(La coupe de feu) Le flacon du souvenir
Ses pieds nus marchaient délicatement sur les dalles froides de leur quartier. Ce ne serait plus les siens, bientôt. Elle en aurait d'autres, proche de l'infirmerie, comme soutien à Poppy. Elle ne devait plus se trouver près de l'espion.
Mais elle ne pouvait pas se résoudre à partir. Pas tout de suite.
Sa jupe blanche ondulait autour de ses mouvements gracieux et fragiles. Elle marchait dans le bureau, stressée et hésitante. Que devrait-elle faire ? S'en servir ? Attendre ? Et s'il ne revenait pas ? Elle sentait le vide du désespoir l'envahir, la sensation froide et pesante qu'elle ne le reverrait plus.
Elle tenait la fiole serrée dans ses mains, au niveau de son cœur. Elle savait ce qu'était cet objet de cristal qu'il lui avait donné. C'était des souvenirs.
Mais que devrait-elle en faire ?
Il ne lui avait rien dit.
Elle marchait là, car elle était sans cesse attirée par la pensine qu'elle savait cachée derrière un pan du mur, et elle savait précisément où. Elle savait aussi comment la faire apparaître. Mais en avait-elle seulement le droit ? Était-ce ce qu'elle devrait faire ? Ce qui était pour le mieux ?
La première réunion de l'Ordre était terminée, même s'il avait manqué de nombreux membres. Elle ne se souvenait pas de qui était membre, elle avait même oublié qu'elle en avait un jour fait partie. Mais elle se doutait qu'ils étaient plus nombreux que seulement McGonagall, Sirius et Remus.
Dumbledore avait fait envoyer dans leurs dortoirs les adolescents, et chacun était rentré chez soi. Le directeur avait voulu qu'elle dorme avec Poppy pour ce soir. Elle n'avait pas voulu. Dès qu'elle eut trouvé l'occasion, elle s'était levée et était allée dans les couloirs pour se diriger jusqu'aux cachots. Elle n'avait jamais été aussi semblable à un fantôme, et pourtant elle était bien plus vivante que quelques années auparavant.
Elle se sentait malade, à l'attendre sans nouvelle, sans espoir. Sa peau était aussi blanche que sa robe, et elle sentait la nausée et la sensation de naufrage couler désagréablement dans sa poitrine.
Elle ne sut combien de temps elle passa dans le questionnement et l'indécision. Elle n'avait pas la moindre idée de l'heure ou du temps qui s'écoulait, sinon que c'était bien trop long.
Il lui avait donné ce flacon pour une raison. Il était parfois si étrange, si complexe, qu'elle pouvait s'attendre à n'importe quelle explication. Peut-être ne voulait-il même pas qu'elle regarde, jamais. Ou alors était-ce des souvenirs qu'elle devrait voir s'il venait à mourir ? Ou toutes autres choses, pour toute autre occasion…
Comment savoir ?
Elle n'y tenait plus. Elle devait savoir. Et il ne reviendrait pas avant un moment, si tant est qu'il revienne.
Elle décida que se plonger dans ce tourbillon argenté la ferait penser à autre chose. Elle ne pouvait pas continuer à angoisser sur son absence.
Prestement, elle sortit sa baguette et fit tourner le mur pour que la pensine se montre. Elle s'avança promptement vers la coupe, et y déversa délicatement le contenu du flacon qui coula comme un ruisseau lent.
Elle ferma les yeux, prit une respiration, et plongea dans les souvenirs avec détermination.
Elle entendit les voix avant tout autre chose. C'était un bourdonnement étrange. Elle se sentait à Poudlard, après une période d'examen où les élèves discuteraient, certains libérés de l'épreuve avec contentement, d'autres encore anxieux des suivantes à passer. Elle ne pouvait pas tout distinguer, mais elle savait que c'était de cela que tous parlaient.
Mais il y avait d'autres voix qui encourageait à rire, à venir voir, à se moquer.
« Laisse-le tranquille ! »
Elle ouvrit les yeux. C'était sa voix, et elle sonnait comme un écho lointain. Mais avant qu'elle ne puisse voir ce qui se passait, elle fut happée dans un autre souvenir. C'était comme si elle n'aurait pas dû commencer ici, mais aller à un autre point de départ. Elle reconnut le nouvel endroit comme étant une salle des cachots, sombre. Elle plissa les yeux, et reconnut finalement le lieu précis.
C'était le bureau de Severus, au milieu de la nuit. Et Severus était là, dans son siège. Il avait posé de grandes piles de papiers de recherche sur la table. C'était certainement son travail sur le Doloris.
