(L'Ordre du Phénix) Le procès de Harry Potter


Le jour du procès de Harry, Severus était arrivé tôt au quartier général. C'est avec grand déplaisir que Sirius le laissa discuter seul avec Harry. Le garçon, fatigué et stressé, ne savait pas quelle conduite il pouvait aborder avec le maître des potions. Il resta maladroitement à l'entrée de la salle. Severus l'observa d'un œil critique avant de laisser échapper un léger sourire et un petit ricanement. « Ces vêtements ne te vont pas du tout. L'idée de te présenter correctement et avec élégance à ton procès était correcte, mais avec des habits mieux taillés, cela aurait été préférable. Tu as l'air de nager dedans, et les épaules sont bien trop pointues et rigides pour s'accorder avec ta stature. »

Harry mania un peu la veste comme pour davantage en saisir l'effet que cela aurait sur lui. Pour lui faciliter la tâche, un miroir apparu soudainement devant lui. « Merci. », marmonna-t-il en s'observant. Il grimaça. « C'est mieux que rien. C'est à Sirius, il me l'a prêté. »

« Il aurait pu mieux faire ta garde-robe. »

« Eh bien, je suis en pleine croissance, je grandis vite, et ce n'est pas le genre de veste que j'aurais besoin de porter tous les jours. Sans compter que ça fait deux ans qu'il n'est plus mon tuteur. » Harry fixa intensément son regard dans celui du professeur.

« Pétunia aurait pu s'en charger. », éluda-t-il.

« Tante Pétunia ne pouvait pas prévoir que j'irais à mon procès. »

« S'en est-elle occupée ? » insista le professeur.

Harry marmonna encore. « Bien sûr que non. Elle avait d'autres choses à faire, et je n'allais rien demander. »

Severus soupira, puis requit du garçon qu'il s'approche. Comme ni monsieur Weasley ni Harry n'était coutumier du Londres moldu, il entreprit d'expliquer à l'adolescent comment ils devraient faire le chemin du manoir Black jusqu'à l'entrée des visiteurs du ministère. Les protections mises en place sur la demeure rendaient déconseillé de recourir à la connexion de cheminette, alors ils allaient devoir emprunter le métro moldu. Harry s'efforça de tout retenir au mieux, et apprécia le fait que Severus songea apparemment plus utile d'en discuter avec lui qu'avec Arthur, lui permettant de passer un peu de temps en présence de l'espion peu disponible. Lorsque les explications furent terminées, et surtout que le professeur jugea que Harry maîtrisait bien l'itinéraire, l'adolescent trouva l'occasion de poser quelques questions.

« Pourquoi tant insister sur le fait que nous devons partir si tôt ? Ça fait plusieurs heures d'avances. »

« Car il n'est guère exclu que le ministre décide de vous faire un petit coup bas. »

« Et en clair ? »

« S'il le fait, tu comprendras. »

Le professeur semblait sur le point de partir, mais Harry n'avait pas terminé. Il l'aborda précipitamment.

« Attends ! J'ai une autre question. »

Le professeur se retourna vers lui avec ce regard d'attente impérative qui signifiait qu'il avait tout intérêt à se dépêcher, et que l'affaire était si urgente que l'homme ne prendrait même pas la peine de lui dire qu'il manquait de temps.

« Pourquoi est-ce que Fudge prendrait des mesures si étranges pour moi ? Je ne suis pas Neville, juste un adolescent normal. Ça n'a aucun sens. »

« Rien n'a de sens dans son esprit. Cependant, bien qu'un parent puisse influencer son enfant avec ses opinions, ses croyances ou ses méthodes, de par l'éducation, le sentiment familial ou tout autre procédé étrange… les parents écoutent généralement leur enfant lorsque celui-ci rapporte ce qui se passe à l'école. Les parents sont tout autant influencés par leurs enfants que l'inverse dans le domaine scolaire. Aussi, pour contrôler les pensées et idioties d'un maximum de la population, des parents comme des enfants, Fudge pourrait avoir davantage réfléchi à la situation que la plupart des imbéciles. Tu es le plus proche soutien de Neville, et tu pourrais être un Gryffondor bien apprécié et écouté au sein de ton année d'étude, de ta Maison, ou de tous tes autres camarades. Bien que Neville ait un certain nombre de mérites, il n'est pas à négliger que d'un point de vue extérieur il a longtemps été un grand maladroit malhabile tandis que toi tu demeures un inébranlable pilier à ses côtés. Beaucoup pourraient davantage te considérer qu'ils n'ont confiance en Neville. Si tu rapportes les propos de Neville, si tu prétends croire au retour du Seigneur des Ténèbres, les élèves pourraient être portés à te croire tant que tu auras de la crédibilité à leurs yeux, et ainsi leurs parents pourraient avoir une balance à jauger entre la propagande de Fudge et la tienne. Cet équilibre ne serait probablement ni équitable ni en défaveur de Fudge, mais il est paranoïaque ces derniers temps et ne prendrait aucun risque que la population sorcière panique autant que lui-même chaque fois que Dumbledore aborde le retour du Seigneur des Ténèbres devant lui. »

