(La coupe de feu) Rêve et pensine


Neville se réveilla brusquement, trempé de sueur. Il avait encore fait ce rêve. Il se passa une main sur le visage et expira lourdement. Il observa l'obscurité dans la pièce, puis l'absence totale de lumière par la fenêtre. Il faisait encore nuit noire. Il savait qu'il n'arriverait pas à se rendormir.

C'était toujours la même chose : Voldemort, avec une apparence à peine humaine, qui discutait dans cette maison délabrée avec Peter Pettigrow et un homme inconnu. Et cette marque noire sur le bras de l'homme que Voldemort lui demandait encore de lui montrer.

Il avait promis au professeur Dumbledore qu'il retournerait le voir s'il avait d'autres rêves. Ce n'était pas vraiment un nouveau rêve, mais il le faisait régulièrement depuis longtemps maintenant. Peut-être devrait-il retourner voir le directeur.

Il se leva doucement, et commença à se préparer pour la journée le plus silencieusement possible. Ensuite, il décida de lire un peu dans la salle commune, de la botanique bien sûr.

Il eut le temps de terminer son livre, et décida alors d'aller vérifier les plantes dans les serres dont il avait accès. Se déplacer dans les couloirs déserts avant l'aube ne le dérangeait guère.

Quand l'aube pointa, et qu'il fit suffisamment clair après le lever du soleil, il décida qu'il était temps d'aller visiter le directeur.

Il donna le mot de passe à la gargouille et monta les quelques marches. Avant d'atteindre la porte, il entendait déjà la discussion animée qui se tenait dans le bureau du grand sorcier. Il hésita un instant avant de frapper.

Pouvait-il se permettre de les interrompre ? Probablement pas. Mais il ne pouvait pas rester à la porte alors qu'il entendait tout, n'est-ce pas ? C'était censé être une discussion privée.

Cependant, la gargouille l'avait laissé passer, et elle ne le faisait pas lorsque le directeur était bien trop occupé, même en donnant le bon mot de passe. Donc il était autorisé ici.

Il hésita un instant de trop, et alors qu'il avait le poing en l'air pour toquer mais avant qu'il n'ait eu l'occasion de le faire, la porte s'ouvrit, la voix de Maugrey prévenant le directeur et le ministre que leur conversation n'était plus tout à fait privée.

Dumbledore invita Neville à entrer, et raccompagna le ministre à l'extérieur, accompagné de Maugrey. Avant de partir, il autorisa le garçon à se servir de magique réglisse, tout en le prévenant de faire attention, car ils piquaient un peu.

Au ton, Neville savait qu'il devrait s'attendre à un piège au sujet de « piquer un peu ». Dumbledore et les bonbons étaient toute une histoire. Il pourrait s'attendre à n'importe quoi.

Il n'était pas d'humeur à jouer avec ça, mais refuser l'invitation du directeur pourrait être mal venu. L'homme devait avoir une bonne raison pour lui dire.

Alors Neville en attrapa un entre ses doigts. Juste un. Il n'avait pas confiance. Il se dirigeait vers Fumseck avec le bonbon dans la main pour saluer l'oiseau lorsque subitement la petite chose noire le mordit.

Neville le lâcha et secoua la main, mais la gourmandise volait et tentait encore de l'attaquer. Le garçon recula, et parvint à donner un coup de main à la chose. Avant que la farce ne s'amuse à lui sauter dessus, il tenta de l'écraser, tant pis pour la propreté du sol du bureau du directeur.

Un coup de pied mal placé sur une dalle particulière, et la pensine du directeur sortit de sa cache dans le mur.

Neville soupira. Il ne savait pas comment la refermer. Il n'avait pas la moindre idée de ce qu'était ce récipient en pierre sur piédestal, mais il se doutait qu'il s'agissait d'un artefact sensible pour être caché. Bien que la sécurité de la cache semblait… imparfaite.