Il releva la tête et se frotta le front avec fatigue et lassitude. Sa plume cessa d'écrire, et il soupira. Il posa son outil d'écriture, et releva la tête. Il sembla fixer son regard directement sur Lily. Elle savait pourtant qu'il ne pouvait pas la voir, puisqu'elle n'était pas là.
« Ça peut paraître très étrange de te parler… dans le vide. Mais nous sommes toujours sorciers. Je vais tenter d'être bref, ce qui inclus de sauter les phrases du style "Si tu vois ceci, et caetera.". Je n'aurais peut-être pas le temps d'ordonner tous mes papiers, alors je vais commencer par te résumer l'une des idées, celle qui concerne ces souvenirs.
« J'ai pu établir ce qui te manquait, et j'ai la possibilité de t'en apporter les grandes lignes. Ce n'est que le remède de la dernière chance, et je le déconseille fortement. Néanmoins, si jamais tu en ressens le besoin, ces souvenirs sont là pour t'aider à éveiller ceux qui te manquent. Mais ils sont lourds en émotion, contredisant tout ce en quoi tu crois jusqu'alors. Tu dois être prête. Les visionner si tu n'es pas assez stabilisée émotionnellement pourrait faire reculer toutes nos avancées, tous tes progrès.
« Ne le fais pas à moins d'être certaine de ne pas avoir d'autres moyens de récupérer tes souvenirs, et d'être assurée de pouvoir supporter ce que tu verras. Certains sont des souvenirs de guerre, Lily. Ils ne sont pas neutres. De toutes les guerres possibles, je ne parle pas que des sanglantes batailles qui ont opposé la "lumière" et les "ténèbres" durant la Première Guerre des sorciers.
« J'aurai normalement trié l'ordre d'apparition des souvenirs, tu ne devrais pas tomber au hasard sur n'importe quoi. J'aurais au moins forcé le passage de cette petite introduction avant le reste. Mais Lily, prends le temps de bien y réfléchir. Sors de ces souvenirs, et si possible, n'y retourne pas. Le remède de la dernière chance ne porte pas ce nom pour rien. »
Le décor changea, et à nouveau les ténèbres s'échangèrent avec la lumière.
C'était un rayonnait après-midi de juin. Ils étaient à Poudlard, proche des portes de l'école, en vue du lac.
Elle sentit une sensation tirant, comme si le souvenir était étiré pour ajouter quelque chose. Elle comprit rapidement quoi. Severus guidait. C'était sa voix adulte qui lui parla comme une narration. « Malgré toutes les horreurs de la guerre, c'est encore le plus pénible que j'ai. Il n'y a pas d'horreur ici. Juste une rupture, la plus douloureuse que j'ai connue. Et en sachant ce que ton esprit a imposé à tes pensées pendant des années pour te protéger, je crains que ce soit pour toi aussi une épreuve terrible. Tu peux reculer. Tu peux ne pas regarder, ne pas écouter. Même si tu ne sors pas de la pensine, il te suffit de rester à l'écart de l'agitation et de te boucher les oreilles… »
« Laisse-le tranquille ! »
Lily vit bien cette fois. Tout l'attroupement avait lieu autour d'un arbre où elle et Sev aimaient passer du temps. Elle pouvait voir un élève suspendu par la cheville, la tête en bas. Elle accourut pour se rapprocher de l'action du souvenir.
« Ne me force pas à te lancer un sort, Evans. », rétorqua James Potter avec menace.
« Je t'ai dit de le laisser tranquille ! », répéta la jeune Lily de quinze ans. Lily passa au travers des élèves du souvenir pour atteindre le cœur de l'action.
« Bien. » James avait une joue qui saignait, une fine coupure droite décorait son si parfait visage dont il s'enorgueillissait si aisément. C'était très probablement une grande cause de colère. Et Severus était plus que certainement le coupable de cet affront. James relâcha le Levicorpus, bâclant son Liberacorpus pour que Sev retombe brutalement au sol. « Tu as de la chance qu'Evans soit là, Servillus. »
Severus le regarda avec colère. « Je n'ai pas besoin de l'aide d'une sale Sang-de-Bourbe ! » cracha-t-il, du savon s'extirpant encore de sa bouche.
Lily haleta. Il ne pouvait pas avoir dit ça !
La Lily du souvenir était évidemment offensée, plus qu'elle ne se souvenait l'avoir jamais été. Si Lily s'était regardée, elle aurait vu la même chose que Severus : des yeux verts blessés, que les larmes commençaient à mouiller, mais qui changèrent en une ombre de haine et de reproche avant que l'eau ne coule.
