(Le maraudeur fugitif) Le père qu'il voulait avoir
« Non, je ne me calme pas, Sev ! Cet homme prétend que ce que tu fais est sans importance ! Il ne prendrait même pas la peine de te remercier pour ce que tu fais pour lui et nous tous. Il ne voit même pas que je te permets de prendre le temps de faire sa… »
Un silence de mort était tombé dans la salle. Tous les regards étaient tournés vers la table des professeurs, où « l'assistante » du professeur Snape se tenait debout, furieuse.
Harry ne quittait pas la scène des yeux, même lorsque les lèvres des adultes bougèrent sans émettre de son, même lorsque sa mère partit en furie par la petite porte, même lorsque Severus la suivit après ce qui devait être des mots assassins à Remus. Il suivit Remus des yeux lorsqu'il se leva à son tour pour s'approcher du directeur.
Il ne se rendait pas compte que la vie avait repris autour de lui. Les élèves avaient jugé qu'il valait mieux ignorer ce qui s'était passé pour le moment. Ils comméreraient dessus plus tard.
Neville voyait déjà venir les rumeurs futures. Il y en avait déjà pas mal sur la relation qu'entretiendrait le maître des potions avec la belle mademoiselle Evans. L'énervement de Lily ne ferait que les renforcer.
Et il semblerait assez clair pour tout le monde que le nouveau professeur de défense contre les forces du mal, le poste tant convoité par Snape, aurait des relations tumultueuses avec le couple.
Le professeur Lupin s'éloigna de Dumbledore pour s'approcher de la table de Gryffondor. Ceux de la maison qui virent ce mouvement commencèrent à l'appréhender. Ils n'avaient jamais entendu parler de cet homme avant, et n'avaient pour le moment aucune idée de ce qu'il était réellement.
Ils savaient qu'il était au moins compétent, puisqu'il les avait protégés des détraqueurs. Mais sa personnalité restait inconnue. Il avait semblé calme et rassurant dans le train, il avait été aimable.
Il ne devrait pas être surprenant que quelqu'un de bien soit détesté de Snape. Mais se faire crier dessus par la douce et belle Evans était autre chose. Elle était à Poudlard depuis deux ans, et parlait excessivement rarement. Elle ressemblait parfois à un fantôme dans sa robe blanche, ou à une fée ou une princesse des contes avec ses cheveux roux. Beaucoup pensaient qu'elle était muette. Ils avaient tous été surpris de l'entendre crier.
Alors ils redoutaient un peu leur première rencontre avec le professeur qui venait de se disputer avec Snape et Evans.
Remus sourit doucement sur son passage à ceux qui le regardaient. Il se dirigeait directement vers Harry. Il posa une main sur l'épaule du garçon, et se pencha pour chuchoter.
« Harry, veux-tu m'accompagner chez le professeur Snape, s'il te plaît ? »
Harry resta silencieux, ses yeux placés sur ceux de son oncle. Pourquoi sa mère avait-elle crié après lui ? Il semblait qu'elle défendait Severus. Pourquoi ? Ça avait toujours été Sirius et Severus qui avaient une querelle, jamais Remus.
Il voulait s'éloigner tant qu'il ne savait pas ce qui s'était passé, mais il ne s'était toujours pas remis de l'attaque de détraqueur, et il n'avait ni la force de lutter, ni l'envie de refuser une touche de réconfort.
« Harry ? Nous devrions y aller maintenant. »
Harry se leva, prêt à suivre l'homme en silence. Remus regarda les autres élèves, et plus particulièrement Neville. « Il n'y a rien à s'inquiéter. »
Neville regarda rapidement autour de lui, puis décida que ses interrogations étaient plus grandes que son envie de garder la discrétion dessus. « Mais, professeur… Snape, il… »
Remus coupa le garçon. « Il n'y a aucun problème avec le professeur Snape. J'ai malencontreusement outrepassé certaines lignes vis-à-vis de mademoiselle Evans, ce qui a malheureusement été pris comme une insulte. Et Harry n'a aucun ennui. Mon glissement ne se reproduira pas. »
Il tourna son regard vers Harry. « C'est une promesse. »
Harry ne réagit pas. Remus se retourna vers les élèves de Gryffondor qui semblaient avoir besoin d'une raison pour emmener Harry.
« Monsieur Potter aurait besoin d'un soin particulier que notre maître des potions est le seul à pouvoir fournir, et comme vous pouvez le voir, cela ne peut pas attendre. »
Remus quitta la salle avec Harry, et le conduisit jusqu'aux appartements de Severus.
