(L'Ordre du Phénix) L'attaque des détraqueurs
L'été était chaud. Harry n'avait pas souvenir d'avoir jamais connu une canicule semblable, et il se demandait si c'était plus dû à l'endroit qu'à une augmentation de température généralisée sur l'ensemble du pays. Il avait grandi à Londres, du moins il croyait s'en souvenir. Il était incapable de situer la maison de Sirius. C'était étrange, il était pourtant convaincu d'en connaître l'adresse. Quoi qu'il en fût, il s'agissait d'une maison sorcière, avec certainement des sorts pour le préserver des températures variables. Ce devait aussi être le cas de l'Impasse du Tisseur où vivait Severus. Mais ici, la maison était moldue, et Harry passait également beaucoup de temps en extérieur. Il s'asseyait généralement sur la balançoire, qui lui rappelait le parc près de l'Impasse du Tisseur. C'était par nostalgie. Et puis, il surveillait du mieux qu'il pouvait son cousin. Il ne s'était toujours pas décidé à le dénoncer à sa tante. Il doutait que Tante Pétunia le croie, mais il ne pouvait pas non plus permettre que Dudley continue d'intimider les enfants, et de les frapper.
Dudley et sa bande, quatre autres garçons idiots à la grande carrure, riaient encore, se remémorant à haute voix ce qu'avait fait un bambin qu'ils avaient puni.
Harry interpella son cousin. « Hey, Dud ! T'as encore frappé un môme ? »
La bande s'approcha, bien qu'à bonne distance encore, de l'adolescent bien plus maigre qu'eux. « Celui-là l'avait cherché. », se défendit sombrement Dudley.
« Tu trouves ça normal ? De répondre aussi violemment ? Il a vraiment fait quelque chose qui méritait la réponse que tu as faite ? »
« Qu'est-ce que tu vas faire, Harry ? Le dire à ta mère ? "Oh, Maman, mon cousin a corrigé un petit crétin, j'ai peur, au secours !" »
Derrière Dudley, ses compagnons riaient aux éclats. Harry serrait les poings. « Je n'irais pas la voir comme ça ! »
Dudley savait très bien pourquoi. Ce n'était pas à sa mère que Harry pouvait se confier, c'était à sa tante, Pétunia, qui croirait toujours son fils au-dessus de son neveu.
« Pourquoi ? Elle est où ta mère, Harry ? Elle a besoin de plus de tuteurs que toi ? Elle est folle, hein ? Elle est folle ? Pourquoi t'es ici et pas avec elle ? Pourquoi vous avez besoin de venir chez nous ? On la voit pas, ta mère. Elle est où, hein ? Elle t'a abandonné ? »
« Assez ! » cria Harry, sautant sur ses pieds. Il combla prestement l'espace entre lui et son cousin, sa baguette sortie et pointée directement sur le cou de l'adolescent.
Dudley n'avait certainement jamais vu la baguette de Harry, et ne savait peut-être pas ce que c'était ni le danger que cela devrait représenter pour lui, mais il se souvenait que les colères de son cousin pouvaient mener à des événements étranges.
« Tu sais très bien ce qu'il en est, Dudley. Ma mère va bien. Nous sommes juste en vacances. On ne voit pas beaucoup ta mère sortir non plus. »
Le vent se levait soudainement, le ciel s'assombrissait, et la température chutait. Les autres s'inquiétaient. Harry n'en avait rien à faire.
« N'insulte pas ma mère, jamais plus devant moi. Ou je te garantis que tu découvriras ce qu'on m'apprend vraiment à… "Saint Brutus". »
« Qu-qu'est qu'est-ce que tu fais ?! » s'exclamait Dudley, effrayé par le changement d'atmosphère. Les autres avaient déjà fui.
« J'en ai connu d'autres, des petites brutes dans ton genre. Tu ne… »
Dudley le repoussa violemment, et pointa le ciel. « Harry ! Qu'est-ce que tu fais ! Arrête ça ! »
« Je… » Harry vit la buée sortir de ses lèvres, il sentit le frissonnement dans son corps, et remarqua le vent levé, et le ciel obstrué. Il ne pouvait penser qu'à une chose. Une chose qui l'effrayait plus que n'importe quoi d'autre. Détraqueur.
