(La coupe de feu) Les quatre champions


Juste après la clôture des soumissions des candidatures, à l'heure précise comme l'avait promis Dumbledore, la coupe fut déplacée à l'entrée de la Grande Salle où tous les élèves des trois écoles avaient été appelés à se rendre.

Même si la plupart des élèves s'installèrent chacun à leur table de maison, ce n'était pas une obligation. Les Serpentard ainsi que les deux écoles invitées ne se mélangeaient pas aux autres, mais quelques Gryffondor, Poufsouffle et Serdaigle s'étaient placés avec leurs amis d'autres couleurs.

C'est pour cela que Draco avait rejoint, exceptionnellement, la table des Gryffondor.

Harry, Neville, Hermione et Ron étaient chacun d'un côté, près du mur. Ginny, Draco, Fred et George étaient respectivement en face d'eux. Les autres Gryffondor de leur année étaient aux côtés de Ron, ceux de l'année de Ginny près d'elle, et de même les amis des jumeaux, en particulier les joueurs de Quidditch de leur année, étaient avec eux.

Le directeur éteignit toutes les lumières, afin que seule reste celle de la grande flamme bleue de la coupe de feu, et s'approcha de cette dernière.

Il activa la magie de la coupe afin qu'elle sélectionne les candidats.

Un premier papier aux bords brûlés en jaillit, et le directeur s'en saisit en vol.

« Le champion de Durmstrang est Viktor Krum. », annonça-t-il bien fort.

Les acclamations s'élevèrent. Le jeune homme était fier, même s'il n'avait pas douté un instant qu'il serait le champion. Il descendit de son banc pour serrer la main de Dumbledore. Il se rendit ensuite vers l'autre bout de la salle pour sortir par la porte du fond, direction la salle des trophées où chaque champion devrait attendre d'être rejoint par leurs concurrents et leurs professeurs.

La coupe sélectionna le candidat suivant.

« La championne de Beauxbâtons est Fleur Delacour. »

De la même manière, la jeune femme souriante à la posture droite et gracieuse alla saluer le directeur sous les acclamations puis rejoignit Viktor.

Enfin, un dernier papier s'envola.

« Le champion de Poudlard est Cédric Diggory. »

Le Poufsouffle de sixième année était enjoué de rejoindre les autres, et le directeur de Poudlard était particulièrement fier de saluer le champion de son école, qu'il envoya à son tour ailleurs.

Une fois les trois champions partis, et Dumbledore au milieu de la pièce, il recommença un discours.

« Excellent ! Nous avons à présent nos trois champions. Mais à la fin, un seul entrera dans l'histoire. Un seul brandira cette coupe des champions. Ce vase de la victoire. Le trophée des trois sorciers ! »

Dumbledore se retourna vivement et fit s'envoler le voile de la coupe que Bartémius Crouch avait déposée au fond de la salle, sur un piédestal, là où avait été retirée la table des professeurs qui attendaient tous debout spécialement pour l'occasion.

Alors que la foule d'étudiants applaudissait, et que les attentions étaient toutes sur l'objet brillant, Severus fut le premier à voir ce qui se passait ailleurs.

Son regard attentif posé sur la coupe de feu, et son mouvement pour s'approcher, attira le regard du directeur qui se retourna pour voir ce qui avait capté l'intérêt étonné de son jeune collègue. Le calme vint alors que tous commençaient à observer également.

La coupe de feu agissait étrangement. Sa grande flamme bleue bougeait comme lorsqu'elle se préparait à sélectionner un champion. Quand Dumbledore arriva à nouveau à côté d'elle, sa flamme prit cette couleur rouge qui indiquait qu'un champion était choisi, puis un papier en jaillit.

Albus récupéra la feuille brûlée et y lut en murmurant le nom qui y était inscrit, avec stupeur. « Neville Longbottom ? »

Il n'en revenait pas. Jamais le garçon n'aurait…

Il releva la tête pour chercher le miraculé maudit de ses yeux. « Neville Longbottom. », appela-t-il fort.

Neville préférait se faire tout petit à cet instant. Il ne pouvait pas, ce n'était pas possible. Affreusement inquiet, il préféra se cacher dans la foule en baissant le regard, assis à la table de Gryffondor entre Harry et Hermione.

Son meilleur ami, qui s'était levé plus tôt pour mieux observer l'étrangeté de la coupe par-dessus les têtes de leurs camarades, se rasseyait lentement, afin de mieux camoufler l'endroit où ils étaient.

Au fond de la salle du côté des professeurs, Hagrid refusait d'admettre que Neville puisse être sélectionné ou qu'il puisse avoir mis son nom.

Draco n'en revenait pas non plus. « Ce n'est pas possible. », lâcha-t-il en chuchotant, son regard fixé sur le vieux directeur de leur école.

