Thor retrouve son frère. Et ça ne se passe pas bien :D


Silence, ça tourne !

Chapitre 7

Les jours suivants se suivirent en se ressemblant. Loki et Crossbones tournèrent des scènes de sexe très similaires, mais dans des décors différents sur plusieurs matinées. L'objectif n'était pas de rallonger le film artificiellement avec des plans cul, mais de créer un montage quasiment onirique sur l'évolution de la relation entre Alister et Leopold, afin d'insister sur l'omniprésence du secrétaire aux côtés du Comte Howe. Et pour cela, il fallait tourner beaucoup, beaucoup de scènes. D'abord, ils tirèrent profit du bureau d'Alister, avec même une scène où le couple était interrompu en plein ébat par Artemis qui s'installa purement et simplement dans la pièce pour les regarder. Ensuite, ils tournèrent une scène d'amour très classique et très tendre dans un lit. Pour Loki, ce fut un peu plus dur d'éjaculer, puisqu'étant nu, il ne pouvait pas cacher un stimulateur prostatique dans son caleçon, mais il y parvint tout de même après quelques efforts. Ce ne fut pas spectaculaire, mais suffisant pour ce que souhaitait en faire Iron Man. Il y allait en avoir d'autres, mais ils devaient attendre que les décors soient construits, ou bien qu'ils partent dans l'état de Washington pour tourner les scènes d'extérieur.

Il y avait encore beaucoup de scènes classiques à tourner, et celle qui allait occuper Loki cet après-midi-là s'annonçait particulièrement difficile. Alister était invité chez le prince Eggenberg. Celui-ci lui tendait un piège après avoir appris que le Comte tendait de le doubler et de voler son investissement. Personne n'avait affirmé que les personnages d'Alister et Artemis étaient des gens bien. Après tout, Artemis dirigeait un culte ésotérique la vénérant elle-même, et Alister était tout simplement un escroc. Ou un homme d'affaires, selon l'angle sous lequel vous analysiez la situation.

«Donc Alister est introduit dans le salon du prince, récapitula Iron Man. Eggenberg lui présente les preuves qu'il a accumulé, et Alister essaie de se justifier. Eggenberg s'énerve et agresse Alister, y compris sexuellement, enfin il essaie. Ils sont interrompus par, coup de théâtre, Judith qui était la fille d'Eggenberg depuis le début! Dans son accès de violence, Eggenberg tue sa fille, et le chaos permet à Alister de s'enfuir. On va la découper en séquences différentes donc il va falloir garder le rythme. Ant-Man, c'est toi qui gères cet aspect-là. C'est bon pour tout le monde? Encore une fois, désolé Hulk, les costumes vont prendre cher. Allez les enfants, tout le monde en place! Silence plateau! Ça tourne!»

Alister fut donc introduit par un figurant qu'il n'avait jamais rencontré auparavant, et il fut laissé seul dans le petit salon avec le prince. Le comte ne s'attendait pas à l'accueil froid qu'il reçut ni aux accusations qui plurent.

«Johann, vous vous trompez, se défendit-il. Je ne sais pas qui vous a dit tout cela, mais c'est quelqu'un qui cherche à me nuire!»

Le ton monta d'un cran, et d'un autre cran, jusqu'à ce que le prince, ivre de rage, saisisse le comte par ses vêtements, arrachant un ou deux boutons, froissant le tissu délicat de la chemise, et le traîne jusqu'à une table où il lui montra des documents supposément secrets. Alister se débattit, et chercha à s'extraire de la poigne de fer de son amant.

«Coupez! On va la refaire. Ce n'est pas assez convaincant. Hulk, si tu veux bien raccommoder les boutons en vitesse?»

Il fallut encore une demi-douzaine de prises pour qu'Iron MAn soit satisfait et que l'équipe puisse passer à la séquence suivante. Cette fois, il s'agissait de la partie agression elle-même. Iron Man voulait la faire aller assez loin pour pouvoir l'interrompre au meilleur moment au montage.

C'était aussi la séquence qui allait être la plus difficile à jouer pour Loki. La majeure partie des violences étaient simulées, mais l'arrachage de vêtement et les attouchements intimes ne le seraient pas.

