(La coupe de feu) Apprendre la danse
« Allez, Drac ! »
« Non ! »
« S'il te plaît. »
« Pas du tout. »
« Drac, viens… »
« Et pour l'amour de Merlin, Morgane et toutes les tripes de tous les chevaliers empotés du roi Arthur, arrête de m'appeler comme ça ! »
Draco était fermement installé au bout de la table de Serdaigle, bras croisé, et refusait farouchement la demande de Ginny de se déplacer à celle de Gryffondor en ce premier samedi matin depuis la première tâche.
Draco et Ginny étaient les deux seuls du groupe déjà présent pour le petit-déjeuner, et la salle était pratiquement vide, mais pas entièrement.
« Tu ne veux quand même pas rester à la table de Lunatique Lovegood ? »
Draco haussa un sourcil. « Parce que ça m'effrayerait ? »
« Elle pourrait te contaminer. »
Draco tourna un œil vers le reste de la table. Il repéra la longue chevelure soyeuse d'un blond blé digne de s'apparenter aux Malfoy à l'autre bout de la table de Serdaigle. Le parfait opposé de là où il se trouvait en somme.
« Tu penses que cette gamine m'intimide ? Si sa folie était contagieuse, tu serais aussi malade qu'elle. Elle est de ton année, non ? Vous avez des cours ensemble. »
Les quatre autres Gryffondor arrivèrent.
« Que se passe-t-il ? » demanda automatiquement Hermione.
Draco soupira. « Gin Weasley ici présente tente désespérément de me faire bouger à la table détestable de rouge et or. »
« Tu y es déjà allé lors de certains grands événements. », commenta Harry.
« Eh bien laissons cela tel quel. Je n'irais que s'il y a une annonce importante. On se revoit donc à la fin de l'année ? »
Ron grimaça. « Tu pourrais faire un petit effort, non ? On est cinq Gryffondor, et un Serpentard. Honnêtement, ce serait parfaitement normal qu'on reste à la table de Gryffondor. En plus, tu t'entends pas si mal avec Fred et George. »
« Ils m'énervent. »
« Pourquoi on bougerait tous juste pour toi ? »
« C'est ce qu'on fait depuis la première année, Ron. C'est aussi une parade. Nous nous réfugions là où on veut bien de nous. »
« Actuellement, les Gryffondor n'ont plus rien contre nous. »
À ce stade, les trois autres s'étaient déjà installés à table et seuls restaient debout les deux Weasley.
« Je m'en fiche, Ron. Je ne bougerais pas vers Gryffondor. Ta sœur a déjà essayé de me convaincre pendant un quart d'heure, et je te garantis qu'elle est bien plus agaçante que toi. Toi, tu me donnes juste envie de te jeter un sort pour te faire taire. »
« Je te le déconseille fortement. », fit Harry calmement.
Ginny s'assit à côté de Neville pour pouvoir attirer son attention. « Neville, convaincs-le, s'il te plaît. »
Le garçon-qui-avait-survécu sembla accepter la demande alors qu'il posa son regard sur le Serpentard.
« Draco, nous n'avons personne à cette table avec qui nous pourrions réellement interagir. Il ne sert plus à rien de rester dans notre coin. Tu n'es dans tous les cas nullement en train de profiter de tes camarades de Serpentard, tu t'en prives tout seul.
« Je pense que ce que veulent dire Ginny et Ron, c'est qu'à Gryffondor ils ont d'autres relations, de la famille ou des amis même si nous sommes moins familiers de ces camarades que nous ne le sommes entre nous. Nous pourrions vouloir profiter de leur présence, éventuellement écouter leurs discussions ou rire avec eux. Et être avec les jumeaux est particulièrement divertissant. »
Draco refusa l'argument.
« Et bientôt, on dira que je deviens un Gryffondor honoraire. Non. Je refuse catégoriquement de me retrouver dans ce genre de situation. J'accepte déjà de participer mon petit déjeuner avec deux Wealsey. Je ne vais pas me déplacer vers les lions juste pour être proche de deux Weasley de plus. Au cas où cela vous aurait échappé : je suis ici uniquement pour être avec vous, mais je reste extrêmement fier d'être un Serpentard, et pour rien au monde je ne me tournerais vers votre maison au lieu de la mienne. Maintenant, si vous continuez d'insister, je me déplace pour rejoindre Pansy et les autres. »
« Mais tu es déjà allé dans notre salle commune ! » riposta Ron.
« Justement. C'est bien trop déjà. C'est pour cela que si j'allais à votre table, certains pourraient finir par oublier que je ne suis pas comme vous. Je ne suis pas un Gryffondor. Même de loin, de très loin. Je suis un Serpentard. »
Bougon, Ron s'installa à côté d'Harry.
