(Le Prince de Sang-Mêlé) Horace Slughorn
Neville s'occupait des niffleurs lorsque la voix de Dumbledore, vieille et fatiguée, s'éleva dans son dos. « Il fait beau, aujourd'hui, n'est-ce pas, Neville. »
Il se retourna avec un léger sourire. « En effet monsieur le directeur, bonjour. »
« Voudrais-tu aller faire une promenade avec moi, Neville ? »
« Je n'ai rien contre, directeur. », accepta-t-il avec prudence.
L'homme tendit son bras en angle droit, levé parallèlement au sol. « Prends mon bras. »
« Monsieur ? »
« Prends mon bras. », insista l'homme avec plus de fermeté, autoritaire. Neville accepta sans plus d'hésitations. Soudainement, tout tourna, et ils se retrouvèrent dans la rue devant square Grimmaurd.
« Quand s'y habitue-t-on ? » questionna Neville, nauséeux.
« Cela dépend des personnes. La plupart vomissent la première fois. »
« Je confirme. Je crois que je l'ai fait plus d'une fois. »
Le directeur se dirigeait déjà vers l'entrée de la demeure. Neville lui emboîta le pas. Le vieil homme s'était arrêté dans le couloir du hall, et attendit que l'adolescent arrive à ses côtés.
« Directeur ? » demanda-t-il.
« Peux-tu amener Harry ? »
« Je pense que le tableau de Walburga l'a fait pour nous, directeur. », commenta l'adolescent en tournant son regard vers le portrait dépourvu du rideau qui le cachait usuellement. La femme peinte criait des insultes à leur encontre dès qu'ils avaient franchi le pas de la porte. En effet, Harry ne tarda pas à passer la tête par-dessus la rambarde des escaliers.
« Qui est-là ? » appelait-il.
« Neville ! » répondit le garçon-qui-avait-survécu. Aussitôt, Harry dévala l'escalier, et saisit Neville dans une étreinte.
« C'est bon de te voir. »
« Ouais, aussi. »
Harry s'écarta, et fixa le directeur. « Bonjour, professeur Dumbledore. Que faites-vous ici, si ce n'est pas indiscret ? »
« Tu es souvent indiscret, Harry. », répondit le vieil homme. « Ta curiosité va être satisfaite. Je vous emmène tous les deux visiter un endroit charmant. Vous le découvrirez en même temps que moi. Sortons pour transplaner. »
L'homme fit volte-face, suivi par les deux adolescents. Il leva ses deux bras comme précédemment, sans se retourner vers eux. Neville à gauche, et Harry à droite, les deux saisirent chacun un bras. Harry fronça les sourcils en voyant la main en partie noire du directeur. Trois de ses doigts semblaient presque squelettiques. Ils transplanèrent pour arriver dans une autre rue, totalement différente.
« Ce n'est pas très loin. Je vais vous présenter une vieille connaissance, un ami même, et ancien collègue, Horace Slughorn. »
« Pourquoi voulez-vous nous le présenter, directeur ? » s'enquit Neville.
« C'est un homme très social, et j'espère que vous l'apprécierez. »
« Pourquoi nous, pourquoi maintenant ? » insista Harry. Il avait d'abord résolu de laisser son meilleur ami parler en présence du directeur, puisqu'il en était beaucoup plus proche, et qu'il se questionnait toujours sur cet étrange aspect de la main du vieil homme, mais la curiosité devenait bien trop grande.
« Je pense que vous lui plairez. Je viens tout juste de retrouver sa trace. Enfin, de la retrouver, encore une fois. Il déménage souvent… » Il s'interrompit une fois arrivé devant le portail d'une demeure. Plus loin, la porte d'entrée pouvait être vue comme défoncée. « Sortez vos baguettes, les garçons. », leur ordonna à voix basse le directeur.
Le directeur s'avança prudemment, suivi par les deux adolescents. Ils entrèrent dans la maison, et purent y voir un désordre total, où tous les meubles se trouvaient renversés, et même endommagés. Nulle lumière dans le lieu, mise à part celle qui pouvait percer du Soleil à l'extérieur. Ils pénétrèrent dans une pièce où le lustre était tombé au sol, jonché de nombreux éclats de verre. Un journal traînait sur le sol, où Harry reconnaissait le titre : l'article décrivait Neville comme "l'élu", après les événements de fin d'année, avec une photo prise de lui et Dumbledore juste après la bataille, avant qu'ils ne quittent le ministère. Il savait que sur une autre page de ce journal, un autre article avait tenté d'interviewer Draco sur l'arrestation de son père et son rôle dans la bataille. Harry ignorait s'il devait s'amuser ou non du souvenir où il avait lancé une malédiction de réduction sur l'appareil qui photographia le blond. Draco venait de lui rendre sa baguette à ce moment-là, et Harry avait vraiment eu besoin de se défouler sur quelque chose.