«T'as essayé de me baiser, c'est ça? cracha Eggenberg. Tu voulais m'enculer, hein? Toi, l'inverti qui jouit sur ma bite, tu voulais voir ce que ça fait d'être en position dominante? Surprise, chéri! C'est toujours moi qui t'encule, et c'est pas près de changer!»

Le prince, qui était aussi grand qu'Alister, mais plus large d'épaules et plus imposant, le tenait fermement contre un mur. D'un coup d'épaule, il le fit tomber au sol. Alister n'en menait pas large et commençait à avoir peur de ne pas sortir en bon état du palais. Eggenberg se pencha sur lui et d'un coup sec, il arracha sa chemise, dévoila son torse blanc que l'âge n'avait pas encore complètement recouvert de poils noirs.

«Johann, arrête! S'il te plaît, arrête!

—Coupez!»

Presque soulagé, Loki posa sa tête au sol et reprit son souffle.

«Ça ne va pas, expliqua Iron Man. Alister, tu as compris qu'Eggenberg allait te violer. Ce n'est pas de la peur que tu ressens, c'est une terreur abjecte. Pour le moment, on tourne des prises où tu te défends, on tentera des prises de sidération plus tard. On fait cinq minutes de pause, tout le monde, histoire de bien se mettre dans l'état d'esprit. Ant-Man, on va en profiter pour revoir l'organisation de la semaine prochaine.»

Pendant la pause, après avoir changé de chemise — Hulk avait prévu une douzaine de pièces de rechange — Loki s'isola. Il s'assit dans un coin du plateau, dans l'ombre et ferma les yeux. Il visualisa la scène dans ses moindres détails, et tenta de se mettre dans la peau d'un homme qui allait subir un viol. Les violences sexuelles sont extrêmement destructrices et ce n'est pas parce qu'un traumatisme est invisible qu'il est absent. De plus, ce n'était pas parce qu'on n'a pas conscience de la gravité d'une situation qu'on ne peut pas la percevoir d'instinct. Et l'instinct d'Alister lui criait que si Eggenberg arrivait à ses fins, il n'en sortirait pas entier. Physiquement ou psychiquement.

«Silence plateau! Ça tourne!»

«T'as essayé de me baiser, c'est ça? cracha Eggenberg. Tu voulais m'enculer, hein? Toi, l'inverti qui jouit sur ma bite, tu voulais voir ce que ça fait d'être en position dominante? Surprise, chéri! C'est toujours moi qui t'encule, et c'est pas près de changer!»

Eggenberg fracassa Alister contre un mur, puis l'envoya valser sur le sol. Alister commençait à ressentir une véritable peur panique, et il essaya de s'éloigner en rampant, mais le prince le rattrapa aisément et déchira sa chemise.

«Johann, je t'en prie, arrête! Pour l'amour de Dieu!»

La gifle, toute factice qu'elle fut, envoya sa tête sur le côté.

«Blasphème autant que tu veux, rugit Eggenberg. Tu n'es qu'une putain, voilà ce que tu es, et je vais te rappeler ta place.»

Alister tenta de se débattre, mais une deuxième gifle le sonna et cette fois, Eggenberg le retourna et tira de toutes ses forces sur son pantalon. Alister tenta de s'accrocher à quelque chose autour de lui pour s'échapper, mais rien n'y fit. Eggenberg le tenait au sol d'une main puissante, alors que l'autre se frayait un chemin entre ses fesses.

Les yeux d'Alister s'écarquillèrent d'horreur et quelques larmes s'échappèrent et roulèrent sur ses joues.

«Non! hurla-t-il. Non! À l'aide! À l'aide!

—Qu'est-ce qui se passe ici? tonna une voix puissante.»

C'était tellement inattendu que le plateau se figea. La voix n'était pas inconnue à Loki, mais son esprit refusa de faire la connexion. Puis quand elle se fit, l'horreur n'eut plus rien de factice.

«Baron, lâche-moi, ordonna précipitamment Loki. Lâche-moi! répéta-t-il quand l'homme ne réagit pas assez vite.»

