(L'Ordre du Phénix) L'ordre du Phénix


Ils allèrent en premier vers la chambre de Harry en discutant doucement. Et Harry était encore une fois assez irrité que son Oncle Remus semble s'efforcer de le maintenir dans l'ignorance. Si la demeure était protégée, pourquoi n'aurait-il pas pu y rester avec son parrain ? Ce n'était pas comme s'il ne connaissait pas l'existence de l'Ordre, puisqu'ils en avaient parlé devant eux juste après le retour de Voldemort. Neville, un mal de crâne croissant, tentait tant bien que mal de calmer son ami colérique. La présence douce et paisible de Neville avait toujours un côté apaisant, et c'était sans doute pour cela que Harry parvenait à conserver sa voix basse. Le fait que le garçon aux yeux verts ne voulait pas encore s'égosiller, et que son ami n'y était pour rien de toute manière, y jouait probablement aussi pour beaucoup. Neville comprenait que Harry avait horreur de se sentir exclu, mais il appréciait pour sa part d'obtenir un peu de tranquillité. Ces dernières années avaient été assez éprouvantes, en dehors de leur troisième qui ne l'avait été que pour Harry. Trois fois sur quatre, ils avaient été confrontés à un Voldemort sous différente forme. Le garçon-qui-avait-survécu n'était aucunement pressé de l'affronter une fois encor. Alors que Neville expliquait son point de vue, Harry lui rappelait qu'il avait lui-même insisté auprès d'eux pour signifier qu'ils ne devaient pas rester passifs, et ce sur les propres conseils de Dumbledore.

Après que Harry ait déposé ses affaires dans sa chambre, les deux adolescents se déplacèrent vers celle où Neville devrait séjourner.

« Pourquoi viens-tu d'arriver ? » s'enquit enfin Harry tandis qu'il ouvrait la porte. Neville n'eut guère le temps de répondre, que déjà Hermione surgissait de l'endroit pour sauter au cou du premier accessible.

« Harry ! Neville ! » s'écria-t-elle. Elle se sépara rapidement de Harry pour attraper à son tour l'autre garçon. « Vous m'avez terriblement manqué. »

Neville lui tapota maladroitement le dos, ne s'étant clairement pas attendu ni à un tel accueil, ni à la présence de la fille… et encore moins aux tremblements de l'adolescente. « Hermione, tu… tu pleures ? »

Elle se redressa, et essuya hâtivement les larmes qui avaient coulé sur ses pommettes. « Absolument pas. »

La voix de Ginny appela avant que Neville ne puisse ajouter son scepticisme à cette réponse. « Harry, tu arrives à point nommé ! » Elle était assise face à Ron… devant un jeu d'échecs qu'elle désigna d'une main. « Ron insiste tellement pour avoir un partenaire. Tu ne refuserais pas de prendre ma place ? » Elle se levait déjà, comme pour signifier qu'elle avait déjà pris la décision d'arrêter sa participation là.

Hermione fit un rapide sourire à Neville dont le léger abaissement de la tête laissait comprendre un soupir, et surtout qu'il ne croyait pas au mensonge de la fille et qu'il désirerait quelques explications supplémentaires. Harry, peu enjoué à cet assaillement par ses amis quand il arrivait enfin dans sa maison, croisa les bras. « Pourquoi êtes-vous tous là ? » exigea-t-il.

Ron se leva à son tour, incertain. « C'est que… mes parents font partie de l'Ordre, tu vois… »

« Et ? » insista froidement Harry dans sa meilleure imitation du professeur Snape dans ses pires jours. C'est-à-dire pas l'interruption calme à la voix douce et mesurée, non, plutôt celle sèche et sévère, tranchante et intransigeante. Celle que les Gryffondor se gardaient bien d'essayer de provoquer… à l'exclusion, peut-être, des jumeaux Weasley.

« Et, bien tu vois… Sirius Black a invité toute la famille à rester ici. »

« Merveilleux. », trancha Harry, dorénavant d'humeur encore plus sombre. Il n'y avait plus que contre son Oncle Remus que sa colère était dirigée, mais également vers son parrain à présent.

« Il avait certainement une raison. », jugea posément Neville.

« Certainement. », glissa froidement Harry. Neville retint un frissonnement. Ron ne retint pas sa bouche.

« La vache. »

« Quoi ? »

« Rien. », évita-t-il rapidement.

