(La pierre philosophale) Le miroir de Riséd


Harry ne trouvait ni l'occasion ni le moyen de pénétrer dans la réserve. C'était devenu impossible de s'écarter des autres, et Helen semblait avoir constamment un œil sur lui, comme si elle sentait qu'il préparait quelque chose.

La solution lui vint d'un coup, le jour de Noël, au matin.

Il s'était fait réveiller par les jumeaux qui avaient sauté sur eux pour les forcer à se lever. Ron, Harry et Neville n'eurent pas d'autre choix que de descendre pour visiter le sapin. Percy était déjà assis dans un fauteuil, près du feu, toujours un livre à la main. Il ne salua même pas ses frères ou les autres garçons quand ils arrivèrent.

Les jumeaux exhortèrent les plus jeunes à ouvrir leurs cadeaux. Et ils forcèrent leur grand frère à mettre le pull traditionnel que sa mère lui avait offert.

Neville grimaça en voyant les biscuits offerts par Hagrid… le demi-géant les avait préparés lui-même.

Harry était toujours bien gâté par son parrain. Il avait reçu tout un équipement pour le quidditch et l'entretien du balai.

Remus Lupin, qu'Harry considérait comme son oncle, avait envoyé aux deux garçons des livres pour la défense contre les forces du mal, avec un mot pour leur dire qu'ils en auraient certainement besoin si leurs professeurs au fil des ans se révélaient incompétents.

Harry fut particulièrement touché par l'album photo offert par Hagrid, et il soupçonnait que toutes les photos ne venaient pas du demi-géant.

Enfin, il restait un paquet souple, avec une simple note. « Ça a appartenu à ton père, fais en bon usage. »

C'était une espèce de couverture, si douce.

« Je sais ce que c'est. » souffla Ron « C'est une cape d'invisibilité, elles sont très rares ! »

Neville encouragea Harry à la mettre, et il cria en ne voyant plus que la tête de son ami.

L'idée germa dans l'esprit d'Harry. L'usage qu'il en ferait serait certainement bon, c'était pour protéger quelque chose de Quirrell.

« Ne parlez de ça à personne. Et surtout pas aux serpentards. »

Ron s'exclama. « Oh, tu as compris que c'était de la mauvaise graine ! »

Fred (ou George ?) n'était pas vraiment d'accord avec son cadet, et lui donna une tape sur le crâne. Harry l'en remercia d'un signe de tête.

« Ron, Draco est peut-être un sale con quand il s'y met, mais tu n'es pas beaucoup mieux. J'aimerais être ton ami. »

« Pas tant que t'es avec ce serpentard arrogant » siffla Ron.

Harry haussa les épaules. « En fait, tu es aussi insupportable que lui. »

Neville marmonna un "mais pas aussi effrayant" qui se fit totalement ignoré par son ami.

« Et ce n'est pas Draco le vrai problème avec toi. J'ai détesté cet abruti moi aussi. Je l'ai vraiment détesté. Et j'ai été en colère contre Snape pour sa façon de me traiter en classe aussi, je peux comprendre que tu ne l'aimes pas. Mais au banquet de cérémonie, tu ne le connaissais pas encore, et tu nous as traités de fous Neville et moi quand on t'a dit qu'on l'admirait d'une certaine manière.

« Tu as décidé de ne pas nous approcher parce qu'on avait du respect pour le maître de potion, et ça, c'est quelque chose qui me dépasse. Maintenant, Draco est mon ami. Il s'est amélioré. C'est toujours un petit con prétentieux, mais si on apprend à le connaître, on découvre qu'il a un cœur, et que son cœur a de la place pour des amis. Ce n'est pas un égoïste. Toi, tu l'es. »

Neville tenta de s'interposer. « On ne devrait pas faire la paix pour aujourd'hui ? »

« C'est ce que je fais. J'essaye de le pousser à arrêter d'être un abruti avec Draco. »

« Mais tu t'énerves Harry ! Tu as besoin de te calmer. Ne parlons plus de ça pour le moment. »

Harry se rendit compte que son ami avait raison. Il défendait Draco trop vivement. Il ne comprenait même pas ses propres sentiments vis-à-vis de ce Serpentard qui avait vraiment été son pire ennemi.

En l'espace de trois mois, il avait eu le temps d'avoir toutes sortes de sentiments à l'égard de l'autre garçon. Leur relation avait évolué à une vitesse effrayante dans les deux sens. Il avait l'impression d'avoir vécu toute une vie.

Il passa le reste de la journée à ruminer, pendant que les autres s'amusaient.

Le soir venu, il attendait dans le noir d'entendre les respirations lentes indiquer le sommeil de ses deux camarades de dortoir. Il attendit encore un certain temps, avant de prendre sa cape et de sortir du dortoir, puis de la salle commune.

