(La coupe de feu) Un père pour grandir
L'arrangement avec les Weasley, Neville et Hermione fut une question de quelques jours.
Arthur Weasley allait assister au match avec ses enfants mineurs et son ami Diggory qui serait également accompagné de son fils, Cédric. Il était plus que ravi de céder aux insistances des jumeaux pour qu'ils emmènent Harry ainsi que Neville et Hermione qui avaient tous les deux émis l'envie de rejoindre leur ami.
Harry passait de très plaisantes vacances, mais il manquait juste une chose. Il voulait bien faire comprendre à Sev qu'il voulait qu'il soit plus que Sev pour lui.
C'est sur un coup de tête, un jour, qu'il décida d'affronter le problème, les pieds dans le plat.
Severus lisait dans la salle de vie, tandis que Lily travaillait au laboratoire.
Harry, d'un pas déterminé, parcourut la salle de l'escalier jusqu'à la table pour y prendre une chaise, et la reposer juste en face de Severus. Il s'assit dessus, et attendit.
Il n'eut pas à attendre longtemps. Pour des raisons évidentes, l'homme avait remarqué la manœuvre et l'avait observé faire, sa lecture abandonnée sur ses genoux. Même s'il n'en montrait rien, le garçon savait qu'il était interloqué.
« Qu'y a-t-il, Harry ? »
« Nous devons parler. », répondit-il avec fermeté.
Severus haussa un sourcil. « N'est-ce pas ce que nous faisons ? S'il le faut vraiment, énonce directement ta pensée. Il est inutile de faire tout cela. Si tu as besoin de parler, parle, ne dis pas que tu le veux. »
« Tu dois promettre de ne pas t'énerver. »
« Je ne ferais pas des promesses dont j'ignore si je puis les tenir. »
Harry soupira discrètement. Il ne s'attendait pas à ce que l'homme accepte calmement le sujet qu'il lui fallait aborder. Ne sachant toujours pas comment commencer, il lâcha la première chose qui lui vint à l'esprit.
« J'ai besoin d'un père. »
Cette fois, l'expression de Severus montrait toute sa stupeur. Il ne s'attendait certainement pas à cela, et n'avait probablement aucune réponse à l'esprit. Du moins pas dans l'immédiat. Mais l'homme était capable de réfléchir très vite, et trouva sa réplique, cependant trop tard pour empêcher Harry de reprendre son courage et de parler en premier.
« James ne peut pas l'être. Je grandis, j'ai besoin d'un homme pour me guider dans la vie. Tout le monde a besoin d'un père. Et personne ne peut me dire que James peut être le père dont j'ai besoin. C'est mon géniteur, mais il ne peut pas m'élever. Peut-être aurait-il été très bien, s'il avait été là. Ce n'est certainement pas sa faute qu'il en soit incapable, mais le fait reste là. Il ne peut pas être le père qu'il me faut. »
Harry savait très bien que Severus était déjà parfaitement conscient d'où il voulait mener la discussion. Et il savait aussi que l'homme tenterait tout ce qu'il lui passerait à l'esprit pour le contrer. Il ne voulait pas le laisser donner des contre à ses arguments, mais il savait qu'il l'énerverait davantage s'il l'empêchait de parler.
« Tu as besoin d'adultes dans ta vie, oui. Mais il est inutile de rester dans cette illusion enfantine que seul un père peut veiller sur toi. Tu as ce qu'on appelle des tuteurs, qui sont là pour veiller sur toi. »
« Tu fais pourtant la distinction entre ma mère et mes tuteurs. J'ai besoin d'avoir une famille. Pas une nounou. »
Severus n'apprécia pas beaucoup la comparaison, et le montra bien avec son regard sombre durci. « Sirius Black n'a pas disparu, Harry. Il est juste pour le moment quelque peu indisposé, mais il ne t'a pas abandonné. »
« Ce n'est pas de mon parrain dont j'ai besoin, Sev. J'aime Sirius. N'en doute jamais. Mais il n'est pas un père. Il est mon parrain, et je l'ai toujours vu plus comme un ami avec qui jouer que comme un adulte qui pouvait me guider dans la vie, un adulte qui pourrait me faire grandir. Je resterais toujours un enfant si je suivais ses traces. »
« Bien que Sirius Black donne souvent l'air irresponsable et immature, il est parvenu à faire une brillante carrière d'Auror pendant quinze ans. Il n'est pas aussi stupide qu'il en a l'air. »
« Même s'il est assez grand pour vivre, ça ne veut pas dire qu'il est capable d'aider un adolescent à devenir un homme. »
