(La coupe de feu) La marque


Severus pouvait difficilement être plus contrarié.

Quoi que, il l'avait déjà été de nombreuses fois.

Mais il était assurément très agacé. Pourquoi ? Parce que ce lâche de Karkaroff avait réussi à le coincer alors qu'il vérifiait les ingrédients de la réserve.

Il était déjà très fâché par les disparitions étranges qu'il avait répertoriées, ajouter à cela l'irritation que lui provoquaient Karkaroff et son insistance, et bien évidemment il serait fort énervé.

Il manquait de la peau de serpent d'arbre du Cap, et de la poudre de chrysopes. Et Severus n'avait aucun doute sur ce que préparaient le ou les voleurs.

Bien sûr, la disparition de la branchiflore était une découverte non surprenante, et attendue. S'il mettait la main sur celui qui avait osé se servir, cependant, l'impertinent aurait intérêt à trouver une explication plausible pour justifier ne pas être coupable de l'autre méfait.

Maintenant, il était coincé dans sa réserve, avec Karkaroff.

Toute l'année, il l'avait esquivé, il n'avait laissé aucune occasion à l'autre homme de réussir à avoir cette petite discussion importune.

Il devrait être satisfait d'être parvenu à reculer la mise au point indésirable jusqu'à fin février. Mais étant Severus Snape, il n'était que contrarié de n'avoir pas pu y échapper jusqu'à la fin.

Ô, il savait pertinemment sur quoi l'autre homme désirait s'entretenir, et peut-être former une alliance avec lui, obtenir son avis, ses conseils ou son soutien.

Severus n'était disposé à céder aucune de ces choses.

Il ne voulait pas penser à sa marque des ténèbres, qui au fil des mois devenait de plus en plus visible. Il savait parfaitement ce que cela signifiait, mais il refusait de communiquer à ce sujet avec le directeur lâche. Devoir surveiller les signes et faire son rapport régulier auprès du directeur calculateur était amplement suffisant à son goût.

Albus avait arrêté de le presser pour obtenir un suivie de l'évolution de la chose, mais il s'attendait à ce que le jeune professeur vienne le voir au moindre changement plus perturbant.

Depuis le temps qu'il tentait d'attirer l'attention du maître des potions, Karkaroff releva sa manche pour le mettre face à la chose. Sans doute Severus arrêterait de l'ignorer, maintenant. Déjà un quart d'heure de discussion, et le plus jeune refusait toujours de prendre la chose au sérieux. Le Mangemort réformé ne comprenait pas pourquoi le prétendu espion agissait de la sorte.

« Severus, c'est un signe ! Elle est de plus en plus nette de mois en mois ! Tu ne peux pas faire comme si tu l'ignorais. »

Severus apprécia peu que l'autre homme lui présente sa marque. Cette discussion allait cesser immédiatement.

« Je me fiche de savoir les répercussions que tu crains devoir affronter, Igor. Fuis, si tu as peur. Ce ne sera pas mon cas. »

« Tu ne peux pas sérieusement penser y retourner, Severus ! Elle est toujours à ton bras, cette Lily, cette san… cette née-Moldue. C'était une de ses ennemis. Tu as envoyé Bellatrix Lestrange à Azkaban, Severus ! Elle était sa favorite. Ce que j'ai fait était bien moins compromettant pour… convaincre de notre loyauté. »

« Je n'aurais rien à justifier, Igor. »

Karkaroff releva son bras dénudé juste devant le visage du maître des potions. « Regarde ça, Severus ! Tu as la même, tu sais ce que cela signifie ! »

Severus ouvrit la porte de la réserve pour toute réponse, accompagné d'un regard d'une dureté extrême vers l'homme. Il ne tolérerait pas davantage.

Karkaroff semblait sur le point de rétorquer quelque chose tout en tournant un œil vers le couloir, mais se ravisa, et rabaissa sa manche. Il partit rapidement.

Severus se retourna alors à son tour vers le couloir. Évidemment, Karkaroff avait lâché l'affaire uniquement car un élève se trouvait dans ce couloir, éberlué par ce qu'il venait de voir en plus que, probablement, entendre également.

Heureusement pour Severus, ce n'était pas un élève qui risquait de leur attirer beaucoup d'ennui.

Le professeur remarqua à quel point le teint du garçon semblait malade. Il était pâle, et avait de grands cernes sous les yeux. Il était providentiel qu'il n'y ait aucun cours de la journée, car l'adolescent aurait risqué d'avoir de graves problèmes d'attention.

Maintenant, Severus avait un autre problème. Le Gryffondor le fixait avec crainte.

