(L'Ordre du Phénix) Propositions de Sirius
Après le retour de Voldemort, savoir où l'Ordre pourrait se rassembler et faire ses réunions était devenue une question cruciale. Rapidement, Sirius était allé voir Albus dans son bureau. Il avait spontanément proposé d'ouvrir sa maison à Dumbledore pour l'Ordre. Cela semblait être une bonne idée, et le vieux directeur avait exploré le manoir avec Sirius, afin de s'assurer qu'il y avait au moins une salle appropriée. Non seulement une telle salle existait, mais Sirius, en tant que fugitif, ne pouvait guère apporter beaucoup d'autres aides, et qu'il reste coincé dans sa demeure et le quartier général parut avoir de nombreux avantages. Sirius serait alors toujours disponible pour les réunions, toujours présent pour obtenir les rapports d'un membre ou d'un autre pour ensuite en informer les personnes idoines, comme Albus ou Severus. Oui, faire de la résidence de Sirius Black le quartier général, avec Sirius bloqué à l'intérieur et protégé du ministère qui refusait encore et toujours de croire en son innocence, était une très bonne solution.
« Il faudrait un gardien du secret. », avait avisé Albus.
Sirius avait grogné. « Après ce qui est arrivé à James et Lily, je devrais confier ma maison à cette magie ? »
« C'est la plus fidèle, Sirius. Vous avez simplement placé votre confiance en la mauvaise personne. Placer un Fidélius permettra également d'empêcher quiconque de venir fouiller ton manoir à ta recherche. Tu es toujours un fugitif. Et nous ne voudrions certes pas non plus que les Mangemorts puissent nous trouver. Nous devons protéger le quartier général. »
Sirius n'en était pas vraiment content, mais il avait dû concéder que cela semblait pour le mieux. « Et comment comptez-vous choisir un gardien du secret ? »
« Il nous en faudrait un qui ne trahira certainement pas. »
« Pour ça, il y a de nombreux membres. Moi, à commencer, Remus, vous… »
« Qu'importe la situation. », avait précisé durement le directeur.
« Ça ne change pas ce que je disais. Minerva… »
« Je connais la liste, Sirius, et j'ai confiance en chacun des membres de l'Ordre, sinon ils ne seraient pas membres. Mais comme nous avions confiance en Peter Pettigrow, nous ne savons pas ce qui peut arriver dans le futur. »
« Peter était une graine de lâche. »
« Chacun a ses défauts. Et peu pourraient résister à toutes les situations. Il nous faut un gardien qui serait assez inaccessible, et qui a peu de risque de mourir. »
« Nous savons tous les risques que nous prenons. À part vous, personne n'est intouchable. », avait rétorqué Sirius.
Dumbledore avait été en contradiction. « Il pourrait m'arriver de venir dans des batailles, et je peux être très exposé, comme chacun de vous. Face à Voldemort lui-même, je devrais être en première ligne. »
« Mais vous ne perdriez pas ! »
« Nous l'ignorons. Lord Voldemort n'est toujours pas vaincu non plus. Je me fais vieux. Je pourrais disparaître plus prématurément qu'on ne le pense. »
Sirius avait observé attentivement le directeur, avant de reprendre la parole. « Vous ne voulez tout simplement pas être le gardien du secret. Pourquoi ? Personne, aucun allié dans cette maudite guerre, ne serait intouchable. »
« Il y en a un qui a toute ma confiance, et qui n'irait pas sur les batailles. Son rôle est justement de rester inaccessible. »
Sirius avait froncé les sourcils, puis, en même temps qu'il réalisait pleinement, senti la rage remonter dans ses entrailles, et l'indignation pure et absolue. « Non ! Non et non ! C'est hors de question. Je ne confierais pas ma maison, ou ma vie, à Servillus. »
« Tu ne peux pas douter de sa loyauté, Sirius. »
« Tout comme je ne doute pas de la vôtre, Albus ! C'est non. Pas Servillus ! »
Dumbledore avait paru dériver dans ses propres pensées. « Bien évidemment, les autres devront croire que je suis le gardien du secret… »
« M'écoutez-vous seulement quand je parle ?! J'ai dit non. »
Le centenaire avait souri à Sirius. « Eh bien, je vais certainement lui annoncer à notre prochaine rencontre. »
Ainsi, le directeur était reparti en ignorant l'indignation et les protestations de Sirius.
