(Le maraudeur fugitif) Le Poudlard express
Remus avait expliqué à Harry qu'exceptionnellement pour cette année, le train partirait le 31 août au lieu du 1er septembre. Les cours commenceraient normalement, le 2 septembre. Ils auraient donc un jour de vacances à l'école.
Il ne donna aucune explication pour ce changement. Harry avait bien sûr demandé son avis à Neville, mais le garçon-qui-a-survécu lui avait répondu que Dumbledore ne lui avait pas exposé de raisons non plus. C'était simplement comme ça.
Remus les accompagna personnellement à la gare. Neville en était ravi ; pour une fois ils étaient même escortés jusqu'au quai de la voie 9 3/4, ils n'avaient pas à trouver comment passer, et ne se firent pas bloquer du côté moldu.
Ils étaient même arrivés assez tôt, loin du retard habituel d'Hagrid.
Hermione courut vers eux. « Neville ! Harry ! »
Elle leur tendit la main pour les saluer. « C'est si bon de vous revoir ! »
Neville accepta la poignée de main, puis Harry. Quand ce fut au tour du second, un air sombre passa fugitivement devant les yeux de la fille. Elle reprit doucement.
« Harry, je suis tellement désolée pour Sirius Black. »
« Ça va. Quelqu'un m'a assuré qu'il irait bien. »
Neville lui donna un coup de coude. Harry grimaça. Il aimait beaucoup son oncle, mais il avait du mal à pardonner son ingérence, d'autant que Remus ne s'en excusait pas, et insistait sur le fait qu'il était l'adulte responsable chaque fois que Harry tentait de lui faire ce reproche. L'adolescent acceptait de fermer les yeux la plupart du temps sur ce qui s'était passé, mais le moindre rappel à l'absence de Sirius l'horripilait.
Mais Neville faisait pour calmer les tensions entre son ami et leur gardien. Il avait conscience que Remus avait aussi fait beaucoup d'effort pour être présent pour eux malgré son épuisement flagrant.
Harry grommela. « Pardon, Remus. » Il reprit d'une voix plus souriante, adressée à Hermione. « Hermione, je te présente Remus Lupin, l'ami de Sirius et de mes parents. »
« Enchantée, monsieur ! »
« Et je suis ravi de vous rencontrer, mademoiselle Granger. Harry et Neville ont dit beaucoup de bien de vous. »
« Je n'en doute pas, c'est le principe d'une amitié. »
« Nous devrions monter dans le train. », signifia Neville.
« En effet. », confirma l'adulte. Il s'occupa des bagages des adolescents, puis ils montèrent tous ensemble dans le train, y compris Remus qui avait encore une malle à la main.
« Remus, nous pouvons nous trouver une cabine tout seuls. »
L'homme sourit sans rien dire, tandis que Neville bondit à côté d'un compartiment vide. « Ici, ce sera très bien ! Tu as l'air épuisé, Remus. »
Remus passa devant Harry et Hermione qui s'étaient arrêtés, et ébouriffa un peu les cheveux d'un Neville joyeux en entrant dans la cabine. « En effet, Neville. Je te remercie de ta sollicitude. »
Harry et Hermione pénétrèrent à leur tour, étonnés, pendant que Remus rangeait sa petite malle de voyage.
Hermione s'installa tranquillement à côté de Neville qui avait pris place à côté de la fenêtre, en face de Remus. Harry resta un moment debout. « Je peux savoir ce que tu fais, Remus ? »
L'homme s'asseyait et lui faisait un petit sourire. « Je m'installe. Vous pourrez faire comme si je n'étais pas là, je vais me reposer et probablement vite m'endormir. »
« Je doute que ce fût ce que le professeur Snape entendait par "veiller à ce qu'on arrive correctement à Poudlard". D'ailleurs, je m'interroge sur l'efficacité de sa potion. Tu as l'air encore plus mal que d'habitude. »
« J'aurais été pire sans son appréciable soin. Mais je t'assure que j'ai juste besoin de me reposer, Harry. »
« Que fais-tu dans ce train, Remus ? »
Hermione coupa. « C'est le professeur R. J. Lupin. »
« Quoi ? » Harry était déconcerté.
Hermione sourit avec gêne sous le regard de l'homme qui semblait l'étudier attentivement tout en restant amical. « C'est écrit sur sa valise… »
« Comment ça, professeur ? Professeur en quoi ? »
« De Poudlard, Harry. », informa enfin le nouveau professeur.
« Quoi ? Mais pourquoi… Neville ?! Pourquoi tu souris ! Tu savais ! »
Neville était plutôt amusé. « Oui, Dumbledore me l'a dit. »
« Et tu ne m'as rien dit ! »
« J'ai pensé à t'en faire la surprise. J'espérais que ça dure un peu plus longtemps, jusqu'à l'annonce officielle de Dumbledore au banquet, mais tu es bien trop insistant et curieux. », Neville était amusé, et ne le cachait pas.
