(La coupe de feu) Le retour de l'espion


Il était tard dans la nuit. Il n'y avait toujours pas un souffle de vent, pas un son ne s'élevait dans l'air lugubre qui dominait l'obscur endroit insalubre, pas un indice que quelque chose serait vivant.

L'homme sombre s'avançait dans la pénombre, son ombre se mouvait comme un corbeau annonciateur de malheur, sa pâleur était au reflet de l'absence de chaleur, et de sa marche vers ce tombeau que creuserait certainement celui qui persiflait si souvent.

Ce n'était ni décombres ni catacombe. Et pourtant la fatalité austère s'élevait de partout, elle tentait de lui insuffler ce sentiment de terreur qui devrait le faire fuir. Mais il ne se déroberait pas au devoir qui lui incombait.

Il marcherait la tête haute, et si possible il en ressortirait, vainqueur d'un difficile combat d'esprit, victorieux d'obtenir une confiance qu'il ne méritait plus mais qui pourrait sauver la vie de beaucoup par les actions qu'il pourrait alors à nouveau entreprendre.

S'il perdait, alors il le paierait de sa vie. Qui pouvait être prêt pour une telle perspective ? Même l'homme vieux et sage, arrivé à la fin de sa vie, ne serait pas pleinement préparé à affronter cette expérience que nul ne pouvait appréhender avant d'y faire face.

Pourtant, ce sorcier-là savait qu'il marchait sur cette ligne délicate, sur ce fil fin d'où il pourrait basculer d'un instant à l'autre, et s'engouffrer alors dans la plus grande obscurité, la plus grande zone d'ombre inexplicable que la vie fournissait : la mort.

Il n'y avait pas la place pour le doute, pas de permission d'hésiter ou de reculer. Il affronterait ce qui l'attendait, et quelle qu'en soit l'issue, il l'accepterait avec dignité.

Il avait beaucoup à perdre. Et s'il perdait, ce n'était pas seulement ceux qui comptaient sur lui qui en pâtiraient, ce serait un tournant dans la guerre, un désavantage pour la prétendue lumière.

Il avait grandi, il avait mûri depuis sa dernière rencontre avec le puissant mage noir. Il ignorait ce que seraient les capacités de son maître ressuscité, l'homme serait-il toujours aussi puissant qu'avant, et aussi intelligent ? Le serait-il plus, moins ? Comment savoir, sinon d'aller affronter la chose elle-même, par lui-même. Et il escomptait bien rapporter la réponse à ces questions au directeur de Poudlard.

Toute l'année, il avait su que ce moment arriverait. Il aurait aimé que ce ne soit jamais le cas. Mais c'était là, presque devant lui. Il pénétra dans le manoir anciennement moldu, devenu le repère du Seigneur des Ténèbres. Il n'était sans doute pas le bienvenu. Mais il devait venir.

Que ce soit Voldemort qui attendait de chacun de ses serviteurs qu'ils se présentent, ou Dumbledore qui comptait sur lui pour reprendre son rôle nécessaire dans la guerre, ou simplement sa propre conscience qui lui imposait ce devoir, le résultat était toujours le même : il avait dû venir ici, en ce lieu.

Comme Dumbledore avait réuni une partie de l'Ordre autour de lui à l'infirmerie de Poudlard, le Seigneur des Ténèbres avait gardé les siens dans une réunion longue et pénible.

Lorsque Severus se présenta à l'entrée de la salle, dans sa cape et son masque de Mangemort, le silence tomba, et les têtes se tournèrent vers lui. Personne ne semblait s'être attendu à sa visite. Les six serviteurs du mage noir étaient tous à visage découvert, et aucun ne semblait apprécier être là ou avoir été épargné de la colère de leur maître.

Le Seigneur des Ténèbres n'avait certainement pas apprécié que Neville lui échappe, encore une fois. Et ses serviteurs, qui l'avaient ignoré pendant treize années, avaient certainement pu ressentir le mécontentement de celui qui ne semblait plus tout à fait humain.

