(La coupe de feu) En désespoir de cause


Le samedi précédant le bal de Noël, Harry et Ron n'avaient toujours aucune cavalière.

Tous les étudiants de Poudlard avaient été réunis dans la grande salle pour effectuer un devoir de potion, différent selon l'année, bien sûr.

C'était un essai à rédiger, avec l'aide du manuel. Une sorte d'étude de documents.

Ils étaient surveillés par le chef Serpentard, mais la perspective du bal prochain les déconcentrait quelque peu.

Neville, Draco, Hermione, Ron, et Harry étaient dans cet ordre les uns à côté des autres. Les jumeaux n'étaient pas très loin, presque en face d'eux.

Ron chuchota, pas pour la première fois, à l'attention d'Harry. « Ça craint. On va être les seuls de l'école sans cavalière. »

Encore une fois, il parlait au moment où Severus passait non loin. Le professeur lui réorienta la tête vers son travail.

Harry dut se forcer pour ne pas rire. Ron ne semblait pas perturbé par cette consigne implicite de se concentrer sur sa tâche, et reprit avec amusement. « Enfin, nous et Neville. »

« Oui, mais il pourra toujours danser avec lui-même. », rétorqua Harry.

Plusieurs fois, ils avaient surpris le garçon-qui-avait-survécu s'entraîner aux pas de danse le soir dans le dortoir, en pyjamas mais avec des chaussures de danse brillantes.

Harry ne pensait pas que Neville ait pris le temps d'inviter quelqu'un, ni qu'il oserait avec sa timidité. Avec Ron, il avait passé beaucoup de temps à chercher un moyen d'aborder les filles. Ils avaient totalement échoué, et il ne voyait pas comment son meilleur ami pourrait avoir mieux réussi en restant enfermé pour danser seul.

De fait, Harry ne contestait pas les talents de danseur de Neville. Il en était même plutôt admiratif, et il ne serait pas surpris que Neville parvienne parfaitement à assurer au bal sans cavalière.

Hermione chantonna discrètement pour se moquer du roux. « Ça vous étonnera peut-être, mais Neville a trouvé quelqu'un. »

Le plus comique de cette situation, pensait-elle, était que c'était la propre sœur de Ron. Il rirait beaucoup moins quand il verrait cela.

La simple information que Neville avait quelqu'un fit gémir Ron. « Maintenant, je suis vraiment déprimé. »

Fred, beaucoup plus attentif aux mouvements de Snape que son jeune frère, profita d'une occasion où l'homme était occupé ailleurs pour envoyer un papier à Ron.

Celui-ci le reçut en plein sur son livre.

Dépêche-toi, ou il ne restera que les moches, disait la note.

Ron le foudroya du regard. « T'y vas avec qui, toi ? »

Connaissant ses frères, s'ils avaient déjà eu quelqu'un, il l'aurait su.

Fred ne se laissa pas perturber par la question, et envoya une boule de papier sur Angelina Johnson, la meilleure poursuiveuse de leur équipe de Quidditch.

Elle tourna la tête vers lui. Il chuchota, tout en mimant avec les gestes.

« Angelina, tu veux aller au bal avec moi ? »

Elle sourit. « Oui. »

Fred fit un clin d'œil à Ron, d'autant plus satisfait que cette fois, Snape avait été assez proche pour entendre l'échange et qu'il n'avait rien dit.

Fred et George étaient, bien que Snape ne l'avouerait pas avant longtemps, parmi les meilleurs élèves de sa carrière en tant que professeur de potion.

Les deux avaient une intuition remarquable, et une imagination débordante. Ils savaient aussi bien suivre une recette qu'innover.

C'était une ouverture d'esprit qui manquait déplorablement à la grande majorité des sorciers dans le domaine des potions. C'était ce dont la science avait besoin.

Aussi, même si Severus n'hésitait jamais à punir les deux fauteurs de troubles quand ceux-ci mettaient le bazar ou faisaient des farces, d'autant que les jumeaux semblaient mettre un point d'honneur à le provoquer lui plus que n'importe quel autre professeur, il pouvait les laisser s'interrompre cinq secondes dans leur travail pour lancer une invitation qui ne nécessiterait pas de grands discours.

La fille était également suffisamment raisonnable pour se contenter du strict minimum avant de retourner à son travail avec un large sourire.

Les jumeaux Weasley étaient à la fois parmi les Gryffondor les plus pénibles, de l'avis de tous les professeurs, et les plus supportables. Ils semblaient idiots, mais ne l'étaient pas, et leurs farces étaient énervantes, mais généralement bien moins dangereuses que celles des Maraudeurs.

