(Le maraudeur fugitif) Les loups-garous
Severus était furieux. Et il était d'une humeur exécrable. Bien sûr, Albus ne lui donnerait pas le poste de professeur de défense contre les forces du mal. Mais bien sûr, il choisirait un lâche incapable d'assumer son rôle tous les jours de l'année, et lui demanderait à lui de prendre en charge les élèves de Lupin lorsque celui-ci serait… indisposé.
Il avait passé un mois à préparer cette maudite potion. Et une semaine à terminer chaque dose à une heure précise, des doses identiques qui ne pouvaient pas se conserver plus d'une heure sans devenir instable une fois terminées.
Il était très reconnaissant que Lily soit en état de s'occuper de toutes les potions pour l'infirmerie et son stock personnel (ainsi que les stocks de Minerva et Albus qu'il approvisionnait sans l'accord de Poppy). Sans cela, il ne pensait pas qu'il aurait su où donner de la tête.
Qu'il doive dispenser pour sa propre matière plus de cours que ses collègues ne suffisait pas. En tant que maître des potions de Poudlard, il avait la responsabilité de tenir la pharmacie de Poppy toujours pleine. Et cela sous-entendait cette année qu'il devait traiter le loup pour son indisposition mensuelle.
De plus, Albus savait parfaitement qu'il s'était fixé l'objectif ambitieux de trouver des remèdes et des traitements aux effets post-Doloris, et qu'il était donc très occupé par ses recherches dans son peu de temps libre.
Il était aussi chef de la maison de Serpentard, et était très consciencieux dans ce travail, comme pour toutes ses autres tâches. Il ne pouvait pas déléguer toutes les responsabilités qui en découlaient à ses six préfets et avait donc encore moins — sans compter qu'il avait le volume horaire d'enseignement le plus chargé — de temps libre que la plupart de ses collègues.
Et il était indubitablement le plus strict, même si Minerva n'était pas en reste dans ce domaine ; il distribuait facilement les retenues à ceux qui le méritaient, et qu'il ait du matériel de laboratoire à entretenir faisait de merveilleux sujets de punition. C'était un avantage qu'il avait sur ses collègues : il était si facile de donner aux élèves la tâche de nettoyer les chaudrons ou les fioles. Donc bien sûr, il ne pouvait pas toujours laisser Rusard superviser toutes les retenues qu'il distribuait.
Il devait également compter sur les heures où il « punissait » l'incapable de Longbottom et l'insolent Potter, leur offrant des cours particuliers.
Et avec tout ça, Albus avait encore le culot de lui demander quelques petits services. Petits services ! D'accord, Lily s'occupait maintenant de faire la plupart des potions, mais il ne la laisserait pas s'occuper de celle délicate et dangereuse de Lupin. Et il ne pouvait pas lui laisser ses autres tâches.
Maintenant, il lui faudrait un retourneur de temps pour tout faire ! Albus avait eu l'audace de lui signifier que s'il donnait et supervisait moins de retenues, il aurait plus de temps libre. Mais ce qu'il lui demandait prenait sur ses heures de cours, pas de retenues !
Chaque fois qu'il y avait un problème avec un professeur de défense contre les forces du mal, c'était lui qui prenait le relais. Sérieusement, ce serait beaucoup plus simple s'il assumait la tâche à plein temps au lieu du poste de maître des potions et non en plus.
Aujourd'hui était la première fois de ce qui serait une longue série tout au long de l'année.
Eh bien, les élèves qui avaient cours de potion râleraient certainement. Ce serait évaluation pour tout le monde durant deux jours. Jeudi et vendredi. Au moins, c'était la fin du mois et il avait déjà assez de matière pour les interroger correctement. Test écrit, donc, avec quelques sortilèges pour l'avertir à la moindre triche qui aurait lieu durant son absence. Les cachots avaient intérêt à rester silencieux. De toute manière, il s'était arrangé avec Rusard pour que le concierge surveille les élèves.
Il n'avait pas pris la peine de faire part de ses idées à Binns. Le fantôme croulant ne se rendrait ni compte qu'il aurait le double d'élève ce matin-là, ni qu'il n'en aurait aucun le lendemain.
