(Le maraudeur fugitif) Les inquiétudes de Remus
Une fois que Neville eut fermé la porte derrière lui, Harry se tourna vers son oncle.
« Que se passe-t-il, Oncle Remus ? »
« Je suis inquiet, Harry. Pour plusieurs choses en fait. »
« Pourquoi m'as-tu empêché d'affronter l'épouvantard ? », coupa l'adolescent en se souvenant de toutes ces fois où Remus semblait le considérer comme un enfant. Il ne supportait plus d'être écarté de tout.
« Parce qu'un épouvantard ne se contente pas de prendre la forme de nos peurs, Harry. S'il se change en une créature par exemple, en un détraqueur, il emprunte certaines de leurs facultés, de leurs pouvoirs. Je ne t'ai pas laissé l'affronter, Harry, parce que c'était dangereux. Beaucoup trop dangereux, pour toi, pour Neville, pour toute la classe. »
Harry accepta facilement l'explication, et toute colère contre Remus était partie. Si l'épouvantard-détraqueur pouvait réellement utiliser les pouvoirs d'un véritable détraqueur, il n'en voulait vraiment pas au professeur. Il n'avait pas vraiment hâte de se retrouver à nouveau devant cette créature, à ressentir tout ce chagrin, à entendre ses cris…
« Harry ? »
« Oui, Oncle Remus ? » fit le garçon en relevant la tête qu'il avait apparemment baissée.
« Tout va bien ? »
L'adolescent hocha la tête. Remus lui tendit du chocolat, qu'Harry regarda avec étonnement.
« Tu es tout pâle, ça te fera du bien. », se justifia l'adulte.
Il prit la nourriture offerte, et commença à manger en s'asseyant avec l'homme.
« Ils t'ont fait une forte impression. »
« Qui donc ? » demanda avec curiosité l'adolescent qui levait une fois de plus les yeux.
« Les détraqueurs, Harry. »
Il baissa le regard. « Je suppose… »
« Tu ne veux pas m'en parler ? »
« Non, pas vraiment. »
« Harry… »
« Je te promets, Remus, si j'ai un problème j'irai voir Sev. »
Remus sursauta presque. « Sev ? » Harry avait presque toujours dit Severus, comme il le faisait lui aussi.
Le garçon sourit joyeusement. « Oui ! Il m'a autorisé ! »
« Tu en es certain ? » Remus était très sceptique.
« Absolument. »
Harry se sentait presque comme s'il mentait, mais il s'en fichait. Il n'y avait pas de raisons pour que Draco puisse l'appeler Oncle Sev et que lui ne puisse pas. Il avait aussi été éduqué par Severus, et s'était de sa mère dont l'homme s'occupait, il ne serait pas juste que le Serpentard soit privilégié.
« Si tu es sûr… Harry, y a-t-il un problème avec Severus ? »
« Pourquoi y aurait-il ? »
« Pourquoi ton épouvantard est-il un détraqueur ? »
Harry sentait toute joie repartir d'un coup. Même s'il était déjà un peu interloqué par l'étrange question de Remus, ce n'était rien à côté du rappel de ces monstres.
« Je ne sais pas… Je pensais… Je me suis souvenu de comment je me sentais à ce moment-là. » Il commençait à trembler. « J'avais froid, je me sentais comme si le plus grand désespoir m'envahissait, comme si… il y avait ces cris. » Harry ne put s'empêcher de laisser échapper un sanglot. Juste un. « Je les ai entendus, oncle Remus, mes parents. Ce soir-là. Je les ai entendus lorsque le détraqueur est venu. »
Remus passa son bras autour du garçon. « Harry, je suis désol… »
« Non ! » cria l'adolescent en se relevant d'un coup tout en poussant Remus. « Je ne veux pas de pitié. », cracha-t-il, « Je n'en ai pas besoin. Je dois être fort, pour Neville. Et j'ai toute la famille dont j'ai besoin. J'ai beaucoup de chance. »
Remus était peiné. « Harry, j'ai l'impression… que tu m'en veux. »
Le garçon se tenait debout, et fixait l'homme encore assis avec la froideur et le regard noir que Severus pouvait donner à Sirius en le regardant de haut. Remus ne pouvait pas se sentir plus indésirable.
Harry réfléchissait. Peut-être était-ce vrai. Probablement en fait. Mais pourquoi lui en voulait-il autant ? Voulait-il seulement l'admettre oralement devant son Oncle ?
Il voyait le regard de l'homme, et il n'y voyait que de la douceur et de la tristesse. Il eut un pincement au cœur, s'en sentant désolé d'en être probablement la cause. Puis il décida d'écarter cette idée. Il était en colère contre Remus pour une quantité de choses. Il ne voulait pas se sentir mal de lui montrer. Et il commençait à penser que si Remus avait l'air misérable, ce n'était pas à cause de lui, mais parce qu'il manquait à l'homme son plus grand ami.
