(Le maraudeur fugitif) Le procès de Sirius Black


Sirius et Remus avaient une très bonne raison pour avoir voulu éloigner Harry quelque temps.

C'était à cause d'une affaire vieille de douze ans.

À la disparition de Voldemort, Sirius avait convaincu Dumbledore qu'il n'avait pas été le gardien du secret des Potter. Il avait insisté sur le fait que Peter l'était, à la suggestion de Sirius qui savait qu'il serait lui-même trop évident.

C'était Peter le traître.

Dumbledore s'était arrangé avec le ministère, le Magenmagot et les Aurors pour expliquer que Sirius avait bien poursuivi Peter lorsqu'il s'était avéré que le gardien du secret avait trahi leurs amis à Voldemort, mais que l'auror n'avait pas tué son ancien ami, ni les moldus alentour.

Sirius avait rattrapé Peter et l'avait combattu. À l'issue du combat, douze moldus étaient morts et seul un doigt de Peter restait. Sirius avait donc été accusé de ces meurtres. Il n'avait pas la marque des ténèbres, et le Magenmagot avait accepté de lui laisser le bénéfice du doute.

Cela lui avait permis d'obtenir la garde de son filleul, sous la surveillance de Remus et Severus.

Mais après douze ans où Peter Pettigrow s'avéra toujours introuvable, l'affaire était ressortie.

Peter présumé mort, seul Sirius pouvait endosser la responsabilité des crimes de cette nuit-là.

Cet été, fin août, Sirius devait donc aller à son procès, une seconde fois, pour le meurtre supposé de Peter Pettigrow.

Ils n'avaient rien dit à Harry. C'était pour cela qu'ils avaient tant voulu l'éloigner. Ça, et le fait que Remus était convaincu que voir sa tante ne pouvait qu'être bénéfique pour l'adolescent.

Remus et Sirius savaient ce qui était en jeu. Ce n'était pas seulement la vie de Sirius qui serait impactée par l'issu du procès, mais aussi celle de Harry.

Sirius réfléchissait à ce qui allait se passer. Il voulait prendre tout cela d'un air détendu à l'origine, mais plus la date s'approchait, plus il était anxieux. Il refuserait de l'avouer bien sûr.

Il était content d'avoir fait s'éloigner Harry. Il ne voulait pas que son filleul le voie dans cet état. Il allait bientôt devoir repenser à tout ce qui s'était passé cette nuit-là. La nuit où il avait perdu son meilleur ami, et où il avait été trahit par un autre de ses amis les plus proches.

Il ne lui restait que Remus, qui était devenu bien sérieux. Il avait toujours été sérieux, mais il faisait tout pour s'entendre avec Snape maintenant, et c'était une chose qui hérissait les poils de Sirius.

Ce qui énervait le plus Sirius, c'était que son propre filleul semblait parfois préférer Snape. Il se rassurait en se disant que c'était la crise d'adolescence. Les jeunes garçons de cet âge, paraît-il, avaient tendance à se rebeller contre leurs parents, qui étaient les personnes qu'ils préféraient. Mais Sirius savait comment c'était passé sa propre rébellion avec ses parents. Il détestait toute sa famille. Il ne voulait pas que Harry le déteste.

Harry avait l'air de détester l'idée d'aller chez sa tante, mais lui et Remus l'avaient forcé à y aller. S'il n'y avait pas eu ce procès, Sirius se serait rangé du côté de son filleul contre Remus. Seulement, il y avait ce procès.

Il soupira et prit une gorgée supplémentaire de son verre de vin. Il était affalé dans son fauteuil et ruminait encore. Il était seul dans sa grande maison. Eh bien, à l'exception de son elfe de maison détestable qui ronchonnait probablement en nettoyant une salle ou une autre. Pour ce que Sirius en savait, Kreatur pouvait bien être en train de décrire son attitude si contraire à la noblesse des Sangs-Purs au portrait de son infâme mère.

Remus rentra doucement, et s'installa dans son siège habituel.

« Je peux t'expliquer ce qui va se passer, ou tu peux préférer y aller à l'improviste et à l'aveugle comme tu aimes faire usuellement. »

« Non, vas-y, raconte. Qu'à prévu Albus cette fois ? Est-ce que son chien sera-là ? J'espère qu'il a au moins songé à m'épargner cette honte. »

Remus soupira. « Severus sera là, et il n'est pas le chien de Dumbledore. »

Sirius haussa les épaules. « Il dit toujours que j'étais celui de James. Je peux bien lui faire la même remarque vue comme il est collé à Albus. »

« Sirius, tu devrais peut-être essayer de te mettre du bon côté de Severus. Il viendra pour le témoignage de Lily. Il y aura aussi des médicomages pour attester de la viabilité de son témoignage. En espérant qu'elle sera dans un état correct. »

« Ouais, ou que les autres ne concluent pas que Servillus l'a juste influencée. »

« Arrête de l'appeler comme ça. Qui croirait qu'il influencerait Lily pour t'aider, toi. »

« Eh bien, si je l'insulte, il y en aura moins pour le croire. », tenta-t-il de plaisanter amèrement. Il ne se reçut qu'un regard dur de son ami.