Dumbledore cria son nom, comprenant sans difficulté que le garçon refusait de bouger. « Neville Longbottom ! »

Hermione le secoua par l'épaule. « Vas-y, Neville. », chuchota-t-elle.

Il fit non de la tête.

« Neville, s'il te plaît. », insista la fille.

« Laisse-le, Hermione. », murmura Harry.

Hermione l'ignora et tira sur le pull de Neville pour le lever et le poussa ensuite, sous le commentaire de leur ami de Serpentard « Il ne peut pas se cacher. ». Le garçon timide accepta de rejoindre le directeur, lentement. Il appréhendait ce qui se passerait.

Ron l'observait faire avec colère et surtout, jalousie.

Le directeur, qui avait toujours eu confiance dans le garçon, qui l'avait vu grandir avec Hagrid sur le terrain de Poudlard, lui tendit le petit bout de papier, le nom écrit sur une feuille de papier scolaire.

Neville le récupéra, puis s'avança vers les autres professeurs, anxieux.

Severus était le plus avancé, et le fixait avec ce regard interrogateur.

Étrangement, alors que quelques élèves trouvaient le courage de l'accuser d'être un tricheur, de rappeler qu'il fallait avoir dix-sept ans, cette expression sur le visage de Severus était ce qui rassurait vraiment Neville.

Le garçon pouvait voir au fond, contre le mur, côte à côte, Hagrid et Lily. Le premier était ébahi, profondément choqué et inquiet, et surtout, il ne pouvait concéder que cela se passait. La seconde, Neville reconnaissait douloureusement ce regard, était l'expression terne, les yeux sans vie, le regard vide. Lily s'était enfermée dans son monde, et pas celui insouciant. Elle s'était éteinte pour faire abstraction de tout ce qui l'entourait.

Neville n'arriva pas à faire autrement que de s'arrêter devant Severus, comme pour rechercher un signe d'accord, un conseil ou une consigne, un consentement à ce qu'il poursuive son chemin vers les trois champions.

Severus lui indiqua de poursuivre en se retournant lentement vers la suite du chemin que le garçon devait emprunter.

Neville déglutit, acquiesça regrettablement en tournant son regard vers Hagrid, et poursuivit sa route. Il savait que Severus réfléchissait déjà à toutes les implications, aussi bien aux causes possibles qu'aux conséquences probables.

Il garda aussi longtemps qu'il put le contact visuel avec Hagrid.

Le professeur McGonagall lui envoya une expression désolée et l'encouragea doucement à finir son parcours.

Enfin, il se retrouva seul, de l'autre côté de la porte.

Il devait descendre rejoindre les autres champions dans la salle des trophées

Son seul espoir était que sa plus grande peur incarnée trouve une solution. Et vite.

Il y avait eu moins de rejet dans le regard de Severus que de Dumbledore. Plus d'acceptation que dans celui d'Hagrid. Plus de sentiment qu'avec Lily. Plus de réflexions que sa cheffe de maison. Et bien moins de haine que chez tous les autres.

Neville descendait l'escalier qui menait à la salle des trophées avec appréhension. Comment son nom pouvait-il avoir été tiré ? Pourquoi avait-il été choisi ? Choisie même en plus du champion de Poudlard ?

Quand il arriva, les trois champions l'observèrent avec incompréhension. Ils n'avaient pas été là, ils ne savaient pas que la coupe avait appelé un quatrième nom, encore moins le nom d'un garçon de 14 ans.

Neville n'eut pas le temps de réfléchir à ce qu'il leur dirait ; les professeurs arrivaient, et leurs paroles s'entendaient de loin. Ils n'étaient clairement pas satisfaits.

« C'est un complot ! » répétait Madame Maxime de loin. « Je proteste ! »

D'autres voix parlaient, indistinguables. Il était indéniable que la plus grande femme avait la voix qui portait loin.

« Silence, je n'arrive plus à réfléchir ! » ordonna enfin Dumbledore, alors qu'ils s'approchaient suffisamment.

Les trois champions observèrent tout, restant en retrait, confus. Neville se retourna vers les professeurs. Il n'avait jamais vu Dumbledore courir comme il le faisait maintenant.

Le vieil homme se précipita vers le jeune adolescent et le saisit par les épaules. Il savait que l'enfant qu'il avait vu grandir n'aurait jamais fait une chose pareille. Mais il devait en être sûr, vérifier. Toute la situation lui échappait gravement, et il n'aimait pas cela. Il devait voir la vérité dans les yeux du garçon. « Neville, as-tu déposé ton nom dans la Coupe de Feu ? »

Severus était également parfaitement conscient que le calme, timide et même parfois sage Neville n'aurait jamais fait une chose aussi irresponsable, stupide, n'aurait jamais cherché ni la gloire, ni l'attention, ni les scandales qui en suivraient.

