(Le maraudeur fugitif) La prédiction


Jeudi 26 mai serait leur dernier jour de cours de divination, et aussi bien Neville, Harry, Hermione et Ron en étaient contents.

Les disputes récurrentes entre Hermione et Ron au sujet de Croutard avaient mené à des changements de place. Harry était avec Hermione et Neville avec Ron.

Harry s'était affalé sur sa table, peu motivé par le cours qu'il ne prenait même plus la peine d'écouter.

Ron dormait profondément à côté de Neville, mais ce dernier était bien trop stressé par le professeur étrange pour faire de même. Neville savait que quelque chose n'allait pas avec cette femme.

Hermione, sur les nerfs depuis quelque temps comme si elle avait trop de travail — ce qui en soi était probablement vrai au vu du nombre de cours qu'elle suivait et de son perfectionnisme — tentait malgré tout de faire des efforts dans cette matière qu'elle méprisait devant ce professeur qu'elle dépréciait.

Elle pensait avoir bien compris ce qu'attendait le professeur pour obtenir un avis favorable… annoncer la mort était le passe-temps favori de Trelawney. Alors elle déclara voir le sinistros dans la boule de cristal.

Mais la réponse de la femme n'était pas celle attendue. À la place, Trelawney insulta pratiquement la fille en lui expliquant pourquoi elle n'avait aucun talent, c'était marqué dans ses lignes de mains après tout… Hermione était aussi sèche que les pages des livres qu'elle affectionnait tant.

La fille se leva avec colère et frappa dans la boule avant de partir, décidée à aller suivre le cours d'arithmancie à la place. Elle ne remettrait jamais les pieds dans cette salle de divination.

La boule roula jusqu'à l'escalier et le dévala.


Après le cours, alors qu'ils descendaient à leur tour l'escalier, Neville repéra l'objet et le ramassa.

« Il faudrait la rapporter. »

« Sans moi. », déclara Ron qui s'en fut.

Neville semblait hésiter.

« Qu'est-ce qu'il y a ? » lui demanda son meilleur ami.

« C'est que… j'ai peur d'elle. »

« De Trelawney ? Si je t'accompagne, ça ira ? »

Neville lui adressa un sourire. « Oui, bien sûr. »

Les deux adolescents remontèrent dans la salle, et le garçon-qui-avait-survécu plaça la boule sur la table. Le professeur n'était pas en vue.

« Voilà. », déclara doucement Neville.

« Tu n'entends pas comme une voix ? » questionna Harry.

Neville secoua la tête. « Non, pas… »

Les deux garçons se firent soudainement chacun attraper par une épaule alors que le professeur surgissait d'ils ne savaient où.

Ils sautèrent et crièrent pratiquement de surprise.

« Professeur Trelawney… »

« Il sera de retour cette nuit… », parla-t-elle d'une voix étrange.

Neville agrippa la manche de la cape d'Harry et serra le plus fort possible, les yeux écarquillés vers la femme.

« Pardon ? » s'étonna Harry.

« Cette nuit, celui qui a vendu ses amis et dont les meurtres ont pourri le cœur se libérera de ses chaînes… Le sang d'un innocent sera versé, et le serviteur et maître se trouveront réunis de nouveau… »

En début d'année, Neville avait reçu la consigne de Dumbledore d'aller le voir si quelque chose d'étrange se produisait avec le professeur Trelawney.

Il comprenait maintenant ce que redoutait le directeur.

Il s'agissait d'une prophétie.

Trelawney les regarda avec curiosité. Quand elle parla, sa voix était à nouveau douce. « Excusez-moi mes garçons, vous avez dit quelque chose ? »

Harry était secoué. « Non, nous… »

Neville se précipita hors de la salle.

Harry lui courut après, sans se préoccuper de ce que penserait le professeur.

Neville allait au bureau du directeur aussi vite qu'il le pouvait.

« Neville ! Neville, attends-moi ! Où vas-tu ? »

Son ami fit l'effort de lui répondre entre deux respirations haletantes, sans pour autant stopper son avancée. « Albus… Dumb… bledore ! »

Harry ne lui posa pas davantage de questions. Neville avait certainement ses raisons, et entretenait un rapport privilégié avec le directeur. De plus, Harry ne doutait pas que ce qu'ils venaient d'entendre était choquant. Il ne parvenait pas à comprendre cette chose étrange qu'elle avait énoncée, mais il savait que ça l'avait profondément marqué.

Neville prononça le mot de passe, et la gargouille le laissa passer. Il gravit l'escalier en sautant des marches, et frappa frénétiquement à la porte du bureau. La porte s'ouvrit alors d'elle-même et les deux garçons entrèrent, à bout de souffle.

Derrière son bureau, et ses petites lunettes, le directeur les observait avec curiosité et peut-être inquiétude.

« Que vous arrive-t-il, les garçons ? »

« Professeur Trelawney… », articula l'orphelin.

Dumbledore se leva avec une inquiétude marquée.

