(La coupe de feu) Bartémius Crouch junior


Il faisait encore jour, mais plus pour très longtemps. Le ciel s'assombrissait, tout comme la température descendait et le doux vent de mai gelait les os de ceux qui, dans la foule, craignaient pour la sécurité de leurs amis.

Fleur et Krum étaient tous les deux revenus.

La Française était anxieuse et attentive, aux côtés de sa sœur et de sa directrice.

Le bulgare ne voulait pas parler de ce qui s'était passé, et il restait seul dans un coin. Son directeur était parti peu après le retour du champion, sans donner d'explication.

Harry avait du mal à rester en place. Il ne comprenait pas comment Draco pouvait demeurer aussi calme. L'attente était interminable.

À quoi cela servait-il de tous les regrouper ici, alors qu'ils ne pouvaient rien voir ou savoir de ce qui se passait pour les concurrents lors de leur parcours ?

Hermione avait posé une main sur l'épaule d'Harry dans une tentative de le calmer un peu, et assurait que les professeurs ne laisseraient aucun dommage arriver à l'un des champions, avec comme meilleure preuve à l'appui que Viktor était sorti de l'endroit sans avoir besoin de lancer un periculum.

Les élèves n'étaient pas les seuls inquiets.

Ils avaient peur pour leurs amis, mais parmi les professeurs, il y en avait qui avait ressenti une autre chose, plus terrible.

Severus savait parfaitement pourquoi Igor Karkaroff était parti, une soudaine expression de terreur extrême sur son visage. Comme lui, Igor avait senti la marque le brûler. Le Seigneur des Ténèbres appelait les siens.

Severus n'avait pas bougé.

Tout juste avait-il esquissé un léger hochement de tête, en apparence impassible mais en vérité grave, lorsque Albus s'était tourné vers lui en silence après avoir vu le départ de Karkaroff. Ainsi, le directeur de Poudlard avait compris. Ainsi, il savait que l'ancien Mangemort réformé fuyait. Ainsi, il avait eu la confirmation que la marque leur avait envoyé un signal.

Severus n'avait pas répondu à l'appel. Il ne pouvait pas, pas au milieu de cette foule, pas aux yeux de tous, pas avant d'avoir eu une dernière discussion pour mettre l'action en place… pas avant d'avoir pu s'assurer du retour de Neville. Albus voudrait lui parler, et pourrait encore avoir besoin de lui avant qu'il ne parte.

Car ils ignoraient s'il survivrait. Ils ignoraient s'il pourrait revenir. Donc ils devaient régler tous les détails avant son départ, et en particulier, ils devaient identifier celui qui leur échappait depuis le début de l'année, celui qui semblait avoir un plan étrange à l'esprit.

Severus jugeait que la brûlure de sa marque coïncidait bien trop avec la troisième tâche.

Il avait observé le regard étrange que Fleur Delacour avait lancé à Viktor Krum lorsque celui-ci était revenu. Il semblait y avoir eu dans cette expression un nombre varié de sentiments, dont de la crainte, de la colère, de la curiosité…

Le visage du bulgare avait été plus hésitant, et désolé. Il avait tenté de s'approcher de la fille, qui avait d'abord eu un mouvement de recul, mais elle avait accepté de l'écouter à voix basse. Il avait été à la fois bafouillant et frénétique. L'échange avait été bref. La Française avait paru accepter ce qui ressemblait à une justification, et les deux s'étaient éloignés.

Maintenant, la jeune femme était bien plus inquiète, songeuse, et le jeune homme était calme et s'isolait lui-même à l'écart.

La brûlure avait surgi peu après le retour de Viktor Krum. Cédric Diggory et Neville étaient encore dans le labyrinthe. Et le temps passait.


L'apparition soudaine des garçons avec la coupe fit entamer la musique de fanfare, les acclamations et les applaudissements de la foule. Tous se levaient pour s'approcher du champion, dans l'euphorie. Mais quelque chose n'allait pas.

Cédric Diggory était allongé sur le sol, et Neville était accroupi à son côté. La coupe avait volé plus loin.

Fleur Delacoure fut la première à réagir. Elle hurla.

Dumbledore et le ministre furent les premiers auprès de Neville, qui gémissait.

Le garçon releva des yeux trempés de larmes vers le directeur envers qui il avait toute confiance. Il parla doucement. « Il est revenu. Voldemort est revenu, directeur. Peter Pettigrow a tué Cédric sur son ordre. »

Severus et Minerva, suivis par Lily, tentaient de s'approcher. Le ministre vint vers eux, après avoir crié aux autres adultes d'empêcher les élèves d'approcher. Il chuchota aux seconds de Dumbledore. « Un garçon est mort. »

Severus marcha à grands pas vers l'endroit d'apparition, et s'y retrouva rapidement avec ses mouvements de capes intimidants. Il s'accroupit à côté de son directeur, et les deux hommes s'échangèrent un regard lourd de sens.

