(La coupe de feu) Le choix
« Avant que tu ne partes, il reste quelques points à décider, alors. », trancha Albus. Le vieil homme porta son attention sur Harry. « Harry, tu comprendras qu'il n'est pas possible que toi et ta mère… »
« Non ! » refusa le garçon.
Remus s'approcha de l'adolescent. « Harry, tu dois accepter… »
« Non ! Je refuse ! » Il se tourna vers Severus. « Tu sais. C'est avec toi que je veux rester, c'est avec toi que ma mère va bien. » Il avait les larmes dans les yeux, et sentait sa colère l'envahir. Mais Lily, arrivée dans son dos, posa ses deux mains sur les épaules de son fils. Celui qui était encore un enfant se figea. Sa mère l'attira contre elle, et l'entoura de ses bras. Elle tourna son regard vers Remus, puis le fit dériver vers Severus et Albus, en passant brièvement par Sirius.
« Que proposez-vous ? »
Severus parla de sa voix douce mais sans émotion. Il était bien caché derrière son occlumancie. « Black est toujours un fugitif, et Lupin un loup-garou. »
« Tu vois, il n'y a toujours personne d'autre. », intervint encore Harry.
« Nous en avons déjà discuté. »
« Oui, et mon opinion n'a pas changé. »
Molly décida d'apporter son assistance. Étant une mère dans l'âme plus que toute autre chose, il était inimaginable pour elle de laisser un enfant sans famille. « Nous pouvons te prendre sous notre toit. La maison t'est grande ouverte, Harry. »
Harry fronçait les sourcils, soucieux, alors qu'il tournait la tête vers la femme. Elle souriait, mais il ne savait pas du tout ce qu'il devrait ressentir face à une telle offre. Il ne la connaissait pas beaucoup, même si toutes ses rencontres avec elle avaient été bonnes. Il était bien sûr ami avec les enfants Weasley, du moins avec les jumeaux, Ron et Ginny, mais de là à vivre dans leur maison comme s'il s'agissait de son propre foyer…
Draco, de son côté, ne cacha pas son dégoût, et ne put se retenir de son commentaire. « Pouah, pourquoi pas au manoir Malfoy tant que vous y êtes ! Avec Ronald tout l'été, vraiment ? À la place d'Harry je préférerais me pendre à mon balai à deux doigts du vif d'or. »
« Ça pourrait toujours s'arranger. », grogna Ron auprès de Neville, alors qu'Hermione s'exclamait. « Draco ! »
Ginny, le regard noir, s'avança vers le Serpentard. « Laisse tomber, Mione, nous sommes parfaitement capable de nous venger de cette insulte nous-mêmes. »
La fille à présent juste devant lui, leur visage très proche l'un de l'autre dans une claire tentative d'intimidation de la rouquine, Draco ne se montra pas impressionné, et haussa brièvement les sourcils dans une moquerie provocante, comme pour dire « essaye de me le faire regretter ». La plus jeune ne se fit pas prier.
« N'est-ce pas, Drac ? »
Draco rougit de colère dès l'utilisation du surnom. Mais ni Ginny ni lui n'eurent le temps de rajouter autre chose. Severus coupa court. « Cessez ces enfantillages. Madame Weasley, au risque de vous contrarier, dois-je vous rappeler que vous avez à peine les ressources suffisantes pour subvenir aux besoins de vos trop nombreux enfants ? Vous ne pouvez pas, avec toute la pureté de vos sentiments, héberger un adolescent nécessiteux supplémentaire. »
Le maître des potions regarda à nouveau la femme et le garçon dont il préférerait tant pouvoir prendre soin lui-même. Mais cela lui était impossible. Ils ne pourraient jamais être une famille, et il savait depuis le premier jour que ça leur était interdit, et le resterait jusqu'à la fin. « Lily ira chez sa sœur. »
« Tante Pétunia ?! » s'étrangla Harry. Il pouvait apprécier sa tante, à petite dose, la vie dans la maison Dursley était loin d'être toujours plaisante, avec Dudley, Oncle Vermon, et particulièrement l'arrivée éventuelle de Tante Marge. De plus, Tante Pétunia était loin de lui avoir fait bonne impression vis-à-vis de ses opinions sur sa mère.