Harry tourna un regard furieux vers Remus. « Et toi, tu n'as pas songé à me le dire non plus ! Comme d'habitude, tu ne me dis rien ! J'ai treize ans, tu sais. J'ai grandi, et pas l'inverse. »
L'homme épuisé gardait patience, et son attitude calme habituelle. « Une surprise ne fonctionne que si tous ceux qui savent gardent le secret, Harry. Quant au fait de te cacher certaines choses, au vu de tes précédents exploits à Poudlard, ce choix apparaît comme plutôt raisonnable. »
« C'est à cause de ça que toi et Sirius m'avez caché ça ?! »
« Harry, nous n'allons pas en parler à nouveau. Pas pour le moment. Assieds-toi, et profite du voyage avec tes amis. »
« Je vais devoir t'appeler professeur Lupin aussi ? »
« Une fois à Poudlard, oui, mais seulement durant les cours. C'est inutile en privé. »
« Tout le monde ne peut-il pas savoir notre relation ? »
« Ça n'a pas besoin d'être secret, mais il s'agit de rester informel dans l'espace de travail. L'un des principes principaux est de ne pas laisser entendre qu'il y aurait un favoritisme. Et en soi, je ne permettrais pas qu'il y en ait. »
« Alors tu es en train de dire qu'une fois à Poudlard, je serais juste un anonyme, un inconnu quelconque, un simple élève. Tu ne me préféreras pas. »
« Si, mais je ne te favoriserais pas. Je ferais tout pour rester équitable, du moins. »
« Ce n'est pas ce que fait le professeur Snape. »
« Il a ses raisons. »
« Tu le cautionnes ? »
« Non, mais je n'y peux rien. Harry, tu devrais m'ignorer et profiter de tes amis. »
Harry s'assit et laissa Remus tenter de s'assoupir, le col de son manteau relevé et un chapeau aidant également à cacher son visage.
Ron avait réfléchi. Il avait eu trois mois pour y réfléchir.
Ils avaient sauvé sa petite sœur.
Ginny aurait pu mourir, mais trois de ses camarades, de la même année que lui, étaient allés la chercher.
Pendant ces trois mois de vacances, Ron avait été forcé de considérer tout ce qui s'était passé ces deux dernières années à l'école.
Le cœur lourd, il avait accepté l'idée que sa propre attitude avait été lamentable.
Il avait détesté Hermione Granger, une Gryffondor comme lui, parce qu'elle était intelligente. Le problème n'était pas son intelligence, non… elle était simplement odieuse et insupportable. Elle considérait toujours tout savoir mieux que tout le monde, et cela énervait Ron. Il n'était pas le seul que ça énervait.
Cependant, il n'avait pas agi correctement en réponse. Face au pénible, il avait été infect. Il l'avait insultée et critiquée sur ses défauts en début de première année, l'avait fait pleurer, et ne s'était jamais excusé pour ça. Il avait simplement poursuivi en l'ignorant ou en la blâmant à de nombreuses occasions.
Il avait été écœuré par Harry Potter, son camarade de dortoir, parce que le garçon louait un professeur ignoble et injuste. Il ne s'était tout simplement pas entendu avec Harry parce que ce Gryffondor était totalement fou de son point de vue.
Cependant, il était celui qui avait déclenché presque toutes les disputes. Il avait réagi négativement à chaque louange ou attitude un tant soit peu positive d'Harry vis-à-vis de Snape. Il avait toujours voulu lui ouvrir les yeux et avait refusé de voir le point de vue de l'autre.
Bien sûr, Harry aussi réagissait au quart de tour chaque fois qu'il entendait Ron décrier le professeur. Sans compter l'intervention d'Hermione qui ne pouvait pas tolérer le moindre reproche fait à la moindre autorité.
Harry était celui qui avait fermé leur relation de son point de vue, mais Ron devait admettre, après trois mois de réflexion intense, qu'il n'avait pas permis l'ouverture non plus. Ils avaient un désaccord énorme : la question de Snape.
Harry semblait avoir une raison pour apprécier le professeur, une raison que Neville comprenait, puisqu'il soutenait Harry alors qu'il était visible pour tous qu'il tremblait en présence du maître des potions. Mais Ron avait fermé le débat avec son entêtement à considérer les deux autres comme totalement fous.
Ron avait aussi été dégoûté de Neville Longbottom parce que le garçon-qui-a-survécu tolérait Snape. Pire, il supportait les compliments que Harry faisait au professeur, et pardonnait chaque injure que l'homme leur faisait. Neville était une trop bonne poire au goût de Ron. Ses sentiments étaient faibles ; il avait même été jusqu'à prendre l'amitié d'un Malfoy de Serpentard !
