(La coupe de feu) Plus rien comme avant
Harry lisait, assis au large rebord de pierre d'une des fenêtres de château de leur dortoir. Sa tête était appuyée contre la vitre, son œil dérivant parfois pour observer l'extérieur. Ses jambes étaient à moitié repliées contre lui, ses pieds adossés au mur d'en face, et lui servaient de pupitre pour l'ouvrage qu'il s'était choisi. Un manuel de potion.
Neville entra dans la pièce désertée par leurs autres camarades et s'approcha doucement de son ami. Il posa une main sur l'épaule du garçon fatigué. La nuit avait été très mauvaise. Harry avait encore le contour de ses yeux rougis, et lire autant ne les aidait certainement pas à se reposer.
« Harry, Severus est rentré. »
Harry tourna un regard plein d'espoir et triste à la fois. Il vit le sourire encourageant, doux et réconfortant de son meilleur ami.
« Vraiment ? » demanda-t-il pour avoir la certitude.
Il suffit que Neville engage le plus léger mouvement de la tête pour qu'Harry bondisse sur ses pieds, lâchant son livre, et se précipite vers la porte. Il s'arrêta un instant plus tard, et se retourna. « Où est-il ? »
« Je suppose dans son bureau. »
Harry hocha la tête et s'enfuit. Il dévala l'escalier, traversa la salle commune comme une flèche et se précipita dans les couloirs. Plusieurs fois, il esquiva de justesse des élèves dans sa course effrénée. Il croisa même Draco qu'il manqua de percuter, et ne s'arrêta pas quand l'autre garçon s'exclama.
Il ne frappa pas avant d'entrer. Il ouvrit directement.
Personne.
Il resta immobile, mais juste un instant, avant de s'élancer vers la porte des quartiers. Mais cette dernière lui resta close.
Il se figea, la main tremblante sur la poignée. Cette réalisation était plus frappante que tous les mots. Il ne pouvait pas rentrer, le passage lui était interdit.
« Pourquoi ? » souffla-t-il.
Il se laissa choir au sol, et replia ses genoux contre son buste. Il pleura.
Neville était retourné trouver ses autres amis. Il croisa Draco sur le chemin. Le Serpentard semblait légèrement mécontent, et engagea la conversation en premier. « Qu'est-ce qui lui prend ? »
Neville plissa les yeux dans l'incompréhension. « Qui ? » Ils se dirigeaient vers la cour. Sous le regard instant de Draco, il comprit bien vite. « Oh, Harry ? Il a appris que S-le professeur Snape était de retour. »
« Grandiose. Ça justifie de bousculer tout le monde ? »
« Je suis sûr qu'Harry n'a poussé personne. »
« Ce n'est pas passé loin. »
Draco croqua dans une pomme. Une habitude qu'il prenait quand il mettait fin à une discussion. Neville ne dit rien, mais soupira légèrement.
Severus entra dans son bureau, et fut surpris d'y trouver un adolescent de presque quinze ans aux cheveux noirs ébouriffés en boule près de la porte de ses quartiers. Le Gryffondor n'avait pas remarqué sa présence ; Severus était toujours aussi doué pour la discrétion, et ses mouvements étaient parfaitement silencieux quand il le désirait.
Il aurait voulu réprimander l'impudent, mais il n'en eut pas le cœur en le voyant là, comme ça. Il s'approcha de l'enfant et s'agenouilla à côté de lui. Il posa une main sur l'épaule du garçon.
« Monsieur Potter… », commença-t-il d'une voix un peu dure.
« Ne m'appelle pas comme ça. », articula le garçon comme un grincement étranglé.
« Pardon ? »
« Ne m'appelle pas comme ça. », réclama le garçon avec force en relevant le visage. L'humidité était plus que présente dans ses yeux et s'était largement écoulée sur ses joues.
« Je vous appellerais comme je l'entends, monsieur Potter. Vous devriez bien le comprendre. », déclara l'homme avec fermeté. Il poursuivit à voix plus basse, doux bien qu'autoritaire. « Relève-toi, Harry. »
Le garçon se laissa tirer sur ses pieds, et s'essuya le visage du revers de la main, tirant sur le tissu de sa robe de sorcier pour la couvrir.
