(La chambre des secrets) Une année de retenues


À la fin du cours de Potion, le professeur congédia tout le monde à l'exception de Draco, Hermione, Harry et Neville.

Hermione et Draco tentèrent évidemment de se rebeller.

« Mais professeur, nous avons cours ! » s'excitait la fille.

« Je vais être en retard en Sortilèges, ça ne peut pas attendre ce soir ? Ou ce midi ? En plus, je n'ai rien à faire avec ces Gryffondor. », plaidait Draco.

Le professeur ferma les portes de la salle par magie, et les verrouilla.

« J'attends moi aussi un cours. Cependant, certaines choses doivent être réglées au plus tôt. Et pour commencer, Draco… vu la raison principale pour laquelle je vous ai retenu, tu as tout à faire, malheureusement, avec ces Gryffondor impétueux. »

Draco croisa les bras comme un enfant boudeur. Il bougonna. « Neville est plus un froussard qu'un impétueux. »

« Draco, discipline. »

Le garçon reprit sa contenance noble. Le professeur avait raison, il ne devait pas pouvoir être comparé à un enfant gâté. Il l'était, certes, mais il était aussi bien éduqué et discipliné.

« Harry et Neville, votre retenue avec Rusard est programmée pour ce soir à 18 h. »

« Déjà ? Euh… si tard ? »

« Avez-vous déjà prévu un impératif ? Si vous avez l'intention de contrevenir au règlement une fois encore, ou même de sortir après le couvre-feu pour aller voir votre ami Hagrid, prévenez-moi. Je m'arrangerais pour changer les horaires de vos punitions afin que vous ayez tout l'après-midi de libre. »

« Vraiment ? »

« Non. »

Le ton du professeur était devenu extrêmement dur. Harry réalisa ce qu'il avait osé suggérer. Il se sentit plus honteux que jamais et rougit jusqu'à la racine des cheveux. C'était tellement ridicule qu'au lieu de sauter sur l'occasion de se moquer de lui, Draco restait éberlué.

Hermione quant à elle, était restée interpellée sur l'utilisation des prénoms. Le professeur reprit normalement, pour ce qui était normal de sa part du moins, plus ou moins.

« Mademoiselle Granger, votre retenue de ce soir sera à 16 h, avec moi. Ne soyez pas en retard, et venez dans la salle de potion. Attendez que le cours qui y a lieu soit terminé avant d'entrer. »

« Oui, monsieur. »

« Harry, ta retenue supplémentaire sera avec monsieur Rusard à 17 h, je l'en informerais. »

Harry semblait beaucoup moins apprécier l'idée. « Je ne pourrais pas la passer avec toi ? »

« Non. »

« Mais… »

« Ceci est une punition. »

« Tu es très capable de donner des punitions très désagréables ! »

« Veux-tu que je double ta retenue avec Rusard ? »

« Non… »

« Alors ne remets pas en question mes décisions. »

« D'accord, mais alors dis-moi quand je pourrais venir te voir en dehors des cours et de nos retenues ? »

« Tu n'en as pas besoin. »

« J'en ai envie. Et j'ai des choses à te dire… seul. »

« Très bien, Potter, votre insolence vous coûte une retenue supplémentaire à 17 h, vous viendrez remplacer votre camarade dans la salle de potion. Et ce sera une vraie retenue. »

Harry grimaça. Il devinait déjà ce qui l'attendait. D'un autre côté, il savait aussi qu'il pourrait en profiter pour parler avec le professeur, et c'était ce qu'il voulait.

« Il va de soi que ta retenue avec Rusard est décalée pour 16 h. »

« Oui, monsieur. »

« À présent, venons-en au sujet principal… Vous avez tous les quatre mérité une correction monumentale pour votre comportement en fin d'année dernière. Et ce, seulement si on enlève toutes les infractions que vous avez commises tout au long de l'année. »

« On a déjà été puni pour ces infractions-là. Et même plus, McGonagall nous a punis pour s'être battu alors que nous n'avons rien fait. »

« À ma connaissance, seul Neville ne s'est pas battu lors de cet événement. »

« Il a quand même été puni. Draco a participé, et tu l'as pas puni. »

« Harry, cesse de m'interrompre. »

Lily s'approcha doucement. « Les adolescents sont comme ça. »

Severus tenta de cacher sa grimace aux enfants. « Lily… »

La femme posa son menton sur l'épaule de l'homme et chuchota à son oreille. « D'accord, je ne m'emmêle pas. C'est toi le professeur. »

Severus n'avait pas d'autres choix que de s'occuper de la malade maintenant et d'ignorer les adolescents. Il se retourna et repoussa doucement la prétendue folle en la tenant par les bras. Il l'entraîna le plus prudemment possible vers le coin de la salle d'où elle venait pour lui parler.

