(Le maraudeur fugitif) Le fugitif
Alors que Harry marchait dans la rue vide et silencieuse sous la lueur de la lune, traînant sa valise derrière lui, il fut surpris par le grognement d'un chien.
Il crut durant un instant que c'était l'animal de Tante Marge, mais il repéra un animal plus noir qu'une nuit sans étoiles. Le chien le fixait depuis un buisson.
Harry était intrigué. Il s'apprêtait à s'approcher, ignorant l'avertissement de son cerveau que c'était probablement une très mauvaise idée, mais fut arrêté par l'arrivée soudaine du bus.
Il monta à bord, et, maussade, se réfugia dans un coin pour s'isoler. Il aurait voulu rester enfermé sur lui-même et se morfondre dans la solitude, mais le trajet mouvementé du conducteur fou l'en empêcha.
Après un certain nombre de frayeurs beaucoup trop élevé, il descendit à sa destination, la Chaudron Baveur.
Il paya une chambre, et songea à la manière de prévenir quelqu'un de son départ des Dursley et de son lieu de refuge.
Avant de trouver une solution, il comprit qu'il devait déjà réfléchir à qui il alerterait.
Remus était définitivement mis sur le côté. C'était lui qui avait tant insisté pour l'envoyer chez tante Pétunia.
Sirius aurait été le premier choix d'Harry, mais son parrain avait été du côté de Remus. Et il ne voulait toujours pas entendre parler de retourner en vacances avec Pétunia.
De plus, si jamais il expliquait ce qui s'était passé, il craignait que Sirius ne devienne furieux et ne s'en prenne d'une manière ou d'une autre à ces moldus.
Prévenir Neville ne servirait pas à grand-chose.
Et Harry ignorait comment contacter sa mère ou son beau-père.
Il réfléchit à avertir ses amis. Il y avait Hermione, dont les parents étaient moldus. Et il y avait Draco… avec son infâme père Lucius Malfoy. Totalement hors de question.
Il décida finalement qu'il pouvait bien rester ici sans que personne ne le sache, et qu'il serait capable d'aller à Poudlard par lui-même en temps voulu.
Plusieurs jours s'étaient écoulés tranquillement. Harry s'occupait avec ses lectures latines, grecques ou simplement ses manuels de cours.
Ils avaient cette année cours avec le Monstrueux Livre des Monstres dont Neville avait emprunté un exemplaire à Hagrid lorsqu'ils cherchaient ce que pourrait être le monstre de la Chambre des Secrets.
Harry avait entrepris d'en faire une de ses lectures préliminaires d'été, mais lorsqu'il l'ouvrit, il s'avéra que le livre était réellement un monstrueux livre… vivant, et qui cherchait à le dévorer.
Après être parvenu à le fermer au prix d'une chaussure, puisque le monstre n'était attiré que par ce qui pouvait lui faire croire que le garçon y était, Harry avait décidé de le laisser pour plus tard. Probablement lorsqu'il parlerait avec Neville qui avait apparemment oublié de l'alerter sur ce léger détail de carnivore quand ils avaient fait les courses.
Harry descendait habituellement dans la partie taverne de l'auberge pour les repas, et rien d'autre. Il comptait particulièrement sur le calme qu'il trouvait usuellement à l'heure où il y allait pour le petit-déjeuner.
Mais un matin, il eut une surprise qu'il ne sut juger. La présence de Neville était certainement très appréciable. Mais celle de Remus qui lisait à côté de celui qui mangeait était beaucoup moins agréable.
Après un petit débat intérieur, Harry choisit de finir de descendre les marches, et alla s'asseoir en face de son meilleur ami.