« Elle… nous sommes revenus en arrière… dans la salle… la boule… et puis elle a dit… c'était étrange, elle… prophétie… »

« Puis-je voir ton souvenir, Neville ? » demanda le vieil homme.

Harry s'interposa. « C'est inutile : je m'en souviens par cœur. »

« Je t'écoute. »

« "Il sera de retour cette nuit. Cette nuit, celui qui a vendu ses amis et dont les meurtres ont pourri le cœur se libérera de ses chaînes. Le sang d'un innocent sera versé, et le serviteur et maître se trouveront réunis de nouveau." », récita-t-il.

« Merci de m'en avoir parlé, les garçons. »

Le directeur s'avança à sa fenêtre et leur tourna le dos pour observer le paysage.

« Je crois savoir qu'Hagrid et le professeur Lupin ont annulé leurs cours de la journée. »

Harry hocha la tête, même si le vieil homme ne pouvait pas le voir. « Hagrid pensait que nous avions terminé le programme. »

Il ne précisa pas pourquoi Remus avait annulé, une histoire poilante certainement.

« Bien, très bien… » Le directeur semblait perdu dans ses pensées. Il resta ainsi un petit moment, puis il se retourna vers les deux Gryffondor, ses yeux pétillants. « Vous pouvez y aller, les garçons. »

Harry hocha la tête avec rigueur puis se tourna vers son meilleur ami. « Tu viens, Neville ? »

« Oui. »

Après qu'ils furent sortis du bureau, Harry songea que Neville aurait besoin du réconfort de son tuteur.

« Et si nous allions voir Hagrid ? Nous avons toute la journée de libre pour passer du temps avec lui. »

« Oui, ça semble bien. », acquiesça doucement le garçon avec un demi-sourire.

Quand ils sortirent dehors, ils virent leurs trois amis au cercle de dolmen.

La scène ne leur rappelait pas de bons souvenirs. C'était l'endroit où les premières années de Serpentard et Gryffondor s'étaient tous battus deux ans auparavant. Et clairement, leurs amis n'étaient pas calmes.

Ils avaient dû se croiser à la sortie du cours d'arithmancie d'Hermione et Draco, et maintenant ils se disputaient pour une raison ou une autre à cet endroit.

Neville n'attendit même pas de pouvoir comprendre le sujet avant de les interrompre en criant. « Arrêtez ça ! »

Les trois, surpris, tournèrent leur attention vers le duo.

« C'était Ronald. », prétendit calmement Draco.

De ce qu'Harry avait entendu, c'était surtout Hermione qui criait. Et avec ces trois-là, ça aurait pu être sur n'importe quoi.

« Son… », commença le roux, mais Neville ne lui laissa même pas le temps de continuer.

« Je ne veux pas savoir. J'aimerais juste que tous mes amis s'entendent un peu. Est-ce trop demandé ? »

Il sentait les larmes couler sur ses joues. Il était épuisé par la mésentente perpétuelle entre eux. Ils avaient toujours une raison pour se disputer, surtout depuis que Ron était dans leur groupe.

« Nous allions voir Hagrid. », expliqua Harry. « Voulez-vous venir ? Je préviens que seuls ceux qui sont amis les uns avec les autres seront admis. Alors ? »

« Bien sûr que j'en suis ! » s'exclama Hermione avec un sourire.

Draco et Ron échangèrent un regard légèrement sombre. Puis, Draco s'avança à droite de la fille pour lui prendre la main.

« Vous êtes mes amis. », déclara-t-il avec confiance.

Harry tourna un sourcil levé vers Ron.

Le roux le regarda étrangement. Depuis qu'il savait que Snape était en quelque sorte le beau-père de son camarade, il trouvait toujours des points communs entre les deux, et ça le perturbait plus qu'il ne l'admettrait.

Il se plaça à son tour à gauche de la fille. « J'en suis. »

Harry haussa les deux sourcils, presque comme s'il marquait une sorte de surprise. Puis il regarda avec un demi-sourire vers le Serpentard.

« Toujours partant, Draco ? N'oublie pas la consigne. »

Draco fronça légèrement les sourcils. « Ronald… »

« J'ai considéré ta présence et le prérequis avant de me déclarer volontaire. », informa Ron.

Hermione donna un coup de coude à Draco, tout en libérant sa main.

« Je reste. », répondit le blond, le souffle à moitié coupé par le coup plus puissant que prévu.

« Alors vous déclarez être officiellement amis tous les deux ? » insista Harry avec narquois.

« Oui… », grincèrent-ils, pour le bonheur de Neville qui leur offrir un immense sourire avant de sauter au cou du trio, faisant se cogner à tout quatre leurs têtes.

Déstabilisée, Hermione bascula en arrière, entraînant les trois autres dans sa chute, et ils rirent tous de bon entrain, Malfoy et Weasley semblant oublier leurs rancœurs (ou la présence l'un de l'autre).

Harry les aida à se redresser, et ils allèrent tous ensemble voir le demi-géant.