Si Avery était ahuri, Crabbe et Goyle estomaqués, Nott et Yaxley plus soucieux de cacher les apparences, et Pettigrow complètement abasourdi, le plus marqué par l'émotion était Lucius.

L'homme généralement froid et dédaigneux semblait avoir été mieux épargné, ou simplement le cachait-il mieux, il avait probablement usé de sa langue experte en gymnastique roublarde pour se trouver une excuse. L'homme blond qui avait fait de Severus le parrain de son fils ne s'était pas attendu à le voir reparaître ce soir, et sous son masque pâle, ses yeux brillaient d'inquiétude.

Voldemort fut le premier, bien évidemment, à se remettre de son étonnement peu marqué. Il sourit doucement, jouant avec sa baguette délicate entre ses doigts fins. « Severus, quelle belle surprise… les masques sont tombés ce soir, tu vois. Vous êtes si peu, et vous devez tous vous connaître avec ces procès qui vous ont épargnés après mon départ. Enlève-le. »

C'était un ordre clair. Toujours à l'entrée de la salle, Severus fit disparaître son masque avec un simple petit mouvement de baguette, son bras toujours le long de son corps. Il enleva masque et capuche, pour correspondre à la présentation qu'affichaient les autres Mangemorts. Il ne dit rien, ni ne bougea davantage.

Voldemort se leva doucement. « Severus, dis-moi… pourquoi as-tu échappé à Azkaban ? Pourquoi as-tu été épargné alors que tant des nôtres sont tombés aux mains du Ministère et des tourments des détraqueurs chaque jour depuis ma disparition ? »

Voldemort marchait lentement à côté de la longue table qu'il devait contourner pour s'approcher de son Mangemort. Severus répondit calmement, sans attendre.

« J'ai tenu mon rôle, mon Seigneur. Je devais faire croire à Dumbledore que j'étais de son côté, afin de mieux vous servir et de pouvoir vous rapporter des informations. Il pensait que j'étais son espion, alors il a témoigné pour moi et m'a défendu. »

Voldemort s'arrêta derrière Lucius, les mains sur le haut du dossier de la chaise du noble blond. Lucius, son regard s'abaissant sur la table avec une anxiété et une terreur bien perceptible derrière son masque usuel de grand sang-froid, démontrait par là un comportement qui reviendrait à déglutir s'il avait eu un moins bon contrôle sur ses réactions instinctives.

« J'ai entendu dire… », reprit le Seigneur des Ténèbres, « … que Lucius et toi étiez restés proches, que vous vous étiez… soutenus dans ces moments difficiles. »

« Il est vrai, mon Seigneur, que Lucius et moi sommes amis. Toutefois, je vous assure qu'aucun de nous n'est venu défendre l'autre à son procès. Je ne me serais pas permis d'éveiller les soupçons de Dumbledore en soutenant ce qu'il considérait encore comme un véritable Mangemort, et Lucius ignorait tout de mes actions d'espionnages qui restaient uniquement entre vous, moi, et Dumbledore.

« Je dois avouer, mon Seigneur, que sans vous à notre tête, nous avions perdus tout espoir et ne nous sommes que très peu entraidé. Cela expliquerait en partie le nombre important de Mangemorts qui n'ont pas pu échapper à l'autorité du Ministère. »

« J'ai cru comprendre que tu étais un ami de la famille de Lucius. Tu es proche de son fils et de sa femme, également. »

Severus ignorait le regard de désespoir que Lucius lui envoyait.

