(La coupe de feu) La troisième tâche


La troisième tâche avait lieu fin mai, le 24.

Les gradins étaient installés devant l'entrée d'un gigantesque labyrinthe magique et sombre. Les bruits de fanfares, toujours avec Flitwick en chef d'orchestre, célébraient l'événement et annonçaient le début. Tous les spectateurs étaient enthousiastes et acclamaient.

Hermione, Harry et Draco étaient ensemble, avec les Weasley, parmi les spectateurs. Ils étaient confiants dans les nouvelles capacités de Neville, mais ne pouvaient s'empêcher d'être inquiets pour leur ami.

Il arrivait toujours quelque chose en fin d'année, et quel serait un moment plus propice que maintenant ? Cependant ils refusaient tous les trois de céder à des superstitions stupides.

Severus était installé aux côtés de Fudge, avec Minerva et Lily. La directrice adjointe était de bonne humeur, et très fière de son lion qui avait mûri de manière incroyable au cours des trois derniers mois. Elle ne s'inquiétait plus pour le jeune garçon dans le tournoi, et pensait même que finalement cela avait été une expérience positive pour l'adolescent.

Severus n'était pas de cet avis, mais il avait connaissance d'un détail que Minerva ignorait. Neville se préparait à une possible nouvelle guerre des sorciers. Le maître des potions espérait que celle-ci n'aurait pas lieu, mais il voyait tous les jours la preuve que ça arriverait.

Et même s'il ne voulait pas que ses élèves y soient confrontés, il savait pertinemment que le Seigneur des Ténèbres, dans toute sa fierté, n'accepterait pas d'avoir été battu par un jeune garçon, et ferait de Neville son principal ennemi. Ça, et le fait qu'il y avait toujours cette maudite prophétie de Sybill Trelawney.

Cependant, que Neville veuille se préparer ou non, Severus avait été courroucé d'apprendre quel cours Maugrey leur avait dispensé le mois dernier.

Bien sûr, l'espion reconnaissait que c'était, en fait, un bon entraînement. Et ce que l'ancien auror en avait fait était parfaitement raisonnable. Mais pour le principe même, Severus était énervé. Il avait après tout décidé de détester tous les cours que cet homme ferait en sortant de l'ordinaire.

Draco lui avait particulièrement bien détaillé les sarcasmes que Maugrey avait lancés à l'intention de la majorité des Serpentard de la classe à cette occasion, raillant l'excuse que leurs pères avaient apportée au ministère pour échapper à Azkaban 13 ans plus tôt.

Maugrey n'avait cité aucun nom, et les élèves, notamment les Serdaigle, n'avaient peut-être pas compris sa rage, mais Draco et Nott avaient bien saisi la chose, et Severus détestait que l'auror manque de dévoiler les sombres histoires des parents de ses élèves.

L'ancien auror était peut-être un bien meilleur professeur que Quirrel et surtout Lockhart, son comportement n'en restait pas moins inacceptable, particulièrement vis-à-vis des Serpentards.

Cet individu à l'œil torve n'était pas encore dans les gradins, et c'était tant mieux.

Pour cette troisième tâche, les champions arriveraient accompagnés de leur famille et de leurs directeurs.

Du moins, monsieur Amo Diggory sortit avec bonne humeur de l'ouverture pour arriver dans l'arène devant le labyrinthe, son fils à sa suite.

La foule britannique acclama le champion de Poudlard.

Fleur apparut ensuite avec sa très chère petite sœur Gabrielle, et les élèves de Beauxbâtons l'encouragèrent fièrement. Elles étaient suivies de Madame Maxime.

Krum sortit ensuite, félicité par Durmstrang, et aussi une partie de Poudlard, étrangement particulièrement Serpentard. Probablement parce que les autres maisons, même ceux adorant l'attrapeur de renom, préféraient saluer les champions de leur école, alors que la maison de l'ambition et de la ruse n'appréciait pas particulièrement Poufsouffle ou Gryffondor. Beaucoup de Serpentards étaient fiers d'appartenir à Poudlard, mais certains préféraient Krum, plus pour être Victor Krum que pour être à Durmstrang cela dit.

Draco savait que Goyle était un total admirateur de Krum, et ce n'était que l'exemple le plus évident. Il avait été lui-même, pendant un temps assez long, un inconditionnel de la vedette du Quidditch, mais cette année, particulièrement cette histoire de Coupe de feu, avait remis en question ses sentiments superficiels pour la célébrité qu'était l'attrapeur.