« Je ne comprends pas, je n'étais pas là, seul Neville y était, comment pourrais-je avoir plus de crédibilité que lui ? » questionna-t-il clairement avant de marmonner. « Fudge non plus n'y était pas, qu'est-ce qu'il en saurait. »

« Tout repose sur la parole des uns et des autres. Il n'est pas non plus à oublier que l'esprit humain est parfois assez stupide et trop influençable. Nous ne pouvons faire que des paris et des suppositions sur ce que les autres choisiront de croire. En revanche, il n'est inconnu pour personne qui vous aura vu agir toi et Neville que tu prendras la défense de ton ami et que tu n'hésiteras pas à assurer à qui veut l'entendre qu'il dit la vérité. Il me semble que Fudge t'a brièvement rencontré l'année dernière. Il peut avoir eu le temps de cerner à quel point tu peux être hargneux, et protecteur vis-à-vis de Neville. Je ne vais pas m'attarder davantage. Dépêche-toi de rejoindre monsieur Wealsey et de partir pour ton audience. »

« Il nous reste cinq heures ! » protestait le garçon alors que le professeur partait par la cheminée.

Harry n'eut d'autre choix que d'obéir à la dernière consigne. Arthur était d'un enthousiasme flagrant pour parcourir Londres moldu. Néanmoins, Harry devait être très reconnaissant envers Severus pour lui avoir expliqué en détail comme traverser en métro, car il était notable que le sorcier de Sang-Pur qui l'accompagnait fût incapable de s'y débrouiller seul. Bien que pour être tout à fait honnête, Harry ne pouvait négliger le fait que s'il avait été mieux averti, un peu comme lui, peut-être monsieur Weasley aurait-il pu être tout aussi capable que lui de se déplacer dans cet endroit inconnu. Toutefois, chaque fois que l'adolescent observait l'homme s'émerveiller de chaque détail et se tenir également de manière si mal à l'aise qu'il était clair qu'il ignorait qu'un moldu marchait exactement comme un sorcier, Harry ne pouvait s'empêcher de penser que cet employé du ministère n'aurait guère pu utiliser les informations. Il se serait déconcentré tout le temps.

L'homme, même s'il était toujours autant excité, semblait plus à l'aise à l'idée d'entrer dans une cabine téléphonique moldue pour y placer de l'argent moldu afin de s'en servir comme d'un ascenseur, bien que Harry fut tout à fait incapable d'user de cette comparaison avec le moyen d'élévateur moldu puisqu'il était aussi baigné dans le monde sorcier que l'homme qu'il n'avait de cesse de critiquer mentalement depuis plus d'une heure. Une fois dans le ministère, Arthur prenait clairement les choses en main, et indiquait à Harry chaque démarche à suivre, lui expliquait chaque chose qui pourrait paraître étrange comme les avions en papiers volants qui remplaçaient les envois de hiboux pour les lettres de service après un surplus de plaintes pour chiure de volatile tombées aux mauvais endroits.

L'intérieur du ministère n'était guère épargné par la propagande de Fudge. La gazette du sorcier y était vendue, avec un gros titre posant la question « Dumbledore est-il dingue ou dangereux ? » pour laquelle il n'y avait probablement aucune réponse substantielle dans l'article, à moins que les délires journalistiques de Skeeter n'aient été mis à contribution pour répondre qu'il était les deux.

Ils empruntèrent un ascenseur déjà occupé par quelques personnes, où Shakelboth s'incrusta au dernier moment, afin de chuchoter extrêmement discrètement à Arthur une information importante. Le Weasley fut beaucoup moins discret que l'auror, et s'exclama de surprise avant de remercier l'homme et de se pencher vers Harry pour lui expliquer que l'audience avait été avancée… il ne leur restait que 5 minutes. Harry ricana amèrement. « Je vois. C'était donc ça… le genre de bassesse qui peut être fait entre élèves de onze ans. » Harry n'avait jamais eu un tel incident à Poudlard, mais il avait écouté son cousin se vanter d'avoir accompli une farce similaire à un camarade qu'il n'appréciait pas : Dudley avait fait croire à ce garçon que le cours avait été annulé, alors qu'il avait bel et bien lieu. Si son cousin moldu, grassouillet, brutal et simple d'esprit, était capable d'imaginer ce stratagème, qu'est-ce que ça disait du ministre ?