Le garçon s'avança à nouveau vers Fumseck et salua l'oiseau. Il entendit le directeur en caressant les plumes du phénix. Il n'était pas tenté par l'idée de reprendre des confiseries pour s'occuper.

Le directeur revint, et observa le garçon avec son phénix, et sa pensine sortie du mur.

« Bonjour, Neville. Je vois que tu as découvert ma pensine. »

L'adolescent tourna la tête vers le vieil homme et sourit. « Bonjour monsieur le directeur. J'ai ouvert ça par accident… qu'est-ce que c'est ? »

« Une pensine. Ça me permet de stocker mes souvenirs pour y revenir plus tard, et trier mes pensées. Tu verras que c'est très utile quand comme moi tu auras un siècle de souvenirs. »

Neville hocha la tête. C'était donc très personnel. « Je vois. En fait, je suis désolé monsieur, mais j'ai… comment dire… eu une légère dispute avec les réglisses. »

Albus rit. « Bien, bien, ils sont un peu… "épineux", disons. Il n'y a pas de mal. » Les yeux du directeur dérivèrent presque nerveusement à sa pensine. « As-tu… »

Le garçon comprenait aisément la question. « Non, monsieur. Vos pensées sont les vôtres uniquement. Fumseck me chantait une chanson en attendant votre retour. »

Dumbledore sourit. « Bien. La curiosité n'est pas condamnable, mais il faut l'exercer avec prudence. Je suis ravi de voir qu'il est toujours aussi possible de te faire confiance seul dans un bureau malgré ta maladresse. Alors, pourquoi es-tu venu me voir ? Est-ce au sujet de ce pauvre Barty ? »

« Euh, non, directeur… C'est… au sujet de mes rêves, monsieur. »

Le directeur sembla plus inquiet. « Tu as fait de nouveaux rêves depuis la rentrée ? »

« Pas exactement, monsieur. C'est toujours le même, mais il revient encore et encore. Il y a quelques nuances bien sûr, mais… je n'arrive pas à le chasser. Je ne peux même pas imaginer où j'ai déjà vu cet autre homme, à part à la coupe du monde, mais c'était après l'avoir vu en rêve. Et ce rêve est toujours aussi… perturbant. »

Dumbledore s'appuyait au bord de sa pensine, fixant le liquide étrange.

Neville fit un pas vers lui. « Ce n'est pas… ce n'est rien de grave, n'est-ce pas, directeur ? »

« Je pense qu'il n'est pas bon de ressasser les mêmes rêves, Neville. Il vaut mieux… les laisser couler. Tu sais, Neville, j'ai cherché, cherché, un détail qui m'aurait échappé afin de comprendre pourquoi ces horribles choses arrivent, mais je n'ai toujours rien. C'est à vous rendre fou ! »

Ils restèrent silencieux un moment.

Dumbledore réfléchissait.

Enfin, il releva la tête vers le garçon, ses yeux pétillants. « Cet autre homme que tu vois en rêve, pourrais-tu le reconnaître si tu le voyais, même en plus jeune de dix ans ? »

« Probablement, pourquoi directeur ? »

Neville observa le directeur tirer doucement un fil argenté de sa tempe grâce à sa baguette, et le lâcher dans la pensine.

Albus tourna un sourire chaleureux vers le garçon. « Je pense, Neville, qu'il est temps que tu découvres les voyages dans les pensines. Un souvenir peut être visionné de deux manières : il peut être observé depuis l'extérieur de la pensine, on y voit alors que la surface. Ou, on peut plonger dans le souvenir, s'immerger à l'intérieur et se retrouver au cœur de l'action. »

Neville fixait le directeur, il se refusait à baisser le regard sur les souvenirs latents à la surface. « Vous voulez… que je regarde vos souvenirs, directeur ? »

« J'ai assisté à chaque procès de Mangemorts. Si cet homme est connu, tu l'y verras. Bien sûr, beaucoup sont à Azkaban maintenant, mais certains ont pu y échapper. Peut-être est-il temps de reconsidérer les implications de ceux qui auront été… innocentés faute de preuves. Peut-être pourrais-tu trouver ce petit détail qui m'échappe ? »

Neville déglutit discrètement. « Si vous le pensez, directeur. … comment fait-on ? »

« Plonge la tête dans la pensine. »

Le garçon obéit.