La situation était toujours tellement difficile depuis que Lily était dans cet état. C'était devenu d'autant plus compliqué quand elle s'était mise à penser qu'ils étaient mariés alors qu'ils ne l'étaient pas.

Il ne devait pas la brusquer, et elle était ce qu'il aimait le plus au monde. Mais il ne pouvait pas la laisser dans ses illusions et devait rester distant d'elle, tout en restant un soutien constant. Tant que Lily serait dans cet état, il savait que la laisser agir comme s'ils étaient un couple serait comme un viol, et c'était hors de question qu'il participe à briser l'honneur de la femme. Elle était juste malade, il n'était là que pour l'aider à guérir.

À chaque fois qu'elle s'accrochait à lui, il usait de toute son occlumancie pour rester indifférent. Et Albus sait à quel point c'était difficile. À quel point c'était déchirant ! Être à la fois si proche et si éloigné de Lily était le châtiment qu'il subissait pour ses erreurs. Il aurait préféré être puni sans que Lily le soit également. Elle n'était qu'une victime. Le pire était que c'était de sa faute à lui.

« Lily, j'aurais un petit service à te demander… »

« Tout ce que tu veux, Sev. »

« Pourrais-tu aller dans les quartiers pour appeler Poppy par cheminette ? »

Lily sembla inquiète avant même qu'il ne termine. Il s'empressa de poursuivre. « Rien de grave, rassure-toi. Seulement, il faudrait lui transmettre le manuscrit de mes dernières recherches qui est sur la table. J'ai besoin de son aide… et elle pourrait te demander ton assistance. Tu veux bien nous aider ? »

« Bien sûr. C'est sur quoi ? »

« Hum… je ne t'interdis pas de le lire. Tu comprendras mieux comme ça. »

Lily acquiesça et partit de la salle. Severus alla à son bureau et sortit des petits bouts de papier ainsi que sa plume. Tout en écrivant, il interpella les enfants à nouveau.

« Pour vos dernières actions répréhensibles avant les vacances d'été, vous vous verrez infligé d'une série de retenues avec divers professeurs selon les disponibilités de chacun, et leur bon vouloir. Vous aurez au total 72 heures rondes de retenues. Vous pourriez être amenés à suivre vos retenues ensemble ou séparément. Vous n'aurez pas de retenue le mardi, en raison de votre cours d'astronomie. Je vous tiendrais personnellement informé de chacune de vos retenues. Vous commencez ce samedi même. »

Il se leva et donna un bout de papier chacun à Harry et Draco.

« Neville, tu seras avec votre merveilleux nouveau professeur de défense contre les forces du mal. Il a insisté pour t'avoir à une heure indue dont il s'est réservé le droit de choisir le moment exact le plus tard possible dans la semaine. S'il ne vous a toujours pas informé samedi matin, présente-toi à son "bureau" à 16 h. »

Harry et Draco regardaient les papiers. C'était les mots d'excuse qu'il leur faisait pour leurs retards respectifs à leur prochain cours. Harry avait sur son seul papier l'excuse pour les trois Gryffondor.

« Mademoiselle Granger, le professeur McGonagall a accepté de vous recevoir à 11 h. Ne soyez pas en retard. »

« Oui, monsieur. »

« Harry et Draco, vous êtes avec moi à partir de 19 h. Mangez avant. »

« Pourquoi si tard ? » s'enquit Harry.

« Parce que je l'ai décidé. Disparaissez de ma vue. »

Les enfants ne se firent pas prier pour récupérer leurs affaires et se diriger vers la porte. Le professeur déverrouilla magiquement l'entrée et ouvrit même les battants d'un simple coup de baguette lorsque les quatre étudiants furent proches de la sortie.

Ils passèrent sous les yeux étonnés des premières années de Serpentard et Gryffondor, dont Ginny Wealsey faisait partie. Elle les reconnut sans difficulté et elle lança un regard noir à Draco alors qu'il passait en dernier. Il l'ignora totalement.


Quand Harry, Hermione et Neville arrivèrent au cours de métamorphose, Ron perdit des points en demandant devant McGonagall à quel point ils avaient été martyrisés par Snape une fois de plus.

Harry présenta le mot qui informait le professeur de la cause de leur retard « une raison disciplinaire qui ne pouvait pas attendre » et du moment de la retenue qu'elle avait décidé que deux d'entre eux auraient, mais que Snape s'était chargé de placer, « Potter et Longbottom seront avec Rusard ce soir à 18 h. ».

De son côté, Draco subit le sarcasme de Nott qui semblait particulièrement apprécier l'idée que le blond soit resté en arrière en potion pour une punition. Draco ne perdit pas l'occasion de lui rappeler que, comme les apparences le montraient, il était réellement favorisé par leur chef de maison, et ne serait pas puni pour avoir bien répondu en cours.