« Personne ne peut le faire à ta place. »
« Tout le monde a besoin d'un père. Tout le monde mérite d'avoir un père. Un homme pour lui enseigner la vie. N'y ai-je pas droit, moi aussi ? Me l'interdis-tu ? Si tu tiens à moi, tu ne voudrais pas que j'aie ça dans ma vie ? »
« Si tu cherches de la maturité, Remus Lupin peut parfaitement t'expliquer tout ce que tu désires. »
« Sev, je ne cherche pas quelqu'un pour me donner un cours. Pas maintenant. Je cherche une véritable relation. Remus est comme un oncle, bien sûr que je pourrais me tourner vers lui. Mais c'est différent d'un père. »
« Pourquoi chercher ailleurs ce que tu peux simplement obtenir. »
« Parce que cet ailleurs dont tu parles est pour moi plus évident, plus naturel, accessible et simple ! Pourquoi veux-tu rendre cela si compliqué ? Tu sais ce que je veux. J'ai des sentiments, Sev. J'aime Sirius, et j'aime Remus. Tout comme j'aime Neville, Draco et Hermione. Mais ce n'est pas pareil que d'aimer ma mère. Ou un père. »
« Tout ce que tu cherches, tu peux l'avoir sans avoir besoin de ce que tu appelles "un père". Je ne vois pas ce que tu attends de particulier. »
« Ne sais-tu pas ce qu'est un père, Sev ? Parce que moi, qui n'ai jamais eu le droit d'avoir le mien, je le sais. Et je sais qui est capable de me donner l'impression que j'en ai un. Et c'est pourtant aussi celui qui m'empêche toujours de pouvoir profiter pleinement de ce sentiment. Parce qu'il fait toujours comme si c'était une illusion. Je me fiche des sentiments de ma mère sur le sujet. Je parle des miens. Que tu l'aimes ou que tu ne l'aimes pas, que tu acceptes qu'elle t'aime ou que tu ne l'acceptes pas, je ne te parle pas de ce que toi et ma mère pourriez être l'un pour l'autre. Je parle uniquement d'une relation entre toi et moi. »
« Je ne suis pas ton père. »
« Pourquoi ? J'ai beau chercher dans tout les sens, je ne vois que des raisons pour dire que tu l'es. Je n'ai jamais pu appeler quelqu'un que je considérais comme tel de père. Et pourtant, j'ai l'impression de mieux savoir que toi de quoi il s'agit. Je ne comprends pas, pourquoi ? Ne peux-tu pas comprendre que j'en ai besoin et envie ? »
« Tu n'as pas besoin de père. »
« Si ! Bien sûr que si ! Comme tout le monde. »
« J'ai eu ce que certains appelleraient un père. Un homme inutile, brutal, alcoolique et stupide. Je ne considérerais jamais qu'il m'ait aidé. Et je refuse de le considérer comme ce que tu sembles vouloir attribuer au terme de père. Si je suis l'homme que je suis aujourd'hui, c'est en effet à cause de lui, en partie. Mais ce n'est pas par une façon seine. Ce n'est pas quelque chose que je puisse aimer ou pour laquelle je voudrais le remercier. »
« Ce n'est pas parce que certains géniteurs ne sont pas dignes qu'on n'a pas besoin de père. »
« Je m'en suis passé. Tu as bientôt quatorze ans, Harry. Il est un peu tard pour te chercher un nouveau père. »
« Je n'en cherche pas un nouveau. Je viens dire clairement ce que je ressens depuis que je suis tout petit. Comment puis-je te l'expliquer ? Tu as toujours été le plus proche d'un père pour moi. »
« Comment voudrais-tu que je sois un père, quand je n'ai jamais eu d'exemple ? »
« Alors c'est ça ton problème ? Le tien était une merde, alors tu refuses de connaître le sentiment d'avoir ou d'être en famille ? Je ne cherche pas à ce que tu remplaces James auprès de Maman. Je veux que tu acceptes que tu es ce qu'il me faut, pour moi. J'ai besoin d'un père. Et je veux que ce soit toi. J'ai quatorze ans, et alors ? Il n'est pas trop tard ! Même un adulte tient à son père, et ne veut pas le voir disparaître. Je ne suis qu'adolescent, je ne connais encore rien de la vie. Il vaut mieux tard que jamais. J'en ai encore véritablement besoin. Plus que jamais, pour devenir un homme. »
« Tu es encore un enfant, Harry, je ne dirais pas le contraire. Mais je peux pour autant reconnaître que tu grandis pour devenir un merveilleux homme. Et tu n'as eu besoin de personne pour t'y aider. »