Sauf que Neville n'était pas faible. Il était peut-être trop gentil, mais il possédait un courage insoupçonné. Ron aurait dû le comprendre plus tôt.
En fin de première année, Neville avait parlé franchement à Albus Dumbledore, le plus grand sorcier de leur temps, pour lui faire des reproches sur ses choix. Ce timide Gryffondor avait eu le cran de parler devant toute l'école pour critiquer à la fois Dumbledore et Snape, qui étaient pourtant les deux professeurs qu'il respectait le plus par ailleurs.
Là encore, Ron l'avait juste trouvé totalement fou. Neville avait évoqué être satisfait que Snape les ait punis. Ron se demandait alors simplement si le garçon-qui-a-survécu était tout simplement masochiste, ce qui aurait expliqué beaucoup de choses.
Mais, que Neville le soit ou non, il n'en restait pas moins bon et courageux. Trois mois plutôt, il entrait dans la Chambre des Secrets, et sauvait la sœur de Ron.
Ginny lui avait tout raconté durant l'été. Il y avait un basilic, un journal maléfique et le souvenir d'un Serpentard vieux de 50 ans trompeur qui semblait aimable, mais qui était le véritable coupable. Le basilic avait été tué par Neville.
Ron devait admettre qu'il aurait lui-même été pétrifié de peur. Ou pétrifié tout court en croisant le regard du monstre. Ou peut-être plutôt mort, parce que ce n'aurait pas été le reflet qu'il aurait vu. Neville avait plus que du courage et de la bonté. Il avait du talent. Un talent qui ne se reflétait que durant les cours de botanique, ce qui paraissait étrange à Ron.
Peut-être avait-il été aveuglé par son dégoût et sa haine pour accepter de voir les qualités de ses camarades.
Mais ce qui lui faisait le plus mal à admettre, était qu'il se soit trompé sur Draco Malfoy. Et ça faisait vraiment mal. C'était comme si son père admettait que Lucius Malfoy était quelqu'un de… respectable.
Draco Malfoy était juste le plus imbuvable de tous leurs camarades. Méchant, mesquin, retors, insultant, méprisant, et tant d'autres choses… gâté, favorisé, riche, froid… et par moment aussi moralisateur qu'Hermione alors qu'il ne se gênait pas contrevenir au règlement, tel l'hypocrite qu'il était encore certainement.
Malfoy était bourré de défaut, et Ron serait un idiot de fermer les yeux dessus et d'arrêter de les voir.
Mais il devait aussi être un idiot pour accepter que si trois Gryffondor avaient commencé à accepter ce fourbe Serpentard comme ami, alors il devait y avoir quelques qualités cachées sous cette peau visqueuse.
Le fait que Malfoy ait participé au sauvetage de Ginny avait forcé Ron à étudier ses propres actions vis-à-vis du serpent gluant. Malfoy était mauvais, et le détestait ouvertement. Mais dans leurs interactions, c'était devenu des tempéraments réciproques.
Quand les autres Serpentard c'étaient retournés contre Malfoy, Ron n'avait pas cherché à comprendre pourquoi, et en avait profité. Il avait été lamentable. Malfoy s'était attiré les reproches de ses camarades de la même manière que les Gryffondor s'étaient séparés en deux groupes distincts.
La plus grosse erreur que Malfoy avait faite pour s'aliéner ses camarades de maison était d'accepter l'amitié avec une née-Moldue. En tant que Weasley, juste pour ça, Ron aurait dû accepter de mieux regarder ce qui se cachait dans le cœur du Sang-Pur qui trahissait l'enseignement de son père.
Ron ne pouvait pas excuser le reste de l'attitude de Draco juste pour ça. Mais il ne pouvait pas excuser sa propre attitude non plus. Il souffrait de se rendre compte qu'il avait été aussi mauvais, sinon plus, que l'autre.
L'autre en question était allé jusqu'à sauver Ginny aussi.
Ginny avait dit que Draco avait été fidèle à lui-même : moqueur. Mais juste moqueur. C'était un trait de caractère du Serpentard, qui ne devait pas être si néfaste que ça. Il se moquait par taquinerie de ses propres amis. Ron était septique et peu enclin à l'idée d'admettre que le Malfoy puisse être quelqu'un de bien.
Mais là encore, s'il devait le considérer comme mauvais, qu'était-il lui-même ?
Il en était arrivé à une conclusion simple. Il devait aller s'excuser pour son attitude lamentable des deux dernières années.
Il préférait ne pas avoir à le faire pour Malfoy. Mais Ginny et les jumeaux avaient été intraitables : Draco n'était pas si mauvais. Percy avait expliqué ce que Ron avait fait en première année, la fameuse « bataille », comme Helen l'avait appelée. Leur mère avait été furieuse.
