En passant : Ahahah, décidément, le départ de la Selkie embête bien du monde ^^
Eiilys : Harry a été pire que Price, mais lui regrette sincèrement... C'est en effet pas une décision facile pour Dragounet
(Entre nous, le célibat, ca pourrait être cool pour commencer)
Guest : Iiiiih, ça fait plaisir de te revoar ^^
Drago attendit qu'ils soient seuls pour tourner son visage vers Kieran Price, qui lui aussi, observait l'angle du couloir derrière lequel le Survivant avait disparu. Il commençait à assez bien le connaître et sa mâchoire prognathe indiquait que la dispute allait éclater, quoi qu'il arrive. Autant faire le premier pas.
« Qu'est-ce qui te prend ? Ça t'amuse de le provoquer ?!
– De le provoquer ?! C'est provocant d'embrasser son petit ami ?!
– Comme ça, oui !
– J'ai pas eu l'impression que ça te dérangeait tant que ça, avant qu'il débarque !
– Par Merlin, je… Oui, justement ! Je n'ai pas envie de m'exhiber comme… Rah, tu m'énerves ! »
Les yeux de Kieran Price s'étrécirent et ils se fixèrent un moment. Ça commençait toujours comme ça : ils se disputaient, se jaugeaient, puis l'un d'eux décrétait la fin de la relation. Drago le faisait de façon méprisante, Kieran Price de façon insultante.
Il n'y avait pas que le lieu et les ragots : ils étaient tout simplement incompatibles.
« Écoute, marmonna Drago, cette relation… C'est de pire en pire, ça ne mène à rien et…
– Oh, et laisse-moi deviner : tu penses qu'on devrait arrêter », se moqua Kieran Price avec un ton goguenard.
Drago se passa une main sur le front et souffla.
« Combien on parie que dans deux jours, tu reviens gratter à ma porte comme un chien ? »
Il écarta les doigts pour observer, à travers eux, le visage cruel de son amant. Il poussa un soupir et baissa le bras. D'une voix lasse, il répondit :
« Non, je… Cette fois, c'est vraiment terminé. Tu vois bien que ça ne fonctionne pas entre nous, je…
– Ça ne fonctionne pas parce que tu n'as jamais tiré un trait sur lui. »
C'était ce que tout le monde semblait penser, et Drago pouvait difficilement leur donner tous quand il goûtait encore la chaleur de Potter contre lui, revoyait à chaque clignement de paupière son visage blessé et crevait d'envie d'aller lui embrasser les lèvres… À croire que son corps lui-même refusait de l'écouter et de prendre au sérieux ses refus, ses menaces, ses ultimatums, ses traumatismes…
« Ça n'a rien à voir avec lui. C'est juste que je ne t'aime pas. »
·
Drago s'enferma dans son bureau et se plongea corps et âme dans le travail. Il ignora les coups à sa porte, ignora les rappels de son horloge de bureau et passa une bonne partie de la nuit à plancher sur une série de déclarations destinées à la presse étrangère.
Une fois épuisé, il embarqua le carnet d'Ekrizdis et son dictionnaire et partit en direction de sa cellule.
Il ajouta aux sortilèges de Potter quelques-uns des siens pour privatiser encore mieux son couloir, puis fit du tri dans ses affaires et du rangement dans son petit cocon : même ici, on voyait que cette relation avait été une bêtise. Les bibelots offerts par Kieran Price prenaient trop de place et furent remisés dans le débarras voisin. Sa cape de peau de morse, trop peu souvent utilisée, avait perdu de sa souplesse et Drago utilisa l'huile de son nécessaire à balai pour l'hydrater avec attention.
Quand l'heure d'aller surveiller la plage arriva, il s'installa dans son lit avec sa clochette d'or et suivit le mouvement circulaire du Survivant en marmonnant son prénom d'une voix morne. Il n'avait pas envie de sortir et de le voir. Il avait encore moins envie d'être vu.
Il le faudrait, pourtant : Drago devait présenter des excuses pour la façon dont il s'était adressé à lui, et il devait le faire davantage par respect pour lui-même que par égard pour Potter qui s'en moquerait probablement. Ce dernier allait considérer cette rupture et cette discussion comme une énième invitation à tenter le coup. Et Drago allait devoir hausser le ton, à nouveau.
Le petit battant de la clochette tourna longtemps et lentement, en produisant un son doux et réconfortant de bol Tibetain.