Remus toqua à la porte avec sa politesse habituelle. Le chef Serpentard vint ouvrir.
« Lupin. », salua-t-il durement.
« Severus, j'ai amené Harry. Il a été confronté à un détraqueur durant le trajet. Je pense que tu le calmerais mieux que moi. »
Severus haussa un sourcil. « Et tu es considéré comme le plus doux des Maraudeurs… » Il posa les yeux sur le garçon. L'enfant était en état de choc.
La grande douceur dans la voix de Severus lorsqu'il s'adressa à Harry était insoupçonnée. Quelques instants avant, Remus aurait parié que l'homme en était incapable. « Entre, Harry. Tu peux t'asseoir sur le canapé. »
Harry y alla rapidement, d'une manière très semblable à un enfant content.
Severus observa son collègue avec froideur. « Je pensais que tu aurais été au moins capable de veiller sur les garçons pour un trajet d'une demi-journée. À l'évidence, je me trompais. Même pour cela, tu n'es pas digne de confiance. Pourquoi ne l'as-tu pas calmé toi-même ? »
« Severus, il est tard, et c'est demain. Je ne suis pas dans un état propice à m'occuper d'enfants. »
« La potion devrait t'aider à te contrôler même au plus proche, Lupin. Ma modification personnelle nous en assure. »
« Mais la fatigue est toujours là. Et un homme sur les nerfs, sentant approcher son pire cauchemar, n'est pas un homme actuellement apte à calmer un enfant affolé par un détraqueur. »
« Tu entres deux secondes, tu prends ta potion, et tu repars aussitôt, Lupin. Je m'occupe d'Harry. »
Remus hocha la tête. Il n'en aurait pas été autrement s'il avait lui-même choisi le déroulement.
Severus le laissa entrer, et ils firent ainsi. Il lui fournit le gobelet qu'il alla chercher dans son laboratoire personnel, et rejoignit Harry sans s'occuper davantage de ce que faisait le loup.
De fait, Remus n'était vraiment pas désireux de déranger la discussion entre l'adolescent et ce qui était actuellement son nouveau tuteur — détail qu'ils avaient tous oublié. Il se dépêcha d'avaler la substance désagréable et partit, prenant soin de bien refermer la porte. Il avait été suffisamment rapide pour ne même pas avoir le temps d'entendre le début de la conversation.
Severus observa un petit moment le garçon. Rapidement, Harry leva ses grands yeux verts vers lui. Il semblait calme, mais dans l'attente. Severus fit un Accio informulé et sans baguette sur une potion rassurante de sa composition.
Il ne comptait peut-être pas la donner, mais s'assurait de l'avoir à portée de main. « Lupin dit que tu as fait ta première rencontre avec un détraqueur. »
Harry hocha la tête. Severus reprit. « Tu sais que je préfère les mots. »
Harry détourna le regard, penaud. « Oui. », fit-il doucement avec une pointe de tristesse.
Severus s'assit à côté du garçon. « Il pense que tu aurais besoin de mon… réconfort. »
Harry n'eut pas la moindre réaction.
L'adulte tenta une touche d'humour sarcastique. « Ne suis-je pas moi-même un détraqueur ? »
Un léger sourire menaça d'apparaître à la commissure des lèvres de l'adolescent, et il tourna la tête vers l'homme. « En aucune façon. »
« Bien. Nous avons plusieurs moyens de régler cela. Tu peux prendre la méthode rapide et magique, mais fausse. Je te donnerais certaines potions faites spécialement pour se remettre de ce genre d'effort. Bien que Lupin ne jure que par le chocolat, j'ai quelques moyens plus efficaces, mais aussi moins… naturels. »
Harry hocha la tête en compréhension. « Et l'autre ? »
« J'évaluerais dans tous les cas l'impact que la rencontre a eu sur ton système, et en fonction je serais dans l'obligation de te donner cette potion particulière ; c'est un essai résultant de mes recherches contre le Doloris, mais qui s'avère plus utile pour se remettre d'une trop grande rencontre avec les détraqueurs. Mais à part cela, l'autre méthode se contentera de laisser faire le temps. Il y a une magie néfaste qu'utilisent les détraqueurs qui cause un besoin de soins, mais une grande partie de ce qui reste ensuite est émotionnelle. C'est quelque chose qui peut se régler sans surcharger l'organisme de potions. »
Harry opina encore du chef. « Et la seconde option… ça veut dire que je peux rester ici encore un peu ? »
« Si tu en as besoin. »
« J'aimerais. Je me sens mieux ici. » Harry sourit tristement. « Je sais que je suis plus en sécurité près de toi que n'importe où d'autres. »
Severus marmonna en se levant pour lancer un sort de diagnostic sur l'adolescent. « On se demande bien pourquoi Lupin a pensé que c'était la bonne idée… »
Après avoir observé l'analyse magique de l'état du garçon, Severus se sentit fatigué. Ils ne pouvaient vraiment pas faire confiance à Lupin pour s'occuper des adolescents dans ses périodes.
