(Le maraudeur fugitif) Un nouveau départ
Lorsque Ron ouvrit la porte de leur compartiment, Harry se mit immédiatement sur ses gardes. Il n'avait pas la moindre idée de ce que voulait le rouquin, mais il savait que leurs interactions avaient tendance à mal tourner. Et après la fin d'été qu'il avait passé, il n'était pas certain de pouvoir garder son calme et sa magie sous contrôle s'il venait à l'esprit de son camarade de critiquer le maître des potions de Poudlard.
Hermione fixait également l'intrus avec un regard noir et impérieux. Elle ne voulait pas commencer l'année par une dispute. Et elle n'avait pas très envie de converser avec ce feignant et râleur de Weasley.
Neville était plutôt incertain, inquiet et curieux. Pourquoi Ronald venait-il les voir ?
L'adolescent roux bégaya une fausse excuse pour entrer, ce qui énervait visiblement Harry dont le froncement de sourcil s'intensifiait.
Neville sourit doucement. « Pourquoi pas… »
« Certainement pas. », rétorqua froidement Harry en se tournant légèrement vers Neville pour bien lui faire comprendre son refus. Neville émit un petit sourire triste en réponse à son meilleur ami.
« Il n'a rien fait de mal… encore. »
« Et je ne veux prendre aucun risque que cela arrive. », siffla Harry.
« S'il vous plaît… », plaida Ron, « J'aimerais juste pouvoir vous parler. Juste un peu. »
« Et que veux-tu ? » interrogea Hermione d'une voix tranchante.
« Je… j'ai des choses à vous dire… Je… Je voulais m'excuser. C'est vraiment ça, juste ça. Je suis désolé pour ma façon d'avoir agi avec vous l'année dernière, et en première année. Je… ce n'était pas bien. J'étais… Je n'étais pas correcte. »
« Tu étais un petit con. », coupa sèchement Harry.
« Oui. », admit le garçon. Cela stupéfia Hermione et Harry. Puis, la fille sourit de contentement supérieur.
« Enfin, tu l'admets. »
Ron fronça les sourcils en la regardant, mais plutôt que de lui renvoyer un pic, il se contenta de grogner un peu. « Oui… j'ai quelques défauts. Mais je peux changer. Je vous ai mal jugé. Tous. Je… Vous avez sauvé ma petite sœur. Je vous en serais éternellement reconnaissant. »
Harry n'était toujours pas détendu. « Alors c'est juste pour ça que tu viens. Tu restes toujours pareil, en fait. Tu ne vois pas tes erreurs. Sans ça, tu continuerais. Tu… »
« Harry, je suis vraiment désolé. Je ne voulais pas… d'accord, j'ai fait ce que j'ai fait en le voulant, mais je n'avais pas réalisé… maintenant, je l'ai. Je sais que c'était mal. J'y ai réfléchi tout l'été, et je suis vraiment désolé. Je vous ai jugé sans chercher à vous connaître. Eh bien, je croyais vous connaître. »
Il désigna la fille. « Une insupportable moralisatrice qui se croit supérieure à tout le monde. »
Il dirigea sa main vers Harry. « Un fou qui loue le pire professeur de Poudlard. »
Il indiqua Neville. « Et un maladroit et timide… masochiste ? »
Il plaça ses mains dans son dos. « Ce que je voulais dire, c'est que je ne pense pas que vous le soyez. Plus vraiment, pas totalement. Je ne sais pas ce que vous êtes vraiment parce que je me suis arrêté à ces observations simples. Je vous ai critiqué dessus, tout le temps. Et oui, dans ces cas-là, j'ai été un sale petit con. Et je suis réellement et sincèrement désolé pour tout ce que j'ai fait et dit. »
Il regarda Hermione avec des yeux presque larmoyants. « Je ne voulais pas te faire pleurer, Hermione. J'ai été trop loin ce jour-là. Et le fait que tu m'agaçais vraiment n'était pas une excuse. Même si tu as tes défauts, je ne devrais pas t'insulter dessus en permanence, ni chercher à t'accabler d'injures à chaque occasion juste parce que je ne t'apprécie pas. Je ne me suis pas vraiment soucié que tu pleures cette fois-là, parce que j'avais l'impression d'avoir gagné. C'était mal. Pardon. »
Il observa Harry. « Et je ne devrais peut-être pas manquer de respect en permanence à un professeur, même s'il est odieux avec nous… Je devrais accepter que vous ayez vos propres jugements et ne pas vous critiquer sur les choix de préférence que vous faites. J'ai refusé d'apprendre à vous connaître parce que vous appréciez cet homme. C'était mal. Et je suis désolé pour toutes les insultes que j'ai pu prononcer à votre égard. »
Neville sourit un peu, compatissant. « Tu peux rester avec nous, Ronald. »
« Quoi ? » firent en cœur les deux autres en se tournant vers leur ami.