Mais Lily ne regardait pas son homologue. Elle fixait Severus avec choc. Cela faisait longtemps qu'elle ne l'avait pas vu aussi jeune. Bien sûr, elle observait régulièrement les photos de leur jeunesse et de leur adolescence, mais ce n'était pas exactement la même chose que de le voir en souvenir. Même les photos sorcières ne pouvaient pas être aussi fidèles.
Le contexte scolaire, sous l'intimidation des Maraudeurs, était très différent des joies des vacances, des familles, ou de juste eux, tous les deux, tranquilles.
Le Severus qu'elle avait sous les yeux était tout aussi maigre que les photos qu'elle avait de lui, mais la situation le rendait vraiment misérable. Ses cheveux noirs étaient brillants de gras, et à la fois salis et ternis par la bagarre qui l'avait fait rencontrer le sol et la terre plusieurs fois. Ses vêtements n'avaient pas été épargnés. Ils étaient froissés et poussiéreux. Et toujours d'aussi mauvaises qualités qu'à l'accoutumée. Il n'avait jamais eu les moyens d'avoir un uniforme correct.
Elle voyait surtout l'expression sur le visage du garçon. Il fixait la Lily du souvenir avec des yeux écarquillés par la réalisation de ce qu'il venait de dire. Des remords incommensurables. Il restait immobile, sans voix.
« Bien, je ne m'en mêlerais plus, alors. Servillus. », déclara froidement la Lily du souvenir.
James pointa sa baguette vivement vers son rival. « Tu t'excuses maintenant ! » rugit-il.
L'adolescente se retournait vers l'agresseur. « Je n'ai pas besoin que tu me défendes, Potter, tu es aussi mauvais que lui. »
« Quoi ?! Je ne t'ai pas… Je ne t'aurais jamais traité de… appelé comme ça ! »
« Tu te crois drôle, Potter, mais tu n'es qu'un toerag arrogant qui pense que s'ébouriffer les cheveux pour donner l'air de descendre de son balai lui donne l'air attrayant ! Tu passes ton temps à te montrer avec ce vif volé que tu lances et rattrapes dans ta main, et tu restes toujours avec une cour pour t'applaudir en permanence. Tu parles toujours de gloire et de richesse, tu penses que tout t'est dû et doit te tomber du ciel. Tu ne comprends pas que lorsqu'on te dit non, c'est non ! Tu es un enfant gâté égocentrique, Potter. Tu me fais vomir. »
L'adolescente s'enfuit.
Le souvenir changea.
Ils étaient devant le portrait de la grosse dame. Lily était en chemise de nuit, bras croisés, intransigeante. Severus était face à elle, désespéré.
« Je suis désolé ! »
« Ça ne m'intéresse pas ! »
« Je le suis vraiment ! »
« Je suis sortie uniquement parce que Mary m'a dit que tu menaçais de dormir ici. »
« C'est vrai, je l'aurais fait. Je ne voulais pas t'appeler comme ça, ça m'a simplement… »
« Échapper ? Le problème, c'est que tu appelles tous ceux nés comme moi de Sang-de-Bourbe. Pourquoi serais-je différente ? »
Il ne répondit pas.
L'adolescente était déçue et dégoûtée. « Je t'ai trouvé des excuses pendant des années. Tu es avec eux maintenant, tu passes ton temps avec eux, ces apprentis Mangemort. Vous avez tous l'intention de le devenir. Tu ne le nies même pas ! Cette magie noire qui te passionne, c'est mal ! Tu as choisi ta voie, j'ai choisi la mienne. »
Elle se détourna sans un regard en arrière.
Lily ne pouvait pas se soustraire au flot de souvenirs. Elle ne pouvait ni bouger ni lutter. Ce n'était pas possible. Son Severus ne pouvait pas l'avoir appelé comme ça.
Elle se vit de loin, plus âgée, à 17 ans, commencer à être plus douce avec Potter, à sourire parfois, d'abord pour elle-même, puis à lui.
Elle se vit, avec l'insigne de préfète-en-chef, fière, briller en classe d'ASPIC.
Des souvenirs se superposaient les uns aux autres. En particulier de petits extraits d'elle et Potter s'alternaient avec le déroulement d'une scène.
Juste une image, dans la cour. Elle tenait la main de Potter.
Puis, elle était dans un couloir. Elle réprimandait un groupe de Serpentard qui, elle le savait, deviendrait des Mangemorts. Severus observait toujours de loin.
