(Le maraudeur fugitif) De retour à la réalité


Les vacances passèrent rapidement.

Sirius et Severus s'évitaient, ou du moins avaient décidé pour le bien des adolescents de restreindre les insultes et de se supporter. Ils n'avaient pas vraiment enterré la hache de guerre, mais le temps entre eux était plus froid qu'agressif.

Remus fut bien entendu malade durant les vacances, mais tentait de passer le plus de temps possible avec Sirius et les trois adolescents qu'il appréciait tous, y compris Draco.

En tant que professeur tolérant et patient, il avait appris à connaître le Serpentard qui s'ouvrait près de ses amis de Gryffondor, et ne voyait aucune raison de ne pas l'apprécier alors qu'il avait été ami avec James, Sirius et Peter depuis ses onze ans.

Sirius avait décidé de s'occuper des trois garçons. Il aimait assurément les deux Gryffondors, et avait pris sur lui de prendre son petit cousin sous son aile depuis qu'il savait que le garçon était capable de se rebeller contre Lucius, Voldemort, et les idéaux stupides et arriérés de pureté du sang.

Il voulait maintenant que le Serpentard suive les mêmes traces que lui. Draco prenait ce chemin plus tard que lui ne l'avait fait, mais il pouvait encore le faire.

Neville parvint à ce qu'ils passent tous un maximum de temps ensemble, bien qu'il ne força pas beaucoup pour être en présence de Severus, et fut aux anges lorsqu'il réussit à faire s'entendre Draco et Hagrid.

Harry aurait voulu que ces vacances durent une éternité. Toute sa famille réunie à Poudlard, seule, profitant du bon air de l'hiver. C'était une merveille.

Dès que les vacances se terminèrent, et que les professeurs revinrent, précédant les élèves, Sirius s'enfuit discrètement.

Severus avertit Remus de ne rien laisser paraître, surtout pas à Albus, au sujet de Sirius.

Le loup-garou ne voyait pas pourquoi le cacher spécifiquement au directeur, mais il comprenait que Severus ne voudrait pas que le fait qu'il ait lui-même accueilli et invité Sirius Black à Poudlard se sache.

Les vacances avaient été si merveilleuses qu'Harry avait momentanément oublié sa colère pour le maître des potions. Mais dès que la grande salle fut remplie d'élèves, et que l'absence de Sirius se fit ressentir, avec Hermione et Ronald parlant des dernières nouvelles au sujet du fugitif, il se souvint.

N'écoutant plus vraiment ses deux amis parler, il tourna un regard sombre vers la table des professeurs, où étaient Sev, Lily et Remus. Le chef Serpentard semblait occuper à observer la table de sa maison, sans doute voulait-il s'assurer que leurs retours de vacances se passaient bien.

Harry jugea que ça avait été commode de sa part d'interdire toutes discussions sur les événements tournant autour du procès de Sirius durant les vacances. Comment Sev avait-il pu lui faire ça ? Le priver de Sirius ? Sev était l'homme le plus intelligent qu'Harry connaissait, il savait forcément quelle serait la portée de ses actes lorsqu'il avait témoigné à ce procès. Il savait qu'Harry aimait Sirius.

« Harry… », appela doucement la voix de Neville. Harry sentit le contact inattendu de la main de son meilleur ami sur son avant-bras. Il se retourna soudainement.

« Quoi ? » fit-il agressivement. Bien que le visage de Neville ne lui montra pas de reconnaissance à cela, Harry avait bien entendu sa propre voix, et son cœur fondit. « Oh, Neville, désolé, je… »

Neville sourit. « Je sais que tu ne voulais pas. »

Hermione prit la parole avant que le garçon-qui-avait-survécu puisse parler davantage. « Qu'est-ce que tu as, Harry ? Ça fait cinq minutes qu'on t'appelle. »

« Je… », déglutit-il difficilement.