« Sirius, s'il te plaît, sois sage. Tu es un adulte, et la dernière fois que j'ai vérifié, tu étais capable d'être responsable et raisonnable. »

« Pas avec lui. »

« Pour ton procès, fais un effort. Si tu ne le fais pas pour toi, fais-le pour Harry. Il mérite que tu t'en sortes. Il mérite de t'avoir. Lily attestera donc que Peter était leur gardien du secret, cela devrait jouer en ta faveur en confirmant que Peter a trahi, et que même si tu l'as poursuivi dans une optique de vengeance, c'est lui le mage noir, ou du moins le complice de Voldemort. »

« Ça ne me disculpera pas de son meurtre s'ils sont assez stupides pour continuer à m'accuser. »

« Non, mais cela devrait aider à leur faire comprendre que Peter était plus susceptible que toi de tuer ces douze moldus. »

Sirius grogna. « J'espère que toute ma défense ne se résume pas sur le témoignage d'une femme à moitié folle. »

« Dumbledore attestera que tu as toute sa confiance… »

« Pour ce que ça a aidé Hagrid. » Sirius remarqua la lassitude sur les traits de son ami. « Remus, sérieux, Albus a deux fois tenté de dire que Hagrid était innocent, et ça ne l'a pas empêché de perdre sa baguette et d'être renvoyé la première fois, puis d'être incarcéré à Azkaban la seconde. Neville était tellement catastrophé, je n'ai pas envie que Harry subisse ça. Il faut une défense plus solide. »

« Tu n'as pas fait beaucoup d'effort pour t'en construire une. Si seulement nous pouvions… »

« Non. Nous ne leur dirons pas ça. J'irais à Azkaban aussi si c'était su ! Et ça ne les convaincrait même pas. Ce ne serait pas plus une preuve que le fait que je n'étais pas le gardien du secret. »

« Tu étais le premier à penser que ne pas être le gardien du secret de Lily et James était une bonne défense. »

« C'était il y a douze ans. J'ai grandi depuis, que vous le croyiez ou non. Et j'aimerais bien que vous n'interfériez plus avec l'éducation de mon filleul. Je n'étais peut-être pas prêt à l'origine, mais maintenant je le suis. »

« Sirius, il ne s'agit pas de ça pour le moment… Sirius… peux-tu être honnête avec moi ? »

Sirius grogna, finit d'avaler son verre de vin, puis tourna la tête vers son ami. « Tu veux quoi ? »

« Es-tu certain que Peter est encore en vie ? Même si tu n'étais pas le gardien du secret, peux-tu m'assurer que tu n'as pas tué Peter pour venger James ? »

Sirius lui lança un regard noir. Il se leva, et lança son verre au travers de la salle. Kreatur apparut en le fusillant du regard, comme pour lui reprocher son geste, comme si le mur était une chose fragile à protéger comme un enfant. Sirius tournait le dos à Remus. Sa voix était emplie de haine.

« Et toi, peux-tu m'assurer que si tu découvrais que Peter était en vie, si tu pouvais en déduire que c'est vraiment lui le traître et pas moi, s'il se tenait devant toi, est-ce que tu l'épargnerais ? »


« Excusez-moi, mais qu'est-ce que cela apporte au débat exactement ? »

Sirius grogna. La dame en rose et aux bajoues de crapaud commençait à l'énerver. Et pour une fois, il nota qu'il partageait le même sentiment que Snape à voir son froncement de sourcil. Il faut dire que la dame venait d'interrompre Lily.

Remus se détendit légèrement en remarquant que Lily s'était tue, comme si elle avait bien entendu l'interruption. C'était préférable. Si elle avait poursuivi en ignorant totalement l'autre femme, il n'osait imaginer ce qui se serait passé.

Lily sembla déconcertée, puis vexée. Elle rouvrit la bouche pour parler, mais fut coupée avant d'avoir pu dire un mot.

« Cette femme, là, ne nous a-t-elle pas été présentée comme ayant besoin d'une aide psychiatrique ? Ces médecins sont ici pour attester de la validité de son témoignage. Mais peuvent-ils assurer que ses souvenirs sont exacts ? »

Sirius eut l'impression de perdre pied. Il réalisait que la situation leur échappait totalement. L'intervention de Lily ne servait à rien, et pire, certains, avec de l'imagination, pourraient tenter de retourner cela contre lui. Il perdrait.

Remus semblait plus malade qu'il ne l'était au début de la séance, et ce n'était pas à cause de la période. Ils étaient plusieurs à avoir pleinement conscience de l'état des souvenirs de Lily. C'était un miracle que Remus ne s'expliquait pas qu'elle fut capable d'en parler à ce moment.

Severus, bien qu'il s'efforçait de paraître neutre, était intérieurement hors de lui. Il avait passé quelques heures à aider Lily à se focaliser sur le choix du gardien du secret.