Il se releva et remonta son pantalon le plus vite possible.

«Qu'est-ce qui se passe ici? insista l'homme qui avait tout interrompu.

—Qui êtes-vous et qu'est-ce que vous faites dans mon studio? intervint Iron Man, après avoir posé sa caméra dans les bras de Vision.

—Thor, qu'est-ce que tu fais là? demanda Loki d'une voix blanche et un peu tremblante.

—Qu'est-ce que je fais là? s'insurgea Thor. Je suis à ta recherche depuis ta disparition!

—C'est très gentil de t'inquiéter, Thor, mais tout va bien, tu peux repartir, s'agaça Loki.

—Excuse-moi, mais je n'en suis pas convaincu! Regarde-toi! À moitié débraillé, et couvert de bleus!

—Ok, on va se calmer tout de suite! exigea Iron Man en se plaçant physiquement entre les deux hommes. Eskil, va dans ta loge et rhabille-toi. Tout le monde, on remballe pour la journée. J'enverrai un message sur le groupe pour le rendez-vous de demain. Le grand blond avec une chaussure noire, tu viens avec moi, dans mon bureau. Apparemment, on a des choses à se dire.

—Mais—, commença Thor.

—Tututu. Pas de discussion. Tu entres illégalement chez moi, la moindre des choses, c'est de t'expliquer. T'inquiète pas pour ton frangin, il reprend ses esprits et il nous rejoint.»

Sauf que Loki n'avait aucune envie de les rejoindre. À la place, il s'enferma dans sa loge, s'habilla en vitesse, puis s'éclipsa du bâtiment par littéralement la porte arrière. Poussé par l'instinct, sa première décision fut de s'éloigner autant que possible des studios. Il avait volontairement laissé son téléphone dans sa loge pour être laissé tranquille et il comptait bien profiter de cette tranquillité pour s'échapper.

Il marcha dans un état second pendant ce qui lui sembla être des heures. Son esprit était étrangement vide et flottant. S'il avait eu tous ses moyens, il aurait pu comprendre qu'il s'agissait d'un mélange entre les effets de la violence de la scène qu'il tournait — même simulée, la violence restait violente — et le choc de voir son frère débarquer au beau milieu d'un tournage, d'autant plus où il était en situation de faiblesse. Il était normal qu'une personne extérieure, qui ne connaissait rien du contexte, soit choquée et scandalisée par ce qu'elle voyait, et il ne pouvait pas en vouloir à Thor d'avoir réagit aussi violemment que ce qu'il avait sous les yeux.

Mais pour en arriver à une telle conclusion, Loki aurait dû avoir la tête froide et être remis de ses émotions, ce qu'il n'était pas. Pas du tout. Il prenait des rues au hasard, suivant une route connue de personne, même pas lui et avança ainsi jusqu'à en avoir mal aux pieds. Il leva la tête et prit conscience de son environnement.

Il se trouvait au bord de Gerritsen Creek, non loin de l'aéroport international JFK. L'endroit n'était pas très beau, c'était même assez industriel, et les avions survolaient les lieux dans un rugissement régulier, mais la vue de l'étendue d'eau calme apaisa son esprit. Soudainement épuisé, il s'assit sur un banc et se contenta de fixer l'horizon.

Les pensées s'entrechoquaient sans aucun ordre ni cohérence. Sous le choc de ses propres émotions, il ne vit pas tout de suite la femme qui s'assit sur le banc, à côté de lui.

«Tu ne peux pas en vouloir à ton frère de t'avoir cherché, dit Amora amèrement. Tu as disparu sans laisser de traces! Tu crois qu'on allait faire quoi? Se dire que tout allait bien?

—Je—, commença Loki surpris par la diatribe acerbe.

—Tu veux que je te dise ce que j'ai fait en premier? J'ai appelé tous les hôpitaux de New York et les morgues aussi, avec ton signalement. Je me sens stupide, là tout de suite, à m'être autant inquiétée alors que tu vivais ta meilleure vie à vendre ton cul!