« En effet, mon Seigneur. »

« Alors peux-tu me dire… » Voldemort lâcha la chaise de Lucius et tint de manière frappante sa baguette. Il fit deux pas de plus pour s'approcher de Severus, et son regard devint subitement très froid, comme sa voix. « Pourquoi tout le monde semble penser que tu es la raison pour laquelle la sœur de Narcissa, Bella, est à Azkaban ? »

Nul n'ignorait, parmi les Mangemorts, que Severus et Bellatrix n'avaient jamais été véritablement en bons termes. Pour ainsi dire, ils se méprisaient et se réprouvaient ouvertement, presque à chaque rencontre. Il serait naturel qu'à présent, au vu de la tournure de leur dernière interaction, les choses entre eux iraient de mal en pis, ils s'abhorreraient. Du moins, Bellatrix semblerait avoir de bonnes raisons pour, et elle n'était aucunement du genre à pardonner un affront.

Peu osaient la provoquer, car sa nature incontrôlable, vengeresse et impulsive n'enlevait pas le fait qu'elle était l'une des plus puissantes sorcières, et qu'elle était d'une grande habileté. Severus ne l'avait jamais craint, et il était peut-être le seul avec Lucius et Narcissa à s'être permis de la critiquer en face, plusieurs fois, et à s'en être sorti sans rien d'autre qu'un duel inachevé.

Mais leur dernier accrochage avait nettement tourné en la défaveur de Bellatrix. Une défaveur qui, maintenant devant Voldemort, pourrait bien être plutôt celle de Severus.

Severus savait qu'il était parfaitement inutile de mentir au Seigneur des Ténèbres. L'homme connaîtrait la vérité, et s'il ne la donnait pas tout de suite, la punition serait encore pire que celle qu'il subirait normalement pour cet affront. Il n'y avait pas de bonnes réponses quand on était celui qui faisait perdre sa favorite à son seigneur.

Malgré la froideur de Voldemort, Severus conserva son apparence calme et son ton mesuré.

« Mon Seigneur n'est pas sans savoir que je lui avais demandé grâce pour Lily Potter, et que vous me l'avez accordé dans votre grande générosité. Bellatrix parut ignorer cette faveur, et j'ai pensé qu'il était dans mon droit d'intervenir entre elle et Lily Potter. Je n'avais cependant pas songé un instant qu'au même moment vous étiez chez les Longbottom et disparaîtriez à l'issue de cette nuit. Je n'eus guère le temps de faire sortir Bellatrix ou de vous demander ce que nous devrions faire, si elle était là sous vos ordres ou non. Dumbledore savait déjà, et je n'eus d'autre choix que de suivre ses directives. Il a fait jeter Bellatrix à Azkaban, et m'a fait éviter la prison. Depuis, je suis resté à ses côtés pour un jour vous servir à nouveau, à votre retour. »

L'espion pouvait bien voir qu'il n'avait pas calmé son maître. Mais le sorcier noir voulait l'interroger encore avant de le punir, probablement par la mort après une longue séance de torture.

« Pourquoi n'as-tu fait échapper Bellatrix ? »

« Dumbledore aurait eu moins confiance en moi, mon Seigneur. Il se serait toujours méfié après ça. Comme je vous l'ai dit, nous ne nous sommes que peu soutenus les uns les autres après votre départ, nous étions perdus sans vous pour nous guider. Je savais que vous reviendriez, alors j'ai jugé que gagner un maximum la confiance de Dumbledore serait la chose la plus utile et importante que je pourrais accomplir afin de vous servir au mieux à votre retour. Je ne pouvais agir sans perte, j'ai jugé que ce sacrifice était le plus approprié. »

Voldemort recommença à marcher doucement le long de la table. Il parlait à nouveau avec sa voix veloutée si paisible. « Les Potter étaient cachés par un Fidélius, Severus. Tu sais ce que c'est, j'imagine ? Un sortilège d'une grande complexité, et qui repose sur la confiance totale envers le gardien du secret. Seul un homme pouvait révéler leur localisation, un seul. Ce secret était enfui dans son âme, et aucun sort n'aurait pu le contraindre à le dévoiler s'il ne l'avait pas voulu, pas même l'Imperium ou la legilimancie. Alors dis-moi, Severus, comment as-tu pu savoir où étaient les Potter ? »

Voldemort était arrivé au bout de la table, et s'était arrêté, face à Severus. Il restait à bonne distance de son Mangemort, mais il était tout de même là, sa baguette toujours affectueusement tournante entre ses doigts, dans des mouvements graciles, comme une forme de menace pour le maître des potions.