Severus donna un coup de baguette dans l'air pour insonoriser la pièce, et alla s'asseoir à son bureau. Harry suivit le mouvement, et s'installa sur une chaise en face.
« Explique-toi. »
Harry renifla avant de parler, alors le professeur fit apparaître un mouchoir en tissu devant l'enfant. Le garçon s'en saisit avec un « Merci. » murmuré, et se moucha. Ensuite, il fixa son regard aux yeux rougis sur l'homme.
« Neville m'a dit que tu étais revenu, je voulais te voir. Mais quand… quand j'ai voulu… » Les pleurs revenaient. « La porte était fermée. » Son expression se durcit, à la fois accusatrice et désespérée. « Tu me chasses ? »
« Tu comprendras que personne n'est censé venir dans mes appartements comme dans un moulin. »
« Je ne suis pas personne ! » cria-t-il.
« Cinq points en moins pour Gryffondor. Il reste encore quelques jours avant la fin de l'année, je t'assure que je me ferais un plaisir d'enlever tout point superflu à Gryffondor. »
« Nous étions… une famille. Est-ce que ça doit vraiment s'arrêter ? Tu vas laisser Voldemort décider de nos vies ?! Ou Dumbledore ? »
« Ne parle pas ainsi du professeur Dumbledore, Harry. Nous ne sommes pas, n'avons jamais été et… » Severus marqua involontairement une légère hésitation. Mais il ne servait à rien d'espérer. « Ne seront jamais, une famille. Rentre-toi bien ça dans ton crâne, aussi épais soit-il. Combien de fois Black et moi devrons-nous te le répéter ? »
« Tu as complètement oublié ces derniers temps. Et tu n'es même pas convaincant. Pourquoi es-tu obligé d'être aussi désagréable ? Nous sommes seuls ! Et ça ne sert à rien de commencer maintenant à jouer une comédie qu'on a oublié de faire pendant des années. Ce n'est pas changer maintenant qui changera grand-chose à ton rôle d'espion. Ce qui est fait est fait. On ne pourra pas revenir sur le passé. On peut préserver les apparences en public s'il faut, mais pourquoi s'interdire d'agir comme on l'entend en privé ? Tu chasses vraiment Maman aussi ? »
« Ta mère restera à Poudlard et continuera d'aider Madame Pomfresh ou de m'assister en cours. Elle n'a plus besoin de moi, et disposera de ses propres quartiers au niveau de l'infirmerie. Ta mère va bien, Harry. Elle est encore quelques fois instable émotionnellement, mais elle peut très bien se débrouiller seule, comme l'adulte qu'elle est. Une amnésie partielle ne devrait pas empêcher une sorcière talentueuse de vivre une vie normale, tu ne crois pas ? »
Harry était vidé de toute colère ou de tout chagrin par la compréhension de ce que lui disait le professeur. « Maman est… elle n'est plus… folle, alors ? »
« Elle n'est pas tout à fait guérie, mais elle l'est suffisamment pour se passer d'un garde-malade permanent. Elle voit le monde, l'entend, et peut évoluer sans trop de problèmes dans les terrains qui lui sont familiers. »
Harry fronça les sourcils. « Elle l'est encore, alors. »
« Il est difficile d'évaluer cela, Harry, mais oui, même si elle est sur une bonne voie et que j'ai confiance qu'elle se rétablira bientôt, elle n'est pas encore prête. C'est la raison pour laquelle elle et toi allez vivre chez Pétunia cet été, et aussi pour laquelle ta mère restera encore à Poudlard et m'assistera dans les cours de potion alors que je n'en ai nul besoin et qu'il vaudrait mieux que nous restions éloignés avec le retour du Seigneur des Ténèbres. »
Severus enleva le sort insonorisant. « Pour l'heure, Monsieur Potter, je ne veux plus vous voir dans mon bureau avant l'année prochaine. J'espère que c'est bien clair. Dans le cas contraire, vous nettoierez chaque salle de classe, et chaque ustensile employé lors de la fabrication des potions avant de partir en vacances. »
« Oui, monsieur. »
Le garçon se leva et sortit du bureau.