Une autre vision fugitive, douce-amère, dans la grande salle. Elle se laissait embrasser sur la joue par Potter.
De retour dans ce couloir. Elle se disputait avec le jeune frère de Sirius, Regulus, qui venait défendre ses camarades, montrant lui-même qu'il était préfet. « Je peux m'en occuper. », prétendait-il. « Tu n'aurais rien fait. », accusa-t-elle. « De là où je suis, ils n'ont rien fait de mal. », rétorqua-t-il. « C'est bien le problème. », assena-t-elle, « Tu ne vois pas ce qui est mal. Je suis préfète-en-chef, ce qui signifie… ». « Que tu as toute autorité sur nous, simple préfet, que tu es notre cheffe. Oui, tu nous le répètes assez souvent. », coupa-t-il. « Partez. », ordonna-t-elle, et elle fut la première à s'éloigner.
Encore un moment fugitif, Potter la faisait tournoyer dans les airs, sous les feuilles d'automne.
Le groupe de Serpentard s'en retournait vers Severus. Regulus montrait son exaspération. Il râla alors qu'il passait à côté de Severus qui leur emboîta le pas. « Je ne la supporte plus. Elle se croit tout permis maintenant. » « Elle l'a toujours fait. », disait un autre. « Oui, mais maintenant elle nous montre son insigne de préfète-en-chef, et je suis obligé de lui obéir. »
Elle embrassait Potter.
Ils arrivaient dans la salle commune de Serpentard. Certains comméraient. « Les Gryffondor se vantent que le couple des préfets-en-chef sont plus chauds que ne l'étaient nos très chers Malfoy. » « Il faut admettre que les Gryffondors ont plutôt un tempérament de feu, alors que Lucius et Narcissa ont toujours eu un sang-froid glacial… comme tout Serpentard qui se respecte. »
Regulus participait, « Cyssi et Lucius n'auraient jamais eu de comportement déviant. Mais je persiste à penser qu'ils forment un couple bien plus parfait que ne le feront jamais Monsieur et future Madame Potter. »
L'un se moquait. « Peut-être qu'ils adopteront ton frère. »
Regulus ouvrait un livre, prenant place sur un canapé. « Je vais te mettre en retenue avec Slughorn, je pense. »
Un autre poursuivait. « Il faut dire que les Malfoy… eh bien, leur extérieur froid et leurs cœurs de glace ne les empêchaient pas de se dévêtir sur ce canapé et de s'enlacer un peu. Mon frère les a surpris une fois, m'a-t-il dit. Toute une histoire. Il a cru qu'il allait mourir sur place. »
Regulus posa ses yeux gris au regard d'acier tranchant sur son camarade. « Si tu ne veux pas être à sa place, évite de faire courir cette rumeur. » Il se tourna vers Severus. « Il paraît que nos préfets-en-chef se sont fiancé. »
« Parfait pour eux. », commenta Severus. Ses phalanges étaient blanches sur son emprise sur son livre.
« Tu savais déjà. », nota le préfet.
« Non. »
Lily sentit l'étreinte de deux bras la saisir par-derrière et la tirer hors de là. Dès qu'elle quitta la pensine, ce fut comme si tout l'air revenait, et qu'elle pouvait enfin laisser exprimer ses émotions. Elle, qui était restée statufiée devant le déroulement des souvenirs qui n'étaient pas les siens mais la mettait en scène, s'effondra sous le poids du chagrin et de la peur.
Elle était prête à se laisser tomber au sol, et pleurait à chaudes larmes, mais l'emprise de celui qui l'avait sorti de la pensine l'en empêcha. Elle connaissait ce toucher. Elle se retourna, les yeux fermés, et appuya sa tête contre le buste de l'homme pour pleurer. Elle serrait la cape noire dans ses mains, et laissait éclater ses sentiments trop nombreux et douloureux pour qu'elle les identifie clairement.
« Je t'avais dit "seulement si tu es prête, Lily. En dernier recours.". Ce n'était pas le moment… »
« Pourquoi tu es parti ? Tu es revenu. Pourquoi tu n'étais pas revenu ? Tu m'as laissée seule ! » Elle commença des propos incohérents, mêlant ce à quoi elle venait d'assister avec la situation de la soirée.
Dans son agitation, elle finit par s'écarter, le repoussa, s'avança à nouveau alors qu'il ne bougeait plus pour le gifler, accepta une potion calmante, l'accusa à la fois de l'avoir abandonné une première fois, et continuait de constater que pourtant il était revenu, et qu'il revenait toujours.
