(L'Ordre du Phénix) Sous le Fidélius
Il n'était pas rare pour Neville de rester quelquefois plusieurs heures seul. Hagrid partait il ne savait où, et le garçon n'avait alors pour unique compagnie que les créatures de la forêt, certaines plus dangereuses que d'autre, mais toutes ses amies. En dehors des acromantules, bien sûr, où seul Aragog était un ami.
Ce n'était cependant jamais plus d'une journée. Mais à la mi-août, où une fois de plus Hagrid s'était absenté, le demi-géant ne revint pas seul. Neville aurait pu s'attendre, ou espérer, que Dumbledore accompagne son tuteur, ou vienne le voir ne serait-ce qu'une fois, mais non, ce n'était pas le directeur, c'était le professeur McGonagall.
« Désolé, Neville. », déclara le demi-géant. « J'dois partir en mission. Ce s'ra loin, et long. »
Neville hocha la tête, puis la tourna vers son chef de maison. « Est-ce pour cela que vous êtes là, professeur McGonagall ? »
« En effet, Monsieur Longbottom. Vous ne pouvez pas rester seul ici. Aussi, vais-je vous amener là où vous séjournerez pour la fin des vacances. Préparez vos affaires, je vous transplanerais. »
« Oui, professeur McGonagall. »
L'adolescent se dépêcha de réunir ses quelques vêtements. Il regarda un temps ses livres de botanique qu'il connaissait déjà par cœur. Il éleva la voix, sachant que le professeur devait être plus loin dans la cabane, dans son dos. « Professeur, où vais-je aller ? »
« Vous verrez. »
Neville tourna un regard surpris vers son chef de maison. Il n'avait pas souvenir d'avoir déjà reçu une réponse aussi vague pour ce genre de situation. Il avait toujours eu la confiance et les informations de Dumbledore, et même si le professeur McGonagall était stricte, elle n'avait jamais semblé autant distante, surtout pas en dehors du contexte scolaire.
« Ai-je… ai-je fait quelque chose de mal, professeur ? » osa-t-il demander.
McGonagall parut surprise un instant, puis sourit plus tendrement. « Absolument pas, Monsieur Longbottom. Nous allons au second endroit le plus sûr pour vous en dehors de Poudlard. Mais c'est un lieu actuellement sous le charme du Fidélius, et il m'est impossible de vous en donner la localisation. »
Neville ignorait ce qu'était le Fidélius, mais il accepta pour le moment l'explication docilement. Il pourrait toujours demander à Harry s'il savait ce dont il s'agissait, ou à un autre des ses amis, voire à un membre de l'Ordre dont il était proche, comme Sirius, Remus ou même Lily et Severus. Il était certain que ce dernier lui répondrait, mais encore faudrait-il qu'il puisse l'aborder. Neville savait on ne peut mieux qu'il serait pour ainsi dire impossible de conserver la relation privilégiée qu'il avait obtenue avec le maître des potions depuis que l'espion reprenait du service. Il regretterait certes ce changement, mais il s'entendait de toute manière beaucoup plus facilement avec d'autres professeurs comme Chourave, McGonagall ou Flitwick. Celui qui n'arriverait pas à l'accepter restait Harry. Ce qui dérangeait le plus Neville était l'éloignement de Dumbledore. Il ne comprenait toujours pas pourquoi le directeur ne s'était pas montré de tout l'été.
« Professeur McGonagall, je n'ai pas reçu ma lettre de Poudlard. », déclara-t-il en réponse, expliquant en partie ce qui le perturbait.