Une goutte de sang rouge tomba sur la page. Harry releva le regard, et une nouvelle goutte tomba sur son front. Pourquoi le sang ne tombait-il que maintenant ?
« C'est frais. », déclara-t-il.
Le directeur se tourna vers lui, et repéra à la fois ce que suivait son regard, et la goutte sur son visage. Il s'approcha de lui, et essuya le sang avec sa main.
« Il n'y avait pas de sang avant. Il commence tout juste à perler. », expliqua Harry, en désignant le journal au sol.
Le directeur goûta le sang qu'il avait récupéré sur ses doigts.
« Là ! Il y a quelque chose ! » s'exclama Neville après avoir entendu un bruit, sa baguette pointée vers un fauteuil bien plus coloré que tout le reste de la pièce, intact, avec même des chaussures en parfait état rangées de façon ordonnée à moitié dessous.
Le directeur s'avança près du fauteuil, et appuya sa baguette sur le dossier.
« Albus ! » fit une voix, tandis que le fauteuil se redressait et qu'un homme se formait à sa place. Le tissu se rétractait pour former un pyjama bleu rayé de blanc. « Inutile de me défigurer ! » s'offusquait l'homme.
« Joli pyjama. », commenta Harry pendant que le dernier bras de l'homme reprenait forme.
« Oh, oui, très utile surtout. », répondit le vieux petit monsieur aux cheveux grisonnants. Il tournait son regard vers le directeur. « Qu'est-ce qui m'a trahi ? »
« Le sang de dragon. »
« Du sang de dragon ?! » s'exclama Harry. « C'est extrêmement cher ! Y a-t-il moyen de le récupérer, ou est-il totalement perdu en l'état ? … Ce serait compliqué… »
« Ne t'inquiète pas, Harry. Nous pouvons tout réparer. », affirma le directeur avant de parler à son vieil ami. « Que s'est-il passé ici ? »
« Voilà un an que les Mangemorts essayent de me recruter. Alors je dois toujours bouger. Les moldus qui vivent ici sont en Andalousie, actuellement. Évidemment, je m'attendais à une autre visite que la tienne. »
« Il faudrait peut-être réparer tout ça. »
« Oui, oui, bien sûr, fais-le. »
Le directeur agita sa baguette, et sous les yeux admiratifs des deux étudiants, la pièce changea du tout au tout alors que chaque chose se réparait et retournait à sa place. Même la lumière revenait, chaude et chaleureuse, alors que le lustre se réinstallait. Harry apprécia la disparition du sang de dragon, espérant qu'il était retourné dans un bocal correctement.
« Mais ne crois pas que je ne sache pas pourquoi tu es ici. », déclara l'ami de Dumbledore lorsque la réparation fut terminée.
« Puis-je aller aux toilettes ? »
« Oui, oui, bien sûr… »
Le directeur quitta la pièce.
« Ma réponse reste la même : non ! » appela le petit homme.
Le directeur partit, le bonhomme se tourna vers les deux garçons. Il observa les deux avec un sourire amical ou poli, ils ne savaient guère juger.
« Tu ressembles beaucoup à James Potter. Sauf pour les yeux, tu as les mêmes que… »
« Ma mère, oui. Je suis Harry Potter. »
Neville fit un pas en avant. « Et moi, Neville Longbottom. », se présenta-t-il. L'homme tournait la tête vers lui avec des étincelles étranges dans les yeux, comme s'il était ravi de le rencontrer. Heureusement, Harry le sauva d'une possible discussion gênante, en interrogeant l'homme avec impatience.