« Vous semblez avoir du temps à perdre, Monsieur Longbottom. Vous ne devriez pas vous promener si tôt un samedi matin. Des choses sombres arrivent dans cette école, et vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a récemment eu un mort. »

« Je… o-oui, bi-bien sûr, monsieur. »

Et à présent, le garçon bégayait. De mieux en mieux. D'un bref mouvement sec, il indiqua à Neville de rentrer dans la réserve. L'adolescent obéit rapidement, et Severus referma la porte.

« Remarquable, ta prestation au lac. De la branchiflore… ingénieux. Une plante rare, la branchiflore, qu'on ne trouve pas dans n'importe quel jardin ou quelle apothicairerie. Lequel de tes amis a trouvé malin de venir en subtiliser dans ma réserve ? »

Neville baissa le regard vers ses mains qu'il tordait l'une avec l'autre anxieusement. « Euh, je… c'était… Draco. »

« Et aurait-il par la même occasion eu l'idée et l'audace de dérober d'autres ingrédients pour d'autres desseins ? »

Neville releva la tête. « Quoi ? N-non… je… je ne crois pas, je ne vois pas, non. »

« Toi ou l'un de tes amis préparez-vous une farce idiote à nouveau ? Une action stupide qu'il me faudrait punir par la suite ? »

« Absolument pas ! Pourquoi… ? »

« Parce que, vois-tu… » Severus se détourna pour monter à l'échelle et prendre un flacon dans ses étagères. « … il semblerait que… de la peau de serpent d'arbre du Cap… de la poudre de chrysopes… » Il redescendit et fit face au garçon avec la toute petite bouteille. « … soient également absentes. Sais-tu à quoi elles servent ? »

Neville réfléchit un moment, interloqué et toujours très inquiet. La situation ne le rassurait pas, et il n'avait pas la moindre idée de ce que le professeur voulait ni ce qu'il pensait vraiment. Il n'était pas très doué pour comprendre toujours les actions du maître des potions intimidant.

Tout ce à quoi il pouvait penser était son cauchemar récurrent, la marque de Karkaroff, le souvenir du procès de ce même homme, la discussion entre lui et Severus…

« N-non. »

« Pas la moindre petite idée ? »

Il secoua la tête. « Non, pas la moindre. »

« Si nous étions dans une salle de classe, je serais dans l'obligation de te soustraire des points, et de rappeler à quel point cette… incompétence… et mémoire défaillante… sont des tares désolantes, qu'il est dommage que tu sois aussi… navrant. Ce sont deux ingrédients rares et chers, qui servent, tu devrais le savoir, dans la préparation du Polynectar. »

« Et dans rien d'autre ? »

Pour toute réponse, le chef Serpentard leva la main qui tenait entre deux doigts la fiole au niveau du visage du Gryffondor. « Et sais-tu ce qu'est ceci, Neville ? »

« … euh, une potion ? » Il n'en était pas certain, du tout. C'était la réserve, et il était fort possible que ce soit simplement un ingrédient liquide, et a priori extrêmement rare et cher au vu de la ridicule taille du contenant.

« Du Veritaserum. Trois gouttes suffiraient à faire révéler au Seigneur des Ténèbres ses plus noirs secrets. Son utilisation sur les élèves est interdite, malheureusement, mais si toi ou un de tes amis volez encore dans ma réserve, je pourrais être amené à en verser, par accident, dans votre jus de citrouille du matin. »

« Nous ne préparons pas de polynectar, Severus. » Il ne comprenait même pas pourquoi le professeur l'accusait, mais il devait bien l'assurer qu'ils n'avaient rien fait. Quoi qu'à y réfléchir… « Je ne sais pas pourquoi Mimi t'en aurait parlé, ni pourquoi elle me ferait si peu confiance, mais je lui ai déjà dit que c'était faux. »

« Mimi Geignarde, Neville ? » demanda le professeur avec un haussement d'un sourcil.

Ah, donc elle n'avait rien dit. « Euh… oui… c'est que… elle… elle m'en a parlé l'autre jour. C'est-à-dire il y a cinq jours. Quand… je suis allé dans la salle de bain des préfets pour… ouvrir l'œuf. Elle est venue, et elle a évoqué le polynectar, elle m'a demandé si nous en faisions. Je lui ai déjà dit que non. »

« Je vois. Et a-t-elle évoqué pourquoi elle te demanderait une telle chose ? »

« Je crois qu'elle en a vu quelques gouttes dans un conduit d'évacuation. »

« Que les choses soient bien claires, Neville, si je découvre que l'un d'entre vous tente de trouver le meurtrier de Bartemius Crouch par lui-même, ou avec la collaboration de ses autres amis, au lieu de laisser faire les personnes adultes et responsables, je tâcherais de vous le faire regretter par la punition la plus désagréable que vous n'ayez jamais eue de votre vie, et je vous garantit que j'aurais une imagination débordante pour ce faire. »

Neville déglutit. « Je n'en doute pas, professeur. »

Il se tordit encore un peu les mains, hésitant à poser une question supplémentaire. Severus semblait remarquer cela, puisqu'il laissa le silence s'installer au lieu de simplement le renvoyer.

