(La chambre des secrets) Le Fourchelangue


« J'ai… quoi ?! »

« Tu as parlé fourchelangue, Nev. »

« Mais… je ne peux pas parler une autre langue sans m'en rendre compte ! »

« De toute évidence, si. », souligna doucement Harry alors qu'il observait Hermione surveiller la préparation de leur potion.

Neville et Draco étaient debout devant les lavabos. Le Serpentard avait entrepris d'être celui qui parlerait de l'événement au garçon-qui-a-survécu.

Hermione en avait profité pour s'asseoir en tailleur devant le matériel de potion, et Harry s'était accroupi à côté d'elle. Mais ils faisaient tous attention à leur ami.

Draco croisa les bras, sans détacher son regard de Neville. « Maintenant, nous pouvons deviner que tout le monde va suspecter Neville d'avoir ouvert la chambre des secrets. »

« Mais pourquoi ?! »

« Parce que le fourchelangue est un don très rare, et que Salazar Serpentard était connu pour en être un. »

« Alors, je suis… je suis son… »

« Non, ça ne veut pas dire ça. Pour une raison inconnue, tu parles fouchelangue, mais nous savons que tu n'es pas celui qui a écrit ce mot, pétrifier Miss Teigne et pétrifier ce Gryffondor. »

« Mais qu'est-ce qui t'est passé par la tête de toute façon ? », souffla Harry.

« Que veux-tu dire ? Vas-y, crache-le donc. », rétorqua froidement le Serpentard.

« Tu as fait apparaître un serpent. Pourquoi ? »

« Je voulais seulement effrayer Nev. Rien de plus. C'était un moyen de ne pas vraiment combattre. »

Harry posa sa tête sur ses genoux. « Eh bien c'est réussi. »

Hermione lança aussi un regard de reproche à Draco. « De toute manière, si Neville n'avait pas parlé fourchelangue, tu aurais pu aussi bien être accusé, Draco. Serpentard, Sang-Pur, méprisant les nés-Moldus, premier à en faire la remarque lorsque tout le monde à vu le mot, et ton premier réflexe dans un duel est d'invoquer un serpent. »

« Eh bien, maintenant plus personne n'y pensera, et tout retombe sur Nev. Je ne pouvais pas vraiment prévoir qu'il parlerait fourchelangue ! »

Neville tenta de ramener le calme. « S'il vous plaît, ne vous disputez pas… Qu'en est-il de nos plans pour le polynectar ? »

« Darcactus reste. », annonça rapidement Draco.

Harry se redressa. « Percy aussi, mais pas Olivier. »

« Helen et sa sœur seront encore là. »

Hermione réfléchit. « Alors… que fait-on concernant Olivier ? Ce serait bien de mettre notre plan en exécution lors des vacances. Peut-être… Harry, Neville, il faudrait que l'un de vous prenne l'apparence de Percy, et l'autre de Darcactus. Vous irez interroger Helen. Je vais me faire passer pour elle pour interroger sa sœur. Et Draco retiendra ailleurs son préfet… sans polynectar. »

Les garçons échangèrent quelques regards entre eux, n'étant assurément pas motivés pour ce plan. Mais ils avaient moins d'une semaine pour trouver une meilleure idée.


Le lendemain, tout le monde s'écartait du quatuor. Des regards mauvais leur étaient jetés régulièrement, et des bavardages murmurés parlaient de la malfaisance de Neville, qui n'avait vaincu celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom que pour prendre sa place.

Les quatre amis décidèrent de passer tout le temps qu'ils pouvaient ensemble, et d'ignorer chacun de leurs camarades. Aux repas, Draco choisit de s'éloigner de son groupe de Serpentard, s'installant à une extrémité de la table, et fut rejoint pas trois Gryffondor.

Personne n'osa venir les embêter ou exiger que les lions quittent la table des serpents.

Peut-être les autres avaient-ils peur que les héritiers de Salazar Serpentard ne leur jettent un mauvais sort s'ils les énervaient, peut-être pensaient-ils qu'être les héritiers de Serpentard ou leur ami donnait droit à s'asseoir ici ou peut-être songeaient-ils simplement que si l'un d'eux n'était pas le bienvenu à la table, le professeur Snape serait parfaitement capable d'intervenir en premier et ne tolérerait pas que ses élèves fassent la justice à sa place.

