CHAPITRE 5 : HORIZON FUNÈBRE
Cal observa dans la cour tous ces prisonniers au passé mouvementé. Chaque pas, chaque regard, chaque respiration pouvait être sa dernière. Dans ce jeu de poker, tout était affaire de manipulations et de mensonges bien tissés. Et lorsque votre survie était la mise, il fallait savoir abattre les bonnes cartes, ni trop tôt ni trop tard. Une seule erreur et votre tombe serait creusée. La liberté était un mirage. Une vie dans ce genre d'endroit n'avait aucun prix sauf celui de la vengeance. Les règles ? Une seule, ne faites confiance à personne. Votre meilleur ami pouvait du jour au lendemain devenir votre pire ennemi.
L'expert en mensonge captura sur son visage un rayon de soleil perdu dans l'horizon. Toutes les sensations étaient ici décuplées. Du plaisir amer d'une cigarette éphémère au simple battement de son cœur. Le mot liberté n'avait jamais pris autant de sens que dans ces moments où il prenait conscience que la vie méritait d'être combattue. L'obscurité de la prison se glissait comme un poison dans ses veines et changea une partie de sa personnalité jusqu'à lors insoupçonnée : celle d'un homme prêt à tout pour sa vie. Il était difficile de s'accrocher à sa part d'humanité lorsque l'on était cloîtré entre ces murs qui le défiaient sans cesse de passer du côté obscur. En ce lieu maudit, il avait appris à comprendre la signification de chaque tatouages imprimés sur la peau meurtrie de ces hommes enchaînés. La toile d'araignée, était le symbole du piège dans lequel ils étaient cloîtré. La larme au coin de l'oeil, définition d'une double signification : celle d'une tristesse éternelle d'être dans ce lieu sans espoir, ou encore la revendication d'un assassinat. La montre, prouvant une longue peine purgée. Tous possédaient une histoire différente bien que leurs pages les avaient conduits au même endroit. Par moment, il lui arrivait de voir T-Bag se mouvoir près d'un jeune prisonnier qui avait atteint tout juste la majorité. La langue léchant ses lèvres, nul doute que ses envies primaires dépassaient le blasphème. Du jeu du chat et de la souris, Bagwell ne cessait de vouloir l'entraîner dans des coins isolés. Cal était de nature paternel et réussissait toujours à éloigner le perfide de sa cible. Malheureusement, il savait au fond de lui que le jour où sa liberté lui serait rendue, le pauvre gamin serait un jour prisonnier de sa toile. Blessure visible ou non, la prison laissait toujours des traces.
Plus tard dans la journée, Cal fut de nouveau jeté dans sa cellule lugubre. Il décida de profiter de ce moment de grâce pour se reposer sur son lit et se mettre en quête d'un début de piste. Dans sa bouillante réflexion, il contempla son co-détenu passer ses mains squelettiques à travers les barreaux ferrés pour chanter son désespoir dans cet enfer ou même ses plus viles prières ne pourraient le sauver.
— La ferme Bagwell, cria Graham au rez-de-chaussée.
— Oh le chimpanzé me dit de la fermer ? Je vais tout de suite m'exécuter, s'exclama Theodore.
Le prisonnier ferma sa bouche cinq secondes et cria :
— En fait non ! Acrobate, je suis là... prendre garde à toiiiiii...
Alors que l'énergumène reprit sa chanson de plus belle, Cal remarqua un tatouage à la forme d'un anneau sur le poignet de son voisin de cellule.
— T-Bag ? l'appela-t-il, sans bouger.
— Ouaip ?
— Je peux savoir pourquoi t'as rejoins le clan Marshall ?
Bagwell se retourna vers son interlocuteur. Il s'adossa contre les barreaux de sa geôle et croisa ses bras contre son corps pour sonder Cal de manière contemplative.
— Pour les mêmes raison que toi… survivre !
— Oui mais… pourquoi ne pas avoir tenté d'intégrer un autre clan ?
— Tu connais "The Alliance for Purity" ?
— Je crois que j'en ai entendu parler… le gang qui prônait la suprématie des blancs non ?
— J'en étais le chef, affirma-t-il, avec un léger signe de fierté de sa tête.