Maugrey s'approcha à côté de Neville pour le remettre sur ses pieds. « Je vais m'occuper de le calmer. », déclara-t-il.

Albus et Severus tournèrent leurs yeux vers l'ancien auror, et pendant que le directeur acquiesçait, le maître des potions saisissait l'expression paniquée, bien cachée derrière les larmes de chagrin, que Neville lui envoyait. Le garçon ouvrait la bouche, mais restait sans voix.

Neville ne savait pas comment le dire, par quoi commencer. Severus faisait bel et bien partie des trois absents du cercle. Et il n'y avait aucun doute sur lequel il était.

« Pardon, mais je peux le faire. », riposta Lily. Amos Diggory était arrivé auprès de son fils avec le soutien d'Arthur Weasley. Albus s'était détourné pour s'occuper de gérer la foule. Calmer tout ça allait demander beaucoup de travail, long et difficile. Severus s'était relevé. Il devrait aider Albus, mais le garçon semblait bien plus avoir besoin d'une potion calmante que du confort quelconque que l'ancien auror brusque serait capable de lui apporter.

Lily était arrivée avant que Severus ne puisse contrer la requête de Maugrey. Elle semblait décidée à s'en charger, ce qui était parfaitement compréhensible vu comme elle tenait à ce garçon. Ce ne serait pas la première fois non plus qu'elle se chargerait d'occuper un enfant perturbé et chagriné.

« Severus ! » appela Minerva, lui demandant clairement son aide. Le maître des potions n'eut pas d'autres choix que d'y aller.

Les amis de Neville tentaient de se frayer un chemin jusqu'au champion pendant que Maugrey refusait l'assistance de Lily.

« Je suis son professeur, Evans, pas toi. J'ai formé des aurors, et j'ai été confronté à des civils blessés ou qui venaient de perdre des proches. Je sais gérer ces cas. Tu n'as aucune formation. »

L'homme commença à s'éloigner avec Neville, et Lily attrapa son fils par le bras alors que celui-ci lui passait à côté.

« Où vas-tu, Harry ? »

« Quelle question ! Je vais avec Neville, il a besoin de moi ! »

Hermione, Draco, Ron et Ginny derrière lui acquiescèrent.

Lily les observa un instant, puis soupira. « Bien, mais seulement Harry. »

« Mais… »

« Pas de "mais", Draco. » Lily lâcha Harry et celui-ci s'enfuit à la poursuite de Maugrey et Neville.

« Mione et moi avons déjà vu beaucoup de choses. », assura Draco. « Nous les avons traversés avec Harry et Nev, et nous nous sommes relevés avec eux. Il n'y a pas de raisons pour que nous ne puissions pas les accompagner. »

« Vous n'avez jamais été confronté à la mort de quelqu'un, Draco. Cette fois est différente. »

« Pourquoi Harry alors ! »

« Parce qu'ils sont vraiment très proches l'un de l'autre. » Draco sembla sur le point de se battre encore, mais Lily reprit, son regard sur les deux rouquins. « Ronald, Ginevra, retournez auprès de votre famille. » Les deux obéirent à contrecœur. La femme observa à nouveau les deux adolescents restants. « Il n'y a aucune raison de rester ici. Que diriez-vous de retourner à Poudlard ? »

« Je suppose de notre propre côté sans suivre Harry et Nev ? » questionna Draco d'un ton glissant.

Hermione le réprimanda. « Draco ! Ce n'est pas le moment. Allons-y, Mademoiselle Evans. »

Alors, laissant derrière eux leurs amis et les professeurs gérer la situation alarmante, Hermione, Draco et Lily retournèrent à Poudlard.


Maugrey conduisit Neville et Harry à son bureau. Il n'avait pas pu empêcher le second de les suivre, mais leur avait imposé le silence durant la traversée. Il fit entrer les deux garçons, puis ferma la porte, avec le verrou. Il s'avança ensuite dans la pièce, et fit s'asseoir Neville. Harry restait aux côtés de son ami.

Il faisait nuit à présent, et le cheminement leur avait permis de se calmer.

« Ça va mieux ? » demanda doucement le professeur à l'élève.

Neville hocha la tête. « Oui. »

Avant que quoi que ce soit de plus ne soit dit, Harry prit la parole, son regard alternant entre l'excellent professeur et les étagères présentes dans la salle. « Il faut soigner le bras de Neville. Et toutes ses autres blessures, bien sûr. Nous devrions plutôt aller voir Madame Pomfresh. »

« Le mieux serait peut-être que je regarde. », répondit le professeur. Neville présenta son bras, où la manche déchirée permettait clairement de voir la longue entaille. Ce n'était pas assez profond pour saigner abondamment, mais toute la saleté autour risquait fort de faire s'infecter la plaie.