Dumbledore caressait sa barbe. « Je m'occuperais d'officialiser tout cela au ministère. Il ne faudrait surtout pas que Voldemort pense que tu as encore des mots à dire sur ses sujets, et encore moins qu'il en ait une preuve. » Il se tourna vers Neville. « Neville, combien étaient-ils ce soir ? »
« Qui ? Les Mangemorts ? »
Severus posa un regard ennuyé vers lui, et prit un ton glissant. « Évidemment. »
« Euh… six, monsieur. Enfin, six sont venus à l'appel, donc avec Peter, ça fait sept. »
« Merci, c'était tout ce que je voulais savoir. », fit gentiment le directeur. Le vieil homme et le jeune professeur échangèrent un regard. Le plus âgé hocha gravement la tête, ils pensaient à la même chose. C'était comme s'ils savaient précisément qui avait été là ce soir.
Arthur n'ignorait pas qui étaient les Mangemorts qui avaient échappé à la justice. Il tourna un regard blême, tentant de cacher son expression horrifiée du mieux qu'il pouvait, vers le jeune Malfoy. Le garçon ne semblait pas savoir ce que cela signifiait, ou alors il était bon comédien.
L'adolescent était bien trop calme, et éventuellement prêt à se moquer comme l'avaient démontré quelques interactions entre les enfants qui avaient eu lieu dans cette infirmerie. Soit Draco était totalement ignorant des implications de son père, soit il ne pensait pas assez loin, ou peut-être était-il naïf.
Quoiqu'il en était, Arthur pesait bien que si Dumbledore et Snape songeaient à faire s'éloigner les enfants de Mangemorts, ils ne pourraient rien faire pour les fils Malfoy, Crabbe, Goyle et Nott. Il n'avait pas la moindre idée de ce que cela signifiait pour ces adolescents, il n'y avait jamais pensé. Il y avait toujours eu une frontière entre Serpentard et Gryffondor, et Arthur avait toujours déprécié ces personnages.
Maintenant qu'il était adulte, et qu'il voyait le Serpentard être, semblait-il, ami avec ses enfants dans une certaine mesure, il ne pouvait s'empêcher de s'interroger. Comment se passaient les choses pour les enfants de Mangemorts. Comment ça se passait sous le règne de Voldemort ? Les enfants de Serpentard étaient-ils vraiment épargnés des horreurs de la guerre ? Choisissaient-ils volontairement le chemin de leur parent, ou cela leur était-il imposé jusqu'à ce que ça imprègne leur cœur ?
Arthur détestait Lucius, et ne changerait sans doute jamais d'avis. Il ne l'imaginerait certainement pas être un bon père. Il avait pensé que l'enfant serait comme Lucius, mais ce n'était pas le cas. Ce n'était pas un garçon intrinsèquement mauvais. Un enfant ne devrait pas être leur ennemi. Même les élèves qui étaient mauvais avec leurs camarades ne devraient pas avoir à choisir un camp dans une guerre, ils devraient pouvoir profiter de la sécurité de l'école.
Ron s'était mal comporté pendant deux ans, avait-il semblé, et pourtant il était son fils et un bon garçon. Draco Malfoy ne devait pas être très différent.
« Y a-t-il autre chose, Albus ? » demanda Severus. Il était temps pour lui d'y aller.
« Non. », murmura doucement Albus. Il ne montrerait pas son inquiétude, mais il redoutait ce qui probablement devait également effrayer Severus, il craignait ne plus le revoir après ce soir. Il appréhendait les risques qu'après le retour de l'espion auprès de son premier maître, le jeune sorcier ne puisse pas revenir. C'était une possibilité, et pas des moindres, que Severus ne survive pas à sa rencontre avec Voldemort. Mais ils savaient l'un et l'autre qu'il n'y avait pas de choix. Severus ne reculerait certainement pas devant ce danger, et Albus en avait bien trop besoin pour lui dire de ne pas y aller.
La décision avait été prise dès la fin de la Première Guerre, dès le moment où le chef de la lumière avait soupçonné le retour prochain du Seigneur des Ténèbres. Et s'ils n'avaient pas déjà assez préparé la chose, tout fait pour rendre Severus le moins suspect possible, compte tenu des circonstances, ils avaient tous les deux compris que le moment approchait dès le début de cette année. Et Severus, comme Albus, avait déjà fait son choix.
Severus hocha la tête. La sentence était tombée. Il irait dès maintenant. Il se détourna pour partir, dans le silence de la salle… mais une voix soudaine l'arrêta.
« N'y allez pas ! »
Et ce n'était ni Harry ni Lily, pas même Draco. Non, c'était Neville.
Severus tourna un regard curieux vers le garçon. Qu'est-ce qui lui prenait cette fois ?
« N'y allez pas. », répéta avec conviction l'enfant qui n'avait pas à exprimer son avis.
« Et pourquoi donc, je vous pris, monsieur Longbottom ? »
Neville secoua la tête un instant, les yeux fermés, puis les rouvrit et fixa son regard dans les deux puits noirs du maître des potions avec toute sa détermination, empoignant son courage de faire face, d'affronter tout autant ses amis que ses ennemis, qui était toujours là, en face.