Harry n'en revenait pas que Neville accepte si facilement ces excuses. « Tu vas vraiment accepter la présence de Weasley, pour tout le trajet ? »
« Il n'y a pas d'autre place, non ? Alors autant qu'il vienne avec nous. Harry, il s'est excusé. C'était déjà le premier pas. Laissons-lui une chance. »
Ron prit soin de refermer la porte et s'installa à côté de Harry. Il faisait son premier sourire. « Merci, Neville. »
Harry plissa les yeux, et parla d'un ton glacial. « N'as-tu pas tes propres amis avec qui rester, Weasley ? »
« Je me suis dit qu'ils étaient moins importants que de venir vous présenter mes excuses. »
« Maintenant que tu les as faites, tu ne peux vraiment pas retourner auprès d'eux ? »
« Je ne veux pas que mes excuses aient l'air d'avoir été jetées en coup de vent. »
« Et Draco ? » interrompit Hermione d'une voix claire.
Ron parut plus inquiet. « Quoi, et Draco ? »
« Tu lui dois les plus grandes excuses. »
« Tu sais qu'il a été aussi mauvais avec moi que je ne l'ai été avec vous ? »
« Tu as été pire avec lui. Il ne t'a pas frappé. »
« Et si je puis ajouter, Ginny serait morte sans lui. », appuya Harry, bien qu'il fut certain qu'il aurait pu avoir la même idée que Draco, il ne savait pas s'il y aurait vraiment pensé suffisamment tôt alors que Neville risquait de mourir dans les mêmes instants sous ses yeux.
Ron se tordit les mains, rougissant. « Oui, eh bien, j'irais le voir, quand je le trouverais, plus tard. J'essaierais d'avoir une petite discussion avec lui. »
« Une discussion amicale ? » insista la fille.
« Je n'irais peut-être pas jusque là, non… Mais je lui présenterais des excuses. » Puis il ajouta, plus pour lui-même. « Ma famille me tuerait si je ne le faisais pas de toute façon. »
À ces derniers mots, Harry s'irrita. « Tu n'irais que pour ça ? Alors tu n'as toujours pas… »
« Si, je sais que j'ai été mauvais. Vraiment mauvais. Mais j'ai dû mal avec l'idée de me présenter à Malfoy pacifiquement et aimablement pour m'excuser. Tu vois, c'est Malfoy. Toi même tu aurais bien voulu l'étrangler à une époque. »
« Pas à ce point-là. Et j'ai été beaucoup plus rapide que toi à me rendre compte qu'il n'était pas si mal. »
« Oui, eh bien je n'avais pas le privilège de passer par des épreuves de vie ou de mort pour me rapprocher de lui. »
« S'il vous plaît… le professeur Lupin dort. », rappela Neville.
Ron cligna des yeux. « Vous vous êtes vraiment installé avec un professeur ? »
Harry râla à voix basse en croisant les bras. « Soit content que ce ne soit pas le professeur Snape. »
« Et qui c'est ? Défense contre les forces du mal ? On va encore avoir un guignol ? »
Harry le foudroya du regard. « Certainement pas. Oncl-le professeur Lupin est un très bon sorcier, qui connaît son sujet. Il fera un excellent professeur. »
« Donc tu le connais. Je ne devrais même pas être surpris, j'imagine. Tu connaissais déjà Snape avant d'entrer à Poudlard, n'est-ce pas ? D'où le connaissais-tu ? »
« Je ne suis pas certain d'avoir envie de t'en parler avant d'avoir pu juger que tu étais digne d'être informé. »
« Bien. Mais si tu le connaissais avant, tu vois bien qu'il n'a pas apprécié que tu sois à Gryffondor. Il devait espérer que tu sois un Serpentard. Pourquoi tu as continué à défendre ses prétendues qualités après avoir vu comment il vous traitait à présent toi et Neville ? »
« Weasley, si tu veux rester dans cette cabine, je te conseille de ne pas t'enfoncer dans ce sujet. »
Le ton dur de Harry fit comprendre à Ron qu'il n'avait vraiment pas intérêt à poursuivre cette discussion.