« Bonjour Neville. »
Le garçon releva immédiatement la tête, avec un grand sourire. « Harry ! »
« Que fais-tu là ? »
« Remus m'a conduit. »
Harry tourna un regard sombre vers l'homme qui l'observait depuis qu'il avait signalé sa présence. Harry était consciencieusement froid. « Et que fais-tu là, Oncle Remus ? »
« Pour répondre à ta question implicite, oui, je suis ici pour toi. »
« Comment as-tu su ? »
Remus semblait exténué, pire que Harry n'avait jamais vu. Il avait l'air très malade, fatigué et à bout de nerfs. Il semblait même irritable. Sa voix n'avait que deux variations : soit basse de fatigues ou lassée, soit dure et sévère.
« Ça n'a pas d'importance. En revanche, tu seras content d'apprendre que la belle-sœur de ta tante a été retrouvée en haut d'une cheminée, a été dégonflée, et que les mémoires des moldus ont été effacées. Incident clos pour le moment. »
« Pour le moment ? », fit Harry d'un ton septique avec un haussement de sourcil interrogateur.
« Je compte bien te demander une explication, Harry, même si un incident de magie accidentel ne saurait être puni et est reconnu comme incontrôlable. Tu pourrais cependant essayer de maîtriser un peu mieux tes sentiments, mais nous en parlerons plus tard. »
« Qu'est-ce qui peut bien être plus important pour un moralisateur comme toi, oncle Remus ? »
Neville se leva et commença à se diriger vers l'escalier. Il s'arrêta lorsqu'il sentit le regard de Harry dans le silence de la pièce. Il se retourna. « Je vais monter dans ma chambre. Tu pourras venir me voir plus tard, mais je ne veux pas gêner pendant que vous semblez clairement avoir des choses à vous dire. »
Sur ce, il partit.
Harry observa à nouveau l'homme aux traits tirés. « Alors ? »
Remus était déjà à bout de nerfs à cause des derniers jours. La fuite de Sirius n'avait pas aidé pour cela. Il jeta un petit coup d'œil vers l'affiche collée à un pilier que Harry ne semblait pas avoir repérée. L'avis de recherche qui désignait Sirius comme un meurtrier et un fugitif.
La voix colérique et haineuse de Sirius annonçant qu'il ne se plierait pas à cette « prétendue justice » raisonnait encore dans son esprit.
De plus, c'était la première fois qu'il se tenait près des enfants à cette période du cycle naturel. Il avait toujours voulu éviter qu'ils le voient dans cet état. Mais ce qui s'était passé l'empêchait de rester à l'écart.
« Harry, il faut que tu saches… Sirius… »
Harry n'était pas de bonne humeur pour ce qui concernait Remus, mais il commençait à ressentir un mauvais pressentiment. Il était arrivé quelque chose, et ce n'était pas bien. « C'est son travail ? »
« Non, non pas vraiment. Il faut que je t'explique du début. »
Alors il raconta. Il lui exposa pourquoi ils avaient tant voulu l'écarter de la maison, il lui parla du procès, de la cause, et du résultat désastreux.
« Moi-même je ne savais rien de ce qui s'était passé cette nuit-là, mon soutien n'a pas pu servir à grand-chose. Sirius a été condamné à Azkaban. »
Harry était resté silencieux pendant tout le récit. Mais il ne pouvait pas rester calme plus longtemps.
« Alors qu'il est innocent ?! Ils ont condamné un innocent ! »
Remus eut tout le mal du monde à calmer l'adolescent colérique. Il savait déjà que lorsqu'il l'alerterait des événements, le garçon le prendrait très mal.
Ils s'étaient rendus dans la chambre d'Harry en cours de route. À la fin, le jeune Gryffondor avait les yeux rouges et gonflés, et des traits de larmes séchées sur les joues.