Severus sentait que c'était le début de nombreux moments très pénibles. Pour qui, par Morgane, Voldemort se prenait-il pour revenir d'entre les morts. Ils seraient tous beaucoup mieux sans lui.
Les élèves de Beauxbâtons et Durmstrang étaient tous sur le départ. Chacun faisait ses adieux aux connaissances ou amis qu'ils s'étaient faits.
Neville et Draco allaient pour rejoindre Hermione, Ginny et Ron qui discutaient au milieu de la cour quand Viktor Krum s'approcha en premier de la née-Moldue, dans son dos. Le bulgare passa un bras autour des épaules de la jeune fille, et l'entraîna un peu à l'écart, juste pour la forme plus que pour être vraiment seul ; d'une part l'endroit était bondé, et d'autre part ils restaient relativement proches des Weasley qui pouvaient tout entendre.
« Hermione, ceci est pour toi. Écris-moi, promis ? » lui souffla-t-il doucement en lui remettant un papier où étaient écrites ses coordonnées.
La fille rougit et hocha la tête. Le bulgare repartit, et à la surprise de Neville, Draco s'approcha à grands pas, poings et mâchoire serrés dans une expression de colère. Neville ne parvint pas à le rattraper pour lui demander ce qu'il avait avant que le Serpentard n'atteigne leurs amis.
Hermione et Ginny s'étaient rapprochées l'une de l'autre, la seconde avec grande excitation, prêtes à jaser et discuter de cette tournure intéressante. Ron était sidéré et rouge de jalousie.
« Qu'est-ce qu'il voulait ? » siffla le blond à l'intention d'Hermione.
Les deux filles relevèrent la tête vers le Serpentard. « Me dire en revoir, ce n'est pas évident ? » répondit Hermione avec neutralité. Ginny, à ses côtés, était blasée en observant le garçon. Neville arriva aux côtés de Draco, qui rétorquait déjà.
« Il t'a donné quelque chose. C'est étrange de te dire "au revoir" en te le susurrant à l'oreille, ne crois-tu pas ? »
Ron parla comme il cracherait du venin. « Il lui a demandé la promesse de lui écrire. »
Après avoir écouté le roux en le regardant, Draco fixa à nouveau ses yeux clairs sur Hermione. « Il t'a donné ses coordonnées ? » fit-il dans une sidération froide.
« Vraiment, Draco, je ne comprends pas pourquoi tu détestes autant Viktor. Ne me dis pas que tu es simplement jaloux de tous les sorciers plus célèbres que toi, comme Lockhart. »
Je ne déteste que ceux qui osent poser leurs mains sur toi, et je ne jalouse que ceux auxquels tu rends une affection imméritée. Il ne le dit pas, bien sûr. « Lockhart ne valait pas un clou. »
« Ce n'est pas le cas de Viktor. Il est d'ailleurs plutôt apprécié des autres Serpentard, et c'est avec eux que les élèves de Durmstrang traînaient le plus cette année. »
Nott, arrivant dans le dos de Draco, parla doucement. « Mais Draco n'est pas n'importe quel autre Serpentard, vous ne le contrediriez pas. »
Tous les autres observèrent le chef rusé de la bande de Serpentard de quatrième année. Ce n'était jamais bon quand il passait quelque part, même en solitaire.
Il sourit aux Gryffondor, puis se tourna vers son camarade de dortoir et chuchota. « Il faut qu'on parle. » Il l'avait dit comme une banalité. Ça ne semblait pas avoir le moindre caractère urgent, et même si ça avait été un ordre, en fait surtout si ça avait paru en être un, Draco n'aurait pas bougé tout de suite. Il regarda simplement Nott s'éloigner.
Il n'avait pas hâte du tout d'aller voir ce que l'autre lui voulait. Ça attendrait certainement le couvre-feu, quand Nott le coincerait devant la cheminée avec comme excuse qu'il l'avait prévenu plus tôt.