Severus était allé trouver Lupin dès sa réunion avec Albus terminée. Il lui avait ordonné d'informer ses élèves de deuxième et première années que les quatre maisons auraient cours d'histoire de la magie ensemble ce matin, et auraient ensuite un cours totalement théorique de défense contre les forces du mal le lendemain, encore tous ensemble. Severus était prêt à faire pratiquer les élèves, mais il ne le ferait pas avec une classe de 40 enfants de 11 ou 12 ans.
Cela réglait le matin, quant à ce qui était l'après-midi… les deux premiers créneaux de Lupin étaient occupés avec les classes de troisième année, ensuite il aurait du temps libre, c'est-à-dire qu'il pourrait pleinement se concentrer sur ses deux cours de potions.
Pendant que Lupin avait les troisièmes années, lui avait les Gryffondor et Serpentard de quatrième année. Les adolescents irritants allaient subir le même sort que leurs camarades plus jeunes : évaluation sur les potions, et cours théorique de défense contre les forces du mal en classe entière. Le lendemain après-midi pourrait se passer de la même manière.
Il fit prévenir les Serpentard et Serdaigle de troisième année qu'ils auraient cours de défense contre les forces du mal en même temps que les Gryfondor et Serpentard.
Lorsque les cours de l'après-midi commencèrent, il distribua d'abord l'énoncé d'examen de potion à ses élèves habituels, puis se dirigea à grands pas vers la salle de Lupin après s'être assuré que tous les adolescents connaissaient les règles de la journée.
Il entra dans la salle de cours de défense contre les forces du mal avec fracas et d'un pas vif, toujours aussi énervé. Il n'avait pas le temps pour ce genre de plaisanterie, mais apparemment Albus ne lui laissait pas le choix.
Les élèves parlaient avec bonne humeur avant son arrivée, certainement confiants que si Lupin les regroupait à quarante c'était pour une activité amusante. Manqué, ce serait de la théorie avec lui, le chef Serpentard de mauvaise humeur. Dès qu'il était entré, l'agitation avait disparu et tous s'étaient tus.
Il ferma les volets de chaque fenêtre d'un coup de baguette magique alors qu'il avançait vers l'avant de la salle. Il lança un regard noir vers la porte qui menait au bureau du loup, comme s'il pourrait la faire exploser et réduire Lupin en cendre s'il la regardait avec assez de fureur, avant de se tourner vers les élèves, un masque froid placé sur son visage. Il avait promis de préserver les apparences autant qu'il le pourrait.
« Ouvrez vos livres à la page 394. »
Aucun élève ne tarda à sortir précipitamment son manuel, que ce soit de son sac pour les plus négligents ou du coin de leur table pour les moins idiots. Harry était plus hésitant que les autres.
Le garçon plaça son livre juste devant lui, mais plutôt que de l'ouvrir, il s'appuya dessus et regarda le professeur en levant la main… et en prenant la parole avant d'y être invité.
« Excusez-moi, professeur, mais où est le professeur Lupin ? »
Severus se retint de rouler des yeux. Bien sûr, le garçon allait poser des questions et s'inquiéter d'abord de l'état du loup. Il s'empêcha de répondre sarcastiquement qu'il ne l'avait pas égorgé.
« Qu'il suffise de dire que votre professeur est dans l'incapacité de vous faire cours aujourd'hui. Mais ses affaires ne vous concernent pas, n'est-ce pas, monsieur Potter ? »
Le garçon ne semblait pas apprécier la réponse, mais ne lutta pas, sachant pertinemment qu'il ne pouvait pas faire autre chose que se disputer inutilement avec le maître des potions en public. De plus, nul doute qu'Harry soit parfaitement capable de repérer que l'homme était énervé.
Le professeur marqua la fin de l'échange en répétant sa consigne d'un air plus menaçant. « Ouvrez vos livres à la page 394. »
Il fit descendre un écran blanc et observa les élèves pendant qu'ils tournaient les pages.
