectuer un simple sortilège de rapiècement sur un vêtement abimé, pour nettoyer une tâche incrustée, ou pour dépoussiérer dans les coins. Cette lacune dans les détails expliquait probablement pourquoi il avait toujours été si mauvais en potions.
Drago effectua son travail en baillant à s'en décrocher la mâchoire, et en continuant de penser à peu près continuellement au dilemme des cuisines. Après son repas du midi, il ne put faire autrement que de s'installer dans le canapé pour se reposer un peu.
Quand il se réveilla, il se découvrit recouvert d'un hideux plaid orange fluo. Il s'attendit donc à recevoir les railleries que Potter ne manquerait pas de lui adresser à son retour. Son chariot avait disparu, et il se douta qu'encore une fois, Potter s'en était chargé.
A une ou deux reprises, il crut revoir les ailes noires qu'il avait aperçues la veille. Une nouvelle fois, il ne comprit pas pourquoi cette vision le troublait, et il dut se réciter à nouveau le poème :
« Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches comme des avirons traîner à côté d'eux »
Peut-être s'agissait-il d'une autre espèce d'albatros. Peut-être était-ce une licence poétique. Peut-être le poète n'avait jamais vu l'oiseau en chair et en os…
Le soir venu, Potter débarqua avec une discrétion et une considération qui n'étaient pas dans ses habitudes. Aussitôt qu'il vit que Drago était réveillé, il reprit toutefois son comportement exubérant habituel. Il raconta avec un grand éclat de rire comment un Surveillant était tombé sans crier gare dans un nid de doxys situé sous un escalier. Le pauvre avait été tellement mordu que son visage avait doublé de volume et qu'il avait fallu presqu'une heure avant qu'il puisse reprendre son aspect normal et raconter sa mésaventure. Une nouvelle fois, Drago sentit sa bouche béer devant la complaisance que Potter pouvait prendre pour raconter ce genre d'anecdotes absolument terrifiantes.
Il fut surpris quand le chariot de service du soir débarqua avec son jumeau, afin qu'ils puissent prendre le même dîner. Drago prit sur lui pour ne pas reprocher au Directeur de considérer désormais cette habitude pour acquise : Il était effectivement agréable de prendre leur repas ensemble, et il était de plus en plus facile de trouver des sujets de discussion anodins. Ils effectuèrent même une partie d'échecs – que Drago remporta haut la main – avant que Potter ne le raccompagne à sa cellule.
C'est seulement quand Potter disparut derrière la porte grinçante que Drago réalisa qu'il venait de passer une journée entière sans recevoir la moindre remarque salace ou agression tactile. Il se mordilla nerveusement les ongles en se demandant s'il n'était pas en train de perdre l'intérêt du Directeur, et comment il pouvait remédier à la situation.
Il se rappela alors le plaid, et ressentit un soulagement immédiat. Non, Potter s'intéressait toujours à lui. C'était une évidence.
Il reprit son livre et sa lecture jusqu'à ce que ses yeux ne se ferment d'eux-mêmes et qu'il puisse enfin passer une bonne nuit réparatrice.
Le lendemain matin, il se réveilla avec les torches. Il n'avait pas eu le temps de réfléchir davantage au problème, et résolut donc de reporter encore une fois sa décision de vingt-quatre heures.
Il passa la même journée que la veille à l'exception du fait qu'il n'avait nul besoin de faire une sieste. Attentif au comportement de Potter, il remarqua une nouvelle fois que celui-ci s'abstenait de lui faire du rentre dedans. Il le regardait pour ainsi dire à peine, et Drago s'en trouva blessé. En fin d'après-midi, il ne prit quasiment pas le temps de discuter avec lui avant le repas : Il prétexta qu'il ne fallait pas que les albatros oublient comment se nourrir sans ses dons réguliers de friandises, enfourcha son balai, et parti près de deux heures en emmenant une bonne partie des oiseaux. Drago l'attendit devant la baie vitrée en ayant l'impression d'être un vieil elfe de maison abandonné à lui-même. Le repas se déroula dans une ambiance morose, le prisonnier craignant de dire une bêtise qui ne les éloigne encore plus.