Ce n'était pas la défaite de l'équipe bulgare face aux Irlandais qui l'avait fait reconsidérer. Ni l'arrivée grandiose du jeune homme dans la grande salle en compagnie de ses camarades et de son directeur. Non, rien de cela. C'était juste qu'un sentiment bien plus fort, et négatif, avait supplanté son adoration sportive.

Depuis qu'il avait vu Krum prêter attention à Mione, depuis qu'il l'avait vu tenter de se rapprocher de la jeune fille et d'attirer son attention, depuis qu'Hermione répondait à ces flirtes par le moindre petit sourire ou rougissement, Draco avait été énervé et jaloux. Il n'y avait pas la place dans son cœur pour la ferveur et la jalousie en même temps pour une même personne.

Enfin, Dumbledore apparut avec Neville. Le directeur soutient moralement le garçon en silence, puis ils s'avancèrent dans l'arène herbeuse. Les champions se répartirent autour de l'endroit, et Albus monta à une petite estrade pour faire son discours.

Neville était seul physiquement, mais il savait qu'il ne l'était pas réellement. Hagrid n'était pas à ses côtés, et ce pour plusieurs raisons, mais ce n'était pas grave. Le demi-géant aurait été un peu… grand pour passer l'ouverture, fausse excuse alors que Madame Maxime l'avait fait. Mais il était bien trop émotif quand il s'agissait de la mise en danger de son protéger, et il serait mal venu que Neville soit soutenu par un grand homme reniflant.

Le directeur mit la pointe de sa baguette contre son cou, et amplifia sa voix, prononçant verbalement la formule afin de bien avertir qu'il réclamait le silence de la part de tous.

« Sonorus. » La foule se calma, se tut et s'assit, et les instruments cessèrent de jouer. « Cet après-midi, le professeur Maugrey a placé le trophée des trois sorciers au centre du labyrinthe. Lui seul connaît l'endroit exact. Vu que Monsieur Diggory… »

Une partie des gradins acclama le jeune homme.

« … et Monsieur Longbottom… »

Une autre partie, principalement Gryffondor, se leva pour applaudir. Draco, pour son plus grand déplaisir, était dans ce groupe de lion.

« … sont ex æquo à la première place, ils entreront les premiers dans le labyrinthe, suivit de monsieur Krum… »

Encore une fois, les supporters du champion appelé le célébrèrent.

« … et de miss Delacour. Le premier qui touchera le trophée aura gagné. J'ai demandé aux professeurs de patrouiller autour du périmètre. Si a un moment quelconque un concurrent souhaite abandonner, il ou elle n'aura qu'à envoyer des étincelles rouges avec sa baguette. »

Le directeur se retourna. « Concurrent, venez ici. Dépêchons. »

Les quatre jeunes s'approchèrent. Albus arrêta son sort de sonorus et leur parla à voix basse.

« Dans le labyrinthe, vous ne verrez ni dragon ni créature des profondeurs, mais vous devrez affronter une chose encore plus redoutable. Les gens, voyez-vous, changent dans le labyrinthe. Oh, trouvez le trophée si vous le pouvez, mais méfiez-vous. Vous pourriez vous perdre vous-même en chemin. »

Dumbledore s'écarta d'eux et relança son sort, informulé cette fois. « Champion, préparez-vous ! »

Chacun alla se placer près d'une entrée différente, aux côtés de leur adulte référent. Cédric avait son père, Fleur et Krum leurs directeurs respectifs, et Neville avait le professeur Maugrey qui était arrivé discrètement au milieu du discours.

« Attention à trois… deux… un… »

Le coup de canon lancé par Rusard partit à l'instant même où le directeur prononça « un », surprenant tout le monde. L'orchestre reprit sa musique.

Cédric et Neville durent pénétrer dans le labyrinthe.

Neville avança avec une légère hésitation. Il se retourna pour voir les professeurs Dumbledore et Maugrey l'observer. L'ancien auror lui désigna, en pointant de son doigt, d'aller vers la gauche, discrètement. Neville était certain d'avoir été le seul à le voir. Le directeur, pour sa part, semblait inquiet. Le mur de haie se referma, et Neville se retrouva dans l'obscurité, isolé de tout le reste.

Il y avait un épais brouillard posé sur les hautes parois végétales, prêt à s'abattre sur eux à tout moment. Les sons festifs ne leur parvenaient plus, et ils étaient laissés à eux-mêmes dans cet endroit lugubre.