La présence de toutes les maisons avait certainement provoqué un changement dans la disposition des groupes.
Sans surprise, Harry et Neville étaient côte à côte, sur le devant de la salle, bien que pas tout à fait au premier rang.
Les jumelles Parvati s'étaient installées ensemble, permettant à Weasley de partager sa table avec l'irritante miss Brown.
Du côté de ses Serpentard, il n'était surpris par aucun duo. Crabbe et Goyle, Greengrass et Parkinson, … Zabini et Nott qui semblaient chercher à se tenir le plus éloigné l'un de l'autre. Cela était intéressant, mais Severus savait déjà par Lucius que les deux garçons jouaient l'un contre l'autre autour de Draco.
En parlant de son filleul arrogant… le garçon était sans doute avec l'arrangement le plus audacieux de toute la salle, tranquillement et ouvertement installé à côté de Granger, au premier rang, du côté Serpentard de la salle. Ce duo ne cachait pas être ami et ce n'était plus un secret pour personne, mais nul doute que le reste de la maison n'appréciait pas la présence de la née-moldue dans leur coin.
La lenteur du garçon Weasley était vraiment agaçante. Avachi sur sa table, il semblait décidé à tourner les pages une par une. Le rouquin sursauta lorsque les pages de son livre tournèrent soudainement à une vitesse étonnante pour s'arrêter à la bonne page, après un coup de baguette silencieux du professeur.
« Les loups-garous ?! » s'étonna le garçon.
Immédiatement, Hermione se tourna vers le professeur, apparemment mécontente de ce changement de programme, et peu impressionnée par l'homme. Il fallait admettre qu'elle avait pu le voir sous une attitude bien moins intimidante grâce à ses amis.
« Monsieur, les bêtes nocturnes sont à la fin du programme. Nous travaillons sur les strangulots et les pitiponks actuellement, et… », protesta la fille.
Comme attendu, la voix du professeur resta calme et froide, ce qui n'était pas pour autant bon signe. « Silence. Lupin n'aurait pas le courage d'aborder cette partie, c'est donc une tâche qui m'incombe afin que vous puissiez être instruit dans tous les domaines prévus. »
« C'est absurde. », contredit Harry, « Le professeur Lupin ne… »
« Silence, Potter. » À ce stade, Severus aurait pu distribuer une retenue. Cependant, il n'était pas d'humeur à faire autre chose que de punir véritablement le garçon. En fait, il préférait punir toute la classe d'un coup, et avait déjà une idée de ce qu'il ferait.
En attendant, il développa son argument, sachant que rien d'autre ne ferait taire ces Gryffondor, et pas d'humeur à s'occuper de leur effronterie. « Moins le professeur Lupin entend parler des loups-garous, mieux il se porte… Certainement avez-vous vu l'épouventard de votre si cher et estimé professeur de défense contre les forces du mal. »
Cela donnerait à réfléchir au gamin. Tant qu'il serait occupé avec sa nouvelle énigme, Harry ne l'embêterait plus, et il pourrait peut-être parvenir à faire ce cours sans que l'envie d'écorcher un de ses étudiants le prenne.
Il commença son cours.
« Bien, qui peut me dire quelle est la différence entre un animagus et un loup-garou ? »
Cela aussi était bien évidemment une question totalement aléatoire, comme le trio de garçon qui le connaissait si bien ne manquerait pas de le savoir.
Hermione leva la main comme toujours. Severus avait horreur de l'interroger. Et après son impertinence quelques minutes avant, il ne prendrait pas la peine de la remarquer. « Personne… comme c'est décevant. »
Malheureusement pour lui, son humeur irritée et son mal de crâne croissant, la fille ne l'entendait pas de cette oreille. « S'il vous plaît monsieur. Un animagus est un sorcier qui choisit de se changer en animal. Un loup-garou n'a pas le choix. À chaque pleine lune, quand il se transforme, il ne se souvient plus qui il est. Il tuerait son meilleur ami s'il le croisait. De plus, le loup-garou ne réagit qu'à l'appel de ses semblables. »
Draco eut la merveilleuse idée d'interrompre la fille… en imitant un cri de loup. « Ahouuu ! »
« Merci, monsieur Maloy. », réprimanda froidement le professeur. Il pouvait décider d'ignorer publiquement beaucoup de choses à son filleul, pour les apparences. Mais il n'admettrait aucune plaisanterie pour ce qui concernait les loups-garous.