Ron renifla. « Il semblait que tu voyais enfin Snape comme on le vois tous. »

Harry lui lança un regard noir. « Ronald… »

Le roux leva les mains en l'air. « Hey, pas de mal, mon pote. Je disais juste qu'il semblait. On sait tous que tu l'aimes bien, j'allais pas encore critiquer. »

Ron se pencha pour chuchoter la suite, comprenant apparemment qu'il avait tout intérêt à rester discret sur ce qu'il savait. « Je pensais que tu aurais eu toutes les vacances pour lui en parler… de ce que tu as entendu à Pré-au-lard. »

« Et bien nous n'en avons pas dit deux mots. J'étais occupé à… autre chose. Nous sommes essentiellement restés avec Hagrid. »

« Mon pote, c'est pas bon. »

« Qu'est-ce que tu sais de ce qui est bon, Ronald ? » siffla le garçon de mauvaise humeur.

« J'ai une famille, je sais ! »

Les autres étaient trop abasourdis pour remarquer vraiment le haussement de ton, mais Ron fit l'effort de parler à nouveau à voix basse.

« Ça m'est déjà arrivé d'être énervé contre mon père ou ma mère. Je me dispute tout le temps avec mes frères et ma sœur ! Je sais comment on se sent. Je sais que ce n'est pas bon. Quand on aime, on pardonne, sinon on se détruit soi-même. Si tu ne vas pas t'expliquer avec lui sur ce qui te tient à cœur, si tu ne vas pas chercher d'explications sur ce que tu penses qui est mal, tu vas rester en colère, et cette colère va t'apporter du chagrin. Pour avancer, pour pardonner, il faut s'écouter. Si tu t'isoles et que tu boudes, ça n'avancera pas ! »

Le groupe resta en silence pendant un moment. Ron continuait de fixer Harry dans l'attente d'une réaction de sa part.

Hermione décida de ne plus s'en occuper dans l'immédiat, pendant que Neville tournait la tête vers la table d'honneur, pour voir Lily et Remus discuter.

Ces vacances avaient fait du bien à la femme. Elle s'ouvrait davantage à Remus, et le professeur agissait maintenant avec elle parfaitement normalement, sans plus la considérer comme une poupée en porcelaine fragile et instable.

« Il n'est pas de ma famille. », déclara enfin froidement Harry.

« Tu n'y crois pas toi-même ! » riposta Ron. « Tu devrais lui parler. »

« Ne t'occupe pas de ça, Ronald. Tu ne sais rien de moi, de lui, de nous. Ce ne sont pas tes affaires. »

« Tu oublies que j'ai été là, à Pré-au-lard. J'en sais assez. Je ne suis pas idiot, tu sais, j'ai compris. C'est assez évident quand on y réfléchit. Tu as les mêmes yeux qu'elle. La "Tante Lily" de Draco, celle qui "assiste" toujours son "Oncle Sev". Tu me l'as dit, tu sais : ton beau-père. Je ne dirais rien, mais n'essaye pas de me dire que je ne sais rien. On est ami maintenant, t'as oublié ? Je veux juste le bien de mes amis. Et je vois bien que tu vas mal depuis. Ça fait à peine une heure que je suis de retour de vacances, et je l'ai déjà vu. Je ne comprends pas comment Snape ne peut pas avoir remarqué avec les deux semaines de vacances que vous avez passé ensemble. »

« Pour la dernière fois, Ronald, ne t'en occupe pas. », fit-il d'une voix glaciale semblable au ton employé par le chef Serpentard lorsqu'il menace un élève alors qu'il est en colère.

Ron jugea qu'il valait mieux accepter de ne pas insister. Il haussa les épaules. Si Harry voulait déchirer sa famille, ce n'était pas son problème finalement.

Ron avait eu deux semaines de vacances pour réfléchir à ses informations qu'il avait entendues ce dernier week-end à Pré-au-lard. Il avait difficilement avalé la pilule, mais l'avait accepté. Ça expliquait beaucoup de choses. Au fond, Harry était toujours Harry, Mademoiselle Evans était toujours cette femme habituellement calme — bien qu'il y ait eu une exception — , et Snape était toujours un con, mais ce n'était pas son problème à lui.

Il n'en avait parlé à personne et n'avait pas l'intention de le faire. Qui l'écouterait de toute manière ? Personne n'y croirait.


Après le premier cours de la semaine, défense contre les forces du mal, Remus demanda à Harry et Neville de rester en arrière.