« Il n'y a rien de mal avec Viktor. », conclut Hermione. « Je ne vous demande pas de l'apprécier, mais j'ai le droit d'avoir d'autres amitiés, comme je l'entends. Le professeur Dumbledore nous l'a bien dit : ces liens forgés cette année avec les autres écoles sont importants. »
Draco fourra sa main gauche dans sa poche, et sortit une pomme dans l'autre pour la croquer. « Comme tu veux, Mione. », concéda-t-il avec nonchalance, néanmoins à moitié en bougonnant.
Fleur et sa sœur s'approchèrent, de Neville surtout.
« Au revoir, Neville. », fit la petite avec un sourire.
L'adolescent se tourna vers elle, souriant aimablement également. « Au revoir, Gabrielle. »
Fleur regardait les alentours. « Harry n'est pas avec toi ? »
« Non, il a dû trouver une lecture passionnante dont il ne sort pas ces derniers temps. », expliqua-t-il, afin de ne pas aborder la véritable raison, inavouable.
« J'aurais souhaité lui dire en revoir aussi. Tu lui transmettras, je peux compter sur toi pour ça. »
Il hocha la tête. « Bien sûr. Au revoir, Fleur. »
Les deux belles filles s'éloignèrent.
Harry vint dans la cour avant le départ des étudiants, et les sœurs Delacour trouvèrent l'occasion de lui dire à lui aussi au revoir. Il rejoignit ses amis.
Hermione, encouragée par la demande de Viktor, trouva opportun de parler de leurs futures et prochaines vacances.
« Vous m'écrirez cet été ? »
« Pas moi ! Je n'écris pas. », déclara Ron.
« Bien sûr que je le ferais. Tu recevras régulièrement des lettres de Poudlard ! » s'amusa Neville.
« Et du terrier. », assura Ginny. « Ce n'est pas parce que mon frère est un idiot que je ne vais pas écrire. Eh bien, je devrais peut-être ménager notre hibou, il ne vole pas très bien. … À moins que Drac ne nous envoie une lettre en premier et qu'on exploite son hibou. »
La rousse fit un clin d'œil au garçon qui mima un dégoût avant de croquer encore dans sa pomme, décidé à ne pas y répondre. C'était un symbole assez clair pour Neville et Harry que le Serpentard s'inquiétait de ce qui se passerait chez lui. Il avait en général tendance à répondre assez facilement à une provocation pareille, surtout envers les Weasley, et ne se gênait pas pour être insultant.
Hermione concentra son attention sur le blond. « Et toi, Draco, tu m'écriras. »
Pour toute réponse, l'adolescent entama la marche vers l'intérieur. Les autres le suivirent, prenant davantage cela comme la recherche d'un endroit plus isolé que comme une fuite étrange.
Quand ils furent plus au calme, sur l'allée couverte aux abords de la cour, séparés des autres par de larges colonnes qui malgré tout isolait relativement bien des sons agités, alors Draco se retourna vers la fille, et jeta nonchalamment son trognon par une ouverture entre deux colonnes.
Ils étaient à un endroit éclairé, mais bien sombre en comparaison à la cour voisine frappée par le soleil de juin.