Il était de notoriété commune que Draco Malfoy était l'élève favoris de Snape, et que Harry Potter et Neville Longbottom étaient ses deux plus détestés. Si ces trois-là voulaient vraiment s'apparier ensemble, et à la table de Serpentard rien de moins, le premier à intervenir pour signifier son désaccord devrait être Snape. S'il ne faisait rien, les autres Serpentard ne pouvaient pas critiquer ça. Pas pendant que le professeur était présent dans la salle.

Cependant, les commérages et les suspicions s'élevaient dans l'air de la Grande Salle. Ils étaient aussi présents partout dans les couloirs, chaque fois qu'ils croisaient d'autres camarades.

Neville sentait le regard inquisiteur de Snape sur eux lors des repas, et il ne parvenait pas à savoir ce que pensait le professeur.

Moins ils passaient de temps avec les autres, mieux ils se portaient.

Au dîner, Neville ne parvint pas à trouver l'appétit. Harry, qui n'avait pas très faim non plus, le remarqua assez rapidement.

« Un problème, Neville ? »

Draco s'étouffa avec son verre. Il était assez évident qu'ils avaient un problème.

Neville ignora les pitreries du Serpentard, et tourna un visage fatigué vers son meilleur ami.

« Je… pense que je vais remonter dans la tour maintenant. Pendant qu'il n'y a personne dans les couloirs. »

Harry hocha la tête. « Je vais t'accompagner. »

Alors qu'ils se levaient, Hermione tenta de les retenir. « Vous n'avez pratiquement rien mangé ! »

« Oui, eh bien nous n'avons pas très faim. », lui répondit simplement Harry comme s'il énonçait doucement l'évidence.

Draco insista. « Vous devriez essayer de manger un peu. »

« Ne nous dis pas ce que nous devons faire. Ce n'est pas la mort de sauter la moitié d'un repas. »

« Un peu plus que la moitié. »

« Bonne nuit Draco. »

« Bonne nuit Potter. »

Neville s'éloigna, suivit par Harry. Ils avaient hâte d'arriver dans leur salle commune sans interruption supplémentaire.

Pendant qu'ils avançaient dans les couloirs sombres, ils songeaient que leur dortoir était une meilleure destination. Ils ne verraient plus Hermione avant le matin, mais ils savaient déjà qu'ils ne seraient pas bien accueillis par leurs autres camarades.

Ils se stoppèrent brusquement dans leur marche lorsqu'au détour d'un couloir ils virent un élève allongé au sol, et Nick-quasi-sans-tête pétrifié dans les airs.

Ils restèrent immobiles pendant quelques instants, surpris et inquiets. Ils reprirent leurs esprits en même temps, Neville faisant un pas en arrière et Harry un pas en avant.

« Je ne savais pas qu'un fantôme pouvait être pétrifié. », commenta Harry en continuant d'avancer vers le corps statique au sol.

Neville resta sur place. « Moi non plus… on devrait aller chercher un professeur. »

« Vas-y, je vais rester là. »

Harry se penchait vers leur camarade. C'était Justin Finch-Fletchley, un Poufsouffle de deuxième année… et un né-Moldu.

Neville se retourna et commença à courir pour trouver le plus rapidement possible un professeur. Il se cogna presque dans Rusard après premier tournant.

Le concierge l'attrapa par le bras. « Qu'avons-nous là ? »

L'homme le traîna vers le couloir d'où il venait, et aperçut alors Harry penché au-dessus de son camarade. « Pris sur le fait cette fois ! Je vous amène au directeur. »

Harry se releva d'un bond, surpris par la tournure des événements, et Rusard l'attrapa à son tour par le bras pour entraîner les deux garçons vers la grande salle.

Arrivé à l'entrée de la salle, Rusard éleva la voix, attirant l'attention de tous alors qu'il tenait fermement les deux garçons. « Directeur ! J'ai surpris ces deux garçons près d'un autre pétrifié ! »

Les professeurs Snape, McGonagall et Chourave se levèrent immédiatement, Dumbledore fit de même, et s'adressa à tous. « Que tout le monde garde son calme. Filius, je vous laisse la surveillance de la salle. Personne ne part d'ici tant que nous ne sommes pas revenus. Argus, pouvez-vous conduire les deux garçons à mon bureau ? Je vous rejoindrais rapidement. »

« Bien sûr directeur. » Rusard repartit avec ses deux coupables et un sourire mauvais.

Severus chuchota à Lily de rester ici jusqu'à son retour, et les trois chefs de maisons quittèrent la salle avec le directeur pour se rendre sur les lieux.

Draco et Hermione échangèrent un regard inquiet. Leurs deux amis allaient vraiment avoir des ennuis. Les choses étaient de pis en pis.