Ils passèrent la fin de matinée avec lui, déjeunèrent dans sa hutte, grâce aux talents culinaires d'Harry qui entreprit d'enseigner à Draco comment préparer un repas, viande et légumes en abondances, et aidés par quelques remarques judicieuses d'Hermione.

« Je ne pensais pas que je verrais le jour où un Malfoy se salirait les mains pour ce genre de tâche. », déclara Ron.

Il était confortablement installé à table avec Neville, Hagrid et Hermione, pendant que les deux autres coupaient les carottes et touillaient le contenu inconnu, mais à l'odeur délicieusement bonne, de la marmite.

Draco tenta de grogner une réponse appropriée, mais la voix d'Harry se fit plus forte. « C'est le bénéfice d'être bon en potion. Quand j'ai dit que c'était assez similaire à ma tante, elle a presque sauté au plafond, mais Sev était plutôt d'accord avec elle. »

« Oncle Sev ne fait pas des cours de cuisine. », appuya le Serpentard.

« Non, c'est pour cela que tu as besoin que je t'enseigne. Chacun son tour : tu m'as expliqué les potions, je t'apprends comment survivre sans serviteur. »

En réponse, le blond lança un morceau de carotte dans le coin de l'œil du myope.

« Draco Malfoy ! » réprimanda Hermione.

Neville était plutôt content que ses amis s'occupent du repas. Il avait toujours préféré aller chercher sa nourriture en cuisine, gracieusement servi par les elfes de maison, que d'avaler les plats d'Hagrid. Il savait aussi que Sirius n'était pas un expert gastronomique. Mais il supposait qu'Harry, aidé par de bonnes bases en potion, avait bien appris de ses leçons avec sa tante.

Harry avait utilisé se moyen pour se rapprocher de la femme, et s'était retrouvé à s'entraîner tous les jours, pour chaque repas, en y passant des heures. Il n'avait que quelques semaines de formation, mais c'était bien suffisant. Peut-être demanderait-il des livres de cuisine à Hermione pour le prochain Noël ? Et il s'occuperait dorénavant des repas pour lui et Sirius.

Il perdit un peu de son entrain en se souvenant que son parrain était en fuite, mais Draco, attentif, le força rapidement à se reconcentrer et à oublier ses soucis.

« Je pense que si j'ajoute ce persil, puis que j'agite ma baguette, ce sera terminé. »

« Ce n'est pas une potion, Draco. », rétorqua Harry avec un sourire mais les yeux écarquillés face à la botte entière que le garçon empoignait.

Draco lui sourit d'un air provocateur et approcha la botte du dessus de la marmite dans l'intention de la faire tomber dedans.

« Non ! » cria Harry tout en saisissant les plantes. « Tu es complètement malade, Draco ! »

Le blond riait. « Et toi, tu as toujours des réflexes. »

« Je ne suis pas attrapeur pour rien. », grogna-t-il en reposant la botte sur le côté.

Ils mangèrent un repas délicieux, et les deux cuisiniers accueillirent avec joie les félicitations de leur hôte.

Dans l'après-midi, Hagrid offrit une chose inattendue à Ron.

« Oh, tiens, avant que j'oublie, Ronald… », commença-t-il en se levant. Il s'approcha d'un pot, l'ouvrit, et en sortit une chose vivante qui aurait dû être morte.

« Croutard ! » s'exclama, tout égaillé, le garçon. Il reprit son rat avec grande joie.

« Je crois que tu dois des excuses à quelqu'un. », décréta Hermione avec agacement. Il avait passé beaucoup de temps à se disputer avec elle à ce sujet.

« Oh, oui. La prochaine fois que je vois Pattenrond, je lui fais mes excuses. »

« Je parlais de moi ! »

« Oui, pardon Hermione. »

« Pardon pourquoi ? » questionna Draco, s'attendant à ce que son camarade en dise plus.

Ron fronça les sourcils, puis sembla comprendre. « Pardon de t'avoir critiqué en accusant à tort ton chat. »

« Même si son chat avait englouti ton misérable rat, tu n'aurais pas dû en vouloir à Hermione. Ce n'est pas comme si elle régulait son alimentation. »

« Excuses acceptées Ronald. Merci, Draco. », appuya la fille.

« Mais de rien. », fit le Serpentard narquois.

Hermione et Harry roulèrent des yeux.

Ils passèrent tous ensemble un si bon moment, qu'ils ne virent pas le temps passer.

C'était probablement leur meilleure journée de l'année, et Neville n'avait pas envie qu'elle termine. Mais cela n'empêcha pas Hagrid de s'exclamer.

« Houlala, v's'avez vu l'heure ? Il est tard les enfants ! Allez, dépêchez-vous de rentrer avant d'avoir des ennuis. »

Le ciel commençait effectivement à prendre une teinte plus sombre. Il ne faisait pas encore nuit, mais le coucher de soleil ne tarderait sans doute plus.