77Hildegard : Ah, je suis contente que ça plaise :D Je me disais que l'histoire aurait du mal à trouver son public, que la partie Détraqueur blaserait ceux venus pour le lemon, et vice versa...
Perdu pour le surveillant ou le prisonnier ;)

Oznela : Contente de te revoir !
Drago évolue très lentement, mais oui, il évolue ^^ Toi qui haïssait mon Harry haïssable, au début, j'espère qu'il te convient mieux, maintenant :D (bon, dans ce chapitre, le Harry haïssable fait un vilain mini come back...)
perdu aussi pour le garde :D


Harry s'installa dans l'habituel petit fauteuil de tweed confortable. Il s'était toujours fait la réflexion que ce meuble était étrangement éloigné du bureau de la Psychologue. Il ignorait s'il s'agissait d'une mesure de mise à distance pour rassurer tout le monde, ou bien d'une technique pour empêcher les patients de lire à l'envers ce qu'elle notait dans son mystérieux calepin.

Madame Kathleen s'assit dans son propre fauteuil et lui sourit. Il l'imita.

Il se demandait souvent s'il était le seul de ses patients à qui elle souriait comme ça. C'était une réflexion un peu orgueilleuse, mais il était probablement l'unique Sorcier à venir la consulter et à lui raconter sa vie sans tabou. Elle devait donc le trouver particulièrement divertissant bien que fou à lier.

Il avait entendu parler de psychologues qui connaissaient le monde Sorcier : Des parents de Nés-Moldus, des Cracmols, des époux et des épouses… Il ne leur avait pas fait confiance pour garder ses secrets.

« Alors, demanda-t-elle d'une voix joyeuse et comme a son habitude, comment vous sentez-vous aujourd'hui ?

– Bien ! s'exclama-t-il sur le même ton. Beaucoup mieux ! Par rapport à la semaine dernière, une véritable partie de plaisir ! On a quand-même eu une émeute parmi les détenus, et un de mes hommes a bien failli y passer. Mais on avait prévu le coup, et on a pu réagir immédiatement. J'ai recommencé à faire des cauchemars, mais seulement pendant trois ou quatre nuits. Je pense que c'était à cause des cris et des flammes : ça m'a rappelé la guerre. »

Kathleen ne se départit pas de son sourire, mais ses yeux s'écarquillèrent légèrement.

Harry savait qu'elle ne croyait pas la moitié de ce qu'il racontait. Pour elle, il était une espèce de mythomane en manque d'attention. La cicatrice sur sa main venait clairement renforcer la supposition. Ça avait cependant peu d'importance. Lors de leur toute première séance, il s'était énervé devant son manque de crédulité, et il avait failli sortir sa baguette pour lui prouver ses dires. Elle lui avait alors demandé « Pourquoi est-ce si important pour vous que j'y croie ou non ? » et il s'était trouvé dépourvu. Plus tard, elle lui avait affirmé : « Même si c'est uniquement dans votre tête, ce n'est pas faux pour autant. On peut quand-même travailler là-dessus. » Ça ressemblait à ce que lui avait dit Dumbledore quand il était mort pendant un instant… Ou ce qu'il s'était imaginé qu'il ait dit. Toujours est-il qu'entendre ces mots associés à la possibilité d'une solution l'avait convaincu de laisser une deuxième chance à cette psychologue-là et de ne pas l'oublietter immédiatement, contrairement à ses confrères.

« A part ça, reprit Harry, les choses s'améliorent aussi avec Malfoy, et ça me rassure de le voir aller mieux.

– Que devient Malfoy ?

– Cette fois, il a été attaqué par une Selkie. Ce n'est pas la première fois qu'elle s'intéresse à lui, mais…

– Une Selkie ? »

Harry s'humecta les lèvres. Décrire une nouvelle créature, un nouveau sort ou un nouvel artéfact magique à la Moldue était toujours délicat. Pour elle, tout ce dont il parlait était une métaphore pour évoquer autre chose. Quand il disait combattre un Détraqueur, elle l'imaginait lutter contre la dépression. Quand il lui disait avoir une cape d'invisibilité, elle pensait qu'il se voyait insignifiant dans la foule. Il n'osait pas trop réfléchir à ce qu'elle avait en tête quand il mentionnait sa baguette.