— Qu'est-ce qui t'a fait tombé de ton piédestal ?
— Après être sorti de prison, mes mauvaises habitudes sont revenues… Et lors de mon second jugement, mon enculé d'avocat avait eu l'intelligence requête de me transférer hors de l'État dans lequel j'avais purgé mes anciennes peines. Faisant de mon chef-d'œuvre un ramassé de poussière…
— Le clan Marshall t'a en quelque sorte permis de retrouver tes racines ?
— On peut dire ça… Bien que le dessein de Marshall ne sera jamais aussi grand que celui que j'avais jadis élaboré. Il pense que la force physique est un pouvoir de persuasion mais… il oublie que le lavage de cerveau en est un meilleur…
— Tu ne crois pas qu'il joue un rôle ?
— Marshall ? Prétendre n'être qu'un simple monsieur muscles pour diriger ses troupes de gorilles ? Nan… Il est bien trop orgueilleux pour se refuser de s'affubler de sa supériorité devant le monde entier. Même d'une intelligence cachée…
— Si tu le dis.
— Mais dis-moi… Tu sembles bien curieux pour une personne qui n'a jamais eu le plaisir de le rencontrer, Hunter Fox, releva-t-il en accentuant la prononciation de son nom.
— Je ne reste pas dans mon coin en attendant que le temps passe. Je parle un peu avec tout le monde.
— Mmh… Tel un petit serpent se postant dans les fourrés, attendant le mauvais pas pour se faufiler entre les jambes et cibler sa proie. Se jeter sur sa victime, la mordre de ses dents acérés, cracher son puissant venin et se délecter à l'observer perdre peu à peu la vie dans ses yeux, débita-t-il alors qu'il mima ses paroles par des mouvements de ses mains, à la fois lent et langoureux pour imiter le déplacement d'un serpent. En te regardant, j'ai l'impression d'apercevoir mon reflet… En moins beau, mais il y a de ça, ajouta-t-il d'un subtil sourire.
— Quel merveilleux compliment !
— Ceux qui apprennent sont ceux qui ont peur.
Cal jeta un regard interrogateur à Bagwell.
— Comme tu le dis si bien, moi la petite brindille ne peut rien contre un Marshall à la musculature d'un Hulk…
T-Bag se déplaça dans la cellule pour brusquement s'arrêter devant Cal et le pointer du doigt.
— Ce qui pousse ma peur à l'affronter autrement, en me servant de ma matière grise, ajouta-t-il, d'un rapide tapotement de son index sur son crâne.
— J'ai pourtant réussi à battre Reyes alors qu'il était bien plus fort que moi.
— C'est vrai mais… tout homme à son talon d'Achille.
— Et quel est le tiens ?
T-Bag esquissa un rictus énigmatique tandis que Cal continua de le fixer. Les deux hommes s'observèrent sans prononcer un seul mot jusqu'au moment où un vieil homme, poussant un chariot rempli des livres, s'arrêta devant leurs barreaux.
— Livre ? demanda le vieillard de manière implicite.
— Passe ton chemin vieux débris, cracha Bagwell acerbe.
L'homme aux livres haussa des épaules et s'apprêta à reprendre sa tournée avant d'être interpellé par l'expert en mensonge qui se leva d'un bond de son lit.
— Attendez ! J'en veux bien un.
— Tu veux quoi ?
— Il y en a un avec des images ?
— Tu te fous de moi c'est ça ? s'agaça le vieil homme.
— Passez-moi en un au hasard, réclama-t-il, d'une petite moue de sa bouche.
Le libraire ambulant tira un des livres du présentoirs puis le glissa à travers les barreaux pour le donner au prisonnier avant de reprendre sa route. Cal retourna le livre pour lire le titre de la couverture. T-Bag jeta un regard par dessus son épaule et arbora une rapide expression intéressée.
— George Orwell, "La ferme aux animaux" ! Très bon choix, approuva Bagwell, avant de rejoindre son lit.
Cal contempla pensivement la couverture du livre. Il ne savait pas pourquoi, mais cela semblait lui rappeler quelque chose… D'une petite moue de sa bouche, il se recoucha dans son lit et commença à lire son récit sous les chantonnements de son compagnon de détention.
À SUIVRE...