« Pourquoi avez-vous utilisé du sang de dragon ? C'était pour simuler un meurtre ou une blessure causée durant une bataille ? Vous auriez pu trouver quelque chose de moins exotique et spécial. Du sang de porc ferait très bien l'affaire. »
« Tu m'as l'air particulièrement intéressé par le sujet, mon garçon. Un peu comme ta mère. C'était une de mes meilleures élèves. » Il s'approcha d'un buffet. « Tenez, elle est là. » Les deux adolescents s'approchèrent. Il saisissait un cadre, et leur montra une photo ou plusieurs étudiants en tenue de soirée apparaissaient. Slughorn se tenait presque au centre, décalé de quelques centimètres. Le cadrage n'était guère parfait, puisque le fait que Slughorn ne soit pas au milieu rongeait presque le bras de la jeune femme le plus à droite, tandis qu'il restait un peu de place sur la gauche. Il semblait que les étudiants s'étaient placés de sorte que Slughorn soit au centre, ce qui n'était guère surprenant s'il était le professeur et les autres ses élèves. Juste à la droite de Slughorn, se tenait une jeune femme aux superbes cheveux roux, très familière. La mère de Harry. Ce dernier dénombra cinq femmes, et cinq hommes. Ces derniers étaient plus en arrière, mais également plus grands, donc c'était en fait logique. Chacun levait son verre.
« Pourquoi est-elle sur cette photo ? Qui sont-ils tous ? »
« Des élèves à qui j'ai enseigné. Ils sont tous devenus d'importantes personnes. Votre mère avait un avenir prometteur. Il en allait de même pour Alice et Frank Longbottom… »
Harry avait reposé le cadre, et observait la grande quantité d'autres photo et cadres. « Qui prenait toutes ces photos ? »
« Des volontaires. Lily était une de mes élèves préférées. Elle était tellement gentille, et si intelligente. Brillante. C'est surprenant quand on sait qu'elle était d'origine moldue… »
« La meilleure élève de l'année est née-moldue. », affirma Neville.
« Oh, je n'ai aucun préjugé, je vous assure, seulement… »
Il s'interrompit en voyant que Harry avait attrapé un autre cadre, où Slughorn siégeait à côté d'un élève de Serpentard en vêtement de Quidditch. Les six autres joueurs se trouvaient derrière eux, montés sur des estrades pour être tous bien pris sur la photographie. Cependant, ce qui avait attiré le regard de l'adolescent n'était autre que le jeune homme à l'avant, celui aux cheveux noirs bouclés, au visage si semblable à Sirius, malgré une carrure un peu plus faible.
« Regulus Black. », le présenta Slughorn. « Un garçon très intelligent, et le meilleur attrapeur de Poudlard que j'ai connu. »
« Vous n'avez peut-être pas connu Harry, alors. », s'amusa Neville. « Je ne pense pas que Regulus Black soit entré à 11 ans dans l'équipe. »
« Harry a fait ça ? » s'étonna Slughorn.
« Comment était la relation entre Regulus et Sirius ? » demanda Harry.
« Pas excellente, il faut l'avouer. Pas depuis qu'ils ont été triés dans des maisons différentes en tout cas. Vous savez, Sirius était un Gryffondor. Toute la famille était Serpentard. Je les ai tous eus, sauf lui. J'aurais aimé l'avoir aussi. »
Neville vint poser une main sur l'épaule de son meilleur ami en signe de réconfort. Harry reposa la photo, et Slughorn sembla réaliser que le sujet était sensible. Il changea donc de sujet.
« Alors, vous vous intéressez aux potions, tous les deux ? »
« Euh… », fit Neville, gêné. Encore une fois, il voulut remercier chaleureusement Harry pour son intervention.
« Qui n'aimerait pas un art aussi subtil et délicat que les chaudrons qui bouillonnent doucement en laissant échapper des volutes scintillantes, ou la science rigoureuse qui explique la délicatesse d'un liquide qui s'insinue dans les veines d'un homme pour ensorceler peu à peu son esprit et lui emprisonner les sens… »
« Harry… », interrompit Neville avec hésitation. « Est-ce que tu… tu as… c'est le discours de Severus ? »
Harry sourit brillamment. « Oui. »
« … de première année ? »
« Oui. »
Neville resta un instant sans voix, tout comme Slughorn, avant de reprendre. « Tu es monstrueux. Surtout quand tu l'imites. »
« Ooh… ça n'arrive pas si souvent. »
Slughorn les observait avec étonnement. « Vous vous entendez bien avec Severus ? »
« C'est compliqué. », expliqua Neville.
« Absolument pas. », commença Harry, presque avec fierté. « En fait, c'est plutôt le contraire. Il nous injure, nous critique, nous place en retenue à la moindre occasion, ou à une respiration de travers… »
« Tu le cherches assez souvent. », commenta Neville à voix basse.