« C'est une créature qui peut prendre l'apparence d'une femme magnifique ou d'un animal marin, expliqua-t-il quand-même. Elle hypnotise les hommes pour les noyer et les dévorer.

– Ah, une femme ou un animal. Est-ce que vous pensez que c'est lié à une certaine forme d'homophobie ? »

Comme souvent, Harry se retrouva un instant sans voix devant la supposition. Il voyait la logique derrière le discours de la psychologue : être traité de femmelette ou d'animal répugnant était effectivement une insulte courante pour un homme gay. Il sentait que la Selkie allait devenir une nouvelle métaphore encombrante.

« Peut-être, supposa-t-il pour couper court à la conversation. Toujours est-il qu'il s'en est sorti sans dommage. C'est Mullan qui l'a sauvé. Une femme, précisa-t-il sans vraiment de raison. Je pensais qu'il n'oserait plus sortir sur la plage après ça, mais c'est tout le contraire. Il est même venu de lui-même tout me raconter pour me convaincre de le laisser tranquille. Je crois bien que c'est la première fois qu'il se confie à moi sans que j'aie besoin de lui tirer les vers du nez. Ça m'a fait plaisir. On avance, lui et moi.

– Et pourtant, vous continuez à l'appeler Malfoy.

– Oui. On en a parlé. Il préfère. J'aime bien aussi.

– Ce n'est pourtant pas un nom très engageant… insinua-t-elle.

– Mais c'est son nom.

– Il pourrait porter n'importe quel nom.

– Mais il porte celui-là, grinça Harry. Malfoy existe vraiment. »

Qu'elle doute de l'existence des autres éléments lui importait peu. Mais cela l'agaçait qu'elle considère Malfoy comme une créature aussi abstraite que tout le reste.

Le lundi précédent, elle avait insisté longtemps sur cette histoire de nom : Malfoy… Une déformation de Mauvaise foi, selon elle. Difficile de ne pas faire le rapprochement avec sa mythomanie supposée. Et Drago, le Dragon. Un animal dangereux, sauvage et imprévisible, à l'image des crises de colère et de violence contre lesquelles il s'efforçait de lutter. Malfoy était donc devenu la part de lui qu'il s'efforçait de vouloir détruire.

« Malfoy… C'est important pour moi que vous le considériez comme une personne réelle, expliqua-t-il sans qu'elle ne lui ait rien demandé. Trop de gens, déjà, ont nié son humanité. Et j'ai besoin de vrais conseils avec lui. De vrais conseils relationnels, je veux dire. Je ne veux plus faire d'erreurs avec lui. Je ne veux plus le brusquer. »

Kathleen resta longtemps silencieuse avant d'admettre :

« Très bien. Et que pense Drago Malfoy de toutes vos aventures ? Est-ce que lui vous croit ? »

Harry ne put s'empêcher de ricaner. Parfois, Malfoy semblait accorder du crédit à sa version des faits. D'autres fois, il était tellement… de mauvaise foi justement, qu'il refusait de croire aux histoires les plus simples : Le fait, par exemple, que ce ne soit pas lui qui ai demandé à Hagrid d'adopter Norbert était absolument inconcevable à ses yeux. Un comble quand on repensait au mal qu'ils avaient eu, avec Ron et Hermione, à le convaincre de se débarrasser de l'animal.

« Pas toujours, répondit-il en souriant.

– Par exemple, lui avez-vous déjà dit avoir vu un Dépresseur ?

– Un Détraqueur, corrigea Harry machinalement. Oui, on l'a affronté ensemble.

– Un Détraqueur, oui, pardonnez-moi. Vous l'avez aidé à combattre son Détraqueur ? »

Harry se frotta les yeux en souriant. Son Détraqueur… Le pronom n'était même pas si ridicule que ça quand on songeait à l'espèce de proximité que Malfoy avait partagé avec le Spectre. Finalement, cela faisait plus de deux semaines que cette saloperie ne s'était pas montrée. Trois semaines s'ils n'étaient pas allés le chercher eux-mêmes. Et il n'avait effectivement attaqué personne. Malfoy avait peut-être eu raison en supposant qu'il s'agissait d'une espèce de race de Détraqueur détraqué.