Caché sous sa cape, avec juste sa main dépassant avec une lanterne, il se faufila jusque dans la réserve. Il se demanda ensuite ce qu'il pouvait bien faire pour trouver le bon livre.

Il regarda les rayonnages, les titres… Snape lui avait appris à toujours faire attention à ce qu'il manipulait, à ne jamais faire les choses au hasard avec la magie. Et ces livres, dans la réserve, n'étaient certainement pas naturels pour être cachés ici.

Il avait posé sa lanterne, et sa cape, pour regarder les étagères tranquillement. Lorsqu'il entendit la chatte de Rusard, il paniqua. Il rattrapa vite sa cape, et se cacha dessous. Mais il avait fait tomber la lanterne dans un bruit fracassant.

Invisible, il se précipita au hasard dans les couloirs, ne cherchant qu'à fuir le concierge et sa chatte.

Il se stoppa dans son élan lorsqu'il vit une porte s'ouvrir pour laisser passer deux professeurs. L'un plaqua l'autre contre le mur sitôt rentré, et le regardait d'un air menaçant.

Harry était stupéfait. Le professeur Snape avait pris les choses en mains en ce qui concernait Quirrell… et apparemment quelque chose n'allait effectivement pas avec l'autre homme.

Harry n'avait jamais vu son beau-père aussi effrayant. Même envers Sirius ce n'était rien par rapport à maintenant.

« Vous ne voulez pas m'avoir pour ennemi, Quirrell. »

L'autre professeur était tout aussi terrifié qu'Harry, et avec raison.

« Je… je-je t'a-a-assure que j-j-j-je ne ne v-voit p-pa-pas de qu-quoi tu-tu parler, Severus. »

« Vous voyez fort bien, Quirrell. »

Snape tourna vivement la tête vers Harry. L'enfant était toujours invisible, mais apparemment pas assez discret. Il mit une main devant sa bouche pour empêcher des sons d'en sortir.

Snape tendit la main, comme s'il savait qu'il pouvait enlever la cape pour découvrir un Harry apeuré. Harry recula en silence.

Lorsque le professeur ne récupéra rien dans sa main, il la regarda un instant, puis se retourna à nouveau vers Quirrell, froidement.

« Nous reprendrons cette discussion une autre fois. »

Snape lâchait lentement Quirrell lorsque Rusard arriva avec la lanterne brisée d'Harry.

« Professeur, un élève n'est pas dans son lit. »

Les deux professeurs échangèrent un regard furtif, puis se précipitèrent avec Rusard.

Harry ne savait pas où ils allaient, mais ne voulait pas le savoir. Il alla se cacher dans une salle inconnue.

Il laissa tomber sa cape après avoir refermé la porte, et étudia le lieu. La salle était grande, et vide, à l'exception d'un étrange miroir. Il s'en approcha.

Ce qu'il vit le troubla.

Il y avait son reflet, là, debout… qui lui souriait. Puis qui tournait la tête vers un Neville à ses côtés.

Derrière eux, il y avait sa mère. Elle avait un sourire éclatant, semblable aux photos d'elle de onze ans plus tôt. Elle paraissait tellement heureuse, et en bonne santé. Elle posait une main sur l'épaule d'Harry avec amour.

À côté de sa mère, il vit le professeur Snape. Il avait l'air si tendre, comme lorsque Harry le voyait avec sa mère quand il venait lui rendre visite à l'hôpital. Severus était… heureux ? Il… souriait ? Les larmes d'Harry lui montaient aux yeux. Severus et Lily étaient ensemble, et encerclaient Harry comme des parents, et Neville était toujours avec lui, comme un frère.

À leurs côtés, il y avait aussi Remus et Sirius. Remus avait toujours son attitude qu'Harry avait toujours connue, calme et aimable, et rassurante. Sirius ne semblait plus être gêné d'être près de Severus. Il gardait son sourire de quand il était seul avec Harry. Et pourtant, dans ce reflet, il n'était pas seul.

Il se mit à pleurer. Pleurer de bonheur devant la scène qu'il aurait tant aimé réelle. Il se voyait avec une famille. Une famille heureuse, avec tous les gens qu'il aimait, sans qu'aucun ne se dispute. Et sa mère allait bien, elle était rétablie, et si heureuse aussi.

Il n'y avait pas James, mais il s'en fichait, il ne le connaissait pas, et n'avait pas besoin de lui, parce qu'il avait déjà tout ce qu'il fallait… si seulement Snape l'acceptait. Si seulement Sirius acceptait aussi qu'Harry veuille de Snape. Lily aussi voulait de Severus, c'était tellement évident depuis des années.