« Si tu y vas, tu mourras. Il sait que tu es un traître. Il l'a dit ce soir. Mis à part ceux emprisonnés à Azkaban et Bartémius Crouch Junior, il y avait deux absents. Un lâche, qui le paiera. Et un qui l'a définitivement quitté et qui mourra. Et nous savons lequel tu es. »
Draco blêmit. Severus ne broncha pas.
« Aussi sages que soient vos intentions, Monsieur Longbottom, il est inutile de vous inquiéter. »
Harry ne pouvait l'accepter. Il s'écria. « Inutile ?! Oh, Voldemort a juste annoncé qu'il te ferait tuer, mais non, inutile de s'inquiéter ! Professeur Dumbledore, dîtes quelque chose ! »
Minerva se tourna vers le directeur avec une inquiétude très marquée. Le vieil homme avait les traits gravés par la gravité de toute leur situation. Mais il ne disait rien pour retenir leur collègue et ami. « Albus, vous ne pouvez certainement pas le laisser y retourner… »
« Cela ne vous concerne pas, Minerva. », cingla le plus jeune professeur.
« Excusez-moi, jeune homme, mais je suis dans l'Ordre depuis plus longtemps que vous. Mon avis compte. »
« Le mien aussi alors ! » intervint Sirius avec un sourire vers son ancien professeur de métamorphose. Il se tourna vers son ancien ennemi. « Sérieusement, Servillus, je détesterais que ce soit nos dernières paroles. Ils ont raison, tu ne devrais pas y aller. » Il regarda le reste de l'assemblée, ouvrant grand les bras dans un mouvement de spectacle. « Allez, si moi je le dis, ça vaut pour tous, non ? »
Arthur opina du chef. « Si ce que Neville dit est vrai, c'est beaucoup trop dangereux, et totalement inutile. »
Molly approuva. Elle connaissait peu l'homme mis à part qu'il avait été le professeur de potion de chacun de ses enfants depuis la première année du plus âgé jusqu'à maintenant, la troisième année de sa plus jeune.
Même s'il était désagréable, sombre, et injuste, il avait marqué leurs esprits, et pas uniquement en mal. De plus, même si personne ne lui faisait vraiment confiance en dehors du directeur et de la directrice adjointe, il semblait assez évident dorénavant pour la mère expérimentée qu'il se battait contre Voldemort.
« Il est hors de question que tu y retournes dans ces conditions ! » déclara-t-elle avec un ton qui n'attendait aucune négociation possible. Seulement, elle ne s'adressait pas à un de ses enfants, mais à l'un de leur professeur. L'homme n'était aucunement intimidé par ses manières de mère imposant une décision à son enfant.
« Laissez-le y aller. », maugréa Maugrey. « Qu'il y aille, et s'il revient, on pourra toujours s'interroger sur sa vraie allégeance. J'aimerais bien savoir quelle est la raison pour laquelle Albus lui fait confiance. »
Lily lança un regard noir à l'homme. « Moi et Harry comme raison, ça ne suffit pas ? Qui dans cette salle doute vraiment de la loyauté de Severus ? J'écoute. Qu'il ose me le dire en face. »
Remus secoua la tête. « Severus ne devrait pas y retourner. Et pour ceux qui doutent, je crois en lui. »
« N'y allez pas, professeur. », plaida Hermione à son tour.
Ron et Ginny restèrent résolument dans le silence, mais les jumeaux certainement pas.
« Vous devriez écouter la voix de la raison, professeur. »
« Vous essayez tellement de nous la faire entendre… »
« … vous ne devriez pas être celui qui l'ignore. »
« Et puis, vous êtes un bien trop bon professeur de potion. »
« Arrêtez-vous là. », les coupa Severus.
« Quel dommage… »
« Nous qui commencions tout juste… »
« … à nous amuser. »
Severus leur envoya un regard noir, et ils rirent un peu mais se turent. Draco se tourna vers Neville.