Ginny roula des yeux. « Toujours la même remarque que d'habitude. Il trouve que tu lui ressembles. »

Harry n'avait même pas besoin de demander à qui. Et il n'en avait cure. Au contraire, il appréciait lui ressembler. Peut-être essayait-il exprès de l'imiter, d'ailleurs.

Pendant que les Weasley et Harry éclaircissaient ce point, Neville avait discrètement entraîné Hermione dans un coin de la salle. « Qu'est-ce que tu as ? » avait-il soufflé avec inquiétude.

« Tout va bien, Neville. »

« Personne qui t'aurait vu ainsi n'y croirait. », déclara-t-il sérieusement, avant de prendre un ton d'humour. « Tu as mouillé mon épaule. »

Hermione rit un peu. « Désolée. »

Il se refit sérieux. « Hermione. Pourquoi pleurais-tu ? Tu as encore l'air sur le point de craquer. »

Ginny, qui s'était approché alors que Harry et Ron étaient entrés dans un débat pour savoir pourquoi ils séjournaient dans cette pièce de toute manière, jugea bon d'intervenir auprès du garçon-qui-avait-survécu. « Elle est sur les nerfs depuis des jours. Et la raison principale est Draco. »

Neville hocha la tête. C'était un point de préoccupation qu'il avait également. « Je comprends. Hermione, tout ira bien. Nous le reverrons à la rentrée, et il sera non moins provocateur qu'avant, à vous irriter toi et Harry. »

« Il n'y a pas que ça. », précisa la née-moldue. « Mes parents aussi. Sont-ils vraiment en sécurité avec le retour de Voldemort ? C'est une chose dont je doute tout particulièrement. »

« Et elle ne te dit pas non plus qu'elle est préfète. », enchaîna Ginny. « Tout doit être parfait, mais rien ne le restera si Pansy Parkinson y est pour s'accrocher à son Drakie. »

Hermione commença à se lancer dans un débat animé pour exprimer que les préfets devaient s'organiser pour effectuer des rondes dans le Poudlard Express dès la rentrée, mais qu'elle ignorait totalement comment ils y parviendraient. Ils devraient se réunir, mais ne devraient-ils pas en discuter avant le jour même où ils se rassembleraient dans le compartiment des préfets ? Elle semblait aussi prendre pour acquis que Neville était l'autre préfet de Gryffondor, ce que le garçon ne trouva pas l'occasion de contredire, du moins pas avant que les jumeaux Weasley n'apparaissent tout d'un coup au milieu de la pièce.

« Bonjours la compagnie. », s'exclama le premier.

« La compagnie des sorciers facétieux vous sourit ! »

« Bonjour Harry. »

« Le meilleur attrapeur. »

« À n'en point douter ! »

« Bonjour Neville. »

« Il est toujours vivant ! »

« Survivant ! »

« Bonjour Hermione. »

« Aussi farouche… »

« … qu'une préfète ! »

« Attention, faudra compter sur nous. »

« Toute l'année. »

« Tous les jours. »

« Toutes les heures. »

« Toutes les minutes. »

Hermione croisa les bras. « Je vous surveillerais. N'allez pas vendre vos farces partout dans les couloirs ! Vous rendez-vous compte que vos expériences sont dangereuses ? Et vous testez tout sur Ron ! »

Les jumeaux la coupèrent. « Bonjour Ron. »

« Le deuxième non-préfet… »

« Troisième ! Nous sommes deux. »

« Ah, oui, c'est vrai. »

« Le troisième de la famille… »

« … à ne pas l'être ! »

« Encore toutes nos félicitations. »

Ron grogna. « Ils me le répètent tous les jours. », grinça-t-il à l'intention de Harry, sans essayer d'arrêter ses frères.

« Bonjour Ginny. »

« Notre adorable sœur. »

« Douce… »

« Calme… »

« Gentille… »

« Parfaite… »

« Préfète ! »

« Non, pas encore. »

Harry soupira, pendant que Neville tournait son regard vers une Ginny lassée mais patiente. « Bonjour Fred, George. Que voulez-vous ? »

« Je suis offensé. », commenta l'un en joignant ses mains sur son cœur.