Harry regarda encore. Quand il fut calmé, et que l'émotion était suffisamment passée pour lui permettre, il retourna à sa cape, la prit, et se précipita vers la tour de Gryffondor. Il voulait montrer ça à Neville.

Il sauta sur le lit de son ami, et cria pour le réveiller. Il savait que Neville avait un sommeil plutôt lourd.

Son chahut avait aussi réveillé Ron, mais Harry s'en fichait, il disait à son ami qu'il fallait qu'il vienne voir.

Il réussit à tirer Neville de force avec la complicité de Ron qui bougonnait qu'il voulait dormir mais dont la curiosité avait été piquée.

Les trois garçons se mirent sous la cape, et Harry les mena au miroir. Pendant qu'Harry tentait de convaincre son ami de se placer devant, Ron y allait nonchalamment.

« C'est incroyable ! »

« Oui, n'est-ce pas ! Tellement surprenant. »

« Je me vois, avec la coupe de Quidditch, c'est moi qui l'ai fait gagner ! »

« Quoi ? »

Neville prit la parole. « Regardez l'inscription en haut. C'est le miroir de Riséd. »

« Et c'est quoi ? » demanda Harry.

« Dumbledore m'a mis en grade contre ça il y a deux ans. Il ne faut pas rester devant. Ça montre ce qu'on veut le plus au monde… certains sont morts à le regarder, oubliant la réalité, se plongeant dans l'espoir de ce qu'ils voyaient. Je ne veux pas savoir ce que le miroir me montrera. »

Les deux autres garçons avaient perdu de leur excitation. Harry s'approcha du miroir, et posa sa main sur la vitre froide.

« Mais c'était tellement… beau. J'avais une famille. J'avais enfin une famille complète. »

« Oui, quelle chance, hein. » dit amèrement Neville.

Harry se rendit alors compte qu'il l'avait oublié. Neville n'avait même pas de famille. « Oh, Neville, je suis désolé. »

Le garçon haussa les épaules. « Retournons juste nous coucher. Si Snape ou Rusard nous attrapent, nous aurons de vrais ennuis. »

Tristement, et légèrement démoralisés, les garçons retournèrent à leur dortoir. Harry aurait tellement aimé continuer à observer ce reflet. Neville avait raison, il se perdrait dans cet espoir vain.

Le reste des vacances se passa sans incident. Draco avait remarqué le problème de moral d'Harry, mais sembla songer à l'ignorer après réflexion.

Helen se débrouillait pour faire se réunir le plus souvent possible les premières années. Elle engagea même les jumeaux Weasley à leur faire des farces pour les forcer à se serrer les coudes afin de les esquiver.

La connaissance de Ron de ses frères et la vivacité d'esprit de Draco aidèrent pour beaucoup. Et la ruse du Serpentard parvint à trouver comment retourner les blagues contre leurs envoyeurs. Harry aima particulièrement cette partie.

À un moment, Helen décida qu'il était temps de faire un peu de devoirs durant les vacances, et avec Percy pour gérer les jumeaux, ils organisèrent quelques petites séances de tutorat.

La fin des vacances arriva bien vite.

Dès que leurs camarades arrivèrent, les élèves restés à Poudlard se séparèrent, comme s'ils ne s'étaient jamais connus. Harry vit Helen se précipiter vers Dubois, mais fut bien trop occupé à accueillir Hermione pour se soucier davantage de ce que faisaient les autres.

« Je suis une idiote ! C'était là. J'avais pris ce livre comme lecture pour me détendre le soir. Depuis tout ce temps, la réponse était à côté de moi. »

Ils étaient à la table de Gryffondor. Hermione, tout juste revenue de chez ses parents moldus, sembla oublier les séparations entre Maisons. Elle se tourna vers les Serpentards à l'autre bout de la salle.

« Draco ! Viens voir ! » appela-t-elle.

Le silence total s'installa dans la salle. La plupart des élèves tournèrent la tête vers la fillette qui venait de crier. Elle sentit le rouge monter sur ses joues. Harry et Neville étaient eux aussi abasourdis.

Plus personne ne bougeait. Au bout d'un moment, des murmures s'élevaient, sans détourner les regards fixes sur la fille.

Lorsque le professeur Snape arriva, il fronça les sourcils devant cette scène étrange.

« Que se passe-t-il ici ? »

Quelques élèves tressaillir en entendant le maître de potion.

« C'est… c'est cette fille, Monsieur. Elle a crié au travers de la salle. »

« Et cela mérite toute votre attention ? Retournez tous à vos affaires. »

Snape s'approcha à grand pas des jeunes Gryffondors.

« Mademoiselle Granger. Vous êtes en forme, je vois. Et déjà de la lecture. Savez-vous qu'il y a autre chose que les livres d'important ? Si vous passiez plus de temps à faire attention à votre environnement, ce genre d'incident n'arriverait pas. J'attends une explication. »

Hermione rentra sa tête dans ses épaules, rouge, elle ne savait pas quoi répondre. Une voix claire la fit sursauter et relever le regard.