Le mot qu'il présenta à Flitwick n'informait pas de la cause du retard, simplement qu'il avait été retenu par Snape qui avait eu quelque chose à lui dire. Aussi, put-il même l'utiliser pour justifier ses propos. Nott ne prit pas cela comme un argument valable, mais il préférait se taire pour suivre le cours.

Au déjeuner, Draco préféra rester avec les Serpentard. Il ne comptait pas perdre le contrôle comme il l'avait fait l'année précédente en devenant plus ami avec des Gryffondor. Il devait récupérer l'autorité, et surtout empêcher Nott de l'avoir. Ce n'était pas bon pour sa santé quand Nott prenait le pouvoir.

Hermione était la première à avoir sa retenue. Elle se présenta bien à l'heure dite devant la salle. Les Serdaigle et Poufsouffle de 4e année sortaient à l'heure pile, et la fille rentra. Elle comprit bien vite que ce ne serait pas un moment agréable, bien qu'elle le sache déjà, lorsque le professeur la condamna à nettoyer à la main une grande pile de chaudrons en silence total.

Quand Harry vint la relayer, elle aurait sauté de joie si elle en avait eu la force. Elle compatirait à la souffrance de son ami plus tard, pour l'instant elle était juste heureuse d'avoir enfin fini avec cette punition pénible.

Pendant que son amie quittait la salle, Harry prenait déjà le matériel de nettoyage. Il s'y était préparé. Il savait dès le moment où il avait reçu la retenue que les probabilités pour que ce soit cette fameuse punition de nettoyage étaient élevées.

Le professeur ne lui adressa même pas la parole et poursuivait son travail à son bureau. Après dix minutes, Harry n'en pouvait plus du silence. Il était là pour parler.

« Tu travailles sur quoi ? »

« Tu es en retenue. »

« D'accord… je peux parler ? »

Snape laissa passer un moment de silence avant de répondre. « Cela dépend de ta capacité de concentration multitâche et de l'intérêt des bavardages stupides que tu voudrais m'infliger. »

Harry haussa les épaules en restant penché sur son nettoyage. Il savait que le professeur était aussi le regard sur ses parchemins et ne le regardait pas.

« Je suis allé chez tante Pétunia cet été. »

« Merveilleux. »

« Tu ne le penses pas. »

« Honnêtement, Harry, penses-tu que cela m'intéresse ou me préoccupe ? »

Harry ignora la remarque. Il voulait parler.

« Elle aime cuisiner. Mais elle n'a pas beaucoup apprécié la comparaison que j'ai faite avec les potions. Je n'ai pas le droit de faire la moindre magie devant eux ou dans leur maison. En fait, j'avais pas le droit d'évoquer le moindre sujet s'en rapprochant pendant ce séjour. »

« Tuney est certainement plus raisonnable sur ce sujet que Black. Les mineurs n'ont pas le droit d'utiliser la magie à l'extérieur de Poudlard. »

« Vous vous connaissez bien, elle et toi ? »

Il y eut un très léger silence avant la réponse courte. « En effet. »

« Vous ne vous appréciez pas beaucoup, n'est-ce pas ? »

Snape posa sa plume et observa le garçon. Harry faisait mine d'être totalement consacré à sa tâche. Il semblait même faire en sorte de donner l'impression qu'il n'avait rien dit.

« Harry, ne joue pas avec ma patience. Que s'est-il passé ? »

Harry serra légèrement son emprise sur le matériel qu'il tenait. « Oh, trois fois rien. Juste que Maman n'est plus qu'une poupée de chiffon qui ne reprend vie qu'en présence d'un seul homme qui n'est même pas son époux. »

La voix du maître des potions fut plus froide que le garçon n'ait jamais entendu. « Une… poupée… de chiffon. »

Harry déglutit difficilement. « Oui… ce sont ses mots… »

« Lupin et ses idées idiotes. »

Severus se fichait que Pétunia le critique. Il avait l'habitude et savait ne pas prendre en compte les avis de Pétunia sur son attitude. Il savait aussi qu'elle n'avait pas tout à fait tort sur ce point. Mais il ne pouvait pas tolérer qu'elle en fasse le reproche à sa sœur.

Et surtout, il ne pouvait pas tolérer que Pétunia insulte Lily, qu'importe la manière ou la raison.

Et c'était encore moins acceptable que la femme se le permette devant son neveu. Comment pouvait-elle oser critiquer la mère d'un enfant devant ledit enfant ?

La situation émotionnelle du garçon avec un père fou furieux et une mère éteinte était suffisamment pénible, même si l'état de la mère s'améliorait. C'était Pétunia le monstre si elle pensait que ça ne ferait aucun mal de cracher une telle phrase à la figure de son neveu.