Rusard laissa les deux garçons dans le bureau du directeur, puis partit.

Harry et Neville étaient seuls.

Et ils eurent l'impression que les heures s'écoulaient.

Ils s'étaient assis sur les sièges en face du bureau du directeur.

Ils attendaient.

Harry se leva, et fit le tour de la salle pour observer ce qu'elle contenait. Il sursauta lorsque le Choixpeau parla.

« Ha ! Un curieux ! »

« Le… le Choixpeau ?! »

« Bien sûr, tu penses que je n'existe que durant la répartition. Je suis toujours là, je suis un artefact ancien et important, très important pour Poudlard. »

Neville rejoignit son ami. « Bonjour Choixpeau. Je… je me demandais… est-ce que… je suis vraiment un Gryffondor ? J'ai peur de tellement de choses. Et maintenant… je parle… fourchelangue. »

« Je t'ai dit que tu avais des qualités de Serpentard. Mais je reste sur ma position. Tu es un parfait Gryffondor. Le véritable courage est de battre sa peur, pas de ne pas en avoir. Et cette histoire de fourchelangue ne change rien sur le choix. Quelle est cette idée que les capacités magiques, même si elles sont identiques à celles d'un fondateur, influenceraient la maison ? Non, non, tu es un Gryffondor, jusqu'au bout. Mais chacun dispose de qualités des quatre maisons. N'oubliez jamais l'unité demande la diversité et la complémentarité. »

Harry fronça les sourcils. « Ça veut dire quoi, ça ? »

Un bruit d'embrasement les fit sursauter, et ils se retournèrent pour voir le phénix tomber en cendre.

« Il est… »

« … mort ? »

« Non, pas vraiment. », expliqua la voix de Dumbledore alors qu'il arrivait par un côté que les garçons n'auraient jamais soupçonné.

Pendant que les deux se demandaient d'où venait le directeur, le vieux sorcier poursuivait son explication.

« La mort n'est que la prochaine grande aventure. Les phénix ont cette capacité à s'embraser eux-mêmes lorsqu'ils sentent leur fin proche. Fumseck se faisait vieux, il était l'heure pour lui de nous quitter… »

Un oisillon sortit des cendres de Fumseck. Dumbledore sourit. « … pour nous revenir sous un jour nouveau, plus vigoureux, plus fort, plus majestueux un jour. »

Neville observait le petit phénix, et tendit doucement les mains, jointes et ouvertes, paumes vers le ciel. Fumseck sauta dans le creux et s'y blottit.

Harry n'y faisait plus attention. Il déglutit en regardant dans les yeux bleus à l'expression amicale et sage du directeur. « Nous n'avons rien fait, directeur. »

L'homme hocha la tête. « Mais je vous crois, n'ayez crainte. »

La porte s'ouvrit d'un coup, et Hagrid surgit dans la salle. « Directeur, tous les coqs sont morts ! Ils ont été égorgés ! »

« Du calme, Hagrid, du calme. »

Neville était devenu blanc, et l'oiseau était retourné en un saut sous le perchoir. « Tous ? » souffla le garçon en regardant son tuteur.

« Tous. », assura le grand homme.

« Mais pourquoi ?! » s'exclama Harry.

Dumbledore lui lança un regard malicieux. « C'est ce que nous aimerions savoir. Cela est certainement en lien avec les autres événements concernant la Chambre. »

« Il faut trouver ce qui se passe. Comment est-elle ouverte, qui l'a ouverte, pourquoi. Et ce qu'il y a dedans. »

Neville frissonna. « Je ne pense pas que ce soit notre rôle, Harry. »

Le directeur sourit. « Non ? C'est en effet bien dangereux, et je doute que le professeur Snape apprécie que vous vous en mêliez. Si vous avez la moindre information, n'hésitez pas à me la communiquer. Il semble que vous soyez toujours les premiers sur les lieux… »

Harry croisa les bras. « Nous attirons les ennuis, oui. »

« Tout à une raison. »

Harry fronça légèrement les sourcils, cherchant à comprendre ce que le directeur voulait entendre par là.

« Je ne vous retiens pas plus longtemps, les garçons. Hagrid vous raccompagnera en toute sûreté à votre salle commune, j'en suis sûr. »

Hagrid approuva, trop content de passer du temps avec ses deux élèves préférés. « Bien sûr directeur. »

Les deux garçons quittèrent docilement le bureau, et se rendirent compte qu'ils ne voulaient plus qu'une chose, dormir.