Une fois de plus, McGonagall ne semblait pas s'être attendue à cela. Pourtant, elle montra en avoir connaissance. « Oh, oui, en effet, monsieur Longbottom. Le professeur Dumbledore a jugé que pour votre sécurité vous deviez rester à un endroit sûr. Pour cette raison, l'Ordre s'est chargé de prendre vos affaires scolaires. Vous les y retrouverez. »
Neville observa ses livres de botaniques avec regret. Il n'en avait pas été informé. Usuellement, Dumbledore lui remettait sa lettre en main propre, ou lui communiquait de vive voix les informations. Le directeur n'avait-il plus confiance en lui ? Pourquoi ? S'il aurait ses nouveaux manuels scolaires durant les 15 derniers jours des vacances, sûrement valait-il mieux qu'il les travaille au lieu de relire un ouvrage de botanique qu'il maîtrisait sur le bout des doigts. Il espérait secrètement que l'endroit où il irait comportait une bibliothèque. Il n'était pas un grand lecteur, surtout comparé à Harry, Hermione ou Draco, mais la botanique était particulière. Il ne se lassait jamais des écrits sur le sujet.
Il se contenta de saisir sa bure de vêtement, puis se retourna et s'avança vers le professeur de métamorphose. « Je suis prêt à partir, professeur. »
Il échangea tout de même un dernier au revoir avec Hagrid, avant d'être emmené par la directrice adjointe vers l'endroit inconnu.
Il découvrit qu'il détestait transplaner. La sensation tourbillonnante, et ses organes qui se tordaient, n'étaient pas quelque chose qu'il supportait d'expérimenter. C'était encore pire que lorsque Dobby l'avait fait apparaître sur le toit du Poudlard express. Il avait l'habitude du voyage en cheminette, ou du vol sur la moto bien qu'il en avait toujours peur. Hagrid ne transplanait pas. Il se demandait comment Harry, et probablement Draco aussi, pouvait tolérer un tel transport.
Il vomit.
C'était définitivement pire que même le portoloin.
« Navrée, monsieur Longbottom. Je pensais que vous supporteriez mieux le transplanage que cela. »
Le professeur McGonagall n'eut rien à ajouter avant qu'ils ne perçoivent dans leur dos le craquement d'un transplanage.
Elle ne compta pas le temps qui s'écoula avant qu'elle n'entende les coups à la porte d'entrée. Elle descendit, et ouvrit à Remus.
« Bonsoir, Lily. », salua-t-il d'une voix fatiguée.
« Bonsoir, Remus, entre. »
Les deux sorciers se dirigèrent vers le salon pour discuter. Remus commença tout de suite, encore dans le couloir.
« Je reste convaincu que Harry ne devrait pas retourner là-bas, surtout avec sa tendance à vouloir participer à tout. La guerre n'est pas pour les enfants de son âge. »
« Il vient d'être attaqué par des détraqueurs. Son cousin avec. Ma sœur et sa famille doivent demeurer en sécurité, Remus. Nous devrions rentrer dans le monde sorcier. »
Remus soupira de lassitude. « Je comprends bien, et c'est aussi la décision de l'Ordre. Ils veulent vous faire revenir. Cette fois, il semblerait que Sirius ait gagné ce combat. Je vais vous transplaner dès ce soir. Avez-vous réuni vos affaires ? »
« Pas encore. Mais, Remus, je sais transplaner seule. »
Le loup-garou l'observa avec surprise. Elle sourit.
« Je vais bien, Remus. »
« Certes, mais… l'endroit où nous allons est sous Fidélius. Je dois vous transplaner moi-même, je ne pourrais pas vous indiquer l'adresse. Enfin, je la donnerais une fois arrivé là-bas. »
Lily secoua doucement la tête. Parfois, Remus devenait pénible avec ses inquiétudes. « Je suis aussi un membre de l'Ordre, et en pleine possession de mes moyens. Allons chercher nos affaires et réveiller Harry. »
Elle quitta la pièce, suivie par Remus. « Te souviens-tu de ton mariage avec James ? »
Elle soupira. « Remus, pourquoi est-ce toujours cette question qui ressort en premier quand vous voulez faire valoir votre point ? Je ne m'en souviens pas, mais ce n'est pas une amnésie qui m'incapaciterait à user de ma magie. »
« Amnésie ? Est-ce une réelle amnésie, Lily, ou t'es-tu convaincue de certains souvenirs totalement faux comme s'il s'agissait de la réalité ? »
« Remus, s'il te plaît. N'insiste pas. »
Elle réveilla doucement Harry, et lui expliqua qu'ils allaient partir pour aller au quartier général de l'Ordre. Ils préparèrent rapidement leurs bagages, et Lily laissa un mot sur la table du salon pour informer sa sœur de leur départ.