Ils descendirent de l'ascenseur à un étage aux murs lisses et brillants à l'apparence de briques d'onyx au ciment blanc. Alors qu'ils avançaient dans le couloir, ils aperçurent et entendirent Lucius Malfoy en discussion avec Fudge au bout d'un interstice, devant une porte close qui ne débouchait pas sur la salle d'audience. Harry n'aimait pas du tout ouïr le ministre assurer qu'il ferait ce qui devrait être fait en face d'un Mangemort. Mais Fudge refuserait certainement de reconnaître Lucius Malfoy comme un criminel autant qu'il refusait de croire au retour de Voldemort même après que la marque sombre de Severus lui ait été montrée. Les deux hommes cessèrent leur discussion en apercevant l'adolescent et le père Weasley, et le duo reprit sa marche sans savoir de quoi il en retournait. Harry était presque tenté d'aller demander des nouvelles de Draco, mais il dut se retenir.

Enfin, ils débouchèrent devant l'entrée que Harry devrait utiliser pour se présenter à son audience. Monsieur Weasley ne pouvait guère aller plus loin, et Harry entra seul. L'endroit, qui aurait pu contenir une foule de spectateurs, était extraordinairement vide en dehors de la cour réunie, impressionnante, des membres du Mangenmagot. Ainsi donc, l'affaire était gardée en huis clos. Harry ne manquerait pas de signifier chaque chose critiquable qu'accomplirait le ministre auprès de ses camarades à la rentrée.

Fudge, en qualité de président de la séance, commença les présentations d'usage. Il fut interrompu par la venue de Dumbledore.

« Témoin de la défense : Albus Perceval Wulfric Brian Dumbledore. », déclara le directeur en entrant dans la salle. Le ministre était surpris de le voir arriver, comme le montrait à n'en point douter son expression.

« Vous avez reçu le hibou vous informant que l'audience avait été avancée ? »

« J'ai dû le manquer, mais par une heureuse erreur, je suis arrivé avec trois heures d'avance. »

Le ministre n'était pas doué pour cacher qu'il n'était pas satisfait. À partir de là, l'audience se passa relativement rapidement. Fudge énonça le chef d'inculpation, et Dumbledore amena un témoin inattendu, Madame Figg. Bien que la femme s'emmêla au début entre la description des garçons, et celle des détraqueurs, elle réussit à expliquer qu'il y avait réellement un danger, et un cas de légitime défense. Les sorciers majoritairement assez âgés laissèrent entendre leur ébahissement. Une voix en particulier parvint à se démarquer pour exposer son scepticisme. Une femme plus jeune que la plupart, à la voix aiguë et au col rose remontant plus haut que celui de sa robe noire réglementaire, parvint à déclarer qu'il était hautement improbable que des détraqueurs arrivent par hasard dans une ville moldu et croisent un sorcier. Dumbledore ne manqua pas de rebondir dessus.

« Je ne dis pas qu'ils sont arrivés là par hasard, madame la sous-secrétaire. »

« Pardonnez-moi, mais j'ai dû mal vous comprendre. Les détraqueurs sont sous le contrôle du ministère. Vous suggérez que le ministère aurait ordonné l'attaque ? »

« J'évoque que le ministère devrait mener une enquête approfondie pour savoir pourquoi ces détraqueurs étaient là. Ce n'est pas ce dont nous devrions discuter ici. Le fait reste que ces détraqueurs étaient présents. La loi dit très clairement qu'il est autorisé d'utiliser la magie devant un moldu lorsque sa vie est menacée. »

« La loi peut-être changée. », déclara vivement le ministre. Harry ne l'oublierait certainement pas.

« Je vois. Et est-ce une pratique courante de réunir une cour judiciaire dans une simple affaire d'utilisation de magie avant l'âge requis ? »

Probablement pas, pensa Harry. Plus personne n'articula un mot avant que la femme qui avait mené l'interrogatoire de la cracmol, une dame à l'air strict et rigoureux, ne prononce les questions d'usage pour le vote. « Qui est pour une condamnation ? » Dans le calme, quelques mains se levèrent, dont celles du ministre et de la sous-secrétaire. Puis, la femme à la tête du département de la justice magique reprit. « Qui est pour l'abandon pur et simple de toutes les charges ? » Peu à peu, de très nombreuses mains se levèrent, y compris celle de la femme. Le ministre, regardant autour de lui, n'eut d'autre choix que de déclarer que les charges étaient abandonnées.

Le professeur Dumbledore repartit aussi vite qu'il était venu. Harry rejoignit Arthur pour rentrer au manoir de son parrain.