Il se sentit tomber dans la salle de procès, et atterrit aux côtés du directeur. Mais l'homme était différent de celui qu'il venait de quitter. Il était plus jeune, et il semblait concentré sur la scène qui ne se jouait pas encore. Le directeur qu'il connaissait atterrit de son autre côté.

« Ah, Neville… »

Il n'eut pas le temps d'expliquer, une main passait au travers du corps du garçon pour serrer celle du Dumbledore du souvenir.

Neville observa son corps avec ébahissement.

« C'était ce dont je voulais t'avertir. Nous sommes, disons, comme des fantômes ici. Nous pouvons nous déplacer, entendre et voir, mais nous ne pouvons rien vraiment toucher, et rien de ce que nous ferons ne changera le déroulé du souvenir. »

« Ça paraît logique. », fit-il en échos à ce qu'il savait serait la réponse de Harry.

Il y avait une cage au milieu de la salle, et un homme, les poignets liés par une chaîne, y arriva par un jeu de trappe et d'ascenseur. Même de biais, Neville pouvait le reconnaître.

« Igor Karkaroff, vous avez été extrait d'Azkaban à votre demande… »

Neville tourna la tête vers celui qui parlait. C'était Bartémius Crouch qui dirigeait le procès. Ou plutôt la révision du procès. Karkaroff semblait prêt à donner des informations en échange de sa libération. À moins qu'elles ne soient de hautes importances, l'homme serait toujours considéré comme un Mangemort condamné.

« J'ai des noms ! »

« Nous vous écoutons. »

« Il y avait Evan Rosier. »

Des juges fouillaient dans leurs papiers, et un document fut glissé à Crouch. « Evan Rosier est mort. », déclara l'homme.

« Mort ?! » Karkaroff n'en revenait pas. Il semblait penser que Rosier n'était pas du genre à mourir.

Derrière le Dumbledore du souvenir, un Maugrey plus jeune se pencha vers le directeur avec amusement et fierté. « Ouais, il a emporté un petit souvenir de moi avec. », vanta-t-il en désignant son faux œil. « L'œil, la jambe, et la moitié de mes cicatrices. Comme si avoir tué les jumeaux Prewett juste avant ne lui avait pas suffi. »

Maugrey détaillait les exploits de Rosier comme pour se glorifier d'être parvenu à l'abattre ou se justifier de l'avoir eu mort plutôt que de l'envoyer vivant à Azkaban.

« J'en ai un autre, il y avait un espion, au département des mystères, Augustus Rookwood, il donnait à Vous-savez-qui des informations du ministère. »

« Très bien, le conseil va délibérer. En attendant, vous serez reconduit à Azkaban. »

Il cria, affolé. « Non ! Attendez, je vous en supplie ! J'en ai d'autres ! Snape, Severus Snape ! »

Il semblait donner ce nom comme s'il s'agissait d'une information très précieuse que personne d'autre ne pourrait connaître.

Cela s'avéra faux.

Dès l'instant où le nom fut prononcé, Crouch se pinçait le nez comme s'il s'attendait à un autre moment difficile, et soupira même de frustration et lassitude alors que le Dumbledore du souvenir se levait.

« Le conseil connaît bien son cas, j'ai apporté des preuves dans cette affaire. », déclarait le directeur.

Et en effet, à voir la réaction du conseil, ils connaissaient très bien ce cas. Comme si c'était un sujet de dispute de longue date entre eux et le vieil homme.