« Qui d'autre était-là, précisément ? As-tu reconnu certains ? Est-ce que… qui est le lâche ? »
Ce fut Severus qui répondit à son filleul. « Karkaroff est certainement un lâche, mais il n'est pas exclu que ce soit moi que le Seigneur des Ténèbres est qualifié de lâche, et que Karkaroff soit le traître. Il a donné des noms de nombreux Mangemorts dans l'espoir d'obtenir la liberté. »
Son filleul lui rendit une expression sombre dans le regard, bien que sa peau soit divinement pâle de toutes les révélations de la soirée. Il semblait que le garçon comprenait enfin que son père avait été de ces Mangemorts. « Que je sache, aux dernières nouvelles, il n'a pas personnellement appréhendé l'un de ses "collègues". »
« Cessez de chercher des arguments. Pensez-vous vraiment que je les ignore ? Que je ne connais pas les risques ? Cela ne relève de l'avis d'aucun de vous. » Severus, qui avait particulièrement observé Draco et Harry, tourna plutôt son insistance vers Minerva. « D'aucuns. »
La vieille femme rouvrit la bouche, mais fut coupée par Albus. « Severus y retourne. »
« Vous n'y pensez pas, Albus ! » s'insurgea la directrice adjointe.
« Bien sûr que si, Minerva. C'est à Severus seul de décider s'il est prêt. S'il dit qu'il est, c'est qu'il l'est. »
« Pas sans mon avis. », intervint la voix claire et inhabituellement — depuis treize ans — tranchante de Lily.
Alors que tous les regards se tournaient vers la femme, celle-ci s'avançait vers Severus. Elle s'arrêta juste devant lui, et il restait patiemment, attendant qu'elle parle. Toutefois, rien de ce qu'elle dirait ne le ferait changer d'avis, et ils le savaient tous les deux.
Les yeux onyx et les émeraudes plongeaient chacun dans les profondeurs brillantes de l'autre. Ils restèrent ainsi, silencieux, quelques instants. Puis, la femme murmura. « Nous devrions parler. » Elle l'attrapa par la main, et commença à le contourner pour quitter l'infirmerie. Avant qu'il ne bouge, elle se retourna, et parla fort vers le directeur. « Et aucun de vous ne nous empêchera d'avoir une discussion. »
Albus hocha la tête, alors que la femme se détournait déjà à nouveau. Lily et Severus quittèrent le lieu.
Ils restèrent juste de l'autre côté de la porte. Dès que Severus avait refermé, Lily s'était retournée vers lui et l'avait lâché.
« Pourquoi irais-tu ? »
Il l'observa avec une certaine neutralité calme. « Je le dois. C'est mon devoir. »
« Un chevalier ne devrait jamais aller au combat sans la bénédiction de sa dame. »
« Lily, arrête ça… »
Elle l'interrompit. « Severus, nous ne sommes effectivement plus des enfants. Je suis adulte, et capable de prendre mes propres décisions, tout comme toi. Tu veux y aller ? Tu veux te battre à ta manière dans cette guerre ? Tu veux être utile à la défaite de Voldemort en étant un espion ? Tu veux risquer ta vie pour donner un espoir aux nôtres ? Alors moi aussi, je me battrais, Severus. Je ne suis plus cette fleur fragile et gracile. Je suis une sorcière capable, je suis une lionne énergique, une tigresse implacable. Oui, j'ai peur. Pour toi, pour moi, pour mon fils. Et pour le monde sorcier. Tu t'en vas ? Sache que je reste aussi, pour défendre ceux que j'aime. »
Elle s'approcha davantage. « Mais si ça doit être la dernière fois que l'on se voit, la dernière fois que l'on puisse se parler… » Ses mouvements furent lents et doux, mais le résultat était le même que si elle s'était jetée à son cou. Elle l'avait entouré au-dessus de ses épaules, et avait posé sa tête contre lui. « Je ne te laisserais pas partir sans un adieu. », souffla-t-elle, les larmes dans les yeux et la voix.
Il posa une main sur la chevelure rousse de la femme. C'était toujours aussi doux. Il ne pouvait pas rester impassible à ce mouvement. Pas maintenant, alors que ça pourrait bien être leur dernier temps ensemble, et qu'elle acceptait de le laisser partir. Il avait besoin de courage pour retourner, volontairement, vers la guerre qui débuterait bientôt. Et il avait besoin de courage pour accepter le réconfort de Lily.
La gorge serrée, il entoura délicatement la taille de la femme avec son autre bras. Elle modifia la position de sa tête pour se poser contre son épaule, et il abaissa la sienne à la symétrique. Il était peut-être plus grand qu'elle, ce n'était pas d'un ordre de grandeur, à peine d'une demi-tête.
Il respirait les cheveux de la belle et douce femme, la mère du garçon qui voulait si désespérément qu'il soit plus qu'un professeur ou un aide-soignant. « Je dois y aller. », chuchota-t-il.
« Reviens-moi. Reviens en vie et entier. », répondit-elle dans un murmure.