« Non, répondit-il, il ne s'est pas vraiment battu : Il m'a juste aidé. Il n'a pas de baguette, vous comprenez.

– Oui, vous m'aviez dit que vous priviez les prisonniers de leurs baguettes magiques.

– Pas moi personnellement, tempéra Harry… Quoique… Bon, concernant Malfoy, oui, c'est moi personnellement. Je lui ai volé sa baguette il y a des années. Une bonne baguette, d'ailleurs. Je l'aimais bien, mais enfin, ce n'était pas la mienne. »

La Moldue rentra le menton en écarquillant légèrement les yeux et son sourire tressauta. Oui, la métaphore qu'elle avait en tête concernant les baguettes était bien celle qu'il avait en tête… Harry songea à tout ce qu'il lui avait affirmé être capable de réaliser avec son appendice de bois, et se trouva gêné.

« Écoutez, je voudrais vraiment me concentrer sur ma relation avec Malfoy, aujourd'hui, affirma-t-il soudain. Est-ce qu'on ne pourrait pas faire abstraction de tout le reste et nous focaliser là-dessus ? Considérez-nous seulement comme deux hommes normaux, sans toutes ces histoires de magie, d'animaux fantastiques, de prophétie et d'horcruxes.

– Et bien vous êtes deux jeunes hommes normaux qui partagez une relation où tout semble se dérouler pour le mieux, ou en tout cas, s'améliorer, si je repends vos termes. » Elle laissa passer quelques secondes, puis ajouta : « Non ?

– Sauf que je l'ai agressé.

– Il semble vouloir passer outre.

– Mais il ne sait pas ce qu'il veut, il ne sait pas ce qui est bon pour lui, il ne réagit pas comme il le devrait.

– Mais s'il existe réellement, alors vous ne pensez pas qu'il est normal que ses pensées, ses émotions et ses réactions puissent vous échapper ? »

Harry soupira. Elle ne considérait toujours pas le Sang-Pur comme un véritable être humain. Il se pencha en avant, et saisit, sur le bureau, l'une des trois balles déstressantes qui se trouvaient là. Il la serra plusieurs fois dans son poing, puis la fit passer d'une main à l'autre, machinalement.

« Votre relation actuelle ne vous satisfait pas ?

– Si… Non… Je n'en sais rien. Quand on est ensemble, sur le moment, tout va bien… C'est le reste du temps, quand je ne le vois pas : J'ai envie de plus. J'ai envie qu'il soit sincère avec moi. De preuves qu'il est sincère avec moi. » Harry resta silencieux un moment, puis reprit : « Je vais prendre l'exemple du sexe : C'est franchement génial, franchement dément, j'ai l'impression de redécouvrir des sensations nouvelles, comme si j'avais jamais connu personne avant lui. Je réagis vraiment comme un puceau quand il se contente simplement de me caresser ! Même à travers les vêtements ! »

Kathleen, toujours souriante, avait détourné les yeux un instant, peut-être légèrement troublée par cette confession-là. Tant mieux : ça avait été voulu en parlant de quelque chose d'aussi trivial. Peut-être qu'elle accorderait ainsi un peu plus de crédibilité à l'existence de Malfoy.

« Mais quand j'y repense ensuite, reprit-il en serrant à nouveau le poing autour de la petite balle de mousse, je me dis d'une part, que j'ai vraiment besoin d'aller plus loin, que je me contenterai jamais de passer ma vie à recevoir uniquement des préliminaires. Et d'autre part, que je peux pas me permettre de lui demander plus, parce que c'est déjà tellement énorme qu'il accepte simplement de me toucher.

– Est-ce que vous en avez parlé avec lui ?

– Non, je ne peux pas en parler avec lui, je vous dis. Il va me mentir.

– Comment pouvez-vous affirmer qu'il va vous mentir ?

– Il pourrait mentir, se corrigea Harry.

– Et ce n'est pas parce qu'une personne est capable de mentir qu'elle va forcément le faire, n'est-ce pas ? Puisqu'il existe, il est capable de faire ses propres choix. Non ? » demanda-t-elle avec douceur.