Hermione avait mis la main sur un journal, et s'outragea de l'article de Rita Skeeter.
Depuis le début du tournoi, la femme publiait des articles sur les champions, et il semblait que les photos qu'elle avait prises lors de la première tâche l'avaient inspiré.
« "Miss Granger, une fille ordinaire mais ambitieuse semble avoir un penchant pour les sorciers célèbres. Sa dernière proie, selon nos sources n'est autre que le bonbon Bulgar Viktor Krum !" »
« Montre-moi ça ! » Draco prit vivement le journal des mains d'Hermione, un air clairement mécontent inscrit sur son visage. « "On ignore comme Neville Longbottom vit ce nouveau choc affectif." Elle raconte vraiment n'importe quoi ! »
« Quel est le rapport avec moi ? » demanda Neville.
Hermione tempêtait. « Elle décrit que nous sortions ensemble. »
« Ça te va bien le rouge, Draco. », déclara Ginny malicieusement avec amusement.
« Quoi ? » fit l'adolescent sans comprendre.
Les autres le regardaient également pour comprendre. De fait, Draco était tellement énervé contre la journaliste que ses joues naturellement pâles avaient rougi, et le résultat lui donnait un certain charme.
« Tu devrais mettre ta tête sous l'eau pour refroidir. », commenta Harry.
Cela ne calma pas le Serpentard.
« Tu rougis, c'est tout. », expliqua Neville.
« Comment ça, c'est tout ?! »
Hermione, guère de meilleure humeur que Draco, s'agaça. « Tes joues, Draco ! Personne ne t'a lancé de sort pour que tu deviennes réellement rouge. »
« Oh. »
« Oh qu'il dit. » Elle leva les yeux au ciel.
À ce moment, un Gryffondor de première année, ressemblant beaucoup à Colin sans doute car il était son petit frère, arriva avec un gros carton. « Un paquet pour vous, Monsieur Weasley. »
« Ah, merci Nigel. », accepta Ron en posant le colis sur la table. Il commença à chercher comment le déballer. Le petit restait dans son dos et fixait Neville avec une certaine admiration.
« Un problème ? » demanda Draco, son regard bien planté sur l'enfant.
Ron releva la tête et suivit son regard. « Non, pas maintenant, Nigel. Plus tard. », le chassa-t-il doucement. L'enfant restait. Il insista. « Va-t'en. »
L'enfant se détourna avec une moue déçue.
À présent, le quatuor fixait le roux dans l'attente d'une explication.
Ron commença à déballer son paquet. « Je lui avais promis un autographe de Neville. »
« Si tu avais promis, peut-être devrais-tu tenir ta promesse. Où alors, éviter d'en faire des que tu ne pourrais pas tenir parce que ce n'est pas de ton ressort. », déclara Draco.
Ron l'ignora. « Maman m'a envoyé quelque chose. »
Il se leva en sortant le vêtement que contenait la boîte pour le placer devant lui afin de voir comment ça lui allait. Il fut immédiatement dégoûté.
« Ma mère m'a envoyé une robe ! »
« Elle est assortie à tes yeux. Il y a une coiffe ? » demanda Harry. Il se levait pour venir regarder dans la boîte, et en sortie effectivement un nœud papillon assorti d'un froufrou en dentelle blanche.
Ron était le seul à ne pas être amusé. Il s'approcha de sa sœur.
« Ginny, ça doit être pour toi. »
« Je mettrais pas ça, c'est affreux. »
Hermione rit. « Ce n'est pas pour Ginny, c'est pour toi. »
Le groupe n'était pas le seul amusé. D'autres élèves présents dans les parages s'amusaient beaucoup de la situation.
« Pour moi ? Mais pourquoi ? » demanda le roux sans vouloir y croire.
« Pour le bal de Noël. », informa Draco. « C'est une tradition du tournoi des trois sorciers. J'espère que vous savez danser ? Je suppose que ce n'est pas le cas des Weasley en fait. Ni de Neville. »
« Non, en effet. », acquiesça Neville.
« Danser ? Certainement pas ! » riposta Ron.
« Il va bien falloir. », rétorqua calmement Draco en levant un sourcil. « Je peux vous apprendre. Enfin… je ne suis pas sûr d'être prêt à enseigner à des Weasley. »
« Je ne veux pas apprendre, ne t'inquiète pas. »
« Parfait, tu seras ridicule tout seul par ton propre choix. »
« Parce que tu sais danser, Draco ? » interrompit Hermione.