—Oh, excusez-moi madame si mon style de vie vous choque. Mais rappelle-moi qui couche avec tout ce qui bouge, pourvu que ça épaississe son carnet d'adresses!»

Ils se turent, tous les deux énervés et prêts à se jeter à la gorge de l'autre.

«Je suis désolé d'avoir disparu sans donner de nouvelles, lâcha-t-il après un long moment de silence.

—Je suis désolée de ne pas t'avoir écouté et d'avoir quand même couché avec ton frère.»

Loki se tourna brusquement vers elle.

«Bordel, Amora! râla-t-il scandalisé.

—Tu avais raison. Thor est beau comme un dieu et il est gentil, mais… il est trop gentil pour moi. Il n'a aucun répondant, c'en est désespérant. Mais j'ai réussi à obtenir un poste pour Lorelei!»

Loki soupira, exaspéré.

«Évidemment que j'avais raison. J'ai toujours raison.

—Répète-le plusieurs fois, des fois que ça devienne vrai à partir de la douzième, ironisa Amora.»

Voilà. Ils étaient à nouveau amis.

«Il se fait tard, et on devrait sans doute attendre un peu avant de vraiment parler de tout ça, déclara Amora. Si on retourne aux studios, je peux te ramener chez toi en voiture. Je t'ai vu sortir alors que j'attendais que Thor me fasse un signe.

—Non, je vais prendre le métro.

—Tu vas prendre le métro? Toi?

—Figure-toi que je suis pauvre désormais. Je n'ai plus les moyens de me payer le taxi.

—Eh! Je ne te demande pas de me payer l'essence!

—Et j'ai besoin d'être encore un peu seul. Je ne veux pas non plus risquer de croiser Thor. Merci pour la proposition, mais vraiment, je vais prendre le métro.

—Bon, si c'est ce que tu souhaites. Je suppose que tu n'as plus mon numéro. Voilà ma carte. Tu m'envoies un texto en arrivant. Et on va se boire un verre la semaine prochaine. C'est pas négociable.

—Ok, ok. Comme tu veux, céda Loki.»

Lorsqu'il arriva au manoir, il faisait nuit et de nombreuses pièces étaient allumées. Il entra sans trompette ni fanfare et tomba presque immédiatement sur Wade et Peter dans la cuisine. Peter babillait joyeusement en s'occupant du repas, tandis que Wade, accoudé sur l'îlot central, tel un pilier de bar, l'écoutait patiemment en sirotant un verre de whisky.

«Si tu étais mon soumis, déclara-t-il en guise de bonsoir à Loki, je rassemblerais toute l'équipe et je te mettrais la fessée publique la plus mémorable de tous les temps.

—Je suis content de te voir aussi, Wade, rétorqua Loki, sarcastique.

—Ma petite araignée, sers donc un verre à notre ami déserteur et va chercher Tony. Je vais surveiller la cuisson.

—Oui, Wade! s'exclama l'énergique jeune homme. Tout de suite, Wade!»

Le whisky présent dans le manoir était choisi par Tony lui-même et chaque goutte coûtait une fortune. Loki n'aimait pas spécialement les spiritueux, mais il savait reconnaître un grand cru d'une marque de supermarché, et savoura la première gorgée. Il poussa un long soupir et reconnut enfin le sentiment qui l'envahissait: il était rentré à la maison.

«Je compatis avec Thor, tu sais, dit Tony en arrivant dans la cuisine. S'il a ressenti ne serait-ce qu'un quart de ce que j'ai senti quand on a découvert que tu étais parti… et c'est ton frère donc je ne doute pas une seconde… T'étais passé où? craqua-t-il.

—J'avais besoin de prendre l'air, répondit Loki. Je n'étais pas très loin. Enfin, un peu, mais toujours à Brooklyn.»

Tony le prit dans une accolade un peu trop virile et un peu trop désespérée.

«La prochaine fois, laisse un mot avec ton téléphone, putain, marmonna Tony sans le lâcher. Qu'on se fasse pas un sang d'encre comme ça. Surtout moi, bordel.»