« Comment c'était ? » demanda l'homme alors qu'il observait la coupure.

« Quoi ? » demanda Neville.

« Là-bas, de voir le Seigneur des Ténèbres. » L'homme s'écarta des garçons après avoir malencontreusement appuyé sur la blessure douloureuse en se relevant. « Qu'est-ce que ça t'a fait de te retrouver face à lui ? » Il tenta de boire un coup de sa gourde. La chose semblait enfin à court de contenu.

« Je ne saurais dire… », dit doucement Neville.

Maugrey s'éloignait vers un autre coin de la salle, caché derrière un rideau, pour fouiller dans des flacons. Il les déplaçait comme s'il ne trouvait pas ce qu'il cherchait, et pour cause : ils étaient tous vides.

« C'était de loin la pire expérience que j'ai vécue. », poursuivait Neville.

« Si vous ne trouvez pas ce qu'il faut pour le soigner, nous pouvons aller à l'infirmerie. », coupa Harry.

« Il y en avait d'autres ? » demanda Maugrey, ignorant la remarque de l'autre garçon.

« D'autres quoi ? » questionna le garçon aux yeux verts.

« Dans le cimetière, il y en avait d'autres ? » répéta Maugrey avec précipitation.

Neville ouvrit la bouche, mais Harry fut plus rapide. « Quel cimetière ? »

« Le trophée était un portoloin. », lui expliqua doucement son meilleur ami.

« Tu n'as jamais parlé de cimetière… c'est vous ! Vous qui avez mis son nom dans la coupe, vous qui avez déposé le trophée dans le cimetière, qui y avez placé un portoloin ! » accusa Harry.

Maugrey commençait à chercher dans ses étagères à la recherche de la potion dont il avait besoin. « Vous pensez que Neville Longbottom, ce prodige de sottises, aurait réussi la première tâche si je ne l'avais pas aidé avec sa stratégie ? Vous pensez que Cédric Diggory lui aurait dit d'ouvrir l'œuf dans l'eau, si je ne lui avais pas dit moi-même avant ? Longbottom a gagné parce que j'ai tout fait pour ! »

Il se tourna vers le garçon-qui-avait-survécu, et s'en approcha lentement, intimidant. « Tu t'es retrouvé dans ce cimetière ce soir parce qu'il devait en être ainsi. Et maintenant, tout est accompli. » Il saisit le bras de l'adolescent et appuya là d'où le sang était sorti. « Le sang qui coule dans tes veines coule à présent dans celles de Lord Voldemort. »

Il s'éloigna encore. Harry attrapa Neville par le bras et tira pour le mettre debout. Ils devaient quitter la pièce. Mais Maugrey se retournait déjà à nouveau vers eux, et s'avançait de manière menaçante. « Imaginez ce que sera ma récompense quand il saura que j'ai une fois pour toutes réduit au silence le grand Neville Longbottom. »

L'homme sortit sa baguette avec une rapidité effarante. Les deux garçons n'eurent même pas le temps de tenter de lever les leurs. Toutefois, le premier sort qui retentit fut lancé par l'extérieur de la pièce, par Dumbledore qui fit se propulser la porte, et projeta Maugrey à l'autre bout de la pièce.

Le professeur de défense contre les forces du mal atterrit sur son fauteuil, et avant qu'il ait pu se relever, le directeur était déjà devant lui, suivi par les professeurs de potion et de métamorphose, et appuyait une main contre son col pour le maintenir assis tout en le menaçant de sa baguette.

« Severus. », appela Albus.

Le maître des potions ne se fit absolument pas prier pour verser dans la bouche du fou la potion qu'ils étaient allés récupérer avec de venir.

Severus avait déposé sa cape pour couvrir le corps de Cédric Diggory. Le ministre prenait les choses en main, et les professeurs avaient enfin pu s'éloigner de tout ça. Ils avaient des affaires plus pressantes à régler.

L'espion avait signifié à Albus et Minerva que c'était prétendument Alastor Maugrey qui avait dû placer le trophée dans le labyrinthe. C'était un rappel qui aurait pu sembler inutile, s'ils n'avaient pas su un détail supplémentaire. L'objet était un portoloin, et ce n'était certainement pas dans le labyrinthe que le Seigneur des Ténèbres était revenu, ni que Cédric Diggory aurait été tué par Pettigrow.

Il avait à cela ajouté qu'aucune arrivée de Mangemort n'avait pu être notée dans les alentours, ce qui aurait dû avoir lieu avec un appel de la marque. Minerva avait été choquée d'apprendre que la marque avait informé Severus de cela, mais il l'avait repoussé en lui rappelant que ce n'était ni l'endroit ni le moment.