« Une petite dose devrait suffire. »
Lily arriva à ce moment avec une tasse bien chaude. « Glissé dans un chocolat chaud ? »
Harry était amusé. « Ce serait bien. » Pendant que le maître des potions finissait de préparer la boisson, Harry l'observa avec un œil taquin. « L'idée de Remus n'est pas si mal. »
« Bois. », se contenta de répondre l'homme en lui tendant la tasse.
Harry obéit, Lily repartit, et Severus s'assit à gauche de l'adolescent.
« Je ne te cacherais pas, Harry, que les sentiments au plus fort de ton exposition vont ressortir. Pas aussi forts, ni aussi néfastes, mais ce qui t'as ébranlé doit être corrigé. Tu dois travailler sur ces peurs et ce désespoir. Tu dois trouver un moyen de les écarter ou de les diminuer : il te faut un sentiment de réconfort qui te permet de surmonter ces épreuves. Tu ne dois pas laisser ces difficultés s'emparer de ton bonheur, il faut que tu apprennes à lutter contre. Tu dois trouver un sentiment bénéfique qui soit plus fort que ce que le détraqueur te fait ressentir. »
Dans un mouvement rapide, Harry se blottit contre l'homme, et se retrouva à pleurer sur son buste, s'agrippant à sa cape. « Je comprends, mais c'est si difficile ! » Severus ne le repoussa pas, et l'entoura de ses bras.
Ils semblèrent rester ainsi longtemps. Harry se calmait peu à peu. Pleurer un bon coup pouvait faire du bien. Surtout en se sentant aimé, et non seul.
L'adolescent finit allongé, la tête sur les jambes de l'adulte qui avait encore une main posée sur le bras de son protégé.
Lily avait commencé à préparer des potions pour l'infirmerie.
Enfin, Harry prit la parole. « J'aimerais t'appeler "Sev". »
« Je te demande pardon ? »
« Comme Draco et Maman. »
Severus resta dans le silence. Harry expliqua.
« Pendant longtemps, j'ai cru que "Sev" était le nom réservé entre toi et Maman. Il n'y avait qu'elle qui pouvait t'appeler comme ça, c'était ton nom pour elle, et uniquement elle. Je pensais que c'était comme ça. Mais Draco t'appelle "Oncle Sev". Au début, je n'aimais pas l'entendre le dire. Mais après deux ans, j'ai compris que ce n'est pas simplement le privilège de Maman, ça ne lui est pas réservé. Si Draco le dit, je le veux aussi. »
« Harry… »
« Tu te souviens quand j'avais 5 ans ? Parce que moi, j'ai un souvenir. Le jour où j'ai fait un cauchemar, tu te souviens ? »
Il s'en souvenait.
Harry, enfant de cinq ans d'une Lily hospitalisé, avait pu dormir dans un lit que les médecins rajoutèrent pour lui dans la chambre d'hôpital de Lily.
Mais Harry avait fait un cauchemar. Lily n'arrivait pas à le calmer, alors qu'elle-même pensait à sa torture.
Elle avait assimilé la souffrance de son fils à la sienne, et sentait tous ses nerfs se tendre comme si elle allait revivre cette nuit. Elle était affolée à l'idée qu'Harry ressente la même chose.
Elle était dans un état aussi alarmée que son fils, et pleurait avec lui. Ils partageaient leurs douleurs, même si elles étaient différentes.
Severus discutait plus loin avec les médecins ce jour-là. Ils ont été alertés par les pleurs, et le parler hystérique de Lily. Au moment où Lily appela à l'aide, Severus était venu et s'assit avec eux, les prenant dans ses bras protecteurs, et les calmants avec de douces paroles.
Il les avait calmés tous les deux.