Sa discussion avec Severus n'avait pas été beaucoup mieux.
« Un gardien du secret ? » avait répété, presque incrédule, le maître des potions, assis dans le bureau de Dumbledore, qui venait simplement de lui expliquer la proposition de Sirius, son accord pour cela, et la décision d'y placer un Fidélius.
« C'est cela. » Albus sirotait un peu plus de thé. « Il nous faut donc quelqu'un de toute confiance. »
« Pourquoi ne pas vous en occuper vous-même, Albus ? »
« Je lancerais le sort. »
« Je peux m'en charger. »
« Merveilleux, merci Severus. » Le sourire du directeur rayonnait beaucoup trop pour que le chef Serpentard ne se doute pas qu'il y avait là un sens caché.
Il prit une voix glissante et froide. Il était rarement de bonne humeur depuis le retour du Seigneur des Ténèbres. « Albus, je parlais de lancer le sort à ta place afin que tu puisses être le gardien du secret. Et c'est bien ce que tu as compris, n'est-ce pas ? »
Albus souriait toujours. « Severus, as-tu confiance en qui que ce soit dans l'Ordre pour résister et parvenir à garder le secret dans toutes les situations que nous pourrions imaginer mais aussi celles totalement inconnues et imprévisibles même pour nos esprits bien fournis ? »
« Tu connais ma réponse, Albus. Beaucoup d'esprits peuvent se briser avec les bons… soins apportés. Même si l'Ordre n'était composé que des plus hautes moralités, et uniquement avec de fortes convictions, n'oublions pas que vous avez déjà manqué un traître, du nom de Pettigrow bien souvent appelé Queudver ces temps-ci par le Seigneur des Ténèbres, et que même Lily et Potter n'ont pu se préserver de la folie aux généreux traitements de Bellatrix. »
« Tu sais que le secret d'un Fidélius doit être donné avec le plein consentement du gardien du secret, Severus. »
« Oui. Et même si Pettigrow avait toujours été un rat, même si chaque membre de l'Ordre était extrêmement fidèle à la cause, ils peuvent tous être amenés à délivrer l'information. Le seul que le Seigneur des Ténèbres n'osera pas toucher, c'est toi, Albus. »
Le directeur avait acquiescé. « Oui, il devrait croire que je suis le gardien. Mais par pure précaution, au cas où il tenterait tout de même de m'arracher le secret, il nous faudrait un gardien différent. »
« Vous voulez refaire ce que les Maraudeurs ont eu l'idiotie de faire ? Albus, votre esprit ne serait pas brisé si le Seigneur des Ténèbres prenait à tâche d'obtenir les informations de toi. De plus, s'il parvenait à t'atteindre, alors nous aurions déjà échoué, et savoir si le secret est préservé ou non serait le dernier de nos soucis. Et je ne pense pas que tu trahirais le secret. Par conséquent, allons simplement voir Black, je lancerais le sort, et tu seras le gardien. Inutile d'aller chercher un profil inadapté et incertain quand on a déjà le meilleur sous la main. »
« C'est aussi ce que je pense. Allons-y. »
Ce fut une fois tous trois réuni à square Grimmaurd que les choses s'étaient détériorées. Dumbledore avait rapidement avoué sa véritable intention, en partie à cause de la réaction immédiate de Sirius à la vue de Severus, et les deux plus jeunes avaient tenté de faire entendre raison au centenaire, sans parvenir à se reconnaître tous deux comme des alliés dans cette situation, et donc inévitablement en se querellant et s'insultant l'un l'autre, à défaut de pouvoir se défouler sur le vieux sorcier qu'ils respectaient.