Harry avait une très nette idée du sujet que voulait aborder son oncle, et se trouva satisfait que Draco n'ait pas été là pour créer une scène. Hermione et Ron étaient bien plus accommodants que le Serpentard lorsque l'un d'eux était appelé à s'attarder.

D'une part, Hermione respectait l'autorité et même s'il lui arrivait d'être farouche et protectrice, elle n'avait aucune raison de soupçonner du mal du professeur Lupin, qu'elle savait être un ami de Neville et Harry.

Pour sa part, Ron était plus du genre à protester et à s'immiscer, mais il ne se sentait pas encore suffisamment ancré dans le groupe pour être à l'aise avec l'idée de s'attarder ou d'intervenir.

D'autre part, Draco était encore parfois un orgueilleux arrogant qui se prenait pour un prince, et il avait bien appuyé son envie de participer aux cours supplémentaires de Remus lorsque lui en avait parlé.

Cependant, ce n'était pas en un quart d'heure entre deux cours que Remus allait leur enseigner.

Voyant qu'Hermione quittait la pièce sans un regard en arrière, Ron la suivit docilement.

Quand l'homme et les deux adolescents furent seuls, et la porte refermée, Remus expliqua à ses élèves sont intention de leur faire à tous les deux un cours sur le patronus, à condition qu'ils le veuillent.

« Il s'agit d'une magie très complexe que peut de sorciers adultes sont capables de faire. Néammois, si vous y parvenez vous serez protégé des détraqueurs. Je crois en vous deux, et je n'ai aucun doute que vous en soyez capable. »

Neville hésita. « Mais, je ne suis vraiment pas bon en magie… je ne pourrais pas… »

Remus sourit. « Neville, vous êtes tout à fait capable. Il suffit de croire en vous. La clef de la réussite est là. » Il appuya sa main contre le torse du garçon, au niveau du cœur.

« Sev ne serait pas d'accord. », commenta Harry avec un haussement de sourcil.

Remus se tourna vers lui. « Je ne doute pas que Severus exprime une préférence pour la réflexion et l'intellect, mais dans ce cas précis, il serait forcé d'être d'accord avec moi. Je ne vais pas pouvoir vous faire le cours tout de suite. L'acceptez-vous ? »

« Oui. », répondit Harry sans hésitation. Il se tourna ensuite vers son meilleur ami.

Neville soupira et tenta de sourire, mais son manque d'assurance était flagrant. Il leva les yeux vers le professeur. « D'accord. »

« Alors, quand serait le cours ? » questionna Harry, très pressé.

« Vous n'y arriverez probablement pas immédiatement, il nous faudra plusieurs séances avant que vous ne maîtrisiez bien le sort. Je pensais à vous enseigner le samedi après-midi. »

« Pas cette semaine, donc. », déclara Harry. « Il y a un match de Quidditch. Je ne voudrais certainement pas manquer le spectacle. » Harry se souvenait avec un sentiment agréable de ses premières vacances de Noël à Poudlard, où lui et Draco avaient pu se mesurer à l'équipe de Serdaigle.

Remus hocha la tête. « Samedi 15 janvier alors. »

« En fait, nous viendrons tous les samedis, tant qu'il n'y a pas de match de Quidditch. », conclut Neville.

Harry se mordit les lèvres. Il ne se souvenait pas de quand seraient toutes les pleines lunes jusqu'à la fin de l'année.

Remus hocha la tête avec accord. « Oui. Bien sûr, si j'ai un empêchement, je vous préviendrais. C'était tout ce dont je voulais savoir, ne faites pas attendre davantage le professeur Binns. »

« Il a l'éternité pour attendre. », souffla Harry. Il aimait beaucoup l'histoire, mais il n'aimait pas du tout les cours du fantôme ennuyant.

Cependant, ni Remus, ni Severus, ni même Lily ne toléreraient qu'ils sautent un cours, fut-il enseigné par le plus insipide professeur déjà mort depuis Merlin sait quand.

Alors les deux garçons furent condamnés à se rendre dans la salle où au moins l'un d'eux finirait inévitablement par s'endormir.