« Et si ça se trouve, il est coupable. »
« Non, Harry, je ne pense pas. J'aurais pu il y a douze ans, mais maintenant il s'est écoulé tant de temps. Du temps qu'il a consacré à toi. Tout pour ton bien, toujours. »
« Et tu penses qu'il n'a pas tué Pettigrow ? Honnêtement, je suis certain que ce n'est pas Sirius qui a trahi mes parents. Mais ça ne veut pas dire qu'il n'a rien fait. Après tout, il a poursuivi Pettigrow dans le but de le tuer. »
« Dans ce cas, dis-toi une chose, Harry : il était sincèrement en colère lorsqu'il a expliqué que Peter s'était échappé. Parce qu'il n'a pas pu se venger. »
Harry hocha la tête, en silence. Ils étaient assis sur son lit, et il s'appuya contre le buste de l'homme dans l'espoir de recevoir une étreinte réconfortante. Et il l'obtient.
Remus reprit d'une voix basse. « Une autre question s'est posée ensuite, Harry. Sirius était ton tuteur. »
« Donc qui m'aura à sa charge était une question à soulever. Et je suppose qu'on ne me laisse pas mon mot à dire. » Harry sentait la colère revenir, mais il ne voulait pas déjà quitter les bras protecteur de Remus.
« Je ne peux pas t'avoir à charge. »
Harry se redressa d'un coup. « Pourquoi ?! » Il s'écarta et commença à faire les cent pas. Un autre incident de magie accidentelle serait une très mauvaise idée. « Pourquoi tu ne peux pas ?! Ça n'a aucun sens, tu t'es occupé de moi ! Depuis que je suis tout petit, la moitié du temps tu étais avec moi et Sirius ! »
« Harry, c'est moi qui ai refusé. »
Harry criait. « Pourquoi ! Dis-moi pourquoi, Remus, pourquoi tu ne veux pas ! »
« Je ne peux pas, Harry. »
« C'est une excuse ! Tu ne fais que sortir des excuses parce que tu ne veux pas de moi ! Alors pourquoi ?! »
« J'ai refusé car je ne m'en sens pas capable. »
« C'est tout ? Tu "ne t'en sens pas capable" ? C'est ça ton excuse ? Ton excuse pour m'abandonner ! »
Remus ne savait pas comment faire comprendre qu'il avait de bonnes raisons à Harry. Tout en évitant de lui dévoiler la vraie.
Il avait en effet refusé, et il ne se sentait pas capable d'avoir Harry ou un quelconque enfant à sa charge. Cependant, le ministère était de toute manière opposé à cette option. S'il s'était porté volontaire, il le savait, on lui aurait refusé ce droit.
« Harry, il faut que tu m'écoutes. »
« Non ! Tout ce que tu as fait cet été, ça a été de m'envoyer chez tante Pétunia, alors que je ne voulais pas ! Vous avez pensé que je n'étais pas capable de comprendre les raisons, vous m'avez caché ce qui se passait. Tu n'as pas été capable de défendre Sirius, Dumbledore n'en a pas été capable ! Tu me dis qu'il est condamné, qu'il a heureusement, et j'espère que tu le penses aussi, échappé à cette folie de justice, que tu ne veux pas t'occuper de moi, et tu veux que je me calme ?! Ma vie est détruite, Remus ! Détruite ! »
« Les médecins psychiatriques responsables de James et Lily ont partagé leurs opinions. »
« Oh, génial ! Mais j'en ai rien à faire ! Je sais déjà le résultat ! La question ne se posait même pas, mes parents sont fous ! Fous, Remus, fous ! Je ne peux pas aller avec eux ! »
« Ils affirment que tu peux revenir à la charge de Severus, puisqu'il s'occupe déjà de Lily. »
Harry se figea. Pendant un instant, son cerveau semblait éteint de toute pensée, puis il fut submergé. Sa tête tourna, et il sentit que ses genoux se pliaient malgré lui.