Ils eurent plusieurs jours de disputes sur le sujet avant que les deux jeunes sorciers n'acceptent la décision du directeur têtu qui n'en démordait pas. Même retourner l'argument que Severus était souvent dans des positions instables, et que la moindre erreur auprès du Seigneur des Ténèbres pourrait lui coûter la vie plus sûrement que s'il était sur le champ de bataille, n'avait pas fonctionné.
Ce fut très à contrecœur que Sirius l'avait permis, et que Severus était devenu le gardien du secret. Afin d'éviter tout ennui à l'espion, ils firent croire à tous que le doyen était ce gardien.
Le directeur était pour sa part très satisfait de cette nouvelle occasion de pousser les deux jeunes collaborateurs à s'entendre.
Le temps avait passé depuis que la demeure de Sirius était devenue le quartier général de l'Ordre. Les jours d'été s'écoulaient, les vacances défilaient, et Sirius n'avait pas pu voir une seule fois son filleul.
Sirius n'était pas seul à la maison, c'était certain. Dès que l'endroit avait été placé sous Fidélius, il avait invité les Weasley, des gens pauvres, nombreux et pleins de vie, à séjourner chez lui. Cela lui faisait de la compagnie, et lui octroyait le sentiment d'aider. Il offrait gîte et couvert à une famille alliée dans le besoin. Les coffres Black étaient bien assez remplis pour se le permettre, et il fallait bien que tout cet argent serve tant qu'il était en vie.
Sans doute, avec la guerre revenue, devrait-il songer à écrire un testament. Il devrait le faire valider à Gringotts. Les gobelins n'étaient que peu intéressés par les histoires des sorciers, et même en tant que criminel déclaré, il pouvait accéder à tout ce qui concernait la banque, mais s'y rendre était une autre affaire. Bien sûr, Patmol, le chien, pouvait aisément se promener, mais Remus le déconseillait très souvent en prétextant que ce n'était guère raisonnable et qu'il pourrait un jour se faire reconnaître.
La maison semblait vivante et moins vide, une fois occupée par les Weasley.
Il y avait Arthur et Molly, qui faisaient partie des nouveaux membres de l'Ordre, comme Nymphadora Tonks, une jeune auror disciple de Maugrey. Sirius s'accordait bien avec le premier, et s'amusait des disputes entre la seconde et Kreattur. Kreattur n'appréciait personne parmi tous ceux qui défilaient, et c'était pour le plus grand bonheur de Sirius que l'elfe soit obligé de tout accepter et continuait d'exprimer son indignation. Sirius n'aimait pas entendre Kreattur, mais il se délectait que l'elfe de maison soit mécontent.
Il y avait également les jumeaux Fred et George, nommés d'après les défunts frères de Molly, Fabian et Gideon, d'anciens membres de l'Ordre. Ce qui plaisait particulièrement à Sirius était l'attitude farceuse des jumeaux. Sans compter que ces deux garçons s'avéraient être des grands fans des Maraudeurs dont ils avaient trouvé la carte dans le bureau de Rusard en première année, carte qu'ils avaient donnée à Harry, pour la plus grande fierté de Sirius, un peu moins de deux ans plus tôt. Sirius avait abreuvé les jumeaux d'histoires des Maraudeurs, très satisfait d'avoir un public qui ne tenterait pas de moraliser les actions. Du moins s'il oubliait que Remus participait en contestant certaines conduites qu'ils avaient eues. Les jumeaux avaient été ravis de découvrir que Sirius et leur ancien meilleur professeur de défense contre les forces du mal étaient Patmol et Moony.
Dans la maison, il y avait encore Ron et Ginny, deux amis de Harry et Neville. Sirius était presque surpris d'avoir entendu plus parler des jumeaux que de Ron de la part de son filleul, mais le garçon roux lui expliqua qu'ils avaient eu quelques difficultés à s'entendre, alors que les jumeaux jouaient au Quidditch avec Harry. Sirius n'avait fait que complimenter Ron et lui signifier qu'il avait bien raison quand le garçon avait admis que le désaccord principal était dû à la sympathie de Harry pour Snape.