Non seulement la grande majorité des souvenirs de Lily concernant sa vie de couple étaient bloqués par son esprit, et même avec une puissante legilimancie ils n'étaient pas aisément atteignables, mais ce souvenir particulier était plutôt lié à la nuit de souffrance qu'elle avait subie. Aussi, la pousser à se rappeler avait été particulièrement éprouvant pour elle, et plusieurs fois elle avait cédé aux larmes et à la panique.

Les médecins présents étaient quelque peu gênés.

« Eh bien ? » insista la femme en rose.

L'un des médicomages répondit, peu assuré. « Non… »

Lily se tourna avec inquiétude vers Severus. Il lui fit discrètement un signe de ne pas réagir, tentant de lui faire croire que tout allait bien.

« Alors, si c'est réglé, quelqu'un d'autre veut-il se prononcer en faveur du coupa- du suspect. »

Remus se prononça. Elle le scruta avec dégoût et mépris. « Ah, oui, vous. Bien, nous savons tous ici votre condition, mais nous sommes prêts à vous écouter. Mais nous prendrons en compte la précarité de votre témoignage. »

Remus ne commenta pas. Il avait l'habitude de ce genre de réaction, et il savait parfaitement qui elle était. Dolores Ombrage, la femme à cause de laquelle il ne pouvait plus trouver de travail depuis quelques mois. C'était déjà difficile avant, c'était devenu impossible après son dernier décret de loi.

La femme commença à l'interroger.

« Pourquoi le défendez-vous ? »

« Tout d'abord, je le crois innocent. Je tiens à préciser à cette noble assemblée que Sirius Black, malgré toute la colère qu'il pourrait avoir pour Peter Pettigrow, qui est celui qui a trahi nos amis, jamais Sirius n'aurait agressé et tuer des moldus. Il a déjà été prouvé qu'il n'était pas un Mangemort. Il a passé ces douze dernières années à éduquer et élever Harry Potter, celui qui fut rendu presque orphelin par cette nuit désastreuse. »

« Vous oubliez, quand vous dîtes "désastreuse" j'espère, que cette nuit est le jour où le Seigneur des Ténèbres a disparu. Ce devrait plutôt être un moment heureux. »

« Nous sommes ici pour parler de trahison, de torture et de meurtres. Alors non, je ne l'appellerais pas "heureux". »

La femme écarta ses paroles d'un geste de la main. « Nous pouvons voir de quel côté vous étiez. Pouvez-vous nous dire ce qui c'est passé cette nuit-là ? »

« Bien sûr. Peter est allé… »

« Non, non, pas ça. Que savez-vous des événements qui ont eu lieu entre vos deux amis ? Y étiez-vous ? Avez-vous été témoin de l'innocence de l'accusé ? »

La gorge de Remus se nouait. Il devait être honnête. « Non. »

« Alors comment donc pouvez-vous être certain que la version des faits évoqués par Sirius Black est exacte ? Comment expliquez-vous que Peter Pettigrow ait pu se volatiliser en ne laissant qu'un seul doigt ? »

« Il se l'ai coupé lui-même ! » rugit Sirius.

« Taisez-vous ! » ordonna la femme d'une voix suraiguë. « Remus Lupin, comment expliquez-vous ce qu'il s'est passé ? Comment pouvez-vous affirmer devant cette noble assemble le contraire de la version des témoins des événements ? »

« Je ne peux pas. Mais je vous assure que Sirius n'aurait jamais… »

« Nous en avons assez entendu, je pense. J'aimerais juste poser une simple question pour un autre témoignage. Nous avons ici la version d'un ami qui atteste de sa confiance en l'accusé. On nous dit : "Sirius Black serait incapable de tuer.". J'aimerais entendre la pensée sur ce point de quelqu'un qui ne tenterait pas de défendre l'accusé pour des sentiments. »

Remus retourna à sa place et s'assit. Il se prit la tête dans les mains, désespéré. Sirius semblait déjà condamné dans l'esprit de cette femme.

« Severus Snape, vous êtes ici "du côté" de Sirius Black. Vous étiez prêt a exposer des arguments pour nous convaincre qu'il n'est pas coupable de ce dont nous l'accusons. Je n'ai pas envie de réentendre tous les arguments que tant de personnes ont voulu nous donner. Répondez juste à ma simple question, s'il vous plaît : pensez-vous Sirius Black incapable de tuer ? »

Remus leva un regard suppliant vers Severus. Sirius savait qu'il était fini. Il n'y avait aucune chance que le témoignage soit en sa faveur.

La salle resta en haleine un long moment. L'homme qui détestait probablement le plus Sirius Black prenait son temps à réfléchir. Cependant, il était un homme d'honneur. Un homme qui se vantait de ne pas mentir, même s'il pourrait y être forcé dans certaines circonstances, les lois de la guerre et de l'espionnage.

« Non. Sirius Black serait capable de tuer par colère impulsive. »


À l'issue des débats et des votes, Sirius fut jugé coupable du meurtre de Peter. Il était condamné à Azkaban.