(La coupe de feu) Un de trop
Neville ne voulait pas retourner au dortoir. Il ne voulait pas tous les regards fixés sur lui. Mais Severus avait été intransigeant : il devait y aller, et oui il aurait cela à affronter de la manière la plus désagréable, mais rien ne serait calmé le lendemain, il ne pourrait s'isoler des semaines.
Neville avait compris que le maître des potions allait discuter avec le directeur et sa cheffe de maison. Ces trois-là, il l'avait bien retenu, travaillaient ensemble, et ne laisseraient certainement pas cet événement passer sans se réunir et établir un plan.
Alors Neville avait dû se rendre jusqu'au portrait de Gryffondor. Alors qu'il s'approchait, et qu'il allait dire le mot de passe, il se retrouva soudainement sous une cape. Face à lui, le visage tout près du sien, se tenait son meilleur ami. Draco était derrière.
« Qu'est-ce que… », fit le garçon-qui-avait-survécu avant d'être interrompu par Harry.
« Nous voulions t'attendre. Draco s'est fait chasser par Rusard, alors je suis allé chercher ma cape. Hermione n'a pas voulu rester après le couvre-feu. Elle a dit qu'on devrait juste aller nous coucher dès que tu serais là. »
« Et Ronald n'a rien dit avant de rentrer, mais j'ai l'impression qu'il était aussi énervé que si on l'avait forcé à me serrer la main. », compléta Draco.
« On peut aller rejoindre Hagrid, si tu le souhaites. », proposait Harry.
Neville sourit. « Merci. Mais Hermione a raison. Nous devrions chacun aller nous coucher. Je suis épuisé. »
« J'imagine. », renifla Draco, pas vraiment moqueur. « Je vais retourner à Serpentard seul, je devrais réussir à esquiver Rusard et Miss Teigne sans problème. »
Le blond sortit de sous la cape et s'éloigna sans bruit.
Harry et Neville entrèrent dans le portrait, toujours camouflés par la cape. La Grosse Dame acceptait de s'ouvrir du moment qu'elle avait leur mot de passe. Elle avait de toute façon bien vu qui y étaient, et n'avait pas oublié malgré le temps d'attente.
Neville était content de pouvoir se soustraire à tous ces regards en parcourant la salle commune, invisible aux yeux de tous.
Ils enlevèrent la cape lorsqu'ils eurent atteint leur dortoir, et refermèrent la porte.
« Comment t'as fait ? » demanda immédiatement Ron, une expression clairement contrariée collée sur son visage.
Harry et Neville furent surpris par la question. Le premier releva sa main qui tenait la cape d'invisibilité de son père. « Tu connais ça. », lui rappela-t-il.
Ron secoua la tête. « Pas ça. Neville, comment il a fait ? »
« Je n'ai rien fait. », lâcha le garçon-qui-avait-survécu, ébahi par l'accusation du roux.
« Qu'importe, j'm'en fiche du comment. Vous auriez pu me mettre au courant. Je croyais que nous étions amis. »
« Si tu n'étais pas aussi con à cet instant, je l'aurais cru aussi sans hésitation. », déclara Harry. « Mais qu'est-ce qui te prend ? »
« Ne fais pas l'innocent, Harry. Je sais qu'il l'a fait. Tout le monde le sait. Et je suis sûr que tu l'as aidé. Tu l'aides toujours. »
« Nous n'avons rien fait. », plaida Neville. « Tu sais que je ne veux certainement pas de tout cela. Ce n'est pas pour moi, la gloire éternelle. Ces jeux sont dangereux. »
Harry s'énervait. « Ce n'est certainement pas Neville qui irait à l'encontre des règles ! Faire quelque chose comme ça est plus du genre de Draco que de Neville, et je t'assure qu'il ne l'a pas fait non plus. Il faut être complètement fou pour vouloir participer à ce tournoi. »
Ron les regarda avec dégoût et déception. « J'aurais jamais dû vous croire mes amis. »
Le roux leur tourna le dos dans son lit, signifiant que la discussion était close et qu'il allait se coucher. Leurs deux autres camarades de dortoirs leur lancèrent des regards noirs avant de faire de même.
Harry serra les poings. Ça n'allait pas recommencer comme avec la chambre des secrets quand même ! Mais apparemment si.
Il n'avait rien d'autre à dire. Si Neville n'émettait pas le désir de rejoindre Hagrid, il n'y avait rien qu'Harry puisse faire. Les deux amis se couchèrent. L'un le cœur gros de tristesse, l'autre de colère. Mais sous sa colère, le pincement horrible qu'il sentait l'enserrer avait une autre sensation. Il comprit ce que c'était avant de s'endormir, dans le calme de la nuit alors que chacun avait réussi à s'assoupir et respirait calmement.
Harry se sentait trahi. C'était encore la faute de ce stupide Ronald Weasley ! Il l'avait cru son ami, lui aussi. Et il avait encore une fois été déçu par le roux.
Albus, Severus, Minerva et Alastor s'étaient réunis dans le bureau du directeur après cela. Il était très tard, mais ils devaient à tout pris tenir une discussion.