« Pourquoi n'as-tu rien fait pour l'aider ? » cracha-t-il, « Pourquoi Sirius est-il un fugitif alors qu'il est innocent ? »
Remus resta un moment silencieux sous le regard dur du garçon. Finalement, Harry perdit patience. Il se détourna pour se diriger vers la sortie. « J'en ai assez. »
« Harry, reste ici. », ordonna le professeur. Harry s'arrêta mais ne se retourna pas. « Je ne peux pas te le dire. »
« Bien sûr que tu ne peux pas, tu ne peux jamais ! »
« Harry, je n'y suis pour rien, j'ai essayé de l'aider, mais personne ne savait rien. Les seuls témoins étaient contre Sirius. »
« Alors c'est qu'il était coupable. », conclut sèchement l'adolescent.
Remus secoua la tête. « Harry, ça ne fait aucun bien. J'aimerais te parler d'autre chose. »
« Et moi, je n'en ai pas envie. » Harry recommença à se diriger vers la porte.
« Nous n'allons pas passer l'année comme ça. »
« C'est ce que nous verrons. »
Il tenta d'ouvrir, mais Remus fut plus rapide à verrouiller la porte avec un mouvement de baguette silencieux.
Harry se retourna vers l'adulte. « Tu as fermé ! » l'accusa-t-il.
« En effet. Harry, tu ne peux pas continuer à te comporter de cette manière. »
« C'est dommage, tu n'es pas mon tuteur, tu n'as aucun droit de m'en faire la remarque. »
« Je suis un professeur, Harry, ce qui veut dire que j'ai toute autorité en la matière. Et tu ne pourras pas te cacher derrière Severus pour cette question-là. Sitôt qu'il apprendra ton attitude, il sera le premier à sévir. Maintenant assieds-toi, et calme-toi. »
L'adolescent obéit, bien qu'il ne veuille pas respecter la dernière partie de la consigne.
Mais Remus lui laissait de l'espace et sa présence calme et douce, ainsi que tous les souvenirs où cet homme était toujours apparu comme le médiateur, eurent raison de l'entêtement du garçon.
Finalement, Harry reprit d'une voix basse. « Pardon, Remus. Je sais que tu tiens à Sirius autant que moi. Tu aurais tout fait pour qu'il reste auprès de nous. »
« Oui, tout. », répondit l'homme avec lourdeur.
Harry se força à sourire. « Bon, eh bien tu voulais me parler il me semble. Et je dois te remercier… pour être intervenu entre moi et le détraqueur. Enfin, l'épouvantard je veux dire. Bien que je doive aussi te remercier pour être intervenu dans le train… »
« Harry, tu ne me dois aucune gratitude. Ce que j'ai fait est normal. Je l'aurais fait pour n'importe qui. Encore plus pour toi. »
« Merci Remus. », et cette fois le sourire était honnête.
« Harry… », prévint durement le professeur.
« Je m'en fiche, merci. », coupa le garçon. « Et tu ferais mieux de les accepter. »
Remus hocha la tête. « Eh bien d'accord. » Il s'approcha et tendit du chocolat.
« Remus, je n'en ai vraiment pas besoin… »
« Permets-moi de t'affirmer le contraire. »
Harry était peut-être présentement calme, il était indubitablement sur les nerfs en ce moment. Sinon, pourquoi s'énerverait-il si rapidement ? Il était parfaitement compréhensible qu'il le soit, avec la présence des détraqueurs et l'absence annoncée prolongée de Sirius.
Harry accepta le chocolat. Après tout, ça avait toujours bon goût.
Remus s'assit à côté de lui. « Un détraqueur, je ne m'attendais pas à ça. Bien que ce soit assez logique finalement. »
« Ouais, parce que je me suis écroulé pour un rien devant l'un d'eux. »
« Ce n'était pas sans raison, Harry. Crois-moi, tu étais fort. Et c'est par ailleurs une démonstration de courage d'en faire son épouvantard. »
« Je ne vois vraiment pas pourquoi. »
« Parce que ce dont tu as le plus peur… c'est de la peur elle-même. »
Harry ouvrit la bouche en « o », sidéré. Il ne s'était pas attendu à ça.
« Harry, je dois vraiment te poser une question. Une question désagréable et que tu n'aimeras pas. »
Harry se prépara, et hocha la tête en signe d'accord.
« Y a-t-il quelque chose entre Severus et Neville que je devrais savoir ? »
Harry haussa les épaules. « Non. Neville a toujours été impressionné par Sev. J'ai envie de dire que c'est une peur comme une autre. Comme certains ont peur des monstres sous le lit, ou de la pleine lune. »
Remus se sentit immédiatement mal à l'aise à la mention de son épouvantard. Il n'était même pas certain qu'Harry l'évoquait en étant conscient de ce qu'il avait vu.
Harry continuait. « Finalement, la peur de Neville n'est pas la plus irrationnelle qui soit. Tu l'as admis toi-même, Severus fait peur. Ça a dû être la première chose vraiment effrayante que Neville ait connue. Bien que connaissant Hagrid, il a dû rencontrer beaucoup de créatures dangereuses, je suppose que le caractère d'Hagrid n'a pas permis à un petit Neville de s'en rendre compte.