« Rentrons. Maintenant. Courons ! »
Les deux cousins se précipitèrent vers le chemin de la maison. Harry n'avait jamais pensé qu'il ferait un jour une course aussi effrénée. Il ne pouvait pas comprendre que les détraqueurs viennent ici. Pourquoi ? Voldemort aurait-il fait évader des Mangemorts ? Il n'y avait aucune raison pour que les détraqueurs viennent ici, même dans ce cas.
Ils n'eurent guère le temps de rejoindre la maison avant que, dans un tunnel obscur, deux détraqueurs ne surgissent. Dès l'instant où il les vit, Harry n'hésita pas. « Expecto Patronum ! »
Son cerf, blanc et brillant, apparu comme une lueur ardente d'espoir au milieu d'un endroit sombre et lugubre qui n'annonçait que le malheur. Il l'envoya vers le détraqueur le plus proche, et le chassa le plus loin qu'il puisse voir, en dehors du tunnel. Il rappela ensuite son patronus pour écarter l'autre, celui qui, penché au-dessus de son cousin, se nourrissait de ses souvenirs et de ses joies.
Baguette en main, il se précipita auprès de Dudley. Le garçon réagissait à peine.
« Est-ce que ça va ? Dudley ? »
Aucune réponse ne vint de son cousin, mais il entendit distinctement des petits pas et un chariot traîné sur des roues grinçantes. Il se retourna pour voir la nouvelle voisine d'en face des Dursley, qui s'était installée en début des vacances d'été. C'était une vieille femme que Harry n'avait pas pris la peine de côtoyer, mais dont il avait pu apprendre le nom. Il savait aussi qu'il y avait de nombreux chats dans sa maison, et qu'on les entendait parfois se battre dans la nuit.
« Madame Figg ? Vous… » Il devait trouver une explication pour justifier l'état de son cousin. « Dudley est tombé, et… »
« Ne range pas ta baguette, Harry. Ils pourraient revenir. », annonça-t-elle une fois proche de lui.
Harry la regarda avec surprise. « Quoi ? Je n'en avais pas l'intention, mais… de quoi parlez-vous ? »
Harry avait seulement considéré qu'une moldue le trouverait peut-être étrange avec un bâton dans les mains, mais il n'était guère préoccupé parce que pensaient les habitants de l'endroit. En revanche, elle n'était pas censée identifier ce bout de bois comme une baguette.
« Allez, prend ton cousin et rentrons. », pressa la femme.
Harry décida d'obéir, désireux de retrouver le réconfort de la maison, la protection du lieu connu, et peut-être, légèrement, de trouver un moyen de soulager son cousin qui semblait dans un état second. Était-ce car il était moldu ? Ils auraient vraiment besoin des soins de Severus, mais l'espion accepterait-il seulement de venir aider ?
Sur le chemin, Arabella Figg expliqua qu'elle était une cracmol envoyée par Dumbledore pour surveiller que lui et sa mère allaient bien et restaient en sécurité.
« Excusez-moi, mais qu'est-ce qu'un cracmol ? »
« Tu ne sais pas ? Moi qui pensais que tu avais grandi avec des sorciers. Ton parrain ne t'a rien dit ? »
« Apparemment pas. » Il se retint d'ajouter que ça ne devait pas être important.
« Un cracmol est une personne née d'au moins un parent sorcier, mais qui est dépourvue de pouvoir magique. »
« Comment est-ce possible ? Comme les sorciers qui naissent de parents moldus ? »
« Il est suspecté, d'après certains, que les sorciers nés-moldus seraient des descendants de cracmol. Les cracmol ne sont pas vraiment des moldus. Ils ont du sang magique, et peuvent voir ou sentir certaines choses qu'un moldu ne pourrait pas. »
« Je n'ai jamais entendu parler de cracmol avant. »
« Ce sont des cas très rares, mais Sirius Black les connaît. Il ne devait pas penser que tu avais besoin de le savoir. Il est un peu extrême dans ses opinions sur la pureté, les moldus ou toutes ces histoires. Tu ne pourrais pas en voir à Poudlard, ils n'y sont pas admis. Nous ne pouvons pas vraiment apprendre de sorts, n'est-ce pas ? Allez, dépêche-toi de rentrer. »
Elle le poussa un peu sur le dos, et s'éloigna vers sa propre maison, en face de celle des Dursley. Harry continua de traîner le pas, soutenant toujours Dudley.