Severus avait même employé avec eux une technique assez similaire à ce qu'il faisait à Harry et Neville. Quand il les punissait, bien que souvent il les mettait vraiment à des tâches pénibles, il arrivait qu'il leur fasse quelques cours avancés.

Qu'il les aide ou non, les jumeaux trouveraient le moyen de faire des potions clandestinement. Severus préférait autant éviter qu'ils fassent exploser une salle et eux avec.

Après l'initiative de Fred à demander maintenant à Angelina, Ron devait faire quelque chose.

Il ne pouvait pas laisser son frère le narguer comme ça.

Il se tourna vers sa voisine.

« Hé, Hermione, t'es une fille. »

Elle releva des yeux étonnés vers lui. « Finement observé. », lâcha-t-elle. Elle ne prit même pas la peine de garder sa voix basse.

Draco sentait qu'il n'avait plus du tout envie de rester ici. Il se leva pour rendre son devoir au professeur et partir pendant que Ron se ridiculisait. Draco ne voulait pas savoir où cela mènerait, même s'il espérait bien que le rouquin se prenne une gifle aussi grande que lui vu son entrée en matière.

Harry tenta désespérément d'empêcher Ron de faire n'importe quoi en tirant sur la manche de son polo, d'autant que Severus revenait vers eux, mais le roux l'ignora.

« Tu viens avec l'un de nous ? »

Severus donna un petit coup à l'arrière de la tête d'Hermione et Ron pour leur signifier de retourner à leur travail. Harry pouffa. Il s'en prit un aussi, plus fort. Il savait qu'il l'avait mérité.

Severus s'éloigna, et Ron reprit.

« Oh, allez, si un mec va seul au bal, ça passe, mais une fille, c'est triste. »

« Je n'irais pas seule, parce que, crois-le ou non, quelqu'un me l'a demandé. », riposta-t-elle entre ses dents.

Qu'avait-elle fait pour que les garçons soient si stupides avec elle ! Elle se leva rapidement et alla rendre son devoir à son tour à Severus. Elle retourna ensuite à sa place pour récupérer ses affaires.

« Et j'ai dit oui ! » conclut-elle avec énervement, tentant de cacher au mieux la peine de sa voix. Elle s'en alla à grands pas.

Ron se tourna vers Harry. « Hé, elle ment, là ? »

Harry n'était pas certain. « Si tu le dis. »

Severus en avait assez de cette discussion. Ces deux-là, en particulier le roux, ne pouvaient-ils pas comprendre qu'ils devaient se concentrer sur leur devoir ? Ils venaient déjà de faire partir Hermione et ils continuaient ? Infernal.

Il posa les cahiers qu'il avait déjà reçus à une place vide, et releva ses manches.

Il s'avança dans le dos des garçons alors que le roux chuchotait encore.

« Écoute, on va serrer les dents et se lancer. Ce soir, quand on retournera à la salle commune, on aura une cavalière. D'accord ? »

« D'accord. »

Severus leur appuya bien l'arrière du crâne pour les pencher sur leurs devoirs avant de s'éloigner.

Logique, pensèrent-ils tous les deux.

Quand ils rendirent enfin leurs devoirs, Severus leur présenta un papier où il avait écrit : 3 heures de retenues dimanche à 14 heures. Dans mon bureau, Potter. Avec Monsieur Rusard, Weasley.

Les deux gémirent davantage.

Harry avait l'intuition que ce serait une vraie heure de retenue, très déplaisante.


Harry déprimait maintenant sur le canapé de la salle commune. Alors qu'il s'était rendu à la volière pour déposer une lettre à l'intention de Sirius, il avait croisé la belle attrapeuse de l'équipe de Serdaigle, Cho Chang.

Elle avait été seule, et il n'avait pas pu faire autrement que de saisir l'opportunité. Il lui avait demandé. Et bien sûr, elle était déjà avec quelqu'un. À quoi avait-il pensé de toute manière ? Il ne la connaissait presque pas.

Quand il était retourné à la salle commune, il avait croisé Ginny. Ça lui avait soudainement semblé parfait, évident. Elle était en troisième année, et elle était son amie. Elle serait libre, et accepterait facilement. Ce n'était pas comme si on pouvait attendre de tous les élèves qu'ils viennent avec un petit-ami ou une petite-amie.

Alors l'avait abordé.