Elle se calma aussi soudainement qu'elle avait explosé. Elle pleura sans un son dans le noir de la nuit et du bureau, dans le froid gelé des cachots.
Après plusieurs minutes, la voix douce de Severus remplit l'air. « Je suis désolé. C'était une très mauvaise idée, j'aurais dû le savoir. Et ne jamais te confier cette fiole ou même y mettre ces souvenirs. »
Elle se cachait la moitié du visage avec sa main glacée appuyée contre sa joue brûlante. Les larmes perlaient toujours sur le contour de son visage. « Et qu'est-ce que tu aurais dû faire d'autre ? Tu ne voulais pas disparaître sans tout tenter. J'ai été trop curieuse. J'ai ouvert la boîte de Pandore. » Il y eut un temps de silence, et elle reprit, sa voix se brisant de chagrin. « Je préfère oublier. C'était tellement parfait avant… avant… tout ça. »
Elle se retourna vers lui. Il faisait trop sombre pour qu'elle puisse le voir pleinement, mais elle le distinguait sans mal. Ses cheveux noirs pendaient autour et devant son visage, plus gras que d'habitudes, plus sales, et à la fois mouillés. Elle ne pouvait distinguer ses traits en dessous.
Il se tenait droit, mais quelque chose vacillait dans cette posture, comme si de temps à autre certains de ses membres tremblaient subrepticement, chancelaient ou se tendaient. Ses vêtements sombres étaient parfaits pour cacher toutes traces, mais pas assez pour qu'elle ne puisse identifier des parties étrangement plus obscures.
Il replia sa cape devant son vêtement en croisant les bras sur sa poitrine. Il avait repéré l'étude qu'elle faisait et n'était pas désireux de la laisser analyser ce qu'elle voyait. Ces capes n'étaient pas en bien meilleur état, mais c'était mieux tout de même.
Elle tenta d'établir un contact visuel, cherchant ses yeux derrière les mèches de cheveux. « Dis-moi que ce n'était pas vrai. »
« Il va falloir être plus précise, Lily. »
« Tu ne l'as pas dit. Tu ne l'as pas dit, n'est-ce pas ? Ce mot, ce mot que tu ne supportes pas d'entendre tes Serpentards prononcer ! Tu ne me l'as pas dit, n'est-ce pas ! Ça ne s'est pas passé, cette scène n'a jamais eu lieu ! »
« Lily… »
Elle secoua la tête négativement. Elle ne voulait pas entendre. Le ton qu'il employait était déjà une réponse. Elle savait qu'Harry était son fils, et celui de James Potter. Ce n'aurait jamais pu avoir eu lieu si elle avait été avec Severus. S'ils avaient encore été amis. Elle ne comprenait pas comment ça avait pu avoir lieu même sans être ami avec Severus.
Elle s'approcha de l'homme. « Oubliette moi. »
« Pardon ? »
« Tu m'as très bien entendu, Severus ! Je ne veux pas savoir ! »
« Je ne le ferais pas Lily. »
« Même si le savoir fait régresser les soi-disant progrès de mon état ? Je ne suis pas folle, Severus. Mais là, je pourrais le devenir ! J'ai vu des souvenirs qui ne m'appartiennent pas et qui décrivent une vie que je ne connais pas, mais qui était la mienne ! Je ne me reconnais pas. »
« Nous ne saurons si cela te perturbe trop, si au contraire un effet positif en ressort ou si rien n'aura changé qu'après quelque temps. Il faut attendre plusieurs jours au moins. »
« Et après ? Tu m'oublietteras ? »
Il resta un moment dans le silence, puis détourna la tête. « Non. »
Mais elle était proche de lui à présent, et pouvait discerner ce qu'elle n'était pas parvenue à comprendre de loin. Ses cheveux étaient mouillés, mais pas par la pluie qui n'était pas tombée. Ils étaient salis par le sang et la sueur.
Vive comme l'éclair, elle repoussa ses cheveux pour voir son visage sur lequel avait indéniablement coulé ce fluide sombre, et qui avait été éclaboussé par quelques projections du sérum rouge.
Il tourna la tête par surprise vers elle, et ne put l'empêcher de tirer sur sa cape pour l'écarter et examiner ses vêtements.
« Nous allons voir Poppy immédiatement. », déclara-t-elle. « Et après, tu feras ton rapport à Dumbledore. Et non, je ne vais pas me coucher tant que je n'aurais pas été assurée que tu vas bien. »
« Il est 5 heures du matin. », grogna-t-il en retour.