Même leurs deux frères plus âgés, Bill et Charlie, avaient affirmé que tous les Serpentard n'étaient pas mauvais. Ils avaient tous les deux été amis avec certains d'entre eux, au même titre que Fred, George et Percy.
Quand il était évident que toute sa famille désapprouvait son attitude, Ron avait été obligé d'y voir le signe qu'il avait mal agi, vraiment mal.
Bill et Charlie étaient allés le voir un soir, pour avoir une petite discussion seuls avec lui, sans que leurs frères, sœur et parents n'interfèrent. Ils avaient voulu le rassurer, et lui dire qu'il n'était pas mauvais. Il avait fait de mauvais choix, et de mauvaises actions, mais il était toujours leur frère, bon. Il fallait juste qu'il ouvre son esprit quant aux relations inter-Maison.
Charlie avait raconté que l'une de ses amis de Serpentard avait été imbuvable dans les premières années, mais avait ensuite mûri, et leur avait montré le bon fond qu'elle avait caché.
Bill avait appuyé que la maison ne définissait pas entièrement la personne, de même que quelques paroles, gestes ou décisions faits à un moment ne permettaient pas de conclure sur le cœur de l'individu.
Malgré tout ce que les autres avaient raconté des agissements de Ron, les deux frères plus âgés étaient encore confiants que leur plus jeune frère était quelqu'un de bien. Cela avait permis à Ron de passer un meilleur été. Les deux avaient certainement aussi glissé deux mots à leur mère, car malgré son courroux, elle avait pardonné à Ron. Avec l'ordre express d'aller s'excuser à la première occasion, et de ne jamais recommencer.
Ron voulait honnêtement obtenir le pardon de ses trois camarades de Gryffondor. Il était incertain quant à ce qu'il voulait du Serpentard.
Il ne savait pas non plus s'il pouvait vraiment faire confiance à Malfoy.
Ginny avait passé les deux dernières semaines à Poudlard auprès de Neville, et avait rapporté que Draco ne posait pas de problème, même s'il avait visiblement été dérangé par sa présence. Draco s'était un peu moqué, mais la plupart du temps, il avait opté pour l'ignorer comme si elle n'avait pas été là.
Elle avait senti qu'elle était de trop dans le groupe, mais chacun d'eux l'avait laissé faire. Elle soupçonnait que ce fut parce qu'elle avait failli mourir. Ils ne devaient pas vouloir la brusquer après ce qui s'était passé. Elle avait promis qu'elle ne les gênerait plus après les vacances.
Ron était toujours méfiant malgré les remarques positives ou neutres de sa sœur. Elle avait fait confiance à ce souvenir de Tom aussi. C'était ce qui avait failli la tuer. Mais Draco était intervenu et l'avait libéré du sort.
Si Neville avait tué le basilic, libérant l'école de la menace d'une ouverture présente ou future de la Chambre, Draco avait éliminé la menace immédiate que représentait l'ancien héritier de Serpentard en… détruisant un bête journal. Un journal maléfique.
L'ennui était que ce journal était arrivé dans les mains de Ginny à cause de Lucius Malfoy. Ils l'avaient compris quand ils avaient cherché à savoir ce qui s'était passé, et que Ginny leur avait tout raconté. À l'origine, elle ne savait pas comment elle l'avait obtenu. Mais la réponse leur était apparue évidente après quelques réflexions.
Et Ginny soupçonnait très fortement le groupe de Neville d'avoir eu connaissance de ce fait. Elle avait été témoin de quelques discussions où Draco apparaissait en colère contre son père.
En fait, c'était surtout Harry qui montrait sa haine pour l'homme, et Draco ne lui en avait pas fait le moindre reproche, et avait confirmé qu'il était aussi mécontent, et que c'était pour cela qu'il s'en était vengé. Il refusait d'évoquer des sujets personnels devant la fille Weasley, mais quelquefois ses sentiments avaient pris le dessus.
Ron ne pouvait pas décider de ce qu'il ferait vis-à-vis de Malfoy. Il pouvait, au bout de trois mois, avoir décidé qu'il devait des excuses à ce groupe qu'il avait méprisé, il ne pouvait pas se faire une idée du Serpentard sans le côtoyer un peu plus.
D'autant que Draco avait peut-être participé à sauver Ginny, mais c'était son père qui l'avait mise en danger en premier lieu.
Il fut soulagé lorsqu'il repéra la cabine où les trois Gryffondor s'étaient glissés, sans leur camarade aristocratique riche trop gâté.
Il entrouvrit.
« Euh, excusez-moi… il… il n'y a pas de place ailleurs. Je… Je peux venir ? »