Le plus vieux sorcier était penché au-dessus de sa pensine, lui-même pensif.
Minerva protestait. « Ça ne peut pas continuer. D'abord la marque des ténèbres, maintenant ceci ? Tu ne peux pas le laisser concourir, Albus. Nous ne pouvons pas permettre à un si jeune garçon de participer à ce tournoi dangereux. »
« Et que proposes-tu, Minerva ? » s'enquit le directeur avec lassitude. Il savait déjà l'opinion de la femme. « Tu as entendu Barty, les règles sont claires. »
« Au diable Barty et son règlement ! Et depuis quand te plies-tu au désir du ministère ? »
Severus les interrompit. Il les entendaient depuis suffisamment longtemps.
« Albus, moi aussi j'ai du mal à croire à une pure coïncidence. Quoi qu'il en soit, si nous devons découvrir ce que ces événements signifient, peut-être faudrait-il, pour le moment,… »
Il prit un malicieux plaisir à laisser Minerva quelques instants avec la satisfaction d'être soutenue avant de finalement conclure sa pensée. « … laisser les choses se dérouler. »
Minerva était stupéfaite. « Quoi ? Ne rien faire ? C'est cela que tu suggères ? Longbottom est un garçon, pas un morceau de viande que tu peux utiliser comme appât ! »
Albus la coupa. « Je suis d'accord… » Encore une fois, la directrice adjointe se trouva satisfaite avant de perdre soudainement tout son contentement lorsqu'il termina sa phrase. « … avec Severus. Alastor, veillez sur Neville voulez-vous. »
L'ancien auror accepta sans difficulté. « Je peux faire ça. »
« Sans qu'il s'en rende compte, bien sûr. Il doit être suffisamment inquiet en sachant ce qui l'attend. D'ailleurs, nous le somme tous. »
Alors qu'Ablus enlevait le souvenir qu'il avait de la sélection des champions pour le placer dans sa pensine, Minerva baissait les bras, clairement peu satisfaite.
La réunion terminée, la directrice adjointe prit son plus jeune collègue à part.
« Tu ne peux pas suggérer de ne rien faire quand un de nos élèves est clairement en danger, Severus. »
Il entendait bien à sa voix qu'elle était outrée.
« Crois bien que je n'ai que les intérêts de Longbottom à cœur, Minerva. Mais il faut se rendre à l'évidence : il n'y a rien que nous puissions faire. Sa magie est mise en jeux avec ce contrat. Il ne peut pas refuser. À moins que tu ne préfères qu'un de tes Gryffondor perde ses pouvoirs de sorciers ? Si cela arrivait, ma classe de potion serait bien plus calme. »
« Severus ! » le réprimanda-t-elle, décidément la moralisatrice de la soirée. Elle fut ensuite presque menaçante.
« J'espère que tu veilleras sur lui aussi bien qu'Alastor. Mieux certainement serait préférable. Le garçon a confiance en toi et Albus, ne le laissez pas tomber. J'ai parfois l'impression que tu t'occupes plus de mes précieux lions que moi-même. Ne crois pas que je ne sais pas comment se passent les trop nombreuses retenues que tu leur donnes. Harry et Neville continuent de t'admirer, ne nous déçois pas. »
Severus n'avait manqué aucun mot. Il lui sourit même légèrement. « Nous veillerons sur lui, Minerva, tous les trois. Nous le faisons simplement chacun à notre manière. »
« Albus a chargé Alastor de s'en occuper ! »
« Tu connais notre directeur comme moi. Il ne manquera pas de conseiller Longbottom lui-même. Albus a pris mon parti parce que nous n'avons pas le choix. Alors, dépose ce cœur saignant sentimental qui te sert en tant que lionne, et écoute la sagesse de ton côté Serdaigle. »
Après avoir quitté Minerva, Severus alla sans détour à la cabane d'Hagrid. Le demi-géant devait y avoir mené Lily. Severus avait plutôt voulu que Poppy s'occupe d'elle, mais il n'avait guère eu de temps pour discuter quand le grand homme avait décidé de s'en charger alors que les directeurs se précipitaient vers la salle des trophées.
Hagrid l'invita à entrer dans sa cabane, et plutôt que de repartir tout de suite avec Lily, Severus se retrouva à leur préparer du thé.
L'annonce de la participation de Neville avait ébranlé la femme, et Severus n'osait pas imaginer ce qui se serait passé si Harry Potter avait été le nom appelé. Pas qu'il y ait la moindre probabilité pour que cela arrive.
Il savait parfaitement que ce qui se passait était en lien avec le garçon-qui-avait-survécu. Minerva avait bien souligné ce point : il y avait d'abord eu les Mangemorts à la coupe du monde, et maintenant ça. C'était lié, ça l'était forcément.
Quelqu'un dans cette école voulait du mal à Neville Longbottom, mais il ne savait ni qui, ni à quelle fin. Il y avait de nombreux moyens pour tuer ou faire souffrir le garçon. Et la Coupe de Feu n'était pas la meilleure solution pour cela, et certainement pas la plus facile à mettre en place. Il y avait autre chose.
Et s'il en jugeait à la marque sur son avant-bras gauche, ce n'était rien de bon.