« Bien sûr. C'est une directive première quand on vient d'une famille comme la mienne. Je propose de s'y mettre dès ce matin. »
Il se levait déjà et tendit la main à Hermione comme pour l'aider à se lever galamment.
Elle se prêta au jeu et posa sa main sur la sienne. « D'accord. »
Il referma ses doigts et la tira avec un sourire pendant qu'elle riait de la pitrerie. « Si d'autres sont intéressés, venez. », déclara-t-il alors que le duo se dirigeait déjà vers la porte de la Grande Salle.
« Je ne suis pas pressé du tout du tout du tout. », râla Ron. Il reposa en vrac la robe dans le carton.
Ginny se leva. « Je vais juste regarder comment le "professeur Draco" enseigne. » Elle quitta rapidement la salle.
« Je suis assez curieux aussi. », annonça Neville. Il commençait à se redresser.
« T'es pas sérieux ! Allez, Neville, nous laisse pas seuls. »
« Je suis de l'avis de Ron. », approuva Harry. « Ça pourrait m'amuser de voir Draco se ridiculiser, mais je ne pense pas que Hermione apprécie, elle, l'idée que nous observions ses débuts possiblement ratés. »
« D'accord. », accepta le garçon-qui-avait-survécu.
Le week-end suivant était le premier du mois de décembre, et le professeur McGonagall avait réuni dans une grande salle tous les élèves de Gryffondor au-delà de la troisième année.
Des chaises avaient été installées près des murs de la salle dans la longueur. La directrice adjointe avait fait s'installer les filles d'un côté, les garçons de l'autre. Certains étaient assis, d'autre debout derrière les premiers.
Harry et Neville étaient bien sûr côte à côte. Ron était affalé entre Seamus et Harry, et les jumeaux se tenaient dans leur dos, debout, adossés au mur.
Rusard installait un mégaphone, Miss Teigne assise sur la table également, pendant que la vieille femme faisait son discours.
« Le bal de Noël est une tradition du tournoi des trois sorciers depuis son commencement. La veille de Noël, nos invités et nous serons réunis dans la Grande Salle pour une soirée d'une frivolité mesurée et convenable.
« Vous représenterez l'école qui reçoit. Aussi j'espère que chacune et chacun d'entre vous ne fera pas le moindre faux pas. Et ce, au sens propre du terme, parce que le bal de Noël est fait en tout premier lieu pour danser. »
Le brouhaha vint à cet instant. Autant dire que les garçons n'étaient pas motivés du tout et rouspétaient déjà. Elle appela au calme.
« Silence ! La maison de Godric Gryffondor inspire le respect dans le monde des sorciers depuis près de dix siècles. Je ne saurais tolérer qu'en une seule soirée vous salissiez ce nom en vous comportant comme une bande de babouins braillards et empotés ! »
Fred se pencha vers George pour chuchoter. « Essaie de dire ça cinq fois d'affiler. »
Les deux jumeaux commencèrent à répéter rapidement à voix basse « bande de babouins braillards et empotés ».
« Danser, c'est laisser le corps respirer. Dans chaque jeune fille, un cygne gracieux se cache, impatient de prendre son envol. »
Ron chuchota à Seamus. « Je ne sais pas ce qui se cache dans Eloise Midgen mais ça peut pas être un cygne. »
Minerva l'avait entendu, et tourna son regard vers lui. « Dans chaque garçon il y a un lion majestueux prêt à se pavaner. Monsieur Weasley ! »
Il déglutit. « Oui ? »
« Venez avec moi, s'il vous plaît. »
Ron se leva avec le moins d'entrain possible, et se plaça au centre de la pièce face au professeur.
« Bien, placez votre main droite sur ma taille. »
« Où ça ?! »
« Sur ma taille. » Il obéit. « L'autre bras… » Minerva dut replacer sa main alors qu'il l'enlevait après qu'un garçon ait sifflé. « … tendu. Monsieur Rusard, s'il vous plaît. »
Les jumeaux Weasley étaient hilares. Rusard alluma la musique.
« Un, deux, trois… un, deux trois,… »
Harry appela discrètement les jumeaux qui mimaient la danse de manière moqueuse en fredonnant. « Hé ! »
Ils se penchèrent pour l'écouter.
« Vous le laisserez jamais oublie ça, n'est-ce pas ? »
« Jamais. », promirent-ils en cœur.
« Tout le monde vient danser. », appela le professeur.
Les filles se levèrent d'un coup. Les garçons ne bougèrent pas. Certains tentaient de se cacher le visage derrière leurs mains, ou croisaient les bras, s'affalaient dans leurs chaises…
« Les garçons, levez-vous. »
Neville fut le premier, et pratiquement le seul dans les premières minutes, à se lever.