Harry expliqua. « Elle a appelé, et tu es venu. Nous pleurions tous les deux, désespérés, et tu nous as calmés. Je me souviens que j'avais appelé Maman et Papa. Je les voulais, et c'est toi et Maman qui étiez là, et qui m'avez réconforté. Alors pendant que tu étais là ce jour-là, je t'ai appelé Papa. Et tu n'avais rien dit. »
Harry leva les yeux pour observer le visage du professeur. Il avait peur de voir le rejet qu'il avait déjà subi, mais il voulait aussi savoir comment l'homme réagissait.
Severus ne semblait pas en colère, ni tendu. Il était calme, et pas tout à fait impassible. Harry pouvait voir la chaleur dans ses yeux.
Oui, tant qu'Harry n'était pas bien, Severus le laissait l'appeler comme il voulait. Mais quand il allait mieux, ces mots lui étaient interdits.
« Quand je t'ai à nouveau appelé comme ça, toi et Sirius vous êtes mis dans une très grande colère. »
C'était quelques jours plus tard. Harry, Sirius et Remus étaient venus rendre visite à sa mère. Bien sûr, Severus avait été là.
Le petit Harry avait bondi. « Maman, Papa ! »
Sa joie a immédiatement été stoppée.
« Quoi ?! » avait craché Sirius, un ton de grande haine dans la voix.
Harry ne vit pas l'expression de son parrain qui était dans son dos, mais il vit clairement le visage de son beau-père changer.
L'homme distant et calme avait blêmi plus que ce n'était naturel. Près de lui, Lily souriait, mais il ne la regardait plus. Son regard empli d'horreur était fixé sur le tout jeune enfant.
Sa voix était extrêmement basse, et envoya un frisson à Harry qui n'avait jamais craint l'homme avant ça. « Comment peux-tu… »
« Qu'as-tu fait, Servillus ?! Je te tuerais pour ça ! » coupa Sirius.
Severus ne leva même pas les yeux sur son ancien ennemi. « Je n'ai rien fait, Black. C'est cet enfant infernal. »
Sirius saisit le bras de Harry et força le garçon au regard horrifié par le contact brutal à le regarder. « Écoute-moi bien, Harry, ton père est James Potter, et ce sera toujours lui ! Cet homme n'est que le mal, et ne sera pas associé à toi ! Ne recommence jamais ça, ou tu ne seras plus mon filleul ! »
« Sirius ! » avait tenté Remus, en vain.
« James s'est sacrifié pour toi, Harry ! N'ose pas essayer de le remplacer ! Surtout pas avec la pire engeance qu'il y a sur cette terre ! »
Severus arracha Harry à l'étreinte de Sirius, et poussa brutalement l'enfant vers Remus qui s'accroupit pour le prendre dans ses bras protecteurs. Harry ne quittait pas les deux autres hommes des yeux, terrorisé.
Severus était tourné vers Sirius. « Ne t'avise pas de lever la main sur lui, Black. »
« Je n'étais pas… ! »
« Ne m'interromps pas. Si tu recommences ça, si je te vois le faire ou entends que tu l'as fait, je te tuerais. Et sois-en sûr, pour toi je serais capable de déployer beaucoup d'imagination pour ce faire. »
« Ce n'est pas fini, Servillus ! Nous en reparlerons ! »
« Je n'en doute pas. »
Sirius partit rapidement.
Severus se retourna alors pour poser un regard de glace, un regard insensible, sur l'enfant.
« Ne recommence jamais cela, Potter. Ce que Black en pense… pour une fois nous sommes d'accord sur un point. »
Harry était incapable de détourner les yeux, et fut arraché à la scène par Remus qui l'emmena ailleurs.
« J'ai essayé plus tard de dire Père, mais tu m'as encore rabroué. », reprit Harry.
Il laissait les souvenirs remonter, les yeux fermés.
Harry avait réfléchi pendant un certain temps.
Il était clair que Sirius ne le tolérait pas. Sirius détestait Papa. Sauf que Papa, c'était James, le monsieur fou furieux effrayant. Sirius détestait Severus.
Mais pourquoi Severus était aussi en colère ? Des histoires qu'Harry avait entendu, de tous ces livres, récits et conte qu'il avait pu lire ou entendre, la conclusion était que Severus devait être son Papa.
Mais il ne l'était pas. C'est vrai, Papa était le nom pour James. Et puis, Severus aimait le bon langage. Harry était satisfait, Severus n'avait pas été en colère pour le concept, mais pour le mot en lui-même. C'était un terme trop immature, trop familier peut-être. Il fallait plus de respect et surtout, il fallait toujours employer un bon vocabulaire.