Harry soupira en malaxant la petite balle entre ses doigts. C'était bien là tout le problème : Il privait Malfoy de libre-arbitre dans cette relation, dans ses fantasmes, dans ses prédictions sur le futur, et même dans la tête de cette thérapeute qui s'approchait toujours beaucoup trop de la réalité sans être capable d'y croire réellement.

Il s'en voulait encore à moitié de l'avoir empêché de rejoindre le corridor 3. Il avait fait ça pour son bien, avec les meilleures intentions du monde, mais est-ce que ça méritait de l'avoir manipulé, de lui avoir menti, de lui avoir laisser croire que Lucius pourrait le réclamer, spontanément, alors qu'il avait tout fait pour que ce connard psychopathe cesse ses demandes ? Pour le plus grand bien ? Il s'en était voulu aussitôt… Il avait presque été jusqu'à insister. Pour alléger la culpabilité qu'il ressentait, la peine qu'il savait être en train d'infliger à Malfoy par l'intermédiaire de son père… Il avait insisté sans trop savoir s'il serait capable de respecter sa parole si Lucius finissait réellement par demander le retour de son fils. Il avait insisté en savourant presque ce mal qu'il se faisait à lui-même, parce que c'était un juste retour des choses pour le mal qu'il faisait subir à Malfoy à cet instant précis.

« Qu'espérez-vous réellement de cette relation ? reprit-elle puisque le silence s'éternisait.

– Je n'en sais rien. De la confiance. Du sexe. Du… Des rires, des discussions, des découvertes… Aller au ciné, aller en vacances. Rentrer chez nous le soir et nous raconter nos journées au boulot. Une relation normale. »

En bref, rien qui puisse intéresser Malfoy. Celui-là, tant qu'il avait la certitude de conserver son travail et sa cellule, Le reste lui importait peu…

Il allait mieux, cependant… Il allait réellement mieux. Harry était étonné de constater à quel point ses séances avec Nguyen semblaient efficaces, alors que ni l'un, ni l'autre, n'avaient semblé convaincus par l'idée. Il avait imposé une séance quotidienne en s'imaginant que Malfoy refuserait, s'emporterait, finirait par négocier, et qu'ils puissent se mettre d'accord sur un rythme hebdomadaire… Aujourd'hui, il hésitait à remettre le sujet sur la table… Recevoir le compte rendu de l'infirmier à chaque mi-journée le rassurait immensément, même s'il n'avait jamais eu la malhonnêteté d'en lire aucun.

Peut-être que d'une certaine façon, Malfoy était au moins capable d'apprécier cet ersatz de confort qu'il avait pu construire autour de lui : La sécurité, la certitude que plus aucun gardien ne s'en prendrait à lui… Ce n'était tout de même pas présomptueux de considérer que ses conditions de vie s'étaient améliorées depuis l'arrivée de Harry à Azkaban ? Son corps comportait de nouvelles cicatrices, mais il s'était un peu remplumé. Ses bras ne semblaient plus être aussi fins et fragiles que les pattes d'un moineau, ses hanches avaient un peu moins l'air de vouloir percer la peau pour s'en extraire, et ses fesses… Bon Sang, ses fesses… Et puis, psychologiquement, il allait réellement mieux. Là, il n'y avait pas d'hésitation à avoir. Il parlait, il riait… Il y avait un éclat dans ses yeux qui n'était pas là au début. Quelque chose de doux et de précieux. Malfoy le regardait rarement, mais quand il le faisait, ses yeux semblaient pétiller doucement, et si ses lèvres fines n'allaient pas jusqu'à esquisser un véritable sourire, elle se détendaient en revanche infinitésimalement. Parfois, alors, Harry oubliait de douter de la sincérité de Malfoy.

Kathleen le regarda longtemps avant de faire remarquer : « Vous n'avez pas évoqué de sentiments. »

Harry haussa les épaules, mal à l'aise.

« Pas d'amour ? insista-t-elle.

– Je crois que ce serait lui en demander un peu trop… Vu ce qu'il s'est passé entre nous, s'il se contente de juste m'apprécier, c'est déjà une espèce d'exploit…

– Et vos sentiments à vous ?