« Certainement, quelle riche idée. Je vais t'écrire, Mione, tous les jours. Je vais t'envoyer des lettres jusqu'à remplir tes étagères de livre tant mon père sera en joie de me voir communiquer avec une née-moldue de Gryffondor. Au cas où ça aurait échappé à certains, le Seigneur des Ténèbres est revenu. Nev était assez clair là-dessus. »
Au lieu de s'emporter en retour, Hermione exprima sa propre inquiétude. Elle regarda avec nostalgie les sourires partagés entre leurs camarades dans la cour. « Plus rien ne sera comme avant, n'est-ce pas. »
Neville s'approcha d'elle doucement, alors que chacun restai t silencieux, contemplatifs des bonheurs qui s'en allaient et pensifs sur l'avenir sombre qui se réservait à eux. Il la prit délicatement dans une étreinte. « Non. », murmura-t-il. Il s'écarta d'elle et sourit sans joie. « Mais ce n'est pas une raison pour nous abandonner. Nous sommes encore amis, tous. »
Il se tournait vers Draco. « Et nous ne laisserons personne nous l'enlever. Pour ma part, j'ai choisi mon camp. Et je me battrais contre lui comme je l'ai fait tous les ans. Tant qu'il y aura encore des sorciers pour se soulever contre lui, faire face et front ensemble, il ne gagnera pas. Tant que certains agissent encore, il y aura cet espoir, et cette possibilité de vaincre. »
Au centre du cercle d'ami, il regardait les uns et les autres tour à tour. « Vous savez ce que c'est. Même toi, Ron. Certains l'ont vu sous sa forme la plus fourbe. », il regardait Harry, puis Ginny, « Lui ont parlé quand il persuadait de sa bonne fois. » Il se tourna vers Draco. « L'on vu sous son visage le plus horrible. » À nouveau, il pivota vers Ron. « Ou ont simplement, mais de manière non négligeable, découvert qu'il avait des serviteurs partout. »
Il observa Hermione. « Il est de retour, et les choses vont changer. Rien ne pourra être comme avant tant qu'il sera là, et nous serons à jamais changés nous-même quand il disparaîtra. Mais nous le ferons disparaître, et nous vivrons. Nous affronterons cela ensemble. » Il jeta un œil à Ron, même si son message ne lui était pas plus particulièrement destiné. « Du moins pour ceux qui le voudront. Nous ne forçons personne. Moi, j'ai choisi. Ce sera bientôt à vous de faire votre choix. »
Il posa une main sur l'épaule d'Hermione avec encouragement. « Mais chaque chose en son temps. Notre heure viendra, sûrement, certainement. Et je suis certain que nous serons prêts, et que nous saurons choisir ce qui sera le mieux pour nous. Plus rien ne sera comme avant, Hermione, si ce n'est une chose : nous sommes amis. Et nous le resterons jusqu'à la fin. »
« Peter Pettrigrow était un ami inséparable de Sirius, Oncle Remus et de mon père. », coupa Harry.
Neville lui sourit tristement. « Oui, et il s'est égaré en chemin. Toutefois, permets moi de te rappeler que même si ses amis savaient qu'ils voudraient se battre depuis longtemps, du moins était-ce le cas pour ton père et Sirius, ils n'avaient pas affronté de véritable danger comme nous l'avons fait. À moins que l'un de vous soit déjà un traître, j'ai confiance. Peut-être certains préféreront la passivité, mais je ne doute pas un seul instant que vous n'irez pas vers lui. »
Il regarda Draco. « Pas même toi. »
Draco hocha sombrement la tête, mais ne dit rien, si ce n'est dans une pensée que nul ne pouvait entendre : c'est ce que nous verrons. Mentir à l'arrière du crâne de Quirrell était une chose. Dire non au Seigneur des Ténèbres s'il se présentait devant lui, et son père, avec ses pleins pouvoirs… c'était une tout autre chose, et il n'était pas certain d'en être capable.
Même s'il était convaincu que Ron préférerait rester passif que de rejoindre la lutte, il pouvait être certain que le roux ne se tournerait pas vers les Serpentard et les mages noirs, même par peur. Mais lui, pourrait-il s'y soustraire ? Il en doutait fortement.
Ron tenta de détendre l'atmosphère. « Aurez-vous une année normale à Poudlard ? Aurons-nous ? » Il insista pour bien s'inclure dans le groupe.
Cela amusa Hermione. « Non. », fit-elle avec un petit rire.
« Positivement aucune chance. », confirma Harry à nouveau de bonne humeur.
Vint le moment où les deux écoles défilèrent pour rejoindre bateau et carrosse volant, saluant de la main les élèves de Poudlard qui faisaient rang pour les laisser passer.
Le bateau commença à naviguer sur le lac noir, et les Abraxans tirant le carrosse s'envolèrent et passèrent à côté du navire comme pour le saluer avant de monter bien plus haut dans le ciel, et que la large embarcation ne plonge dans les profondeurs.
Le Seigneur des ténèbres était plongé dans ses pensées. Severus avait eu d'autant plus de mal à le convaincre de sa loyauté que Voldemort avait toujours soupçonné que, s'il s'en prenait à la douce Lily, le jeune sorcier le trahirait.