« Il m'a dit en premier. »

« Je suis toujours dit en deuxième. »

Harry coupa. « Feorge ! Gred ! Alors ?! Je suis chez moi, ici, et je n'ai même pas eu le temps de déballer mes bagages que je suis déjà assailli par tout le monde. Nous devons encore décider d'où dormira Neville. »

Fred, probablement, ou l'autre, haussa les épaules. Son frère, donc George à moins que ce fût Fred, parla. « Maman appelle à table. »

Harry cligna des yeux. Ron laissa tomber son visage dans ses mains avec un claquement sonore. Ginny croisa les bras en secouant la tête. Neville retint sans mal un rire et réprima un sourire. Hermione râla. « C'est maintenant que vous le dîtes ?! »

« N'empêche. », fit l'un.

« Elle appelle. », fit l'autre.

Et les deux disparurent.

Le groupe se mit en marche et descendit les escaliers, certains plus vifs que d'autres, plus pressés ou plus calmes. Ils eurent tous l'occasion de voir les jumeaux apparaître chacun d'un côté, dans le dos, de leur mère, avec ce craquement sonore caractéristique d'un transplanage qui fit sursauter la femme potelée.

« Ce n'est pas parce que vous avez l'âge d'utiliser la magie, que vous devez sortir votre baguette tout le temps ! » s'exclamait-elle alors que les deux jeunes hommes filaient déjà vers la salle de réception. Les autres adolescents lui passèrent à côté sans chahut.

Dans la salle dînatoire, les adultes étaient déjà présents et installés. Il s'agissait de Sirius, Remus, Lily, Arthur Weasley et bientôt Molly Weasley rejoignit la troupe. Les jumeaux transplanèrent une fois de plus pour apparaître à leurs places, côte à côte, l'un d'eux auprès de Remus. Ce dernier siégeait proche de Sirius, le maître de maison situé en bout de table, dans le respect de la tradition. Lily était assise vis-à-vis du loup-garou, et sourit à son fils en lui désignant la chaise à ses côtés. Harry ne se fit absolument pas prier. Les autres adolescents prirent place du même côté, d'abord Neville au plus près de son meilleur ami, puis Ginny, Hermione et enfin Ron. Monsieur et Madame Weasley étaient positionnés à droite des jumeaux, face donc aux deux filles.

Le dîner servi, le repas put commencer, ainsi que la conversation engagée par Sirius en tant qu'hôte.

« Harry, au sujet de cette lettre que tu as reçue du ministère, ce n'est pas vrai. Ils ne peuvent pas te renvoyer. En ce moment même, Dumbledore s'en occupe. »

« Que s'est-il passé ? » s'enquit Neville.

Harry expliqua brièvement qu'il s'était fait attaquer par deux détraqueurs, et comme il avait dû lancer son patronus devant son cousin moldu, il avait donc été renvoyé de Poudlard par le ministère. Les adolescents, à l'exception de Neville, s'exclamèrent contre cette injustice. Remus affirma que tout restait sous contrôle, mais l'intervention de Lily qui évoqua que les détraqueurs demeuraient normalement aux ordres du ministère n'aida guère à maintenir le calme à table. Le chaos s'accentua, jusqu'à ce que Sirius rit du spectacle.

« On pourrait presque imaginer la vaisselle voler et se briser contre les murs. Pas sûr que ça plairait au portrait de ma mère ou à Kreattur, mais juste pour ça je voudrais bien le voir. »

Hermione parut encore plus furieuse si c'était possible. « Vous pourriez être plus agréable avec votre elfe de maison. C'est de l'esclavage et de la maltraitance. »

« Kreattur est mauvais. Et je le traite mieux que Malfoy ne le ferait. Quoi qu'il en soit, s'énerver ne résoudra pas grand-chose en l'état. Tout ce que nous pouvons faire est d'attendre le retour de Dumbledore. Oui, c'est scandaleux, mais il n'y a rien que nous puissions faire, à part garder l'assurance que Harry ne peut pas être renvoyé comme ça. Molly, ta cuisine est délicieuse. »

« Merci. », apprécia la femme légèrement potelée. « Lily a pas mal aidé. »

« Eh bien bravo à vous deux ! » Sirius se tourna à nouveau vers Harry. « Au sujet des chambres, tu conserves bien entendu la tienne. Je pensais que Neville et Ron pouvaient se partager la même, mais bien sûr, si vous voulez faire autrement, sentez-vous libre. Vous connaissez tous bien les lieux maintenant, je ne vais pas vous faire de visites. Les règles restent les mêmes que d'habitude. »

Remus prit la parole le plus sérieusement possible. « Vous séjournez dans le quartier général de l'Ordre, là où nous effectuons les réunions. Il vous est à tous formellement interdit d'y assister ou d'écouter d'une quelconque manière que ce soit lorsque les membres de l'Ordre se réunissent dans cette pièce. Je suis certain que vous trouverez d'autres occupations. »

« Je veux rejoindre l'Ordre. », s'exclama Harry, déterminé.