Il s'écarta en douceur, et elle accepta du même temps de le lâcher. Il ne répondit pas par l'affirmative, ni ne hocha la tête en compréhension ou en accord. Au lieu de cela, il envoya un froid dans le cœur de la femme avec ses derniers mots. Un terrible froid car même si elle ne se souvenait pas de tout, elle avait la sensation que ce serait la première fois de leur vie qu'il lui disait ces mots, et que ça ne signifiait qu'une chose.
« Je t'aime. »
Il partit, et elle savait qu'il ne pensait pas revenir. Elle serra ses doigts autour de la petite fiole qu'il avait glissée dans sa main avant de s'éloigner dans le couloir sombre. Le contact avec le verre était froid. Lily resta un petit moment à cet endroit, son regard baigné de larmes toujours fixé sur les ténèbres de la nuit où il avait disparu.
Elle savait qu'il ne l'aurait jamais dit s'il ne songeait pas à la possibilité de mourir aux mains de son ancien maître que nuls ne quittent. C'était son mot d'adieux, et elle ne savait pas si elle devrait détester cela ou l'accepter avec bonheur. Quelle joie y avait-il quand ces termes se traduisaient par d'autres bien funestes : « Adieux, je vais mourir. »
Cela pourrait sembler lâche de ne l'avouer que lorsque l'ombre de la faux planait au-dessus d'eux. Mais c'était juste la manière de Severus de refouler ses sentiments, de ne jamais montrer les meilleurs, peut-être par peur de la réponse à une époque, mais plus par éthique morale et honneur ces dernières années. S'il le disait à présent, ce n'était pas qu'il espérait ne pas avoir à subir les conséquences. C'était uniquement pour ne pas mourir dans l'oublie, c'était pour établir la vérité avant la fin, parce qu'il voulait que quelqu'un sache, et que ça devait être elle.
Il était un espion, et il préférerait mourir que de faillir à sa tâche. Il emporterait les secrets de son allégeance dans sa tombe s'il en avait le choix face au Seigneur des Ténèbres, il ferait tout pour rester vivant et cet espion. Mais s'il venait à mourir, il ne voulait pas mentir à Lily. Et elle le savait.
Elle essuya ses larmes avec sa manche, et pénétra à nouveau dans l'infirmerie. Ils étaient encore tous là, parlant en différents groupes de choses et d'autres, plus certainement de la guerre prochaine et de l'organisation et la préparation qu'il devrait faire. Elle s'approcha du directeur.
« Il est parti. »
L'homme hocha la tête. Le visage de Minerva se décomposa, rongé par l'inquiétude.
Sirius n'en revenait pas. « Il ne peut pas… être aussi… con, n'est-ce pas ? On lui dit qu'il va se faire tuer, et il y va ?! »
Remus regarda son ami. « Tu pensais qu'il ne le ferait pas ? »
« Ouais, j'avoue avoir cru un instant qu'il aurait trop peur, et je dirais qu'il aurait eu raison, même si j'aurais surtout moqué sa lâcheté. Mais là… »
« Peut-être que tu pourrais accepter qu'il est juste courageux. »
« Ouais ? Vraiment ? C'est du suicide. »
« Il ne s'agit plus de simplement rendre des coups, Sirius. »
« Ouais, bah je dirais surtout qu'il est inconséquent cette fois. »
Remus soupira juste. Il était inutile de se battre avec son ami têtu, et il se doutait bien que même si l'autre homme détestait Severus, il admirait aussi son audace de tenir tête à Voldemort. Et malgré tout ce que diraient les deux rivaux d'adolescence, et les preuves évidentes de leur haine l'un de l'autre, Remus savait qu'ils avaient réussi à créer un lien par leur action commune pour éduquer Harry.
Lily ne fit pas attention aux deux Maraudeurs. Elle se concentrait sur Albus et Minerva. « Je veux lutter aussi, dans l'Ordre. »
McGonagall secoua la tête, agacée par ces jeunes inconscients.
Lily posa ses mains sur ses hanches, énervée. « Je vous signalerais que Severus savait qu'il n'avait pas son mot à dire sur cette décision, que je suis en pleine possession de mes moyens, et qu'il approuve, à défaut de l'apprécier, ma décision. »
« Et comment pourrions-nous savoir que tu ne parles pas dans son dos ? » interrogea Dumbledore.
Lily s'offusqua. « Je n'ai pas besoin qu'il décide pour moi ! Et dois-je vous signifier qu'il ne serait pas parti comme ça, qu'il n'aurait pas approuvé que j'aille chez ma sœur, s'il avait pensé que je n'étais pas à même de m'en sortir. Il me manque des souvenirs, mais pas la capacité de me battre contre Voldemort. »
« D'accord. », accepta Albus. « Bon retour parmi nous, Lily. »