Même chose le jour suivant, si ce n'est que Potter semblait de mauvaise humeur dès le matin. Il ne lui fit pas de reproches ou quoi que ce soit de ce genre, non… Mais ses gestes étaient brusques, sa voix acerbe. Drago envisagea de se montrer aguicheur, voire de provoquer le Directeur en enfilant l'un de ces fameux t-shirts blancs… Il voulait absolument que les choses retrouvent leur cours normal. Mais tout avait commencé à dégénérer précisément quand Drago s'était montré trop entreprenant, et cette option semblait donc dangereuse. Il décida finalement de se blesser volontairement : Potter serait obligé d'initier un contact entre eux pour le soigner, de lui consacrer de l'attention.
Il attendit le milieu d'après-midi pour se transpercer la main avec le coupe-papier d'argent ouvragé du Directeur. La quantité de sang à se déverser dans l'évier de la cuisine était impressionnante. Il enveloppa ensuite la blessure dans un rouleau de gaze blanche, et attendit le retour de Potter en observant nerveusement les albatros, qui étaient désormais plus d'une douzaine à occuper en permanence le balcon. Ils semblaient avoir le même pouvoir que les chats à voir ou à entendre des choses invisibles et inaudibles aux humains, et tournaient parfois tous la tête dans la même direction pour fixer un point précis du ciel.
Quand la porte s'ouvrit dans son dos, il se leva pour accueillir Potter.
« Hey, prononça-t-il timidement dans une tentative désespérée d'imiter son langage familier. Ça va ? Tu as passé une bonne journée ?
– Ça va, marmonna Potter en consultant un parchemin qu'il tenait à la main. Crevé. Rien de spécial… » Son humeur semblait s'être encore plus dégradée, et Drago se sentit trembler.
« J'ai fini les cartes de remerciement et j'ai rempli tous les documents de mises aux normes pour les travaux de plomberie et d'électricité. Il ne manque que ta signature », récita Drago bien qu'il sache que le sujet serait loin d'enthousiasmer le Directeur. Celui-ci ne lui avait même pas accordé un regard.
« Okay, je m'occupe de ça tout à l'heure. Je vais prendre une douche », annonça Potter en abandonnant son parchemin sur la table.
Drago décida de jouer le tout pour le tout. Il posa sa main blessée sur le document, devant les yeux de Potter, et demanda, l'air de rien : « Qu'est-ce que c'est ? »
Les yeux de l'ancien Auror remarquèrent aussitôt le bandage ensanglanté.
« Putain, Malfoy, qu'est-ce que t'as encore foutu ?! » s'exclama-t-il alors en lui attrapant la main et en lui adressant un regard courroucé.
C'était un désastre. Potter déroula le bandage en râlant et le soigna comme s'il s'agissait d'une corvée. Drago se sentit au bord des larmes, et il s'excusa pitoyablement : « Désolé, je me suis blessé avec le coupe-papier, je ne sais pas ce qui m'a pris…
– C'est bon, c'est bon ! Mais fais un peu attention, bon sang ! »
Quand Potter voulut lui lâcher la main après l'avoir rafistolé, Drago s'y accrocha désespérément, faisant sursauter le Sorcier, qui lui accorda enfin, un regard un peu plus doux.
« Je t'ai dit que c'était bon. T'inquiètes pas, je vais pas t'en vouloir pour ça. »
Drago relâcha son emprise et laissa Potter aller prendre sa douche. Je ne vais pas t'en vouloir pour ça. Il lui en voulait donc pour autre chose.
Il ne parvint pas à avaler plus de quelques bouchées du repas ce soir-là. La boule dans sa gorge était revenue, avec le besoin impétueux de vomir. Potter dut s'en apercevoir, car il tâcha de discuter poliment et calmement, de rassurer Drago. Ce comportement eut exactement l'effet inverse : Drago se sentait acculé, et chaque phrase prononcée avec douceur lui donnait l'impression d'avoir insupporté Potter au-delà du possible.
C'est le quatrième jour que les choses dégénérèrent complètement.
La décision de Drago a donc été de ne pas prendre de décision.
Espèce de sale petit relou, va !
Tu m'étonnes qu'il faille le brusquer pour faire changer les choses !
Spoil : en fait, il y a aussi un manchot sur l'ile. Spour ça, les ailes noires.