Le sens était le même, l'affection ne serait pas diminuée. C'était simplement plus mature, n'est-ce pas ?
Alors Harry avait veillé à ne pas le dire en présence de Sirius. Mais dès qu'il fut seul avec les autres, parce que Sirius était parti chercher quelque chose, Harry utilisa son nouveau mot. Il appela Severus « Père ».
« Je pensais avoir été clair. Mais de toute évidence, ton crâne est trop épais, ou tes neurones trop épars, pour comprendre un simple concept. »
Quand Harry entendit la voix froide, il comprit qu'il avait fait une erreur. Mais il ne comprenait pas pourquoi.
« Je ne suis pas ton père, et je ne le serais jamais. Ton père est James Potter, et je n'admettrais pas que quiconque me compare à lui, est-ce clair ? Je ne suis pas lui, je ne le remplace pas, ni maintenant ni jamais. Je ne lui ressemble pas, je ne lui ressemble en rien. Et toi, tu es son rejeton. Je vais être franc, je le déteste et le ferais toujours. Je préférerais mourir qu'être associé à lui. Il représente tout ce que je haïs. »
« James Potter est méprisable. », coupa Lily.
Severus arrêta là son discours à Harry, même s'il aurait pu continuer longtemps. « Lily, tu ne devrais pas parler de lui comme ça. »
Severus pouvait se le permettre, mais pas Lily. Une mère qui critique comme ça le père de son fils était une chose qui pouvait briser un enfant. Severus avait de bonnes raisons de le savoir. Et malgré tout ses défauts, James avait quand même essayé de sauver Lily et son fils.
« J'ai alors tenté beau-père, mais de même, tu as refusé. », poursuivait Harry.
Il profitait de l'atmosphère de réconfort, où il sentait que ses parents étaient attentionnés envers lui pour le mettre à l'aise après l'épreuve pénible du détraqueur, pour se confier.
Il avait besoin de s'exprimer, il ne voulait plus cacher ce qu'il ressentait, ni ce que le professeur représentait à ses yeux.
Cette fois, c'était lors d'une visite de Severus au manoir Black. Harry et lui étaient seuls dans la salle, et l'homme enseignait à l'enfant.
Harry ne se souvenait pas des détails. Il ne savait plus ce qu'ils travaillaient à ce moment-là, ni comment il en était venu à le dire.
Il se souvenait juste de sa conclusion initiale, que si Severus n'était pas son père, il était indéniablement son beau-père.
Mais Severus avait stoppé la leçon pour le contredire. Il n'était pas son père, et ne le remplacerait pas.
Il aidait Lily parce qu'elle était son amie, et il n'y avait rien d'autre entre eux.
Lily pouvait les croire mariés, mais c'était entièrement faux. C'était une idée illogique qui était induite par la folie étrange de Lily.
Rien n'était vrai. Et Harry ne devait pas croire les paroles de sa mère.
Harry ne réessaya jamais, mais au fond de son cœur, il s'accrochait à ça. Il le croyait, non pas à cause des paroles de sa mère, mais à cause des sentiments évidents qu'il y avait et que ses yeux d'enfants voyaient. Il les ressentait aussi. Il avait besoin d'un père, et il l'avait trouvé. Quoi que dise Severus, ça n'enlèverait pas ça.
« Alors, laisse-moi dire "Sev" au moins. Comme Draco. »
Harry s'endormit peu de temps après. Severus n'avait rien répondu, mais l'adolescent sentait qu'il avait gagné le droit de le dire. Comme Draco, juste comme Draco.
Severus se leva, et s'assura que l'adolescent endormi était confortablement installé. Il lui retira ses lunettes pour les poser sur la petite table de salon, et le couvrit d'une couverture.
Merlin savait comme il aurait envie que ce soit possible. Mais ça ne l'était pas.
Quel homme serait assez insensible pour ne pas apprendre à aimer un enfant qu'il a éduqué, sur qui il a veillé pour le protéger de l'irresponsabilité de son vrai tuteur, l'enfant qu'il a vu grandir, qu'il a vu échouer et réussir…
Quel homme n'aurait pas d'attachement pour l'enfant de la femme qu'il aime ?
Mais tout ce que Severus pouvait se permettre, c'était de continuer à respecter sa promesse faite à Lily de veiller sur le garçon.
Lily entra doucement, et sourit, les yeux brillants de bonheur et de tendresse, lorsqu'elle aperçut Severus remonter la couverture sur les épaules d'Harry.