– Il m'obsède. Je pense à lui tout le temps. Tout me fait penser à lui. »

Elle fit défiler plusieurs feuilles dans son mystérieux calepin, et Harry ne put s'empêcher de songer aux doigts de Malfoy effectuant le même geste : Ils étaient tellement tordus, difformes, brisés, et ils gardaient pourtant une telle élégance, une telle efficacité… C'était la même chose pour son corps : Son corps trop maigre, déformé, couvert de cicatrices… Harry était-il un pervers de le trouver si beau et désirable, même avec les traces encore récentes d'agression ? Les dents sur son visage étaient objectivement hideuses, mais il ne pouvait s'empêcher d'y voir une preuve de la force et de la résistance de Malfoy. Quelque chose à admirer. Quelque chose à chérir. Il adorait les sentir sous ses doigts, dures, solides, dangereuses, presque excitantes. Et puis surtout, il les cachait au reste du monde, et Harry adorait savoir qu'avec lui, il continuait de coiffer ses cheveux en arrière, de se montrer dans son entièreté. Malfoy calculait chacun de ses gestes, et il s'agissait forcément là d'un message qu'il lui adressait. Une façon de lui faire comprendre que face à lui, il se sentait capable de se révéler.

Ou alors, Harry analysait trop. C'était toujours le problème avec Malfoy : Comment faire la part des choses entre ce qu'il affichait mécaniquement, ce qu'il montrait généreusement, et ce qui lui échappait, presque miraculeusement. Malfoy s'était mis à adopter des attitudes détendues, et celles-ci obnubilaient Harry. Si on lui avait dit, un mois plus tôt, qu'il célèbrerait comme une victoire le fait de voir Drago Malfoy croiser les chevilles dans son fauteuil ou poser son coude sur la table, il aurait éclaté de rire à s'en faire péter les zygomatiques.

Et puis il y avait eu cette fois, la plus fascinante de toutes. Ils discutaient tranquillement pendant le repas, et Malfoy avait laissé glisser le bout de son auriculaire dans la sauce de son assiette vide puis l'avait porté négligemment à ses lèvres. Le geste avait paru si aberrant pour cet aristocrate guindé et si affriolant pour Harry qu'il n'avait pu s'empêcher, sur le moment, de penser que Malfoy cherchait à l'aguicher. Il n'avait eu qu'une envie, mettre ses doigts à lui dans sa bouche, et le culbuter immédiatement sur la table. S'enfoncer en lui, s'enfouir en lui, se perdre en lui, disparaître même en lui. Et puis Malfoy avait élégamment essuyé son doigt humide dans la petite serviette de tissu et avait continué la discussion comme si de rien n'était. Il ne le regardait même pas. Son regard serein errait sur la cheminée, et sans doute son esprit ne songeait à cet instant qu'à l'entretien de l'âtre ou à une commande de bois.

Rien que d'y repenser, Harry sentait une gêne dans son pantalon. Il n'avait pas de cape pour cacher l'évidence, mais avait au moins eu la bonne idée d'avoir revêtu un jeans moldu. Le tissu épais empêchait une déformation visible tant qu'il restait assis.

« Quand vous évoquez ce qu'il s'est passé entre vous, reprit-elle en ayant l'air d'avoir trouvé la page qu'elle cherchait, vous faites référence à des relations sexuelles brutales ? »

Harry ferma les yeux, et son début d'érection retomba aussitôt. « Brutales » n'était pas vraiment le mot. « Contraintes » était davantage correct. A moins que ça n'ait été un mensonge. A moins que sur ce coup là, il n'ait pas été honnête. Si Malfoy avait réellement ressenti les choses comme il disait les avoir ressenties…

Il opina toutefois.

« C'est vrai que vous étiez très virulent, à l'époque. Qu'est-ce qui a changé ?

– Je ne sais pas. Je me suis intéressé à lui. » Il ouvrit de nouveau les yeux mais fixa son regard sur la fenêtre.

« Mais déjà à l'époque, vous aviez utilisé le mot d'obsession. Vous vous intéressiez déjà beaucoup à lui.

– Oui, mais j'imagine que je ne voyais pas la même chose en lui.