Le reste de la soirée fut plus détendu, mais on sentait tout de même une tension parmi les habitants du manoir, y compris chez l'impassible Jarvis. Le vieil homme profita d'un moment seul avec Loki pour le sermonner, lui aussi, mais pour tout autre chose.

«Je vous ai dit, lorsque vous avez emménagé, de ne pas vous attacher à Anthony. Vous ne m'avez pas écouté, et il faut désormais en assumer les conséquences. Vous ne pouvez plus ne penser qu'à vous-même. Désormais, il y a quelqu'un d'autre qui compte sur vous. C'est votre responsabilité que de vous en souvenir.»

Loki ne put que hocher la tête, impressionné malgré lui par la sévérité du vieux majordome. Lorsque Tony revint, avec un plateau portant une tisane pour Jarvis et une bouteille de cognac très vénérable pour Loki et lui, il plissa les yeux, plus perspicace qu'on aurait pu le croire.

«Jarvis, pas besoin de lui foutre la trouille. Je pense qu'il a eu une journée suffisamment chargée comme cela. Tiens, Loki, un petit remontant.»

Il lui tendit un verre contenant une saine dose de cognac. Jarvis prit sa tisane avec un remerciement et un bonne nuit collectif, puis laissa les deux autres hommes seuls.

Ils sirotèrent en silence pendant un petit moment, quand enfin, Tony se lança:

«J'ai parlé avec ton frère pendant un petit moment aujourd'hui, et je dois admettre que je ne comprends pas un grand nombre de choses.»

Loki se tendit nettement. Il reposa son verre sur la table basse en face de lui et refusa de croiser le regard de Tony.

«C'est pourtant simple, ironisa-t-il sombrement. Mon grand frère essaie de me protéger des velléités de la vie, et moi, petit frère ingrat, je ne le remercie pas à sa juste valeur. Il souffre de mon dédain, alors que tout ce qu'il voulait, c'était mon bonheur.

—Alors déjà, pas la peine de prendre ce ton avec moi, je ne suis pas ton ennemi. Et ensuite, tu penses vraiment que je vais avaler sans sourciller les jérémiades d'un gosse de riche qui n'a jamais connu la moindre frustration, tu te trompes. Tu sais pourquoi?

—Tu es toi-même un gosse de riche.

—Exactement! Bon, il se trouve que depuis mon adolescence, j'ai connu quelques difficultés, mais ce n'est pas le sujet. Alors, voilà ce que je ne comprends pas: Thor a l'air d'un bon gars. Attends, laisse-moi finir. Thor a l'air d'un bon gars et je ne doute pas de sa sincérité quand il dit qu'il a eu peur quand il a découvert ta disparition. Donc, voilà ma question: qu'est-ce que ce type a bien pu faire pour que tu lui en veuilles comme ça?

—Rien, répondit Loki avant de se reprendre. Enfin, si, mais comme dans toutes les fratries. Sinon, majoritairement rien.

—Rien? s'étonna Tony qui tentait de réfréner sa curiosité.

—Rien, confirma Loki. Il n'a jamais rien dit quand ses amis se moquaient de moi. Il n'a rien dit et rien fait lorsque notre père a continuellement brimé mes désirs. Rien non plus lors de mon coming out, même si finalement c'est mieux que le rejet. La personnalité de Thor est construite sur de l'esbroufe, mais jusqu'ici, peu de gens s'en sont rendus compte. Il peut me déclarer un amour infini et inconditionnel, et il y croira de toutes ses forces, mais si les paroles ne sont pas suivies des actes, alors elles n'ont aucune valeur.

—Je vois, répondit Tony après un moment. Difficile de balancer des accusations quand il ne s'est techniquement rien passé. Il n'a pas hurlé avec les loups, mais n'a pas non plus essayé de les faire taire.»

Loki reprit son verre et le vida cul sec.

«Je suis désolé de t'avoir causé du souci, dit-il surprenamment sincèrement. Je n'ai pas pensé au fait que je ne fuyais pas seulement la présence de Thor, mais aussi mon lieu de travail.

—C'est pas grave, ça. Et honnêtement, c'est pas le plus gênant qui soit arrivé pendant un tournage.