Le matin finit par poindre, les portes des cuisines par s'ouvrir et les chariots enchantés à se mettre à défiler. Le dernier de la file, comme d'habitude, s'arrêta tristement devant sa porte close. Ce matin-là, Drago lui ouvrit sa cellule :
« Viens. À partir de maintenant, tu pourras entrer. Je vais te montrer où te garer. »
Il mangea, lut un peu, se reposa, tourna en rond un moment… Et puis il choisit un papier épais mais parfaitement blanc et se lança dans la rédaction d'une réelle lettre de motivation pour travailler officiellement à l'infirmerie. Il lista ses excellents résultats scolaires, la surveillance appliquée qu'il avait manifestée envers Carrow, Jugson et Foley, sa volonté à travailler à Sainte Mangouste à sa libération et son espoir qu'un « stage » dans le laboratoire d'Azkaban puisse l'aider à progresser sur cette voie.
Nguyen ne serait pas difficile à convaincre. C'était un homme pragmatique. Drago était un assistant doué et ils parvenaient à s'entendre.
Sur une deuxième feuille, il écrivit à Granger. Weasley, se corrigea-t-il avec lassitude. Il hésita longtemps sur la formule d'appel : « Hermione » était impensable. « Madame Weasley » ridicule en plus d'être insultant. « Madame » insuffisant. « Madame la Déléguée des Relations Inter-Espèces » ne convenait pas non plus, puisque ce n'était pas à ce titre là qu'il souhaitait la contacter.
Il claqua de la langue, agacé, trempa de nouveau sa plume dans l'encre et se lança :
« Granger,
Il y a quelque temps, tu apprenais ma situation et me proposais de l'aide. Tu supposais pouvoir obtenir pour moi une libération anticipée et surveillée, et je refusais cette main que tu me tendais. L'idée me paraissait trop audacieuse et malvenue.
J'ai changé d'avis.
Azkaban est plus qu'une punition pour les Hommes : elle est une machine à détruire.
Aucun Mangemort n'ayant purgé sa peine ici ne sera capable de se réinsérer dans la vie civile sans un programme d'aide adapté.
Des travaux d'intérêt généraux sur des périodes proportionnelles aux peines décrétées par le Magenmagot seraient, en effet, une bonne façon de permettre une remise en liberté douce, surveillée, et de surcroît utile à la société. »
Drago lista les innombrables arguments qu'elle pouvait transmettre à ses contacts, les quelques précédents dont il avait déjà entendu parlé, recommanda plusieurs noms, suggéra une date butoir, rappela quelques vieux articles de lois…
Il poursuivit sur son intention de rejoindre une équipe soignante, promit qu'une lettre de recommandation ne tarderait pas à rejoindre son dossier et jura sur son honneur pouvoir se montrer digne de la confiance que l'on lui accorderait.
Il indiqua que s'il ne devait pas être le premier prisonnier à bénéficier de cette chance, il ne se vexerait pas de cette décision. C'était un mensonge, et elle le devinerait aisément, mais au moins serait-il contraint de considérer cet engagement comme une promesse écrite.
Trois pages ne furent pas de trop pour rédiger tout cela.
« Il est possible, bien sûr, que tu n'aies suggéré cette idée que sous le coup de l'émotion et de la surprise, mais je ne le crois pas. Je sais aujourd'hui que tu es une personne de convictions. »
Il n'était pas du genre à noyer ses interlocuteurs sous les compliments et s'arrêta là pour le contenu utile.
« S'il les accepte, alors je te prie de présenter mes salutations à ton époux.
Bonne journée, »
Il hésita à nouveau longtemps avant de se décider sur la signature :
« Drago Black Malfoy »
Ce n'était pas si mal. Faire passer le matronyme avant le patronyme suggérait une ouverture d'esprit qu'il n'avait peut-être pas, mais qu'il était prêt à travailler.
Il se mordilla les lèvres, puis avant de changer d'avis, il ajouta :
« P.-S. : Je sais que tu n'adresses plus la parole à Potter, mais lui non plus ne guérira pas sans soutien. Je ne compte pas lui accorder le mien. Je n'ai plus cette servilité ou cette force-là. Son repentir est sincère et je pense qu'il a déjà été suffisamment puni. »
Il jeta un regard à son réveil. Il avait encore une bonne heure devant lui avant que sa journée de travail ne commence réellement.