Remus le soutint, et le mena à son lit. « Tu as besoin de te reposer, Harry. Je suis conscient que ça fait beaucoup d'informations à accepter. Et vu l'état des murs, je dirais que tu t'es bien assez énervé. La magie, même accidentelle, fatigue à haute dose. »
Il n'y avait plus de rayons de lumières pénétrant par les vitres de sa fenêtre lorsqu'il rouvrit les yeux. Il n'aimait pas l'idée d'avoir dormi toute la journée. Il espérait qu'il n'était pas encore si tard qu'il ne pouvait le supposer, et décida de descendre aller dîner. Il croisa Neville dans le couloir, et se sentit immédiatement en joie.
« Oh, Harry… Remus m'a dit que tu avais besoin de te reposer… »
« Oui, peut-être. Il me couve un peu trop. »
« Je n'imaginais pas ça de lui. Tu veux me dire ce qui s'est passé ? »
« Non. Où est Remus ? »
« Il a dit de ne pas le déranger. »
Harry n'apprécia pas entendre cela. « Il n'a pas dit pourquoi ? »
« Non. Harry ! » Neville tenta de rattraper son ami quand le garçon s'était détourné pour aller à grands pas vers la chambre de Remus. Il savait laquelle c'était, cela avait vaguement été évoqué le matin.
Harry ouvrit la porte d'un coup, sans se préoccuper que son meilleur ami eût abandonné de l'en dissuader.
« Remus, pour… » Harry, la poignée de la porte encore en main, restait immobile à fixer les deux hommes présents.
Remus et Severus se tenaient l'un en face de l'autre, et le premier des deux était en train de porter un gobelet fumant à sa bouche, mais avait stoppé son mouvement au cri soudain de Harry.
« Que… qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi es-tu ici ? » questionna l'adolescent.
« Entre ou sors, Harry, mais ne laisse pas cette porte ouverte. » Severus parlait anormalement froidement pour un moment où il s'adressait à Harry en dehors de l'école. Il se tourna ensuite vers Remus. « Bois. »
Remus suivit la consigne tandis qu'Harry entrait en fermant la porte. Harry observa avec suspicion Severus récupérer le gobelet.
« Qu'est-ce que c'était ? »
« Cela ne te regarde pas, Harry. Cependant, il s'avère qu'a été porté à mon attention que Lupin était quelque peu malade en ce moment. Il semblait utile de lui apporter un remède, ou plutôt un soulagement pour son mal. »
« Un soulagement ? Et pourquoi pas un remède justement ? »
« Parce que je ne l'aime pas. »
« Tout va bien, Harry. », assura Remus.
Harry hocha la tête durement, avant de s'adresser à nouveau au professeur. « Tu sais pour Sirius ? »
« Certainement. » Severus tourna un œil vers Remus. « Et certainement Lupin a dû te narrer les événements de ce procès ? »
Remus secoua la tête. « Severus, j'ai pensé que les détails ne concernaient pas Harry. »
« Avec toi, rien ne me concerne ! » cria Harry.
Remus était clairement agacé. « Il est comme ça presque tout le temps, en ce moment. »
« Lupin, tu vas devoir apprendre que c'est ce que sont beaucoup d'adolescents, et Poudlard en est rempli. » Le regard noir qu'avait tourné le professeur vers le garçon lorsque celui-ci avait crié affirmait cependant qu'il n'excusait pas ce comportement pour autant.
Remus était d'ordinaire très patient, mais la période n'était pas bonne, vraiment pas bonne avec la façon dont le procès de Sirius s'était terminé.
« Remus m'a dit que tu serais… mon tuteur. En fait, où est Maman ? »
« Elle est restée à Poudlard, et je ne faisais que passer pour apporter son médicament à Lupin. Vous restez ici jusqu'au départ pour la rentrée. »
Il se tourna vers le gardien momentané des deux garçons. « Lupin, Albus compte sur toi pour que les garçons arrivent à Poudlard correctement. »
Severus repartit sans d'autres mots, et Remus prit enfin le temps de souffler un peu.
« C'est plutôt toi qui comptes sur moi pour ça, Severus. »