« C'est hors de question. »

Molly appuya. « Des mineurs n'ont pas à s'en soucier. »

Neville se trouva en contradiction. « Bien sûr que si, nous nous en soucions. C'est l'avenir du monde sorcier qui est en jeu. Et le professeur Dumbledore m'a lui-même dit que nous devrions tous choisir notre position, nos plans d'action. Il a dit que nous aurions à choisir entre la passivité ou la lutte. Ce n'est pas pour que nous restions à l'écart. Vous avez besoin de toute l'aide possible. Chaque pierre compte. »

« Ce n'est pas votre rôle. », réfuta Remus.

Arthur approuva. « C'est trop dangereux pour des adolescents. Vous devez vous concentrer sur vos études, pendant que les adultes responsables s'occupent de préparer un monde où vous pourrez vivre. »

Neville s'emporta. « Que je le veuille ou non, j'y suis confronté ! Voldemort a ressuscité en utilisant mon sang. » Il releva subitement sa manche où la cicatrice épaisse de la coupure sur tout son avant-bras restait encore pleinement visible. « Regardez ça, et dites-moi que je ne suis pas concerné. J'aurais aimé que ma vie soit normale, que je puisse vivre dans cette innocence où vous souhaitez nous préserver, mais je ne peux pas ! Voldemort a tenté de me tuer déjà cinq fois. »

« Ce n'est pas une raison pour s'aventurer au-delà du danger. », coupa Remus durement.

« Même sans cela, je ne serais pas un lâche qui attendrait qu'une petite minorité rétablisse l'Ordre. Chaque passif est un soutien involontaire à Voldemort. Je ne serais pas de cela. »

« Laissez-nous rejoindre. », implora Hermione.

Lily refusa. « Notre devoir en tant que parent est de protéger nos enfants. Nous ne pouvons pas accepter de vous faire partager le danger. Vous n'avez pas fini de grandir. »

Harry la regarda avec sarcasme. « Parce qu'une fois que nous serons majeurs, nous deviendrons magiquement, soudainement, assez matures ? »

Les jumeaux réfutèrent. « Ah, non. »

« Pas exactement. »

« Nous sommes majeurs ! »

« Ils refusent que nous rejoignions. »

« Il faut avoir fini Poudlard. »

« Au moins. »

« Qui sait… »

« … ce qu'ils ajouteront de plus… »

« … comme prérequis après ça. »

Molly intervint sèchement, intransigeante. « Ce n'est pas la place de nos enfants. »

Sirius prit la parole. « James et moi étions encore à Poudlard, en septième année, quand nous avons commencé à nous préparer à la guerre. Les jumeaux peuvent parfaitement rejoindre, je ne vois pas le problème. Ils sont majeurs, vous ne pouvez pas leur interdire même en tant que parent. Quant aux autres, ils ont déjà bien assez montré à quel point ils possédaient plus de maturité que la plupart, et aptes à participer. »

« C'est non. », imposa Remus, à bout de patience. « Sirius, tu n'aides pas. Ils sont mineurs ! »

« Ce n'est pas le cas de Fred et George. »

Arthur participa. « Au-delà du fait qu'ils soient majeurs ou mineurs, il n'y a aucune loi qui interdise à l'Ordre de refuser de les recruter. Nous ne pouvons pas empêcher Fred et George de se proposer, mais l'Ordre a déjà statué sur le sujet. Nous ne sommes pas dans une de ces réunions, mais à un repas de famille, convivial. Ne parlons pas des affaires de l'Ordre. Accepter ou refuser quelqu'un est la décision finale d'Albus. Et il n'est pas là. »

Afin d'éviter d'envenimer le débat, ils durent tous se résoudre à abandonner le sujet pour l'heure. Mais les adolescents voulaient toujours se joindre à l'Ordre, et ne l'oubliaient pas.