Les rires des Serpentard disparurent. Les autres Maisons semblaient considérer que le maître des potions le remerciait sincèrement d'avoir coupé la tirade de miss-je-sais-tout, les serpents avaient parfaitement saisi qu'il venait de remettre à sa place le favori de ses favoris. Severus était maintenant certain qu'il aurait la paix de ce côté-là de la salle à présent. Aucun ne risquerait à tâter sa mauvaise humeur.
« C'est la seconde fois que vous parlez sans y être invitée, miss Granger. Êtes-vous à ce point incapable de vous dominer, ou êtes-vous fière d'être une insupportable je-sais-tout ? »
La fille gardait le regard baissé sur l'avant de sa table, contrite et humiliée. Draco conservait un visage parfaitement lisse et dénuer d'émotion. Il ne savait pas ce qui mettait son parrain dans cette humeur noire, mais il ne se permettrait certainement pas de commenter. Le duo se trouvait suffisamment réprimandé pour ne pas oser prendre à nouveau la parole durant ce cours.
Du côté Gryffondor, Ron ne put s'empêcher de chuchoter. « Il n'a pas tout à fait tort. »
Ron était juste dans le dos d'Harry.
Harry l'entendit, et se crispa. Cela faisait trois semaines que Ronald s'était excusé auprès de Draco et qu'Harry avait alors accepté que le roux passe un peu de temps avec eux. Il commençait à le tolérer, même si Ronald avait parfois du mal à accepter que leur groupe soit aussi studieux.
Quand Harry avait donné pour consigne à Ronald de ne pas critiquer son beau-père, ce n'était pas pour que le roux approuve au seul moment où l'homme critiquait son autre amie, Hermione. Et il se souvenait avoir expressément averti Ronald de ne pas critiquer les talents intellectuels supérieurs de la fille.
Il desserra le point en entendant le professeur répliquer. « J'enlève cinq points à Gryffondor. »
Harry choisissait de croire que les points étaient enlevés à Ron. Hermione avait déjà été rabrouée de manière assez marquante si on regardait son expression faciale. Et le professeur avait certainement entendu le roux chuchoter. Harry savait que Sev ne tolérait pas qu'un Gryffondor insulte un de ses camarades. Et Sev pouvait dire ce qu'il voulait en classe, Harry savait que l'homme appréciait Hermione, même s'il était vraiment irrité bien trop souvent par l'attitude supérieure de l'adolescente.
Ron semblait être arrivé à la même conclusion. « Quoi ? » fit-il d'un ton éberlué. Il avait bien compris qu'il était en train de perdre des points pour être allé dans le sens du professeur.
Severus décida que c'était le moment de distribuer la punition collective. Il ne supporterait pas plus d'insubordination pour la journée.
« Je veux sur mon bureau lundi matin, ce sera un antidote à votre ignorance, deux rouleaux de parchemin sur le loup-garou. Et vous insisterez en particulier sur la façon d'en reconnaître un. »
Severus n'avait pas compté sur l'insolence rebelle d'un adolescent de treize ans lorsqu'il avait prévu de donner cet exercice utile et instructif à la classe de ses protégés. Il aurait dû.
« Monsieur, nous avons un entraînement de Quidditch samedi. »
« Je vous conseille de faire très attention, monsieur Potter. La perte de l'usage d'un membre ne sera pas une excuse. Page 394. »
Après cela, Severus commença sa conférence sur les loups-garous, en commençant par un peu d'étymologie, comme il avait enseigné à Harry durant toute son enfance.
Harry était déterminé à trouver ce qui avait provoqué une si mauvaise humeur chez son beau-père et l'absence de son oncle, tout en même temps. Il ne croyait pas aux coïncidences, surtout lorsque Sev était impliqué. Les deux faits étaient liés.