« Veux-tu venir me border aussi ? » demanda-t-elle.
Severus se redressa pour la regarder. Il la contempla quelques instants avant de répondre, « Non. »
Toujours souriante, Lily n'abandonna pas si facilement. « Mais, Sev, tu viens de le faire pour Harry… »
« Lily… »
« J'en ai besoin pour bien dormir. »
« Tu n'as pas besoin de moi pour ça. »
« Et pour me changer… »
« Certainement pas ! » répondit-il un peu trop vivement. Lily comprit qu'il n'y avait aucun moyen qu'il accepte.
Elle fit quelques pas en avant, minaudant, les mains dans le dos. « Nous n'allons pas laisser Harry dormir sur le canapé… il peut prendre ma chambre… et j'irais dans la tienne. »
« Et je prendrais alors le canapé. Souhaites-tu réellement prendre le risque de réveiller ton fils pour le changer de place ? »
« Je suis certaine que tu pourrais le déplacer sans le réveiller. Il serait tellement mieux dans mon lit. Tu l'imagines, profiter de la douceur des draps, du moelleux du matelas… et nous pourrions partager ta chambre, tous les deux. » Lily coquetait de manière flagrante.
« Si tu avais la moindre infime chance de me convaincre de le déplacer dans ta chambre, ce dont je doute fortement, nous ne partagerions pas pour autant la même pièce. Nous sommes dans des chambres séparées pour une raison, et ça le restera, Lily. »
« C'est une question d'honneur ? Sev, je suis parfaitement capable de juger ce que je peux me permettre ou non. »
« Tout comme je peux refuser catégoriquement de consentir à ta requête. »
Mais si une chose était vraie dans leur relation, c'est qu'ils étaient tous les deux extrêmement têtus.
Lily continua longtemps son numéro de charme, et Severus la repoussait encore et encore. Il en vint même à lui rappeler qu'elle avait un mari, et qu'elle n'était ici que dans le but de guérir, et qu'en aucun cas ils n'avaient une relation de couple. Ils n'en seraient jamais un.
Quand Severus s'énerva, elle recula enfin… presque.
« D'accord, je suis désolée, Sev. Je ne devrais pas autant insister. Peux-tu au moins accepter… une étreinte ? Pour nous calmer. »
Elle l'attira vers elle, et continua d'une voix suave à peine murmurée. « C'est une chose que deux amis peuvent faire en toute innocence, un geste pour réconforter ou détendre. »
Face à l'absence de protestation de Severus, Lily commença à joindre le geste à la parole. « Que ce soit entre deux femmes, deux hommes, ou entre un homme ou une femme, quelle importance ? Ce n'est que de l'amour fraternel, familial ou d'amitié, un simple geste d'affection. »
Elle plaça sa tête contre la poitrine de Severus. « Une femme qui se berce en écoutant les battements de cœur d'un homme. »
Elle sourit en entendant le pouls calme et régulier. Elle posa une main à l'arrière du crâne de Severus. « … qui passe sa main dans les cheveux d'un ami pour en apprécier la douceur… »
Il voulait lui grogner qu'il n'avait sans doute pas les cheveux agréables au toucher, mais elle appuya sa main pour lui faire baisser la tête sur la sienne. « Un homme qui respire les doux parfums des cheveux d'une amie… »
Elle abaissa son bras pour se blottir dans les bras de Severus qui acceptait de l'enlacer. Elle ferma les yeux pour en profiter, et elle savait que Severus savourait le moment aussi.
Il avait beau être retissant à l'idée de montrer des sentiments, et rester calme même maintenant, elle savait qu'à la fin, il l'aimerait toujours.
Elle entendait la profondeur de ses battements de cœur contre son oreille. Elle sentait sa respiration lente dans ses cheveux. Elle savourait de la puissance protectrice de ses bras qui n'avaient plus la même fébrilité que durant son adolescence. Elle jouissait de la chaleur que ses mains dans son dos lui apportaient.
« Lily… », commença-t-il de sa voix incomparable de douceur, « … il est tard. »
Lily fut déçue du moment magique brisé. Ils s'écartèrent, et elle repartit. Il restait dos tourné à elle alors qu'elle allait vers sa chambre. Mais elle l'entendit lorsqu'il chuchota à la limite de l'audible. « Merci. » Cela fit grandir un sourire si fort sur le visage de Lily qu'elle sentait la chaleur du rougissement sur ses joues. Elle entra dans sa chambre et ferma sa porte sans un mot de plus.