Il prit un autre papier, plus fin et moins officiel et inscrivit en haut :
« Mère, »
Il fût incapable d'aller plus loin. Il abaissa et releva sa plume une centaine de fois, essuya presque aussi souvent l'encre sèche de sa pointe pour la charger de nouveau de liquide frais et sombre, lissa le parchemin encore et encore, mais malgré ces efforts, aucun mot n'atterrit sur le papier.
Finalement, il changea de destinataire et écrivit à Rosier. L'homme se satisfaisait des missives les plus courtes et les moins intéressantes. Il l'informa de sa rupture avec celui que son « ami » avait toujours désigné sous le pseudonyme humiliant de « l'autre », de sa correspondance précédente, et osa même demander à ce que l'homme se renseigne sur un système de détention comparable en Europe.
« Concernant Potter, je crains qu'il ne considère à nouveau mon célibat comme une autorisation, si ce n'est un encouragement. J'aimerais pouvoir l'éconduire définitivement sans pour autant le blesser. Je sais à quel point le rejet peut être douloureux. Je ne réclame pas de conseils de ta part, mais je considérerai avec attention chaque suggestion que tu pourrais prendre la peine de me donner.
J'espère que ton travail auprès de mon père n'est pas aussi épuisant que ses courriers ne me le laissent craindre. S'il devait arriver que cette tâche te lasse, fais-le moi savoir et je me débrouillerai pour lui attribuer un autre gardien. Je compte reprendre contact avec ma mère prochainement, et je ne doute pas qu'elle puisse connaître quelques candidats que la tâche intéresserait.
Amicalement,
Drago. »
Il était enfin l'heure de se mettre au travail, et après un détour par la plage pour confier ses lettres aux albatros et recevoir quelques coups de becs pour son retard, il rejoignit son bureau.
Il s'empara de son agenda magique aussitôt qu'il fût installé et inscrivit sur la page du jour :
« Tu peux passer quand tu le voudras. J'ai à te parler. »
Il fixa ensuite la page inerte quelques minutes, persuadé qu'une réponse ne tarderait pas à apparaître où Potter à débarquer. Surpris que rien ne se passe, il sortit la clochette d'or de sa poche, prononça « Harry », et vit aussitôt le petit battant pointer vers le bureau officiel du Directeur. Immobile. Encore une fois, il attendit un mouvement, sans résultat.
Il haussa les épaules, rangea l'objet, et se mit au travail.
Potter ne se montra pas de l'après-midi.
Ni le lendemain.
Le jour suivant, Drago mit donc sa fierté de côté et retourna sur la plage aux aurores. Il vint tôt et put apercevoir, à travers la brume matinale et la pénombre, une petite silhouette solitaire s'affairer sur le ponton. Il prit son courage à deux mains et prit cette direction.
Potter s'était déjà délesté de sa cape et de sa chemise et était occupé à enlever ses chaussures quand Drago posa le premier pas sur le bois sec. Le bruit fit redresser la tête au Survivant et Drago pesta. Potter se redressa, dansa un peu d'un pied sur l'autre, puis attendit finalement en silence que Drago vienne le rejoindre.
« Potter, le salua-t-il froidement. Tu n'as pas reçu mon message ?
– Hm. Si. »
Sa bouche était tordue et son regard fuyant. Son visage, tourné vers la mer, semblait regretter de ne pas être arrivé plus tôt et de ne pas avoir encore sauté. Ses pieds nus raclaient le sol à la cadence tranquille des vagues. Sa peau était parcourue de picots et les poils de ses bras et de son torse étaient dressés dans un misérable rempart au froid.
« Et donc ? interrogea Drago.
– Et donc, c'est moi qui commande, ici, ricana doucement Potter. Si j'ai pas envie de venir te parler, j'y suis pas obligé. »
Drago haussa les sourcils et réprima Un mouvement de recul. Il s'était attendu à tout sauf à ça.
« Mais bon, je suppose que je te dois bien ça. Je t'écoute ? »
Drago garda le silence un moment, le temps de digérer l'affront et de mettre de l'ordre dans ses pensées, avant de reprendre :
« Et bien pour commencer, j'aimerais te présenter mes excuses pour la façon dont je…
– Oh, t'inquiète. Excuses acceptées. »
Drago fronça les sourcils :
« Si mes excuses n'ont aucune valeur pour toi, alors je…
– Mais si, mais si. Pardon. Vas-y, recommence. Je t'écoute. »
Drago pinça les lèvres. Il n'était pas prêt à s'humilier à ce point pour avoir simplement haussé le ton.