Harry restait docile, et ne posa pas la moindre question, trop heureux de quitter l'endroit. S'ils se rendaient au quartier général de cet Ordre formé par Dumbledore dont faisait partie toute sa famille, en plus des nouveaux ajouts qu'étaient les Weasley, il espérait bien qu'il retrouverait ceux qu'il aimait et qui lui manquaient tant. Dudley, et surtout l'oncle Vernon, ne lui manquerait pas le moins du monde, et il avait eu assez de tante Pétunia pour l'année à venir. Il avait surtout été assez tenu à l'écart. Il avait besoin de savoir ce qui se passait, quelle était la situation dans le monde sorcier après le retour de Voldemort. Même Neville n'obtenait pas plus d'informations que lui.
Remus transplana Lily et Harry dans une rue de Londres, sur un terrain vaguement familier aux yeux de l'adolescent, mais qu'il ne parvenait à situer. En revanche, Harry n'eut aucun mal à reconnaître Neville et McGonagall sur la pelouse placée devant de grandes bâtisses toutes identiques.
« Neville ! » s'exclama-t-il en se précipitant vers son ami pour l'étreindre.
« Salut, Harry. », salua le garçon-qui-avait-survécu.
McGonagall se racla la gorge, et les deux garçons s'écartèrent l'un de l'autre pour concentrer son attention sur elle.
« Bien. Voici, un mot rédigé de la main du directeur. » Elle sortit un petit papier et le tendit à Neville. « Lisez-le l'un après l'autre. »
« Qu'est-ce que c'est ? » s'enquit Harry tandis que son ami obéissait.
L'Ordre est caché à 12 square Grimmaurd.
C'était l'écriture de Dumbledore.
« L'adresse. », répondit le professeur.
Neville passa le papier à Harry, qui lut avec un soupçon de suspicion. « Pourquoi en avons-nous besoin ? » questionna-t-il encore.
« Nous vous expliquerons à l'intérieur. »
« Mais… »
Lily, qui s'était approchée avec Remus, posa une main sur l'épaule de Harry. « S'il te plaît, Harry, n'insiste pas tant que nous ne nous trouverons pas à l'abri. Peux-tu me montrer ce papier ? »
À contrecœur, le garçon obéit. Lily lut attentivement, et releva la tête vers les maisons. Elle sourit. « Harry, Neville, vous devriez penser soigneusement aux mots écrits sur cette note, puis observer les bâtiments. »
Les deux garçons échangèrent un regard, puis s'efforcèrent de repenser à ce qu'ils avaient lu, sans savoir ce qu'ils devaient vraiment faire.
Neville sursauta lorsqu'il vit le changement. Sous leurs yeux, les numéros 11 et 13 s'écartaient l'un de l'autre, et un nouvel édifice identique semblait s'extraire de l'un pour surgir dans l'espace. Ses fenêtres reprenaient du relief, sa porte prenait place, ses briques tremblaient sous le mouvement.
« Qu'est-ce que… », s'ébahit Harry. Lui comme son meilleur ami se souvenaient à présent de la demeure de Sirius, et c'en était d'autant plus surprenant de la voir rejaillir alors qu'ils l'avaient toujours connu, là, et l'avaient oublié.
« Le gardien du secret nous autorise l'accès. Allons-y. », éclaircit doucement Lily. Elle entraîna tendrement les deux adolescents vers l'intérieur du manoir Black, suivie par Remus et Minerva. Une fois dans l'habitacle, les deux garçons reconnaissaient sans mal le lieu si connu.
« Pourquoi sommes-nous dans la maison de Sirius ? » demanda Neville.
Ce fut Remus qui expliqua alors qu'ils se dirigeaient directement vers le salon. « Parce qu'il l'a proposé à Dumbledore comme quartier général pour l'Ordre. Ils ont placé l'endroit sous Fidélius. »
Sirius, les ayant vraisemblablement entendus, était apparu dans le chambranle de la porte et s'y adossait bras croisés. Harry courut vers lui, et ils se serrèrent fort, heureux de se retrouver.