Dans l'ensemble, le trajet se passa confortablement. Harry avait rapidement dégainé un livre, et Hermione avait lancé une discussion sur leurs études.
Elle parlait des différentes nouvelles matières qu'ils suivraient cette année, et interrogeait ses camarades sur celles qu'ils avaient choisies et leurs raisons. Elle n'obtenait les réponses que de Ron et Neville, puisque Harry avait décidé de les ignorer.
Il questionna aussi Ron pour savoir où il en était dans ses différentes matières, ce qu'il avait accompli avec succès et où étaient ses faiblesses dans les enseignements qu'il avait déjà suivis.
Ron n'était pas vraiment passionné par ce sujet comme elle l'était. Il avait plus envie de parler de Quidditch, mais il soupçonnait que Harry serait le plus réceptif à une telle discussion. Et Harry s'efforçait de faire comme si son camarade n'existait pas.
Alors Ron répondait à l'examen minutieux de la fille.
Lorsque Hermione insista pour obtenir les matières que suivrait Harry en option cette année alors qu'il était clair que Neville ne le dévoilerait pas à la place de son meilleur ami, Harry s'interposa enfin dans la discussion, bien qu'il ne quittât pas les yeux de son livre.
« Hermione, il est un peu trop tôt pour prévoir un planning de révision, tu ne crois pas ? Et comment l'établirais-tu en absence de Draco ? »
« Je veux seulement savoir quelles matières tu as prises ! »
« Tu le découvriras lorsque nous serons en cours. »
Le problème vint plus tard, lorsque le sujet des études fut épuisé, et que Ron choisit le thème de la discussion suivante. Il commença à questionner ses camarades sur leur ressenti vis-à-vis de l'idée qu'un dangereux meurtrier était en fuite dans la nature.
« Il a tué douze moldus et l'un de ses meilleurs amis. Pendant douze ans, il a été laissé libre, et était un des meilleurs Aurors, sur une simple supposition d'innocence que Dumbledore aurait énoncée. Mais maintenant, il était évident qu'il était coupable. Il est dangereux, très dangereux. Il a fui sous le nez de tout le monde, et personne n'a été capable de le rattraper. »
Hermione approuvait. « Sirius Black ? Même les moldus ont été alertés à son sujet. Bien sûr, il n'est pas dit que c'est un sorcier, et il n'y a aucune allusion au monde magique. Mais à part ça, toute l'histoire a été racontée aux journaux. »
« Mon père pense qu'il va tenter de venir à Poudlard. Le ministère le pense. Pourquoi à votre avis ? »
Ron tourna une expression inquiète vers Neville et poursuivit. « Il devait être un des suivants de Vous-savez-qui… et s'il venait pour toi, Neville ? Pour terminer ce qui n'a pas pu être achevé par son maître ? »
« Sirius n'a rien à voir avec Voldemort ! » cria Harry, qui depuis quelques minutes serrait si fort son livre que ses doigts en étaient blancs.
Ron sursauta à l'éclat de son voisin. Neville aussi, bien qu'il s'attendait à ce que cela arrive, et il se contenta de tourner son attention vers l'extérieur, prêt à laisser ses camarades s'expliquer entre eux.
« Qu'est-ce qui te prend, Harry ? » questionna le roux.
« Il me prend que tu as vraiment pris la mauvaise habitude de critiquer tout le monde, n'est-ce pas ? Tu ne peux vraiment pas te tenir dans la même pièce que moi et ne pas dire le plus de mal possible d'une personne que j'aime ? »
« Quoi ? C'est quoi cette histoire ? » Ron était perturbé, mais Harry l'ignorait, trop furieux.