Aussi laissa-t-il les directeurs s'en occuper. Avec Minerva et Crouch, il se plaça aux côtés des trois autres champions pour observer et prendre de la distance.

Karkaroff n'avait pas cette confiance, et restait auprès de Dumbledore. Maugrey n'était pas très loin non plus.

« Non, monsieur le directeur. », fit l'enfant à la fois inquiet par la situation, et rendu malheureux par la réaction qui lui semblait disproportionnée et si peu confiante du plus grand sorcier envers qui lui, avait toujours eu la plus grande confiance.

« As-tu demandé à un élève plus âgé de le faire pour toi ? »

« Non, monsieur le directeur. »

« Tu en es absolument sûr ? »

« Absolument. », fit-il catégoriquement. Il avait toujours eu plus de courage pour affronter ses amis que ses ennemis. Même le cœur gros en voyant toutes ces réactions, il ne voulait pas laisser refléter sa tristesse maintenant dans sa voix.

« Mais il ment, c'est évident. », déclara Madame Maxime, finissant enfin de descendre l'escalier. Elle n'avait pas couru comme les autres. Sa voix était vraiment forte.

« Foutaise ! » interrompit Maugrey. « La coupe de feu est un objet d'une très grande puissance magique. Seul un très puissant sortilège de confusion a pu l'embrouiller, et ce n'est pas à la portée d'un quatrième année. »

Alors que Maugrey parlait, Neville voyait de la peur dans les yeux du directeur. Le vieil homme s'inquiétait, pour lui peut-être, ou pour ce que cela signifiait.

S'il était honnête, Neville ne pouvait pas trouver que c'était plus inquiétant que les autres dangers qu'il avait déjà affrontés à Poudlard. S'il y avait un complot qui avait échappé au directeur, ce n'était pas nécessairement plus grave que la chambre des secrets rouverte ou que Voldemort à l'arrière du crâne de Quirrell.

Karkaroff se déplaça pour faire face à l'ex-auror. « Vous semblez avoir beaucoup réfléchi à la question, Fol Œil. »

« C'était mon travail de penser comme les mages noirs, Karkaroff. Vous devriez vous en souvenir. »

Neville était persuadé que ces hommes se connaissaient. Peut-être trop, plus que ce qu'ils auraient voulu. Il avait l'intuition qu'ils n'avaient pas été amis.

« Ça ne résout rien, Alastor. », déclara Dumbledor. Il s'approchait de Crouch qui s'était éloigné. Le sorcier du ministère était visiblement anxieux. « Je m'en remets à vous, Barty. »

« Le règlement est formel. Les champions choisis par la coupe de feu sont liés par un contrat magique. Monsieur Longbottom n'a pas le choix. Il est, depuis ce soir, un champion du tournoi. »

Neville vit les regards de chaque adulte se tourner vers lui.

Plus aucun n'était en colère. Chacun mesurait les conséquences qu'un garçon de quatorze ans, un mineur, allait devoir concourir. Un enfant encore, qui trouverait facilement la mort dans le tournoi. Qu'importe que le garçon soit irresponsable ou non, un tricheur ou pas, en ayant mis ou non son nom dans la coupe. Il était un jeune garçon, et ils étaient des professeurs. Aucun ne voulait voir un enfant mourir dans le tournoi.

C'était la tendresse d'une véritable directrice que Neville voyait dans le regard de la géante dame tantôt courroucée. Elle l'était probablement encore, mais elle comprenait les implications.

C'était le sérieux et non pas la haine que le froncement constant de sourcil de Karkaroff semblait à présent montrer. Neville n'avait jamais été rassuré en sa présence, il n'arrivait pas à lire cet homme qui lui donnait toujours l'impression d'être en colère. Mais c'était le directeur de Durmstrang, où les règles semblaient d'une rigidité remarquable.

C'était la crainte et l'empathie que sans surprise le garçon voyait dans le regard de sa cheffe de maison. L'inquiétude tirait les traits de Dumbledore.

L'expression de Maugrey était neutre, presque détendue. L'ex-auror l'étudiait-il peut-être pour savoir s'il survivrait ?

Les yeux de Crouch étaient toujours ébahis. L'homme semblait détester ce qu'il venait d'annoncer, ne pas vouloir qu'un garçon comme lui participe.

Avec tout cela, Neville voulait surtout chercher ce que pensait Severus. Avait-il une idée, une solution, quoi que ce soit ? Une explication peut-être ?

Une chose était certaine, Severus n'était pas en colère contre lui. Et il ne montrerait certainement pas son inquiétude.

Neville ne savait pas ce que l'homme pensait, mais il espérait de toutes les fibres de son corps que le maître des potions effrayant savait ce qu'il faisait. À partir du moment où il lui avait indiqué de poursuivre son chemin, avait-il déjà fini ses réflexions, ou ne faisait-il que le pousser à ne pas s'attarder pendant qu'il continuerait à songer et analyser ?