– Et vous souvenez-vous de ce que vous voyiez en lui ?

– Je suppose que vous avez noté tout ça ? L'expression petite fouine prétentieuse doit apparaître plusieurs fois, supposa-t-il avec un sourire.

– Oui, c'est un vocabulaire très animalier, souligna la psychologue. Petite fouine prétentieuse… Véritable petite anguille… Sale cafard répugnant… Chienne en chaleur qui ne mérite pas mieux… Et ici, j'ai noté : Même pas un porc mais une grosse truie, et qui aime ça, en plus… »

Harry grimaça de plus en plus en entendant la liste, et eut l'impression de recevoir un coup dans l'estomac lors de la dernière itération. Il ferma de nouveau les yeux, et crut même qu'il allait pleurer de souffrance et de honte. Il garda le silence.

« A l'époque, vous me disiez vouloir le faire disparaître comme un véracrasse sous ma chaussure, continua-t-elle. Nous nous étions arrêtés sur cet animal. Vous m'aviez décrit une grosse larve répugnante et sans aucun intérêt. Puis vous vous étiez finalement souvenu vous être occupé d'un animal de ce genre, mais – je cite toujours, mais corrigez-moi si je me trompe – avoir donné tant de laitue à bouffer à ces pauvres bêtes qu'elles sont toutes mortes étouffées. »

Harry ne put s'empêcher d'émettre un demi-ricanement à ce souvenir, et il sentit l'humidité dans ses yeux perler légèrement. Il s'essuya tranquillement dans sa manche, en songeant à Malfoy qui faisait ce même geste parfois plusieurs fois par jour, malgré son dégout de la saleté. A l'époque dont parlait Kathleen, il avait apparemment jugé plus intéressant de parler de véracrasse que du sort qu'il faisait subir au détenu. Elle se souvenait mal des agressions sexuelles, mais avait noté, consciencieusement, toutes les insultes qu'il avait proférées, probablement parce qu'elles étaient si nombreuses qu'elle avait jugé cette kyrielle de profanations digne d'être soulignée.

Peut-être que Kathleen avait raison, peut-être qu'il avait voulu détruire Malfoy parce qu'il représentait quelque chose en lui qu'il haïssait. Pas le mensonge et la brutalité, mais autre chose.

« Est-ce que, finalement, vous vous rappelez d'une propriété intéressante ou extraordinaire au véracrasse ? » demanda-t-elle, comme pour lui donner une chance de modérer ses propos.

« Non, répondit-il enfin. Les véracrasses sont vraiment inintéressants. Je veux parler de Malfoy. Et il n'a rien à voir avec un véracrasse. »

Il baissa les yeux vers la balle déstressante. Il se rendit compte qu'il avait laissé sa magie s'échapper, et qu'il avait serré si fort la petite balle de mousse entre ses doigts qu'elle avait fondue et s'était déformée. Ce n'était pas la première fois. Comme souvent, l'envie le prit d'abandonner l'objet sur le bureau de la soignante, comme une preuve qu'il n'était pas totalement fou. Il était autorisé d'informer les Moldus de l'existence du monde Magique en cas de mariage, par exemple, alors pourquoi pas dans le cas d'une thérapie ? Par habitude, il fit disparaître la balle dans sa poche.

Katleen ne disait rien. C'était toujours le cas quand Harry disait vouloir parler d'un sujet en particulier. Elle attendait qu'il puisse choisir l'angle par lequel aborder le problème.

« Malfoy, marmonna-t-il, il… Il… Il n'y a vraiment aucune chance qu'il puisse me pardonner tout ça, pas vrai ? »

Kathleen sourit tristement.

« S'il existe réellement, j'en doute en effet… »

Harry baissa les yeux, découragé. Il était pourtant si plein d'optimisme quand il était arrivé dans le bureau…

« Et on aura jamais aucune relation saine ou normale… Je veux dire… Même une amitié, c'est complètement inenvisageable, je suppose ?

– Toutes les relations sont normales, et peuvent prendre toutes sortes de formes. C'est à vous de choisir si vous voulez faire de Drago Malfoy un ennemi à combattre ou un amant à embrasser. »