« Sirius a toujours combattu Voldemort et ses Mangemorts, et jamais il ne nous ferait du mal à moi ou Neville ! Il est devenu un des meilleurs aurors dans le but de combattre le mal. C'est quelqu'un de bien. »
Hermione tenta de s'interposer calmement, et prit la parole d'une voix douce. « C'est ton parrain, n'est-ce pas ? »
« Je ne te demanderais même pas comment tu as trouvé cette information. Les vrais criminels sont ceux qui l'ont accusé et condamné. Il est innocent. »
Avant que Ron ait pu reprendre la parole, le train se stoppa violemment.
Neville, qui observait toujours par la fenêtre, appela à avoir l'attention. « Harry ! Il fait si sombre, soudainement… et ce froid… »
Pendant que le givre se répandait sur la fenêtre, les quatre adolescents ressentaient déjà eux-mêmes la baisse de température.
« Que se passe-t-il à votre avis ? » demanda Hermione en frissonnant.
« Je ne sais pas, c'est toi qui a réponse à tout. », rétorqua Harry en se frottant les bras.
Neville et Harry échangèrent un regard, puis tournèrent les yeux vers le professeur endormi. Oui, ils pensaient à la même chose.
Harry posa une main sur ce qui devait être le bras de son oncle caché par le manteau qui lui servait de couverture. « Oncle Remus… »
Ron poussa un cri.
Les quatre adolescents se figèrent d'effroi en voyant la main squelettique ouvrir la porte de leur cabine.
Ce qui se passa ensuite fut flou dans l'esprit d'Harry. Il se sentait submergé par le désespoir.
Il se rappela comment il se sentait chaque fois que quelqu'un insultait une personne qu'il aimait.
Il se rappela comment il avait été lorsqu'il avait appris l'arrestation de Sirius.
Il se rappela comment ses amis avaient été en danger à Poudlard.
Il se rappela comment Severus et Sirius ne s'entendent jamais.
Il se rappela comment Sirius désapprouve toujours la proximité entre sa mère et Severus.
Il se rappela comment ses parents avaient été torturés.
Cette nuit-là, il entendait les hurlements de douleurs de ses parents. Il entendait la voix grave et rauque hurlant à la mort de James Potter. Il entendait la voix pleine de supplices et de souffrances, déchirante, de sa mère.
« Expelliarmus ! » C'était quelqu'un d'autre. Harry n'arrivait à savoir, le souvenir était flou et brumeux. Les hurlements cessèrent.
« Toi ! Que fais-tu là ! » C'était une femme à la voix de crécelle.
« Écarte-toi d'elle ! » La voix de l'homme vibrait de courroux et de haine.
« Quoi, de cette Sang-de-Bourbe ?! » La femme s'énervait, et son excitation la rendait hystérique. « C'est pour ça que tu m'attaques ! Tu te retournes contre ton Seigneur ! »
Il y eut le bruit sourd de choses lourdes s'entrechoquant. Dans sa vision floue, Harry avait perçu le mouvement d'une silhouette noire projetée au travers de la salle ; elle heurta un meuble ou quelque chose comme ça.
« Je t'ai dit de t'écarter Bella ! »
« Notre Seigneur ne pardonnera jamais ta trahison. » Elle semblait complètement folle. Harry pensait qu'il pourrait l'entendre éclater de rire si elle n'était pas aussi en colère et haineuse. « Tu mourras, et elle aussi ! Je m'en assurerais ! »
« Non, tu n'y feras rien, Bella. »
Puis, la voix de l'homme se tourna en un murmure, un murmure qu'Harry était certain d'avoir déjà entendu. Un souffle doux et sombre. Une menace calme. Harry savait à qui appartenait la voix.
« Estime-toi heureuse que je me contente de t'envoyer à Azkaban. J'aurais pu te torturer comme tu l'as fait pour eux, ou te tuer pour t'empêcher de nuire. Tu es folle, Bella. Complètement folle. »
Il le vit alors clairement. Il le vit dans ses grandes capes noires, s'approcher de sa mère et se pencher pour vérifier qu'elle allait bien.
Une lumière blanche envahit sa vision, et chassa la créature sombre. Harry se sentit tomber sur la banquette. La dernière chose qu'il vit fut Remus. « Harry, Harry tout va bien. Quoi que ce soit, je t'assure que tout va bien. »
Et puis ce fut le noir.