Au déjeuner, Ron demanda, la bouche pleine, pourquoi Lupin les avait retenus. Cela attira immédiatement l'attention de Draco, qui fixa alors son regard clair sur les yeux verts d'Harry pendant qu'Hermione sermonnait Ron sur ses manières.

« Remus vous a retenu après le cours ? »

Ron, ignorant Hermione, ouvrit de grands yeux vers Draco, ainsi que sa bouche, ce qui fit tomber de la nourriture dans son assiette. « Remus ? T'en es à prénommer les professeurs ?! »

« Ronald Weasley, c'est dégoûtant ! » s'exclama une fois de plus la fille. Les garçons l'ignorèrent.

« Au cas où cela t'aurait échappé, Weasley, j'ai passé les vacances avec l'oncle d'un ami. Et puisqu'il n'est pas vraiment le plus aux faits des règles de bienséances des Sang-Pur, il m'a demandé d'être familier avec lui. Ridicule, mais je ne vais pas me plaindre. »

Ron roula des yeux. « Bien sûr, si cela te permet de jouer aux favoris. »

« Attention, Ronald. », prévint Harry.

« Mais quoi ! »

« Nous aimerions que vous ne vous disputiez pas tout le temps. », expliqua Neville.

« Harry fait lui aussi ce genre de commentaire à Draco ! »

« Ne m'appelle pas comme ça. », râla le Serpentard.

« J'essaye d'être ton ami ! »

« Ron a raison, fait un effort aussi, Draco. », fit Hermione.

Draco souffla d'exaspération. « Bien. Mais vous nous éloignez du sujet. Que voulait Remus ? »

« Il voulait fixer les dates des séances que nous ferons avec lui. », informa Neville.

« Patronus ? »

« Oui. »

« C'est quoi ? » demanda Ron, encore une fois la bouche pleine.

« C'est un sort très puissant ! Il ne peut pas vous l'enseigner ! » protesta Hermione.

« Quand seront vos cours alors ? » questionna encore Draco.

« Samedi après-midi. », déclara Harry.

« Mais il y a quidditch ! »

« Sauf les jours de quidditch. », rétorqua Neville.

« Ni quand il sera trop malade ou fatigué. », poursuivit Harry.

« Donc la semaine prochaine ? » insista le Serpentard.

Le garçon-qui-avait-survécu hocha la tête. « Pour la première séance, oui. Il ne pense pas que nous puissions y arriver au premier essai. Je ne pense pas pouvoir réussir tout court, mais il est convaincu que j'ai une chance. »

« Si tu en as une, alors moi aussi. »

« Draco ! » s'exclama le garçon aux yeux verts d'un air indigné. Neville se mordit les lèvres, et le Serpentard fixa un instant l'attrapeur de Gryffondor avant de reconnaître son erreur.

« Désolé, Nev. », fit-il doucement avec mauvaise volonté.

« Y'a pas de mal, Draco, Harry. Vous êtes tous les deux bien meilleurs que moi en sortilèges et ce serait de la mauvaise foi de ne pas le reconnaître. »

« Il n'a pas à te rabaisser ! »

« Harry a… raison. », concéda à contrecœur le Serpentard. « Quoi qu'il en soit, samedi prochain, donc, je viendrai avec vous. »

« Oncle Remus a dit juste nous deux. », protesta Harry.

« Veux-tu vraiment que je ne puisse pas apprendre le Patronus, Harry ? »

Harry garda la bouche fermée, renfrogné et de mauvaise humeur. Il voulait surtout passer du temps avec Remus, seul. Neville ne le dérangeait absolument pas, ils étaient presque frères. Mais Draco risquait d'être de trop. Il tourna un œil vers Hermione. Si l'un venait, l'autre aussi.

La fille sembla comprendre à quoi il pensait. « Je n'ai aucune raison de venir à un cours privé qu'un professeur organise pour un de mes amis, Harry. »

Draco eut un sourire narquois. « Tu ne sais pas ce que tu rates. »

« Tu ne devrais pas insister non plus, Draco. »

Il haussa les épaules. « Je suis certain que Remus m'acceptera. »