Il devait trouver qui avait trafiqué la coupe, le comment n'était plus qu'une curiosité à ce stade ou un moyen pour empêcher sur le long terme que cela puisse se reproduire, mais il lui fallait surtout connaître le plan de cette personne pour le contrer.
Il se trouvait impuissant avant même que le Seigneur des Ténèbres ne revienne, avant même qu'une seconde guerre des sorciers ne soit déclarée, et cela l'énervait et le faisait se sentir inutile.
Non, ce qui le prenait aux entrailles était l'inquiétude profonde. L'inquiétude pour Lily, pour Harry, et pour le monde si le Seigneur des Ténèbres trouvait le moyen de revenir sans qu'il puisse l'empêcher.
Et il savait que ce jour arriverait, et qu'il ne pourrait rien y faire. Que tout ce qui sera dans ses moyens, ce sera de retourner auprès de son ancien maître, de le contenter avec des mensonges sur sa loyauté, et d'assumer encore sa lourde tâche d'espion. Il détestait cela. Mais il savait qu'il n'aurait jamais le choix. Il était hors de question qu'il fuit. Il n'était ni un lâche ni un idiot pour croire que la lâcheté le sauverait.
Et puis, il y avait toujours Lily, qu'il voyait assise dans la cabane d'Hagrid, buvant son thé doucement sans même réaliser qu'il était bien trop chaud. Lily, sa lumière dans l'obscurité de sa vie, qui était dans cet état par sa propre faute, à cause d'une erreur qu'il avait commise quinze ans auparavant. Et plus encore.
Sa première erreur n'avait pas été de transmettre ce maudit début de prophétie. Ni d'écouter Trelawney et Albus, pas non plus même de prendre la marque. Il avait fait beaucoup d'erreurs. Il n'avait fait que cela avant qu'il ne soit trop tard.
Il avait été un enfant stupide, fragile, qui s'était laissé embrigader dans une secte comme beaucoup d'autres de ses camarades de dortoirs. À l'époque ils n'étaient que des enfants, si facilement manipulables. Pour sa part, c'était Lucius qui lui avait présenté cette voix.
Il se détestait d'avoir écouté les promesses de son aîné, puis celles du Seigneur des Ténèbres. Il n'y avait qu'une chose qu'il ne regrettait pas, c'était l'opportunité que cette amitié avec Lucius et Narcissa Malfoy lui avait permise : pouvoir s'occuper de Draco.
Il ne voulait pas que Draco suive la même voix que son père, et il était rassuré de cela depuis que le garçon arrogant et gâté avait trouvé des amitiés solides avec ces trois Gryffondor. Mais si le Seigneur des Ténèbres revenait, Lucius n'aurait d'autre choix que de le servir, et Draco s'y retrouverait inévitablement confronté.
Severus pourrait aider et protéger les autres enfants de Serpentard, les guider, les empêcher de le rejoindre. Mais pour Draco, son propre filleul, il ne pourrait rien faire. Le garçon ne voudrait certainement pas, et Narcissa ne voudrait pas cela pour son fils non plus après avoir vu ce que cela avait fait sur son mari et sa sœur, après avoir vu ce dont était capable le seigneur des ténèbres.
Mais Draco serait dans la même situation que lui. Fuir n'était pas une option pour eux.
En voyant Lily, assise là comme elle se tenait il y a quelques années, Severus savait qu'elle ressentait la même chose. Le seigneur des ténèbres reviendrait, les garçons qu'ils aimaient allaient y être confrontés, et même s'ils pourraient les protéger, ils ne pourraient pas les préserver des horreurs de la guerre future.
Et si Neville était ciblé, Harry serait en première ligne.
Severus avait juré qu'il protégerait et veillerait sur chacun de ses élèves, mais Harry… Harry, il ne pouvait vraiment pas admettre qu'il lui arrive quoi que ce soit. Ça tuerait Lily, et il était obligé de l'admettre, même si c'était juste pour lui-même et jamais devant quelqu'un, il serait incapable de supporter de perdre Harry.
Il laissa Lily prendre le thé avec Hagrid, et le partagea avec eux, parce que ce soir, ils se préparaient tous à des jours pénibles. Il ne voulait pas que Lily soit seule, mais il reconnaissait qu'Hagrid avait aussi besoin de compagnie.
Après tout, c'était Neville qui avait été choisi. Neville, le garçon doux et inoffensif qui avait grandi avec le demi-géant dans l'amour des créatures magiques et des plantes de Pomona Chourave.
Ils savaient tous, lui plus que quiconque, que quelque chose de sombre se préparait. Il n'avait parlé de sa marque qu'à Albus, et n'en parlerait certainement pas avec quelqu'un d'autre, mais le fait était qu'ils savaient. Quelque chose se passait.
Et un adulte résidant actuellement à Poudlard y participait.
Karkaroff était trop lâche pour être le coupable. Severus devrait attentivement étudier les autres pour trouver. En espérant qu'Ablus accepte de le laisser gérer avant qu'il ne soit trop tard s'il parvenait à découvrir qui se cachait à Poudlard derrière ce complot.