Cependant, même si la demeure était bien peuplée avec toujours les Weasley et Remus, et régulièrement avec d'autres membres de l'Ordre, Sirius voulait surtout que son filleul revienne à la maison. Mais Remus était contre. Il jugeait que Harry devrait rester dans l'ignorance de ce qui se passait, avec sa proportion à d'une part s'énerver contre tout ce qui critiquait Neville, et d'autre part à foncer dans les ennuis parfois tête baissée d'après les rapports que Severus lui avait faits. Sirius était encore plus en colère contre Servillus que l'homme rapporte à Remus et pas à lui les exploits de son filleul qu'il voudrait féliciter. Remus n'était jamais à court d'arguments pour signifier que Harry voudrait rejoindre l'Ordre s'il savait, mais que ce n'était pas la place d'un garçon de son âge. Même les jumeaux n'étaient pas autorisés à rejoindre, malgré leurs 17 ans, tant qu'ils étaient encore à Poudlard, leurs études non terminées. Molly approuvait grandement la décision d'écarter les enfants, et cela énervait particulièrement Sirius qui considérait que ces garçons, et filles, avaient le droit de se battre pour ce qui leur semblait juste. À 15 ans, ils étaient tout de même assez âgés.
À défaut de pouvoir faire revenir Harry, Sirius avait décidé d'inviter Hermione Granger. La fille était amie avec les Weasley et avec Harry et Neville, ce qui était une raison suffisante pour l'accepter. Elle était également très intelligente, et la meilleure sorcière de sa génération. Si elle ne pouvait pas participer, personne ne le pourrait, définitivement. Il ne s'agissait pas d'inviter la fille à rejoindre l'Ordre, seulement qu'elle passe ses vacances au manoir. Il était dangereux de rester dans une famille moldue par les temps qui courraient. Sirius n'eut pas de difficulté à convaincre Albus de pouvoir inviter la fille, mais le directeur avait ses propres exigences.
Albus avait décidé de maintenir Neville à l'écart, comme Remus le faisait de Harry. Il fit donc promettre à chacun des enfants Weasley, et d'Hermione, de ne rien communiquer à Neville, ou Harry suivant la demande de Remus. D'autant qu'Albus savait que si Harry était informé, il communiquerait inévitablement avec Neville. Ces deux-là étaient bien trop proches pour qu'il puisse décrocher une telle promesse de l'un ou de l'autre.
Hermione et Ginny ne manquèrent pas d'écrire des lettres à Harry et Neville, mais toujours sans mentionner l'Ordre ni même qu'elles séjournaient chez Sirius. Harry serait très certainement contrarié quand il découvrirait que ses amis passaient du temps avec son parrain quand lui ne le pouvait pas. Si les deux filles étaient tout à fait honnêtes avec elles-mêmes, n'avoir aucune nouvelle de Draco leur manquait et les inquiétait. Surtout quand elles savaient que ni Harry ni Neville n'en avaient, alors qu'il aurait paru naturel pour Draco de leur en envoyer. Draco avait déjà prévenu qu'il n'enverrait pas de lettres à Hermione, et Ginny n'avait jamais échangé avec lui, donc elles n'étaient pas surprises. Mais ne pas en envoyer à Harry ou Neville était autre chose.
Pour rassurer sa sœur et son amie, Ron avait tenté d'écrire une lettre au Malfoy, juste pour lui demander s'il était encore vivant, mais Remus l'avait intercepté avant qu'il n'ait l'occasion de l'envoyer, et avait rappelé durement que le père de Draco était un Mangemort, et qu'ils étaient actuellement au quartier général de l'Ordre. S'envoyer des lettres était la pire des idées dans ces conditions.
Néanmoins, Ron avait été gratifié pour cette tentative d'un chaleureux remerciement d'Hermione.