« Hey, Ginny… je me demandais si… si… », il avait réalisé en cours de route qu'elle était la sœur de Ron. Il n'avait pas songé à cette perspective. Que dirait Ron ? Depuis quand se souciait-il de ce que penserait Ron ?

« Oui, Harry ? » avait-elle demandé. Elle avait bien vu sa gêne.

« Je… en fait… voilà… Est-ce que tu… Tu voudrais danser au bal ? Avec moi ? »

« Oh. », elle rougit. « Je… ne pensais pas que tu voudrais, Harry. C'est-à-dire, tu n'avais pas l'air enjoué à l'idée de danser. »

« Hum, oui, mais je vais bien devoir y aller. Alors autant faire plaisir à une amie au passage. »

« C'est que… j'ai… j'ai déjà une invitation, Harry. Je suis vraiment désolé, mais je ne peux pas refuser ou décliner son offre. Vraiment pas. Et puis, oui, j'ai vraiment envie de danser. Je sais qu'il sera merveilleux à cela. Désolée. »

Et puis, elle s'était enfuie en courant dans le couloir.

Harry était resté fixé quelques instants avant d'entrer, vraiment déprimé.

Neville vint s'asseoir à côté de lui, doucement. Il lui tendit l'œuf d'or.

« Tu veux encore essayer de voir si tu trouves l'énigme pour obtenir l'indice ? »

Harry se redressa et prit l'objet. « C'est forcément lié à l'ouverture. Mais je ne comprends pas pourquoi ça fait ce bruit. Ça doit dépendre de la manière dont on l'ouvre. »

Neville soupira avec un sourire triste. « Harry, qu'est-ce qui ne va pas ? Tu n'as pas l'air bien. »

« C'est que… je n'avais pas de cavalières… je viens de demander à deux filles, et elles y vont déjà. Même Ginny a quelqu'un ! »

Neville rougit légèrement. Mais Harry n'avait même pas besoin de le voir pour réaliser. Il n'y avait pas beaucoup de garçons qui pourraient l'inviter. Et Harry n'imaginait pas Draco passer ses principes ridicules pour provoquer un scandale en allant au bal avec une Weasley.

« Elle y va avec toi. », souffla-t-il.

Neville acquiesça prudemment. « Oui, je lui ai demandé. C'était il y a un moment déjà. »

Harry bascula sa tête en arrière. « Je ne m'en sortirais jamais ! »

« Il y a peut-être Lavande… »

« Non. Déjà, elle va avec Seamus, et ensuite je ne voudrais pas y aller avec elle. En fait, je suis surpris que Ron ne lui ait pas demandé avant. »

La porte s'ouvrit, avec Ginny, Lavande, Seamus et Dean qui escortaient un Ron pâle et presque en état de transe dans la salle. Ils le firent asseoir sur un fauteuil.

Neville, Harry et Hermione s'étaient levés pour s'approcher.

« Que s'est-il passé ? » demanda Hermione.

« Il a demandé à Fleur Delacour. », expliqua Ginny.

« Elle a dit non, bien sûr. »

Ron secoua la tête négativement.

« Elle a dit oui ?! »

« Ne sois pas stupide. »

« Il va falloir nous expliquer. », annonça Harry.

Ginny s'en chargea. « Elle est passée à côté de lui, et alors soudainement il a crié sa demande. Ensuite, il s'est sauvé, sans lui laisser le temps de répondre. »

« Elle aurait dit non. », affirma Hermione.

En voyant l'une des jumelles Patil entrer, Harry eut une idée. Il se précipita vers elle.

« Parvati, est-ce que tu as un cavalier ? »

« Non. », répondit-elle avec un sourire.

Maintenant qu'il y songeait, il pensait à moitié que Draco aurait pu lui demander. S'il ne l'avait pas fait, tant mieux.

« Et ta sœur ? »

« Non plus. »

« Alors, est-ce que ça te dirait de venir avec moi ? Et Padma serait intéressée tu penses pour aller avec Ron ? »

« C'est envisageable. Je te dirais bien que je verrais avec elle, mais je l'ai déjà fait. Elle est d'accord. »

« Oh, euh, c'est… pourquoi ? »

Elle haussa les épaules. « Je voulais savoir. J'ai fait un peu de divination pour découvrir qui nous inviterais. Je voulais garder la surprise du déroulé du bal, mais il fallait que je sache qui seraient nos cavaliers. »

« Hé bien… merci, Parvati. »

« De rien, Harry. »