Severus ne se laissa pas intimider, et répondit, son regard toujours fixé dans les yeux de son interlocuteur. « Dumbledore m'avait fait parvenir un message de la main de leur gardien du secret qui me révélait l'emplacement de la maison. Il voulait que je puisse intervenir en cas de problèmes. D'autres protections avaient été placées autour de la maison, alertant en cas d'intrusion. Pour la sécurité des Potter, Dumbledore avait dû demander au gardien de révéler le secret à quelques personnes,… » Il tourna un regard froid sur Peter.

Peter, qui bien qu'auparavant aussi mal à l'aise et intimidé que les autres, se redressait devant le regard de Severus, avec une certaine fierté et provocation, comme pour lui signifier qu'il était en bien meilleure posture que le prodige de potion. Peter se moquait de Severus et le narguait. Tant qu'il ne remarqua pas quand Voldemort suivit le regard de Severus, impassible.

« … j'ignore ce que Dumbledore lui a dit pour pouvoir me communiquer l'information, ni même si Pettigrow savait vraiment que je le recevrais, mais au vu de la nature du sort, j'imagine qu'il était assez volontaire pour que je puisse connaître le secret. »

La voix du Seigneur des Ténèbres fit se recroqueviller à nouveau Peter. C'était à la fois doux et froid. « Queudver, nous n'avons pas véritablement parlé de cela toi et moi, je le crains. As-tu quelque chose à me dire ? »

Cette fois, c'était Severus qui dominait Peter, et malgré toute son occlumancie pour rester calme, et son parfait contrôle de soi qui lui faisait conserver un grand sang-froid, le professeur laissa un petit sourire germer au bord de ses lèvres alors qu'il observait le ridicule lâche chercher une explication en bafouillant.

Lucius, de son côté, détournait la tête de là où était Peter, avec un mépris et un dégoût total pour l'homme infect, sans parvenir à retenir l'expression de son aversion sur son visage noble. Les autres restaient observateurs, et très peu désireux de se rappeler au bon souvenir de leur maître.

« Euh, bien… oui, mon-mon seigneur… Je… Dumbledore m'avait demandé… m'avait dit… il fallait des protections supplémentaires… Je devais… pour Hagrid… et un espion qu'on avait… Je… Je ne pouvais pas dire non. » Il devint plus hystérique. « Je… Je ne savais pas que c'était Snape ! Je ne savais pas qu'il ferait ça ! Que c'était un traître… »

« Suffit, Queudver. », siffla Voldemort. Il reporta son regard énervé et froid vers Severus, qui tournait également à nouveau son attention vers son Seigneur. Bien que ses yeux rouges exprimaient encore toute la colère, sa voix reprit son allure calme, quoiqu'encore un peu sèche.

« Cela explique comment tu as su que quelqu'un s'était introduit dans la maison Potter, Severus, mais nullement ce qui t'a fait penser que Bellatrix n'était pas là sous mes ordres. J'avais exprimé à une réunion que l'enfant Potter devait mourir, pour punir ses parents provocateurs. Ça n'aurait pas dû être une surprise pour toi. De plus, il me semble me souvenir que je t'avais envoyé dans une autre mission. » Il devint à nouveau glacial. « Tu n'aurais pas dû intervenir. »

Severus inclina subrepticement la tête en signe de reconnaissance avant de parler posément, son regard à nouveau fixé dans celui de son maître. Il ne cherchait pas à le provoquer, ne formulait aucun vœu de mort, mais il voulait lui montrer qu'il ne le craignait pas, qu'il ne craignait pas d'affronter son jugement ni sa sentence, quelle qu'elle soit, qu'il n'avait rien à cacher. Si Voldemort voulait fouiller son esprit, Severus ne tenterait pas de s'y dérober. Il s'était préparé.