Severus n'était plus aussi jeune, treize années avaient passé, treize années où il avait gagné en expérience et en maturité, et il avait trente-cinq ans à présent. Il était bien plus proche de la fleur de l'âge, et cela lui allait bien. Dans cinq ans peut-être, s'il parvenait à survivre jusque là. C'est-à-dire s'il pouvait rester tout aussi convaincant que ce soir, ou, au mieux, davantage.
Son espion était indéniablement passé maître dans l'art de cacher ses émotions et ses souffrances. S'il avait usé d'occlumancie pour cela, sans doute n'avait-il pas pu se battre à la fois sur ce plan pour se protéger de la douleur, et à la fois sur celui plus pernicieux qui tentait de lui arracher tous ses souvenirs dans une lutte d'esprit.
Voldemort se vantait peut-être d'être le plus puissant legilimens, Severus était souvent bien trop ambigu dans ses actions et paroles pour permettre de prouver quoi que ce soit. De plus, le maître des potions avait eu du temps pour parfaire l'art dans lequel il excellait déjà à à peine vingt ans, et qui était là le cœur du problème ?
Voldemort pouvait commettre des péchés d'orgueil, à n'en point douter, mais pour ce qui concernait Severus, il ne savait pas s'il pouvait véritablement se fier à ce qu'il avait vu dans l'esprit de l'espion. Il n'oubliait pas qu'il s'était un jour reconnu en lui. Ils étaient incontestablement très différents, mais il y avait eu tant de similitudes entre eux, de coïncidences étrangement similaires dans leurs vies, de leurs naissances jusqu'à leurs passions en passant par leurs camarades de classe, que Voldemort ne pouvait que douter et se questionner.
Il ne pouvait pas s'identifier à quelqu'un et considérer cette personne comme faible. Severus n'avait pas cherché le pouvoir, la gloire ou la richesse, il n'était pas intéressé par l'immortalité et son attitude récente laissait penser qu'il n'avait pas peur de la mort, ou alors il ne doutait aucunement de ses capacités à convaincre.
Il y avait des différences notables entre les deux sorciers éloignés d'une génération. Le premier avait décidé de diriger, de tromper, et de gagner sur tous les tableaux. Le second avait préféré être un suiveur, et ne s'était jamais soucié des conséquences sur sa réputation lorsqu'il se battait dans les couloirs avec ses ennemis.
Severus n'avait pas rejoint par conviction, il était venu pour appartenir à un groupe, et celui-ci avait été le seul à l'accueillir. Le jeune homme s'était peu soucié de l'idéologie puriste, et il n'avait jamais vraiment aimé les moldus. Mais celui qui avait grandi maintenant pourrait-il encore soutenir l'action qui était née pour s'en prendre à ceux comme Lily ?
Voldemort croyait au destin, et guère au hasard. Les quelques points communs entre lui et Severus suffisaient à l'interloquer. Et cette prophétie qui concernait soit Neville Longbottom… soit Harry Potter, le fils de cette femme que Severus chérissait.
Les choses laissaient à croire que Neville l'était, le garçon lui échappait toujours, et force était de constaté qu'il était doué pour se battre contre lui et que c'était lui qui était salué par le monde sorcier comme celui qui l'avait vaincu, bien que cette chose fut totalement fausse, c'était la plus grande injure faîte à l'honneur du Seigneur des Ténèbres.
Mais… et si c'était Harry Potter ?
Voldemort avait besoin de connaître le reste de cette prophétie.
Il avait besoin de pouvoir se décider sur la loyauté de son espion.
Les enfants de ses Mangemorts pourraient peut-être mieux l'informer sur ce qui se passait à l'école. Ils étaient quatre. Les idiots de Vincent Crabbe et Gregory Goyle, le blasé et sournois Théodore Nott junior… et le perfide Draco Malfoy, celui qui avait osé lui mentir, et qui s'était rallié à Neville Longbottom. Celui qui lui avait fait se demander pour la première fois si un occlumens pourrait lui cacher la vérité.
Draco n'avait que fermé son esprit, il avait placé un mur impénétrable pour un Voldemort très affaibli, mais ça avait été suffisant pour que le puissant sorcier préfère observer les actions de Severus par d'autres témoignages que les souvenirs de l'espion.