« Ce n'est rien, Monsieur. Granger a oublié ses manières en restant avec ces moldus, et les crétins de la salle ont tous oublié la bienséance. La faute leur revient à tous, ils devraient être capables d'ignorer ce genre d'égarement. »

Les yeux bleus et froid de Draco se posèrent sur la fille. « Je pourrais m'occuper de lui expliquer quelques règles de bon comportement en société, et surtout les règles de conduite dans l'école et particulièrement la grande salle. Même si je crains que pour les livres elle soit un cas désespéré. »

Snape hocha doucement la tête, puis se retourna vers la fille. « Vous perdez 5 points, Granger. Et si cela se reproduit, ce sera une retenue avec moi. »

Draco ricana discrètement, pendant que le professeur partait vers la table d'honneur. Il s'assit ensuite entre Harry et Hermione.

« Alors comme ça, tu rentres de vacances, et tu oublies les bonnes manières Mione ? Tutut, c'est pas raisonnable. Ne mets plus mon parrain dans cette situation, il ne peut pas punir toute une salle. Qu'est-ce que tu voulais ? »

Hermione était immédiatement plus détendue, et elle expliqua au Serpentard tout ce qu'elle avait appris sur Flamel dans le livre, et surtout… la pierre philosophale.

« La pierre philosophale ! » s'écria Draco, cependant pas assez fort pour attirer, heureusement, l'attention.

« Qu'est-ce que c'est ? » demanda Neville.

Le blond se tourna calmement vers le garçon et lui expliqua doucement. « La pierre philosophale est le but extrême de l'alchimie. Elle permet de transformer n'importe quel métal en or et de fabriquer l'élixir de longue vie. C'est l'objet de nombreuses quêtes. Tous les alchimistes d'origines cherchaient à la fabriquer. »

Il prit un ton passionné. « Il y eut Zosime de Panopolis, un alchimiste gréco-égyptien au IVe siècle ; Geber au VIIIe siècle, Avicenne au XI, Albert le Grand suivit de son élève Thomas d'Aquin au XIIIe, et tant d'autres. Ce fut finalement Nicolas Flamel qui y parvint. C'était un sorcier français du XIVe siècle ! »

Hermione poursuivit. « Il vit toujours, avec son épouse Pernelle Flamel, qu'il a rencontré en étudiant à Beauxbâtons. Beaucoup d'autres ont tenté de reproduire la pierre après lui, ils ont tous échoué.

« Voilà ce que dit le livre sur la pierre : " Les anciennes recherches alchimiques avaient pour objet de fabriquer la Pierre philosophale, une substance légendaire dotée de pouvoirs étonnants. Cette Pierre a en effet la propriété de transformer n'importe quel métal en or pur. Elle produit également l'élixir de longue vie qui rend immortel celui qui le boit." »

Draco croisa les bras. « C'est à peu près ce que j'ai dit. Sors de tes livres, Mione, on n'a pas forcément besoin d'avoir les contextes mots pour mots, ce n'est qu'un autre être humain qui a rédigé ça, ce n'est pas une chose si sacrée. »

Neville intervint avant qu'une dispute n'éclate. « D'accord, mais qu'est-ce que c'est, l'élixir de longue vie. »

Draco se retourna vers lui, alors qu'Hermione avait la bouche ouverte pour répondre au Serpentard. Elle la referma pendant que le garçon répondait.

« Ni plus ni moins que ce que son nom n'indique. C'est un breuvage magique qui prolonge l'existence de celui qui le boit. »

Hermione reprit son attitude à donner des cours. « Mais il doit être pris régulièrement pour maintenir l'immortalité de la personne. »

Draco roula des yeux. « Quelle précision importante, Mione, merci. Ça change, tout, vraiment. »

« Tu es insupportable, Draco Malfoy ! »

La réflexion énervée d'Hermione fit pouffer légèrement Draco. Lui, ça l'amusait. Harry était tout aussi amusé, mais décida de retourner contre Draco ses capacités de réflexions moqueuses.

« Hermione n'est pas la seule je-sais-tout ici, dirait-on. »

Cette fois, Draco fut tout aussi renfrogné qu'Hermione, et ce fut au tour de la fille de rire. Harry était content, il avait fermé le clapet du Serpentard.

Neville regardait ses amis avec affection. Ils formaient une bonne équipe.

« Maintenant que nous savons cela, êtes-vous décidés à laisser les professeurs s'en occuper ? Curiosité satisfaite. »

Les trois enfants regardèrent celui qui était en face d'eux à table. Avaient-ils vraiment envie d'en arrêter là ?