« J'avais terminé cette mission, mon Seigneur. Ne dois-je pas toujours vous servir au mieux, et pour cela accomplir les tâches que vous me donnez non seulement à la perfection mais également le plus rapidement possible sans perdre en qualité ? Je savais bien sûr que vous vouliez la vie de l'enfant, mais Bellatrix ne s'en occupait pas. Elle torturait les parents, riant et s'abreuvant de leur douleur, sans se soucier du bébé qui pleurait à côté. Elle aurait eu largement le temps de le tuer avant mon arrivée, elle ne l'a juste pas fait. Je n'ai précédé Hagrid que de peu, et n'ai pas eu l'occasion de me charger de l'enfant. Bellatrix me semblait dans une crise de folie, je pensais devoir la maîtriser avant tout. »

« Tu aurais pu simplement lui demander une explication, au lieu de l'attaquer, Severus. Car c'est ce que tu as fait, n'est-ce pas ? »

« En effet, mon Seigneur. Mais Bellatrix et moi ne sommes pas faits pour "discuter" l'un avec l'autre. Nous ne travaillons pas bien ensemble. »

« Tu sais qu'elle m'est très fidèle. », déclara Voldemort avec plus de colère qu'à aucun autre moment de la soirée, mis à part lorsque Neville s'était échappé.

Severus ne pouvait pas répondre grand-chose, mais il ne pouvait pas simplement rester dans un silence approbatif. « En effet, mon Seigneur. »

Voldemort le fixa avec rage un petit moment. Il devait se calmer et réfléchissait à ce qu'il ferait de ce Mangemort audacieux et traître. Mais il avait également d'autres questions à aborder avec l'espion qui jouait dans tous les tableaux.

Après un long temps de silence, interminable pour tous dans la pièce, le Seigneur des Ténèbres parla à nouveau. Tout dans son expression était redevenu calme, contrôle et retenue.

« Tu étais à l'extérieur d'Azkaban, Severus, contrairement à la majorité de nos compagnons. Maintenant, tu m'avoues, ou prétends, avoir toujours su que je reviendrais, mais jamais tu ne m'a cherché. Il ne s'est pas écoulé un jour depuis ton combat contre Bellatrix où tu ne m'as pas déçu, Severus. Je t'ai accueilli quand tu n'avais personne, je t'ai enseigné ce que nul autre n'aurait pu t'apporter, je t'ai fait passer d'un adolescent hésitant à un jeune homme sûr et redoutable pour ses adversaires. Je t'ai même accordé de laisser en vie Lily Potter, car oui, mes amis, j'ai bel et bien donné cette faveur à notre compagnon ici présent. Et voilà comment tu me remercies, Severus ? Avec une trahison ? »

« Mon Seigneur, je vous assure que je n'ai jamais cherché à vous trahir. Et je vous saurais éternellement gré de cette grâce charitable. Néanmoins, comment aurais-je pu chercher à vous retrouver ? J'ignorais où vous seriez, ou comment aurais-je pu vous apporter mon aide. J'étais chaque jour sous la surveillance de Dumbledore. Les premières années, il ne m'aurait jamais rien laissé tenter, et le ministère n'a jamais vraiment adhéré à l'excuse qu'il a apportée pour me couvrir lors de mon procès. De nombreux aurors voyaient ma présence à Poudlard et en liberté d'un mauvais œil.