« Qu'est-ce que ça signifie ? » interrogea encore Neville.
Minerva tourna la tête vers Remus. « Je vais prévenir Albus qu'ils sont arrivés. Passez une bonne soirée tous ensemble. »
« Merci, professeur. », murmura poliment le garçon-qui-avait-survécu alors que la femme lui passait à côté pour aller rapidement droit vers le salon. Sirius et Harry s'écartèrent pour la laisser entrer et aller droit vers la cheminette.
Ils pénétrèrent ensuite tous dans cette pièce que Molly Weasley quittait prestement en signifiant qu'elle allait immédiatement préparer le repas. « Ces garçons doivent être affamés. », déclamait-elle encore.
Arthur Weasley était toujours à un siège de la table, et les salua chaleureusement. Les deux adolescents s'assirent, et Harry se tourna vers Remus.
« Qu'est-ce que le Fidélius ? Pourquoi ne voyions-nous pas la maison ? Pourquoi avais-je même oublié qu'elle était là ?! »
« C'est un enchantement qui permet de cacher des informations secrètes dans l'âme d'un destinateur, appelé alors Gardien du Secret. Il est le seul à pouvoir divulguer ce secret. »
Sirius développa. « Quand un lieu est caché par le Fidélius, le seul moyen, d'y accéder est de demander au Gardien du Secret. S'il accepte, il peut donner l'information oralement, ou sous la forme écrite de sa propre main. »
Lily se leva. « Je vais voir si Molly a besoin d'aide. », prévint-elle doucement, avant de partir de la pièce.
Remus continua. « Il doit être pleinement volontaire pour le faire. Aucune magie ou forme de restriction ne peut le pousser à délivrer l'information sans son consentement. »
« Pas même l'Imperium ? Ou le Veritaserum ? » questionna Harry.
Sirius secoua la tête. « Non, rien ne peut le forcer. S'il ne veut pas le dire, personne n'obtiendra l'information. C'est à cela qu'on sait que Peter nous a réellement trahis. Mais il n'y a aucune crainte à avoir pour ici, Dumbledore est le gardien du secret de l'Ordre. »
« Mais n'importe qui peut lire le papier ou entendre quelqu'un le dire. », douta Neville.
Remus nia. « Non, pas n'importe qui. Seul quelqu'un déjà au courant pour le secret pourrait l'entendre ou le lire. Toute personne non informée ne pourrait y avoir accès que si le gardien du secret en est conscient et volontaire. »
Sirius appuya. « Ce sort repose uniquement sur la volonté du gardien. Même s'il n'est pas présent au moment où vous lisez le papier, tant qu'il veut vous communiquer le secret, vous pouvez le lire. Mais ça doit quand même être de sa propre main. Il doit l'avoir écrit pour vous. »
« Mais alors, pourquoi Dumbledore ne me l'a pas dit lui-même ? » demanda Neville.
Remus regarda Sirius, qui sembla un instant gêné avant de reprendre son attitude pleinement assurée et souriante. « Dumbledore est très occupé, en ce moment. » Sirius jeta un œil à son ami, puis observa à nouveau les garçons. « En attendant que Lily et Molly nous préparent un bon dîner, vous devriez monter dans les chambres pour poser vos affaires. »
Harry plissa les yeux, certain qu'il n'avait pas le fin mot de l'histoire. Sirius lui fin un clin d'œil, comme pour l'avertir qu'il était toujours son allié. Harry hocha la tête. Il pouvait raisonnablement penser que Sirius voulait en dire plus, mais que Remus ne le tolérerait pas. Son parrain lui en parlerait dans le dos de son oncle.
Neville avait déjà commencé à se lever et à se diriger vers les escaliers. Harry le rejoignit. Ils savaient parfaitement où aller, et connaissaient déjà très bien l'endroit. Harry possédait bien évidemment sa propre chambre, et Neville en bénéficiait lui-même d'une autre attribuée pour chaque fois où il séjournait dans la demeure.