« Pour Neville, Sev était beaucoup plus un mystère que toutes les créatures dont Hagrid est l'ami. Il en entendait parler, mais ne le voyait que rarement. Il l'apercevait sans le connaître en étant petit, et je suppose que Sev devait être un peu effrayant il y a quelques années. Pour Neville, Sev devait être plus une légende qu'un être humain, je ne sais pas. Nous étions vraiment petits. »
Remus secoua la tête. « Harry, une véritable peur, assez profonde pour devenir un épouvantard, ça ne vient pas comme ça, tout seul. »
« Toute peur n'est pas rationnelle, oncle Remus. Et les plus grandes peurs ne sont pas forcément celles qui ont le plus de raison de l'être. Du reste, je pense que Neville considère Sev comme dangereux. Ce qu'il est, si nous sommes ses ennemis. Neville le respecte profondément et l'estime, mais même en savant qu'il est de notre côté, de ma famille, il n'en reste pas moins… insondable. »
« Soit Neville a confiance en lui, et sait donc qu'il ne risque rien, soit il n'a pas confiance… »
« Ça doit pouvoir être plus compliqué que cela, Oncle Remus. Neville a grandi près de Poudlard. Il a entendu beaucoup de choses pendant toute son enfance. Des élèves qui approchaient Hagrid, et très peu d'entre eux appréciaient Sev, et de ma part, qui lui fournissait un discours tout autre. »
« Harry, es-tu vraiment certain que rien ne s'est passé entre Neville et Severus ? »
« Oui. En fait, je pense que la raison est assez simple. Pourquoi avoir peur de quelque chose qui serait immédiatement un danger pour nous ? En quoi la lune est-elle un danger ? En quoi un cobra ou une araignée sont-ils vraiment des dangers qu'on risque de rencontré ne serait-ce qu'une fois dans notre vie ? Neville considère Sev comme un grand sorcier. Il pense que Voldemort devrait avoir peur de Sev. Et si Voldemort doit en avoir peur, alors qui n'en aurait pas peur ? »
« Voldemort a peur du professeur Dumbledore. »
« Dumbledore n'a pas vaincu Voldemort. Se sont-ils déjà affrontés ? Ce sont deux sorciers puissants qui s'évitent de mon avis. Si l'un d'eux pouvait vraiment lutter contre l'autre et en sortir forcément vainqueur, pourquoi cela n'aurait-il pas été fait il y a longtemps ? Ce sont les deux chefs opposés qui luttent ouvertement l'un contre l'autre mais à distance. À distance très éloignée j'ai envie de dire. Sev représente un vrai danger pour Voldemort. Parce que Voldemort ne le verrait pas venir. »
« Considérant que Severus a envoyé Bellatrix à Azkaban et aide Lily à se remettre d'une attaque ordonnée par Voldemort, je ne pense pas qu'il serait possible à Severus de reprendre une place d'espion. Et de toute manière, Voldemort n'est plus là. »
« Je l'ai vu, oncle Remus. Et Dumbledore en est persuadé, un jour, il reviendra. »
« Professeur Dumbledore, Harry. », avertit le professeur.
Harry roula des yeux. « Si tu veux. Quoi qu'il en soit, Severus est rusé et intelligent. Il trouvera toujours un moyen de recueillir les informations pour nous aider lorsque Voldemort reviendra et réunira ses Mangemorts. Severus est plus dangereux que le professeur Dumbledore pour Voldemort, car il est l'informateur, pas la figure représentative de notre camp. Il travaille dans l'ombre, et cela le rend d'autant plus imprévisible. Il peut opérer de l'intérieur… et frapper dans le dos. »
« Avez-vous vraiment ce genre de discussion entre vous, toi et Neville ? »
« Nous avons beaucoup de genre de discussion. », répondit le garçon d'un ton anodin. « Mais tu as raison, c'est peut-être plus mon propre point de vue que celui de Neville. Neville sait tout cela, et probablement plus que moi, puisqu'il a une relation privilégiée avec Dum — le professeur Dumbledore. Mais il sait surtout que Sev est vraiment puissant, vraiment de notre côté… et vraiment le plus capable de choses horribles et imaginatives contre ses ennemis parmi tous les puissants sorciers que nous connaissons. C'est le chef Serpentard ! Et il n'est pas connu pour sa douceur. »
« Je pense que je devrais tout de même lui parler au sujet d'être la plus grande peur de Neville. Ce n'est pas normal. »
« Mais Remus… ! »
« Il n'y a pas de mais, Harry. Je vais avoir une discussion entre deux adultes responsables et deux professeurs avec Severus, c'est tout. Ne penses-tu pas que nous devrions faire quelque chose pour ça ? »
« Si, mais je ne vois vraiment pas quoi. Neville a peur, c'est tout. Et franchement, si nous y pouvions quelque chose, ce serait déjà fait. »
« Nous verrons, Harry. En attendant, je pense que je vais devoir rouvrir les portes pour bientôt accueillir le cours suivant. »
Harry acquiesça, se leva, et partit.