Neville ne pouvait pas comprendre pourquoi Maugrey l'aiderait, mais il semblait que c'était ce que l'homme faisait depuis le début, alors il acceptait simplement l'aimable concours de l'ancien auror. Si cela lui permettait de survivre plus longtemps, c'était tant mieux après tout. Il n'allait pas refuser un soutien volontairement donné.

Il ne voyait cependant pas en quoi lui désigner un côté l'aiderait vraiment dans cet immense dédale. Les murs magiques bougeaient, et fermaient des chemins avec vitesse et rigueur. C'était en fait l'un des plus grands dangers du labyrinthe : se faire avaler par les murs.

Neville sentait son cœur battre lourdement, mais lentement. Cet endroit le rendait anxieux, mais il connaissait mieux que n'importe quoi d'autre les sorts concernant la flore magique. Il était confiant qu'il saurait lutter contre les farces obscures de ces fourrés gigantesques.

La tâche s'annonçait épineuse.


Le sorcier s'avançait calmement, à la recherche de ses adversaires. Il avait un ordre, et il devait le suivre.

La jeune femme, aussi fragile et délicate qu'un certain professeur, croisa sa route. Il était arrivé derrière elle silencieusement, et elle eut tout juste le temps de se retourner.


Neville entendit le hurlement. Ce n'était pas très éloigné. Sa peur lui disait de partir. Son instinct lui criait d'aller voir si elle avait besoin d'aide.

Il courut vers la source du son.

Il se blottit dos au mur végétal lorsqu'il vit Krum sortir d'un tournant. Le jeune homme dirigea sa baguette illuminée d'un lumos vers lui, et l'observa quelques instants avec un étrange regard avant de simplement l'ignorer et partir.

Neville rejoignit alors rapidement l'endroit d'où venait l'attrapeur.

Il y avait un corps encerclé de racines qui commençaient à l'attirer vers la haie pour l'y engouffrer. Neville se précipita à côté juste à temps pour identifier Fleur. Elle était inconsciente et clairement pas en état d'appeler à l'aide.

Sans attendre un instant, le jeune garçon pointa sa baguette vers le ciel. « Periculum ! » énonça-t-il la formule avec force, et des étincelles rouges s'élevèrent et éclatèrent en un petit feu d'artifice par-dessus les fourrées.

C'est alors qu'un vent souffla sur cette allée, et que les deux murs se rapprochèrent l'un de l'autre pour refermer le passage. Neville courut à toute vitesse pour sortir de l'endroit sans s'y faire emprisonner.

Il était à bout de souffle lorsqu'il parvint à s'en échapper définitivement. Il ne savait pas quels détours il avait dû prendre et faire pour se soustraire à ce qu'il ne pouvait qualifier que de tornade, même si c'était loin d'en être une. Les branches lui avaient fouetté les joues, les bras et les jambes. Il était écorché de partout.

Une chose était certaine, une fois sorti de ce labyrinthe il devrait retourner voir Madame Pomfresh.

Il entendit une étrange formule et la détonation d'un sort. Par réflexe, il dressa un bouclier entre lui et le rayon lumineux qui arrivait par en face, tout en relevant le regard. Là, au bout de l'allée, au loin, Viktor Krum venait de tourner, et s'avançait vers lui, la baguette sortie.

« Baisse-toi ! » cria la voix de Cédric derrière lui.

Neville se retourna pour voir le Poufsouffle alors que le bulgare lançait un nouveau sort. Le rayon passa à quelques centimètres du garçon-qui-avait-survécu, et Cédric l'esquiva. Le Gryffondor se plaqua dos à la grande haie, et observa le combat se dérouler entre les deux élèves plus âges.

Krum avançait toujours droit vers Cédric.

Neville ne comprenait pas. Pourquoi Krum attaquait-il le champion de Poudlard ? Pourquoi avait-il ignoré Neville tout à l'heure après avoir quitté l'endroit où Fleur avait perdu… Pourquoi avait-il attaqué Fleur aussi ? Pourquoi pas lui ?

Si Krum avait changé comme Dumbledore l'avait prévenu possible, si cela le poussait à s'en prendre à ses concurrents, alors il aurait dû, en toute logique, s'en prendre également à Neville.

Krum passa devant Neville une fois de plus sans se soucier du plus jeune adolescent.

Ce n'était pas normal.

Cédric parvint à assommer Viktor. Il leva à nouveau sa baguette, et Neville sut ce qu'il avait à faire. Le plus jeune sauta entre les deux autres.