Elle pouvait le penser, si elle voulait. Elle pouvait le dire dans des commérages de femme stupide si cela lui plaisait. Mais elle ne pouvait pas se le permettre devant son neveu. Décrédibiliser l'honneur de Lily était déjà une chose en soit pour laquelle Severus ne pouvait et ne voudrait trouver aucune excuse à Pétunia. Le faire devant le garçon était intolérable.

À défaut de pouvoir maudire cette moldue pathétique, peut-être devrait-il songer à maudire celui qui avait eu l'idée d'envoyer Harry chez sa tante… Lupin. Il trouverait le moyen de faire comprendre au loup sa colère pour cet événement.

Une chose était sûre, en une phrase un froid irréparable se réinstallait entre Severus et Pétunia. Et l'homme était fortement réticent à l'idée que Harry retourne chez sa tante. Mais il n'avait pas vraiment son mot à dire, et le savait. Il devait savoir ce qu'en pensait le garçon.

« Ta tante a toujours été jalouse de ceux qui ont de la magie, en particulier de ta mère. Elle n'est pas magique, ta mère si. Et elle ne l'a pas supporté quand elle était jeune. Il semble qu'elle ait toujours quelques difficultés après ces années passées… tu ne devrais pas prêter attention à ses propos. Elle n'est pas objective. »

« Elle est jalouse de Maman, et toi, elle te déteste. »

« Elle a ses raisons pour ça. Je n'ai pas toujours été très correct avec elle. »

« Tu le regrettes ? Tu la défends ? »

« Non. Ce qu'elle a dit est inexcusable. À part cet événement déplorable, comment fut le reste de ton séjour ? »

« L'oncle Vermon ne fait pas le moindre effort pour être aimable ou me supporter. Il me déteste, parce que je suis un sorcier. Mon cousin Dudley est une brute sans cervelle doublé d'un enfant gâté. »

« Tu es aussi très gâté par ton parrain. »

« Mais au moins, j'ai été bien éduqué à côté, et certains ont été capable d'être plus sévère quand besoin à la place de Sirius. Lui, il est pourri gâté. Il fait des caprices à chaque occasion, pique des colères quand il n'a pas ce qu'il veut rapidement, et tante Pétunia fait tout pour le satisfaire. C'est dégoûtant. »

« As-tu apprécié les moments passés chez ta tante ? »

« Moins j'avais d'interaction avec Vermon, mieux c'était. Je n'ai pas eu la patience de m'entendre avec Dudley. Tante Pétunia était correcte. »

« Ce n'est pas exactement ce que je t'ai demandé. »

« J'ai apprécié mes lectures et la cuisine. »

« As-tu envie d'y retourner ? »

Harry regarda le professeur avec une colère contenue. Il la refoulait depuis plus d'un mois, il devait la libérer à un moment.

« Elle vous insulte toi et Maman ! Pourquoi j'apprécierais ? Elle est la seule de la maison à tenter de m'inclure et je ne peux parler quasiment de rien. »

Harry sembla se calmer un peu avant de poursuivre d'une voix plus faible. « Je… je sais qu'Oncle Remus pense que je devrais apprendre à connaître Tante Pétunia. Il pense que ça me ferait du bien. Sirius le soutient totalement, et le laisse tout gérer. Je lui fais confiance aussi, il a toujours su ce qui était le meilleur pour moi. Mais… toi, qu'est-ce que tu en penses. »

« Tu es assez âgé et mature pour prendre certaines décisions seul. C'est à toi de savoir si tu veux y retourner ou non. »

« Oncle Remus dit que je dois lui laisser une chance. Tu n'as pas répondu. À la place de Oncle Remus, qu'est-ce que tu ferais ? »

« Je te laisserais choisir. »

« D'accord, mais tu as bien une opinion ! C'est ça que je demande. Oncle Remus est sage et je respecte ses décisions. Tu me demandes de faire mes propres choix, et j'en suis capable. Mais moi, j'aimerais me faire une idée de ce que pensent tous ceux dont l'opinion compte. Tu m'as appris à analyser une situation et à réfléchir plutôt que d'agir promptement comme un idiot. Alors donne-moi les moyens de construire une réflexion pour ma décision. »

« Retourne à ta tâche Harry. Nous verrons cela plus tard. »

Harry n'insista pas. Durant le reste de la retenue, chaque fois qu'il tentait de discuter à nouveau, le professeur le renvoyait durement à sa punition. Ce ne fut qu'à la fin que l'homme donna satisfaction à l'enfant pendant que celui-ci rangeait tout le matériel.

« Si ça ne tenait qu'à moi, tu ne retournerais pas chez cette femme. »

Harry hocha la tête avec un sourire. « Merci. »