« Oublie ça, exigea-t-il. Tu dois déjà savoir que j'ai mis un terme à ma relation avec Price ?
– Qui ne le sait pas ? » ricana Potter.
Drago prit une violente inspiration.
« Bien ! s'exclama-t-il. Et bien, bonne journée, bonne… baignade ou quoi que ce soit que tu…
– Attends, attends ! Par Merlin… »
Drago s'était déjà détourné de lui et entamé la marche vers le château. Potter le rattrapa en quelques enjambées rapides et lui attrapa doucement le bras. Drago s'immobilisa et le foudroya du regard.
« Écoute, je suis désolé, râla Potter en se massant le front de son autre main. Je suis un peu à fleur de peau, tu peux comprendre, non ? Je…
– Non, le coupa immédiatement Drago. Non, je ne comprends pas. Est-ce que ça t'amuse de me courir après seulement quand c'est inutile et inapproprié ? Je n'ai pas de temps à…
– Non, plaida Potter d'une voix malheureuse. C'est juste que… D'abord, j'ai eu peur que tu m'engueules encore et… J'avais aucune excuse alors… Et puis ensuite Hermione m'a contacté par Cheminette et m'a dit ce que tu lui avais demandé. »
Drago resta coi quelques secondes avant de faire remarquer :
« Et alors ? Je croyais que tu étais d'accord avec l'idée. C'est même toi qui l'avais proposée.
– Je sais bien, mais… »
Potter chercha ses mots en baissant les yeux et ses doigts se mirent à effectuer de petits mouvements de caresse contre la manche de sa robe. Drago voulut lui ordonner d'arrêter, mais supposa que déranger sa concentration n'aiderait pas à accélérer les choses.
« Je pensais pas… Enfin, je… Je savais pas trop si c'était moi ou Price, ou tout ça que tu voulais fuir et je… Enfin, dans tous les cas, j'aurais été responsable, de toute manière, et je… Enfin, je… Je savais que si on se revoyait, j'allais vouloir t'en empêcher, et je sais que… Que c'est le mieux pour toi, que… »
Drago réalisa que sa bouche était grande ouverte et il la referma d'un claquement sec.
« Tu avais prévu de m'ignorer jusqu'à mon départ ?
– Non, juste jusqu'à ce que je me sente capable de te soutenir dans ton choix et… »
Potter fronça les sourcils, articula quelques mots en silence, puis reprit en fixant de nouveau Drago :
« Mais en fait, je me rends compte que ça va. Que je tiens vraiment à ce qu'on fasse ce qui sera le mieux pour toi. Et si… Et si ça implique qu'on se voit plus, ben… Ben en fait, ce sera pas la première fois que je fais ce sacrifice-là. »
La déclaration était ridicule, mélodramatique à souhait, mais… Et bien elle provenait de celui qui avait accepté de mourir pour faire gagner son camp, et elle avait un donc un peu plus de valeur que si n'importe qui d'autre l'avait prononcée.
Ils se fixèrent longtemps, en silence. Le vent sifflait, la mer râlait et les albatros farfouillaient entre leurs pieds au cas où une friandise serait tombée d'une poche ou l'autre. Et Drago eut le sentiment diffus que la liberté ressemblait peut-être à ça.
Sa main n'avait pas quitté sa manche, pesait lourdement sur son bras, et il pouvait sentir sa température à travers le tissu. Il baissa les yeux sur le torse nu de Potter, sur ses poils dressés et sur la chair de poule qui courrait sur ses muscles.
« Tu n'as pas froid ?
– Hein ? s'étonna Potter en s'observant le ventre. Ah. Si. Mais c'est un peu le principe, et je commence à avoir l'habitude. »
Il releva la tête et lui adressa un sourire béat.
« Bien. »
Drago décrocha les doigts de Potter de son bras, puis le lâcha et recula.
« Je vais te laisser aller à…
– Ça veut dire que ça y est, je peux virer Price, maintenant ?
– Ne raconte pas de bêtises, Potter. Price est un excellent architecte. Ce serait ridicule de se passer de ses services juste parce que…
– Tu sais qu'il va revenir, pas vrai ? T'es pas du genre qu'on oublie facilement, et je sais de quoi je parle. »
Drago émit un reniflement moqueur.
« Ne prends pas ton cas pour une généralité. Tu te trompes sur ce sujet-là. »
Potter ne se trompait pas.