C'était déjà la mi-août, mais la canicule persistait. Pétunia s'éventait, habillée de sa robe à la jupe la plus courte. Elle avait tenté de reprocher à sa sœur de ne porter que des robes à la jupe très longue et aux manches longues, mais Lily avait signifié que ses vêtements étaient plus décents, et ne sauraient être critiqués. Sa robe n'avait même rien de particulièrement sorcier. Pétunia avait bien sûr râlé que ça la faisait davantage ressembler à un fantôme, et Lily n'avait rien ajouté d'autre qu'un léger acquiescement discret.
Lily était devant le plan de travail de la cuisine, à préparer un saladier et des légumes qu'elle avait trouvés. Elle avait placé la salade et épluchait des carottes.
« Nous n'allumerons ni les plaques ni le four. Nous mangerons du frais. Du glacé si possible. », décida Pétunia.
« Nous pouvons faire une salade, mais ton mari et Dudley n'apprécieront pas. Nous n'allons tout de même pas ne manger que de la glace. »
Pétunia grimaça. « Non. Il faudra trouver de quoi ne faire que des repas froids dans les jours qui viennent. »
Elles entendirent le bruit de la porte.
« Dudley, c'est toi ? » appela Pétunia.
Lily posa son couteau, et se précipita vers les deux garçons qui venaient d'apparaître à la porte. « Que s'est-il passé ? » s'enquit-elle avec inquiétude.
Pétunia tourna la tête, et hurla. Elle se précipita vers son fils, et les deux femmes conduisirent l'adolescent au fauteuil.
« On a été attaqué… », commença Harry.
« Attaqué ? Ne raconte pas n'importe quoi, garçon ! » grogna l'oncle Vernon, très en colère.
« Qui t'as fait ça, Dudley ? » demanda Pétunia à son fils. Le garçon releva le regard pour désigner lentement Harry avec un doigt.
« Ce n'est pas vrai, ce n'est pas moi ! » s'insurgea Harry.
Vernon s'approchait, rouge, de Harry. « Tu es content, maintenant ? Tu as rendu notre fils maboul ! »
« Vernon ! Ne dis pas ça. », gronda Pétunia.
« Mais regarde-le, Pétunia. Notre fils est devenu dingo ! »
Pétunia se leva. « Je vais appeler Sainte Mangouste. »
« L'hôpital sorcier ? »
« C'est ce que nous avons le mieux à faire. »
Lily, toujours aux côtés de Dudley, regardait son fils. « Harry, que s'est-il passé ? Dudley n'est pas en état de répondre, mais toi si. »
« On a été attaqué par des détraqueurs. »
« Des détraqueurs ! » hurla Pétunia, surprise et inquiète, lâchant le téléphone avant d'avoir eu l'occasion de l'utiliser.
Vernon refusait d'écouter. « Dudley a dit que tu lui avais fait. Nous n'aurions jamais dû accepter ces sorciers sous notre toit ! »
Lily secoua la tête, et caressa les cheveux de son neveu. « Les moldus ne peuvent pas voir les détraqueurs. Dudley n'a pas dû pouvoir comprendre ce qui lui arrivait. Son état semble… du genre que Sev peut guérir. »
« Severus ne peut pas aider. », protesta Pétunia.
« Il peut ! » s'insurgea Harry. « Il a une potion pour amoindrir les effets des détraqueurs. »
« Et pourquoi toi, tu n'as rien ? »
« Je… » Harry peinait à trouver une explication. Il avait lancé son patronus, mais en effet pas sur les deux détraqueurs en même temps, il serait donc vu comme fautif, en partie. De plus, il ne s'expliquait pas la réaction de Dudley. Lui, d'habitude, s'évanouissait.