« Co-comment… pourquoi nous soupçonnes-tu ? Pour le vol des ingrédients de polynectar. »

« Parce que ce ne serait pas la première fois, n'est-ce pas, Neville ? Vous avez déjà volé dans ma réserve pour en préparer en deuxième année, et il semble également être dans vos habitudes de tenter de prendre les choses en main à la place de vos professeurs. Je ne permettrais ni l'un ni l'autre. »

« Si tu savais en deuxième année, pourquoi ne nous as-tu pas punis ? »

En réponse, Severus rouvrit la porte de la réserve. « Allons à mon bureau, Neville. »

Ils s'y rendirent rapidement et Severus fit asseoir Neville devant son bureau, une fois la porte refermée bien sûr, puis alla chercher un flacon sur une de ses étagères. Il revint à sa table, et le tendit au garçon.

« Bois cela, Neville. »

L'adolescent n'osa pas l'interroger et avala la potion calmante sans poser de questions.

« Tu es d'une pâleur extrême ce matin, Neville. »

L'enfant évitait simplement son regard, en silence.

« Pourquoi es-tu aussi… nerveux aujourd'hui ? »

Le Gryffondor se tordait encore les mains et ne se tournait pas vers lui.

« Neville. », fit-il durement.

Il eut enfin la décence de relever les yeux vers lui.

Severus insista bien sur chacun de ses mots. « Que t'arrive-t-il ce matin ? »

« Je… j'ai fait un rêve. J'en ai parlé avec le professeur Dumbledore. »

« Un cauchemar très inquiétant pour te perturber à ce point. »

« Eh bien, j'ai aussi trouvé un cadavre récemment, mon nom est sorti de cette coupe, j'ai dû affronter un dragon, plonger parmi les strangulots et les selkies pour sauver Harry et y trouver Hermione, et j'entends Karkaroff te parler de la marque qui devient… trop nette. Voldemort revient vraiment alors ? »

Severus prit le temps de réfléchir à une réponse appropriée avant de l'énoncer. Il ne devait surtout pas inquiéter l'enfant.

« Nous avons déjà vu qu'il tentait de revenir lors de votre première année, et que ses tentatives étaient plutôt inefficaces. »

« Est-ce que la marque annonçait son retour dans ma première année ? »

Comme le professeur ne répondit pas immédiatement, le garçon enchaîna.

« Nous savons qu'il va revenir un jour. Ce jour approche-t-il enfin, Severus ? Est-ce que c'est aussi mauvais signe que ce que Karkaroff disait ? Il y a déjà eu une attaque à la coupe du monde de Quidditch. »

« Je ne mentirais ni ne cacherais des informations dans le but mièvre de rassurer un de mes élèves ou d'endormir sa méfiance. Cela étant dit, Neville, je ne dirais rien qui pourrait donner l'idée à certains jeunes irresponsables de s'occuper des affaires que les adultes compétents sont ceux qui devraient s'en occuper. Tu n'as pas à te préoccuper de ce qui se passe avec Karkaroff, il dramatise beaucoup. »

« Mais dramatise-t-il toujours ? Je n'ai pas envie d'y être mêlé, je ne veux pas m'en occuper, et je n'irais certainement pas de mon plein gré en toute connaissance de cause affronter un danger inutile qui ne ferait que mettre fin à ma vie ou la mettre en péril. Mais je n'ai pas d'autre choix que d'y être confronté si Voldemort revient. Que je le veuille ou non, que tu le veuilles ou non, je serais en première ligne. »

« Je ne permettrais pas qu'il arrive quoi que ce soit à l'un de mes élèves, Neville. Pas plus que je ne les laisserais se mettre en danger. … »

Neville craqua. La personne dont il avait le plus peur mais en qui il avait le plus confiance avec Dumbledore ne pouvait rien faire. Il n'avait plus aucun soutien, aucune aide, il ne pouvait plus être protégé, et cela l'effrayait. Ce qui l'effrayait le plus, avec toutes ces horribles choses qui arrivaient, était la marque bien noire sur le bras de Karkaroff, et ce que cela signifiait d'après les propos de cet homme.

« Mon nom a été mis dans la coupe ! Comment peux-tu empêcher le danger de venir à moi, si tu ne peux pas trouver qui a fait ça ? Comment peux-tu empêcher Voldemort de revenir, si tu ne peux pas trouver pourquoi mon nom a été mis, si tu ne peux pas trouver qui a tué Monsieur Crouch ? »

« Cela suffit, Neville. Va prendre ton petit-déjeuner. »

Au moment où Neville atteignait la porte, le professeur parla à nouveau. « Je promets que je trouverais qui a fait ces choses. »