Le plan avait été rapide à faire. Le garçon-qui-avait-survécu était actuellement avec le probablement faux Alastor Maugrey. Ils s'étaient rendus rapidement au château, et Severus était allé faire un tour dans la réserve pour récupérer le Veritaserum.

Potion qu'il venait de verser dans le gosier du professeur qui risquait fort de quitter l'école d'ici les jours suivants.

Albus força l'homme à avaler.

« Savez-vous qui je suis ? » ordonna-t-il.

« Albus Dumbledore. », vint la réponse.

« Êtes-vous Alastor Maugrey ? »

« Non… », fit-il d'une voix étranglée.

« Est-il dans cette pièce ? »

Les yeux de l'homme dérivèrent vers l'imposant coffre dont il n'avait pas dévoilé le contenu à Neville en début d'année.

Severus ramassa la gourde tombée devant le coffre, et les trois professeurs firent face au contenant magique.

« Neville, écarte-toi. », appela le directeur.

Les deux garçons se dépêchèrent de se placer derrière le maître des potions. Ce dernier lança un sort, aussi silencieux qu'usuellement, sur l'étrange objet. La malle commença à s'ouvrir comme une poupée russe. Quand le dernier étage fut enfin descellé, professeurs et élèves s'approchèrent.

Tout en bas de ce qui semblait être une profondeur digne de la tour de Raiponce, se tenait un homme à moitié dans l'obscurité, une moitié de jambe en moins, et une main posée sur son œil gauche.

« C'est le professeur Maugrey ! » nota Harry. Severus le repoussa derrière lui.

Albus se pencha pour crier à son vieil ami. « Alastor, comment vous sentez-vous ? »

« Je suis navré, Albus. », répondit l'homme au fond.

« Mais alors qui… », s'interrogea Harry.

Severus vérifia l'odeur de la flasque d'alcool de Maugrey pour vérifier l'hypothèse que lui et Albus savaient déjà, pendant que Neville chuchotait « Bartémius Crouch junior. »

« Du polynectar. », affirma le maître des potions.

« Maintenant, nous savons qui volait dans ta réserve, Severus. », commenta Albus, avant de se pencher à nouveau au-dessus de la grande ouverture. « On te sort de là dans un instant. »

Ils furent interrompus par les bruits étranges qui émanaient de l'homme dont l'effet polynectar cessait. L'ajout d'un œil et d'une jambe alors qu'il portait les prothèses de Maugrey était une épreuve très pénible, d'autant qu'il n'avait pas beaucoup de points communs physiquement avec l'auror. Il se tordait sur sa chaise, et enleva lui-même l'œil magique en hurlant avant que le sien ne reparaisse. Le spectacle était terrifiant aux yeux des adolescents.

Enfin, la transformation cessa. L'homme tenta de bondir vers Neville, qui était resté bien éloigné au contraire d'Harry qui s'était approché avec curiosité, mais Dumbledore repoussa le sorcier sur la chaise, et McGonagall pointa sa baguette vers l'homme pour l'empêcher de retenter une telle chose.

« Montre-moi le tien, et je te montre le mien ! » cria le Mangemort en relevant la manche de son bras gauche. La marque était d'une visibilité parfaite, d'une noirceur totale, et se mouvait même sur la peau du sorcier.

Albus attrapa Neville et lui fit tendre le bras pour observer. Il n'avait pas repéré avant cela la blessure du garçon-qui-avait-survécu.

Bartémius riait. « Vous savez ce que cela signifie. Il est revenu. Lord Voldemort est de retour ! »

« Envoyez un hibou à Azkaban. Ils vont découvrir qu'il leur manque un prisonnier. », décréta Albus. Minerva quitta la salle, et le directeur se détournait également, en posant ses mains dans les dos des deux garçons pour les pousser vers la sortie avec lui. Il avait obtenu tout ce qu'il lui fallait de cet homme. Ils n'avaient pas besoin de plus pour savoir qu'ils devaient se préparer à la nouvelle guerre, rappeler les anciens combattants.

« Tout le monde va m'accueillir en héros ! » cria le fou dans son dos. Du même coup, il avait tenté de se relever, mais Severus avait pointé vivement sa propre baguette directement appuyée sur la joue du Mangemort.

« Peut-être. Moi, je n'ai jamais eu beaucoup de temps pour les héros. », conclut le directeur à la porte.

Les deux anciens collègues étaient laissés seuls — Maugrey au fond de la malle comptait-il vraiment à ce stade ? —, et ne disaient plus rien. Ils n'avaient rien à se dire. Bartémius avait accompli sa mission, et Severus savait que Voldemort était de retour, que tout recommencerait, que tous seraient en danger. Et cette fois, il ne pensait pas pouvoir parvenir à les protéger. L'enfer revenait.