« Ce n'est pas l'important. », contra Lily. « Il faut appeler Severus. »
Pétunia fusilla sa sœur du regard. « Je ne l'appellerais pas, même si je savais comment faire. Il vous a abandonné ici, ce n'est pas pour qu'on le ramène. Je vais appeler Sainte Mangouste, ils sauront quoi faire, et si ce n'est pas le cas, ils sauront appeler ton cher Severus. »
Pendant que Pétunia reprenait le combiné, une chouette entra soudainement par la baie vitrée ouverte, et lâcha une lettre sur le canapé. Même de loin, le tampon « confidentiel » était lisible. L'enveloppe s'envola, et l'oiseau repartit. Le parchemin plié s'approcha de Harry. Il se tordait pour laisser paraître des traits de visage tels des yeux bridés, une bouche au maquillage très marqué, un philtrum et même les rides des lèvres blanches. Une voix aiguë avec un soupçon hautain commença à parler. Harry songeait que cela ressemblait aux beuglantes dont lui avait parlé Sirius. La différence était qu'il ne semblait guère y avoir besoin qu'il l'ouvre, et que la personne qui parlait ne hurlait certainement pas.
« Cher Monsieur Potter,
« Le Ministère a reçu des informations selon lesquelles à 6 heures 23 ce soir, vous avez exécuté le charme de Patronus en présence d'un moldu. S'agissant d'une violation du décret sur la restriction de l'usage de la magie chez les sorciers de premier cycle, vous êtes par la présente renvoyé de l'école de sorcellerie Poudlard.
« Mes meilleurs sentiments,
« Mafalda Hopkrik. »
La lettre retomba au sol, inerte. L'oncle Vernon sourit méchamment. « Justice. »
Harry sentait les larmes et la colère monter. Il ne pouvait pas être renvoyé juste pour s'être défendu, et avoir sauvé la vie du moldu mentionné, tout de même ! Moldu qui savait par ailleurs pour l'existence de sa magie. Et soit le ministère en avait pleinement conscience, soit leurs sorts étaient à revoir, puisque cette lettre notée confidentielle s'ouvrait toute seule non seulement devant témoins, mais en présence de ce moldu précédemment cité et deux autres. À moins que ce ne fut que cette Mafalda Hopkrik qui méritait un blâme.
« Ils ne peuvent pas faire ça. », déclara durement sa mère.
« Et pourquoi ne pourraient-ils pas ? » exigea Vernon.
« Le charme de Patronus est un charme de bouclier, justement employé pour se défendre face aux détraqueurs. De plus, aux dernières nouvelles… les détraqueurs sont contrôlés par le Ministère. »
Harry écarquilla les yeux. « Tu veux dire que ce sont eux qui les ont envoyés pour commencer ? Mais pourquoi ?! Ne pourraient-ils pas avoir tout simplement échappé à leur contrôle. »
« Pour venir dans une petite ville moldue ? Directement là où il y a un jeune sorcier qui ne devrait pas faire de magie ? »
« Je ne comprends pas pourquoi ils feraient ça. »
Pétunia intervint. « Pour te renvoyer. Vernon, une infirmière va venir chercher Dudley et nous transplaner. Lily, Harry, restez ici. »
Une infirmière arriva effectivement, et la famille Dursley partit pour l'hôpital sorcier.
Lily vint enlacer son fils. « Ne t'inquiète pas, Harry. Tu ne peux pas être renvoyé pour ça. Nous arrangerons tout. Va te reposer. Tu peux prendre le lit dans ma chambre au lieu du canapé. »
L'adolescent acquiesça et monta l'escalier.
Lily sourit maternellement, et sortit sa baguette après avoir entendu la porte de la chambre se fermer doucement. Elle invoqua son patronus et l'envoya à Remus avec un résumé de la situation. Elle aurait souhaité l'envoyer à Severus, mais c'était trop risqué. Elle ne pouvait pas savoir dans quelle situation il était actuellement, et si une biche patronus venait le voir au milieu d'une réunion de Mangemort, cela le mettrait dans une position difficile. Quelque temps après, un loup brillant arriva devant elle et l'informa que Remus viendrait les chercher et les ramener au quartier général dès qu'ils auraient terminé la réunion de l'Ordre. Alors, Lily alla veiller son garçon qui s'était endormi dans un sommeil agité.