« Je devais sans cesse m'efforcer d'écarter leurs soupçons tout en faisant respecter Serpentard, et en m'occupant au mieux de la Maison pour servir votre retour. Je n'avais aucun doute que vous trouveriez le moyen de nous revenir. J'ai pensé que mon travail à l'école, outre la confiance de Dumbledore pour être au mieux votre espion, me permettait de préparer ces enfants à vous accueillir. Bien sûr, j'étais là aussi restreint par la surveillance de Dumbledore, mais je vous assure que j'ai fait au mieux compte tenu des circonstances. »

« Des paroles, Severus, et de l'audace. Je ne vois rien de vraiment tangible, mis à part ta traîtrise. Tu as voulu gagner la confiance de Dumbledore, mais je crains que tu aies perdu la mienne en ce faisant. C'est Quirrel qui m'a retrouvé, sais-tu ? En Albanie. Oui, bien sûr tu le sais. Quirrel, quelqu'un qui n'était même pas lié à notre cause à l'origine. Mais que j'ai su convaincre, et qui m'a rallié, servi, et a tenté de m'aider. Le seul qui ait fait quelque chose n'était même pas un Mangemort. Et quand, grâce à Quirrel, je me suis retrouvé face à toi pendant une année, bien qu'indirectement, j'ai pu voir comment tu t'occupais de cette école.

« Oh, je n'aurais pas grand-chose à redire à ta gestion de Serpentard ou des Gryffondor. Et tu es certainement un bon professeur, mais… tu es tellement dans les bonnes grâces de Dumbledore, que je me suis interrogé à ce sujet. Quand Quirrel a voulu obtenir la pierre pour moi, tu n'as eu de cesse de lui mettre des bâtons dans les roues. »

« Pardonnez-moi, mon Seigneur, mais j'ignorais alors qu'il vous servait. Comme vous l'avez dit, il n'était pas un Mangemort. Je ne voyais là qu'un homme pathétique et bégayant, même pas crédible dans son rôle en pâlissant devant les trolls alors qu'il en était un spécialiste. Je pensais qu'il voulait la pierre pour lui-même. »

« Tu connais ça, toi, comment jouer un rôle. Comment puis-je te croire, Severus ? »

« Jamais Quirrel, ou vous-même, ne m'avez révélé la vérité. Je ne l'ai découverte qu'après, quand il était trop tard. »

« Nous ne t'avons rien dit, car je ne pouvais pas avoir confiance en toi, Severus. Tu aurais pu, dû, être mon plus fort soutien à Poudlard, et je ne pouvais même pas prendre le risque de me dévoiler à toi sans penser que tu courrais avertir Dumbledore. »

« Je ne l'aurais pas fait. », déclara-t-il avec une conviction déstabilisante qui n'atteignit pas Voldemort.

« Comment te croire alors que tu t'occupais si bien de cette Lily Potter ? Et j'ai eu l'impression que Harry Potter, l'enfant que Bellatrix aurait dû tuer, avec ton aide peut-être, te chérissait tout particulièrement. Comment l'expliques-tu ? »

« Cet enfant a un instinct de conservation pitoyable, mon Seigneur, et comme je devais m'efforcer de préserver les apparences pour conserver la confiance de Dumbledore, j'ai dû m'occuper de légèrement parfaire son éducation. »

« Tu es également le parrain du fils de Lucius. Ce garçon fait honte à son père en s'associant non seulement avec Harry Potter mais également avec Neville Longbottom entre tous. Saurais-tu, au contraire de Lucius, me donner une explication autre que "tu ne le cautionnes pas" ? »

Lucius était bien pâle, et malgré toute la colère qu'il ressentait pour son fils à ce sujet, il n'était pas prêt à l'abandonner au Seigneur des Ténèbres. Le regard froid de Lucius suppliait Severus de trouver une excuse pour son filleul. Il n'exigeait plus une explication, il ne tentait pas de briser les liens de Draco. Il voulait sauver son fils de la colère de Voldemort.

Même si le regard de Lucius ne lui avait rien demandé, Severus aurait défendu Draco.