« Arrête, Cédric ! Il n'est pas lui-même ! Tu l'as déjà battu ! »

« Il nous attaque ! Tu sais ce qu'il a fait à Fleur ? »

« Pas plus que toi, Fleur ira bien, j'ai lancé son signal de détresse. »

Neville avait l'impression que Cédric changeait aussi à cause du labyrinthe, et n'était plus tout à fait lui-même. Le Poufsouffle était courageux, énergique et compétitif, mais aussi d'un naturel enjoué, bienveillant, généreux, et surtout avec un grand sens du fair-play. Le Cédric qu'il connaissait ne frapperait pas un adversaire à terre et désarmé.

Un chemin s'ouvrit près d'eux, et ils virent un objet lumineux au bout. C'était très certainement la coupe. Les deux étudiants de Poudlard échangèrent un regard. Ils étaient certains l'un comme l'autre de savoir ce que c'était. Et aussi que cela signifiait de sortir de ce lieu ensorcelé.

Au regard que Cédric lui lançait, Neville devinait que le jeune homme allait chercher cette coupe. Le garçon-qui-avait-survécu n'avait pas très envie de gagner, et ne savait pas ce qu'il devrait faire dans cette situation, mais une chose était certaine, il voulait quitter ce labyrinthe.

Cédric commença à courir vers le trophée, et un puissant vent se leva à nouveau. Une chose dont Neville était persuadé, il ne voulait pas être attrapé par cette tornade. Les deux garçons firent la course vers le trophée, les murs végétaux se refermant derrière eux, et tentant une fois de plus de les avaler. Des racines s'élançaient à leur pied pour tenter de les attraper ou de les faire trébucher.

Neville n'hésitait pas à lancer des sorts à ces ronces pour les faire reculer de ses propres pas. Le Poufsouffle, quant à lui, devait sauter ou se contorsionner pour éviter les obstacles. Il tentait également de repousser le plus jeune. Une chose dont le Gryffondor était convaincu : Cédric avait l'esprit de compétition.

Le vent avait cessé, s'était détourné pour combler un autre passage, mais les racines représentaient à elles seules un véritable danger.

Soudainement, au milieu de leur course effrénée, Cédric tomba. Les lianes, lierres et tout autre branchage magique tentaient de le tirer vers le mur, et le jeune homme ne parvenait pas à s'en défaire.

Neville n'attendit pas un instant. Il pointa sa baguette vers les liens du Poufouffle, et lança ses sorts pour les repousser. Il aida ensuite l'autre à se relever.

Le calme était revenu. Le Gryffondor était persuadé que ce ne serait que temporaire, mais le moment de répit était bienvenu.

« Ça va ? » demanda-t-il au plus grand.

Cédric acquiesça, à bout de souffle.

Pendant que l'attrapeur observait la coupe dont ils étaient encore éloignés, Neville regarda en arrière, espérant voir ce qui était arrivé à Krum. Mais le mur était fermé à plusieurs mètres de là, l'empêchant d'avoir toute visibilité sur le funeste sort de l'attrapeur de renom.

« Drôle de jeu, hein. », déclara le Poufsouffle après un temps où leurs cœurs étaient parvenus à prendre un rythme normal.

Neville hocha la tête sombrement. « Je n'aime vraiment pas ça. »

Cédric tourna les yeux vers le garçon, dans l'expectation, à la recherche d'un signe de ce qu'il aurait manqué sur l'attitude de son camarade. « Tu m'as sauvé. », nota-t-il comme s'il ne s'y était pas attendu.

« Personne ne devrait risquer sa vie dans un jeu. »

Le vent recommença à souffler. La tornade de feuille revenait. Et les murs reprenaient leur tâche de les avaler.

« Cours ! » crièrent les deux garçons en s'élançant vers le trophée.

Ils arrivèrent à ce qui aurait pu être appelé une clairière s'ils avaient été dans une forêt, et s'arrêtèrent devant le trophée. Ils étaient dans l'urgence, le labyrinthe semblant peu désireux de les épargner même maintenant.

« Prends-le ! » cria Cédric.

« Non ! »

« Tu m'as sauvé, tu aurais gagné ! »

« Ensemble ! » Ils allaient être enveloppés tous les deux par le piège du labyrinthe, ils devaient sortir d'ici.

Cédric accepta, et compta. « 3, 2, 1 ! »

Ils se saisirent chacun d'une poignée du trophée au même instant, avec la volonté et l'espoir d'échapper au cauchemar du labyrinthe omnivore.

Ils se sentirent tournés et transportés.