« … Il enlève nos points à tort et à travers, favorise Serpentard comme pas permis. À tel point qu'il diminue nos notes face à eux, et augmente les leurs. Je ne pourrais même pas compter le nombre de fois où il nous a réprimandé moi et Neville. »
« Trop. », marmonna encore Neville. Ils commettaient des infractions beaucoup trop souvent. Et Severus se chargeait généralement de leur discipline. Quoiqu'il ne l'avait pas vraiment fait depuis le retour de Voldemort.
« Tiens, là, je parie que dès la rentrée, il trouvera le moyen de nous donner au moins dix heures de retenues. »
Slughorn l'interrompit. « En somme, il n'est pas votre professeur préféré. »
Neville étouffa un rire. Il était, en fait, le professeur préféré de Harry. Neville lui préférait bien sûr Hagrid, et généralement tout professeur plus patient, même s'il admirait Severus presque autant que Dumbledore.
Harry fit une moue en secouant la tête. « C'est le plus extrême. » Il fit un signe du doigt pour indiquer vers le sol.
« Alors pourquoi le prénommez-vous ? » questionna le professeur.
Soudainement, les deux garçons perdirent leur amusement, et se figèrent. Ils ne savaient pas s'ils pâlissaient ou rougissaient. L'homme était un Serpentard, d'après la manière dont il parlait des Black, et probablement pas le plus aveugle il semblerait.
« Par irrespect. », finit par lâcher Harry avec précipitation.
« C'est compliqué. », répéta Neville.
Dumbledore revint. « Bien nous allons repartir. »
« Déjà ? » s'enquit Slughorn.
« Je sais reconnaître quand une cause est perdue. Venez Neville, Harry. Il faut encore que je parle à Lily de son nouveau poste à Poudlard pour cette année. »
Les deux adolescents rejoignaient le directeur à l'entrée de la salle, mais le bonhomme questionna encore.
« Lily Potter ? »
« Plutôt Lily Evans ces derniers temps. James ne va pas mieux, et c'est un secret absolu. Au revoir, Horace. Porte-toi bien. J'espère que les Mangemorts ne te trouveront pas, où que tu ailles. »
« Au moins, nous sommes en sécurité à Poudlard. », affirma Harry, dos tourné à Slughorn, avec un sourire malicieux. Il reçut un clin d'œil du directeur qui les entraînait vers la sortie, une main dans le dos de chaque étudiant.
Ils avaient à peine franchi le portail que l'homme apparaissait à l'entrée de la maison.
« D'accord, Albus, j'accepte ! » appela-t-il. « Mais je veux une augmentation. Et l'ancien bureau du professeur Têtenjoy, pas le vieux cagibi que j'avais avant. »
« C'est d'accord. », accepta le directeur, avant de s'éloigner avec les adolescents.
« De quoi était-il professeur ? » s'enquit Harry.
« Vous verrez à la rentrée. »
« Pourquoi vouliez-vous le faire revenir ? » questionna Neville.
« Il est important qu'il revienne à Poudlard. »
Cette réponse ne plaisait pas à Harry, mais il ne dit rien. Neville continuait d'interroger le directeur.
« Pourquoi aviez-vous besoin de nous pour le recruter ? »
« Horace est un collectionneur. Il réunit autour de lui les élèves les plus prometteurs, ou qui ont de bonnes relations avec des personnes célèbres ou ses amis. Pour lui, Neville, en tant "qu'élu", est un joyau. Quant à Harry, il est le fils de l'une de ses élèves préférées. En plus, vous êtes amis, et tous les deux assez agréables à côtoyer. »
« Il aimait tant que ça ma mère ? »
« Oh, oui. Et il n'y a pas de problème à parler de Severus avec lui. C'était aussi un de ses élèves préférés. »
Les deux garçons rougirent. Heureusement qu'il n'y avait pas eu besoin de bien parler de Severus pour que l'homme accepte.
« Toutefois, vous avez bien fait d'agir comme vous l'avez fait. »
« Vous avez tout écouté, directeur ? » s'enquit Neville.
« Naturellement. J'ai particulièrement bien aimé le discours de Severus. Par contre, je dois vous contredire pour les notations : il est bon juge, et attribue la note exacte. Sinon, vous imaginez bien que ce jeune Théodore Nott serait resté deuxième de la classe un peu plus longtemps. » Il repositionna ses bras de la manière exigeante employée précédemment pour leur intimer de s'y accrocher avant de transplaner. « Un peu de compagnie vous fera du bien. Que diriez-vous de finir vos vacances au terrier ? »
Sans attendre leur réponse, il les transplana.