« À cet âge, certains enfants tissent des liens sur les choses les plus futiles telles que c'est simplement la première personne pas trop désagréable qu'ils ont rencontrée. L'éducation de Draco l'aurait rendu totalement immunisé au ridicule Longbottom s'il n'y avait pas eu ce malheureux concours de circonstances à Halloween, où nous les avons retrouvés devant un troll assommé, moi-même, McGonagall et Quirrell.

« Draco pensait déjà qu'avoir Longbottom dans ses relations pourrait plus tard lui être bénéfique. Il pensait comme un bon Serpentard. Il ignorait que vous reviendriez, mon Seigneur, et pensait juste à préparer son avenir grâce à la célébrité du garçon-qui-a-survécu. Attiré par cette perspective, il n'allait pas refuser ce que ces Gryffondor stupides lui proposaient après leur rencontre avec le troll. C'est le choix d'un enfant, et ce n'est pas forcément condamnable. Cela pourrait s'avérer utile. »

« Utile ? Dis-moi, comment dans ce cas pourrait être utile pour moi que tu sois le tuteur d'Harry Potter, et que tu aies la confiance de Neville Longbottom ? Ne pourrais-tu pas simplement me ramener le garçon ? »

« Dès ce soir, je crains que la confiance de Dumbledore ait des limites. Il sait que vous pourriez vouloir atteindre Longbottom en me le demandant. C'est pour cela que Dumbledore m'enlève la tutelle d'Harry et convaincra les deux garçons de ne pas me faire tant confiance. »

Voldemort regarda sa baguette un instant, puis fixa ses yeux sur ceux de Severus. Il était froid, à nouveau. « Ce qui m'inquiète le plus, Severus, c'est ta relation avec Lily Potter. Je t'ai accordé qu'elle reste en vie, et j'avoue avoir pensé que tu pourrais un jour être guéri de cette affection indigne. Mais je n'en suis plus tout à fait convaincu. Tant qu'elle est folle, elle m'indiffère, mais il m'a semblé comprendre qu'elle ne le serait pas éternellement. Si un jour elle reprend la lutte contre moi,… que feras-tu ? Seras-tu pour elle ou pour moi, Severus ? Quel sera ton camp ce jour-là si tu dois faire un choix. »

« La réponse à cette question a été donnée il y a bien longtemps, mon Seigneur. Elle a fait son choix, et moi le mien. Si cela devait arriver, je me tiendrais à vos côtés, mon Seigneur. »

« Vraiment ? Et si je décidais de la tuer maintenant, que ferais-tu alors ? » L'homme sans nez s'approcha du maître des potions. Il ne jouait plus avec sa baguette. Il la tenait prête à lancer un sort, les bras le long du corps. « Me supplierais-tu à nouveau à genoux pour sa vie ? Tenterais-tu de me contrer comme tu l'as fait pour Bellatrix ? À genoux, Severus ! Endoloris ! »

Severus tomba à genoux, mais ne laissa pas échapper plus de réactions. Il endura l'assaut, les mains posées au sol, et la tête baissée en soumission, mais toutes ses pensées et ses sensations enfermées derrière son occlumancie.

« Que tu sois avec Dumbledore ou moi, tu as des fautes à expier. Alors je vais te punir, Severus. Tu es arrivé en retard ce soir. Cela méritait bien une première punition. N'aie aucun doute, Severus, qu'après ce soir je m'assurerais de savoir quel est ton camp, ta position. Tu ne partiras pas d'ici tant que je ne me serais pas assuré d'où va ton allégeance. Et nous verrons si tu retourneras en vie auprès de ce cher Albus Dumbledore ou non avant le lever du soleil. Legilimens. »

Severus ressentit l'assaut brutal, et il savait qu'il n'avait d'autres choix que de laisser passer Voldemort. Ce qui signifiait qu'il ressentirait davantage la douleur des Doloris.

Il ouvrit son bouclier d'occlumancie.

Les souvenirs coulèrent à flots. Voldemort ne s'arrêterait pas avant d'être satisfait. Et il serait très difficilement satisfait.