—Maintenant tu as piqué ma curiosité, mais avant ça, comment Thor est-il entré dans le building?

—Il a eu de la chance. Darcy était en pause et il n'y avait personne pour l'arrêter. On n'a pas besoin de sécurité, habituellement donc on n'a pas de gardien. J'ai un peu peur qu'il ne se décourage pas et qu'il revienne, cela dit. D'ailleurs, demain, on va tourner autre chose, des scènes où tu n'es pas. Donc pas besoin de venir. Même, ne viens pas. Dors, passe une journée à embêter Peter ou à te promener ou faire du sport, mais tu as la journée de libre. Tututu, c'est pas discutable. C'est moi le patron, c'est moi qui décide.»

Loki secoua la tête, amusé, et ses cheveux mi-longs volèrent dans ses yeux. Tony replaça une mèche rebelle derrière son oreille et pendant un temps infiniment long et impossiblement court, Loki crut qu'il allait l'embrasser.

Mais Tony se recula un peu en se raclant la gorge.

«Désolé, marmonna-t-il. J'aurais pas dû faire ça.

—Faire quoi? provoqua Loki déçu et agacé. Suivre tes désirs? Tes envies?

—Te faire miroiter une relation inenvisageable tant que tu seras mon subordonné.

—Si tu crois que je te suis subordonné, tu te trompes lourdement, claqua Loki sèchement. Je fais ce que je veux. Je ne t'obéis pas parce que tu es mon patron, je t'obéis parce que je veux t'aider.

—Ça ne change rien au fait que sur le papier, tu sais celui que tu as signé, c'est moi qui décide de tout! s'emporta Tony. Tes horaires, ton cachet, ton rôle, ce que tu vas te prendre dans le cul! Tout! Tu ne réalises pas le pouvoir que j'ai sur toi, et je refuse d'en abuser, même un tout petit peu!

—Très bien, cracha Loki vexé. Je vais donc retirer la tentation de l'abus de pouvoir et te laisser seul. Bonne nuit.»

Avec de longues enjambées, Loki sortit du salon et rejoignit sa chambre. Il se retint de claquer la porte, eu égard aux autres habitants qui devaient dormir pour certains.

Il voulait comprendre la position de Tony, vraiment. Mais c'était si humiliant de se voir retirer toute possibilité d'action! Par peur de faire le mauvais choix, Tony l'empêchait, lui, d'en faire un!

Son regard tomba sur le sextoy qui l'occupait depuis plusieurs jours. C'était une sorte de monstre, un plug anal conique, formé de plusieurs bourrelets de plus en plus larges, qui devait l'aider à s'étirer afin de survivre à la scène avec le Baron.

Soudain, une pensée le frappa. Quand avait-il ressenti du désir, une véritable excitation sexuelle, pour la dernière fois? À part quand il avait donné la télécommande du stimulateur prostatique à Tony pour la première fois, il ne s'était pas masturbé autrement que pendant un tournage ou un entraînement, de manière complètement dépassionnée.

Le sentiment de ne pas être à sa place l'envahit, complètement à l'opposé de ce qu'il avait ressenti une heure plus tôt. L'angoisse existentielle lui tordait les tripes, prête à le forcer à s'enfuir à nouveau. Mais il ne pouvait pas partir. Il n'avait matériellement pas grand-chose, et désormais, il lui semblait avoir perdu son seul objectif. Tony avait raison. Il se fourvoyait. Il ne savait plus ce qui le poussait à séduire Tony. Si ce n'était le désir, qu'est-ce que cela pouvait être? Même la brève étincelle allumée par la télécommande s'était éteinte, soufflée par le vent d'automne.

Le métier d'acteur porno avait brisé son désir. Il savait que ce n'était pas inéluctable. Les Fitz-Simmons étaient de vrais lapins et n'avaient jamais perdu leur appétit sexuel. Il en allait de même pour Sharon Carter, dont la chambre faisait face à la sienne, ou même à Crossbones, qui baisait tout ce qui bougeait.

Alors qu'est-ce qui n'allait pas avec lui?