« Severus Snape était en effet un Mangemort. Mais il est devenu, avant la fin, un espion pour la lumière, et ce en courant de grands risques. »

Karkaroff cria en direction du directeur. « Il ment ! »

« Aujourd'hui, il n'est pas plus Mangemort que moi. »

« Snape est resté fidèle au seigneur des ténèbres ! »

Cela sembla créer une dispute entre Karkaroff, Dumbledore, Crouch et d'autres.

Le directeur actuel qui visionnait le souvenir avec Neville se pencha vers lui. « Un sujet très sensible. Tu n'imagines pas le mal que ça m'a donné de le défendre. Je pense que Barty avait développé une sorte d'allergie pour ce sujet. »

Neville acquiesça. « Monsieur Crouch ne faisait toujours pas confiance à Severus. Il était très méfiant à la coupe du monde. »

Dumbledore hocha la tête à son tour. « Oui, j'imagine. »

« Silence ! » cria Crouch dans le souvenir. « Si le témoin n'a pas d'informations authentiques et importantes à nous donner, nous allons lever la séance ! »

Karkaroff semblait à présent avoir un tour dans son sac. Le ton qu'il avait été bien plus calculateur. « Oh, non non non non, j'ai entendu parler d'un autre. »

Karkaroff commença une liste d'actions que le Mangemort aurait entreprises en compagnie des Lestranges.

Dans l'assemblée, un jeune homme très bien habillé se levait calmement et commençait à se frayer doucement un chemin vers la sortie. Neville cligna des yeux. C'était lui.

« Un nom, donnez-nous un nom ! » s'impatienta Crouch.

« Bartémius Crouch… » Tous écarquillaient les yeux, Skeeter, bien évidemment présente, semblait aux anges par l'idée d'un scandale. Le jeune homme s'était figé. « … junior. » Le jeune homme se mit à sauter par-dessus les rangs pour s'enfuir, mais Maugrey fut plus rapide à lui lancer un sort pour le projeter au sol.

Le présumé fut relevé et conduit devant Monsieur Crouch Senior, alors qu'il se débattait et criait qu'on le lâche.

Neville ne voyait pas son visage de cette position, mais il n'en avait pas besoin pour avoir une idée.

« Salut, Père. », fit-il avec une voix amplement satisfaite. Il semblait se délecter de l'expression hantée de l'homme.

« Tu n'es pas mon fils. », renia Monsieur Crouch.

« Professeur Dumbledore, c'est l'homme de la coupe du monde et de mon cauchemar. »

Albus parut surpris, et les fit quitter la pensine. De retour dans le bureau, il regarda le garçon avec curiosité et inquiétude.

« Tu en es sûr ? »

« Certain. C'était lui. »

« Tu ne peux pas te tromper ? »

« Non. » Neville fronça les sourcils. « Pourquoi doutez-vous, professeur ? »

« Parce que ce jeune Mangemort a été envoyé à Azkaban. Barty n'avait pas le choix, les preuves étaient accablantes. Il a été anéanti. »

« Il a dû s'échapper. D'une manière ou d'une autre. Je suis convaincu que c'est lui, professeur. »

« Je te crois, Neville, je te crois. Mais je ne comprends pas mieux. Merci pour cette discussion, mon garçon. Avais-tu autre chose à me demander ? »

« Non, monsieur. »

« Dans ce cas, je pense qu'il est temps que tu ailles prendre un petit-déjeuner. »

Neville se dirigea vers la porte, mais s'arrêta un instant. « Euh, si, il y a bien quelque chose, monsieur. »

« Oui, Neville ? »

« Que va-t-il se passer maintenant… maintenant que monsieur Crouch senior est mort ? »

Dumbledore soupira. « Eh bien, pas grand-chose. Le ministre refuse d'annuler le tournoi, et les cours vont poursuivre comme avant. »

« D'accord. », accepta doucement le garçon.

Dumbledore sourit un peu. « Ne te décourage pas, Neville. Tu as une grande force en toi, tu arriveras jusqu'au bout. »

Neville força un léger sourire en retour. « Merci, monsieur le directeur. », déclara-t-il avant de quitter le bureau.