« Je n'ai jamais été seul. Malgré toute l'étrangeté que l'on pourrait attribuer à ma vie, à mon entourage ou à ma famille, je n'ai pas grandi seul. Et tu as toujours été là. Même si je te voyais moins que Sirius ou Remus, ta présence m'a toujours plus marqué que la leur. Comme celle de Maman. Le seul qui n'a pas eu le bonheur d'avoir un père même de loin est Neville. Même Draco, malgré les tensions qu'il y a en ce moment entre son père et lui, a toujours pu considérer Lucius Malfoy comme son père. Quand je l'ai rencontré pour la première fois, c'était un enfant gâté après tout. »
« Il a aussi grandi dans un environnement dur. Lucius n'est pas l'homme le plus agréable ou le plus compréhensif. Il aime vraiment sa famille, mais est parfois trop exigeant de son fils. »
Une idée vint alors à Harry. Il sourit. « Tu es son parrain, n'est-ce pas ? Maintenant que tu es mon tuteur, penses-tu que je pourrais le voir durant les vacances ? »
Severus réfléchit un instant. « J'aurais probablement des raisons de passer au manoir visiter Lucius. Je pourrais t'emmener. Tu pourras rencontrer la mère de Draco, une des cousines de Sirius. Elle est bien plus chaleureuse que Lucius, si tu parviens à briser la coquille de glace qu'elle s'est construite comme une parfaite Sang-Pur de haut lignage. »
« On peut laisser Maman seule ici ? » se demanda le garçon.
L'homme sombre sourit. « Elle est bien plus forte qu'il n'y paraît. Ne t'inquiète pas pour ta mère, elle est dans un état parfaitement capable de supporter d'être seule dans la maison pour quelques heures. Je ne laisse pas quelqu'un dans mon laboratoire sans surveillance si je pense qu'il n'est pas apte à un peu d'indépendance. »
« Je vais finir par me demander si c'est ton laboratoire, ou le sien. », rit l'adolescent.
Lily ne vit aucun inconvénient à ce que Severus et Harry rendent visite aux Malfoy. Cependant, à la surprise des deux autres, elle demanda à les accompagner. Si Severus allait voir Lucius et si Harry rejoignait Draco, alors elle voulait pouvoir discuter avec Narcissa anciennement Black.
Severus ne comprenait pas cette nouvelle envie, sachant pertinemment que Lily n'avait jamais particulièrement apprécié Cissy. Mais il semblait que Draco lui ait fait bonne impression ces trois dernières années, et elle voulait voir la mère du garçon.
Elle parlait maintenant de rencontre entre deux familles amies. Harry en était très amusé et satisfait. Severus était plus inquiet qu'il n'acceptait de le laisser paraître. Il ne pensait pas que ce fut une bonne idée, mais comment pourrait-il retenir Lily si elle le voulait vraiment ? Il avait vanté qu'elle avait assez d'esprit critique pour avoir sa propre capacité de décision.
Si elle lui avait pardonné ce qu'il avait fait, du moins ce qu'il lui avait raconté avoir fait, qui était-il pour l'empêcher de rencontrer une amie à lui, mère de son filleul et de l'ami d'Harry.
Il n'y eut rien que le maître des potions put faire pour empêcher Lily de venir en visite surprise chez les Malfoy. Il savait déjà que cela engendrerait une discussion très pénible entre lui et Lucius.
Le Malfoy savait qu'il n'avait pas de commentaires à faire sur la relation que Severus et Lily avaient. Mais il n'accepterait certainement pas facilement d'avoir pour autant une née-Moldue sous son toit.
Severus réfléchit à la meilleure stratégie à employer pour aller visiter ses amis avec sa famille. Il serait de bon ton d'annoncer sa venue, et de demander une autorisation de visite qu'il aurait sans la moindre difficulté pour lui seul. Mais il savait aussi qu'il était bien moins assuré d'obtenir la même chose pour Harry et Lily.
Narcissa, ou ses elfes de maisons, serait certainement celle qui accueillerait ses invités prévus ou imprévus arrivés par cheminette. Elle serait bien plus compréhensive que Lucius, et il reviendrait de toute manière à elle de décider si elle acceptait de prendre le thé avec Lily ou non.
Après délibération avec lui-même, Severus décida qu'ils iraient tous ensemble par cheminette sans s'annoncer. Comme Cissy lui reprochait régulièrement de ne pas venir assez souvent, elle ne devrait pas trop s'offusquer qu'il passe à l'improviste.
Ainsi fut fait. Il fit passer d'abord Harry, puis Lily et enfin s'engagea dans le chemin.
