(L'Ordre du Phénix) La confession de Théodore
Le ciel était noir et la nuit bien avancée lorsque Théodore fut conduit au manoir Jedusor par le professeur Snape. Vraiment, il n'y avait guère besoin de cela pour que l'atmosphère soit de toute manière lugubre et effrayante. En fait, malgré toute sa terreur, Théodore estima ce détail banal, anodin, et presque positif. Ce n'était pas attendu, mais cela n'en était pas plus surprenant pour autant, et c'était un choix du Seigneur des Ténèbres qui convenait tant à ce dernier que Théodore se trouvait apaisé par cette normalité qui ne sortait aucunement des sentiers battus de l'homme-serpent.
L'adolescent entra avec angoisse dans le manoir. La nuit était certes un terrain familier dans cet environnement, le jeune Serpentard était parfaitement capable de connaître tout le danger dans lequel il se situait. La honte voulait remonter de ses entrailles jusqu'à son cœur, mais il tenta de la refouler. Il n'y avait aucune honte à avoir que de chercher à survivre, c'était normal, humain, animal. Il n'y avait pas de place à l'amitié lorsque le chemin choisi déterminait la vie ou la mort. Il n'y avait pas de place pour de quelconques autres sentiments que la peur et l'appréhension dans une telle situation, où une erreur ou une obstination conduirait à la souffrance. Théodore avait déjà fait son choix. Il n'avait rien à regretter.
Le professeur le mena jusqu'à la salle qu'il connaissait tant. Le garçon entra avec tout le calme dont il pouvait s'enrober. Il se parait de sa noblesse de sang pour camoufler ses craintes et cette abominable honte qu'il ne parvenait à chasser. Voldemort était présent, comme attendu. Le puissant sorcier se leva de son siège et s'approcha d'eux pour les saluer, avec un sourire agréable que Théodore ne pouvait que déterminer comme trompeur. Ce sourire n'était pas particulièrement mauvais signe, mais n'indiquait en rien que l'homme l'appréciait vraiment ou l'épargnerait.
« Théodore, quel plaisir de te revoir. Merci de l'avoir conduit jusqu'à moi, Severus. »
La face de serpent glissa un petit regard au Mangemort tandis qu'il faisait face à l'adolescent. Le professeur s'inclina légèrement, déclara que c'était un honneur de lui rendre service, puis prit congé. Théodore retint un gémissement. Il avait par-dessus tout horreur de rester seul avec le mage noir.
« Théodore, comment ont été tes vacances d'été ? T'es-tu bien reposé ? »
Le jeune Serpentard n'appréciait pas davantage de telles questions. Il y entendait beaucoup trop aisément "tes vacances sont finies" et "nous allons recommencer comme avant", si ce n'était qu'il y avait une formule sous-jacente qui précisait "à moins que tu aies bien réfléchi". Heureusement, Théodore avait "bien réfléchi".
« L'hospitalité de Lord Malfoy n'est pas discutable. », évoqua-t-il. « Et je ne pourrais refuser une invitation d'y retourner lorsque mes réponses vous auront satisfait. »
Voldemort eut un air approbateur, son sourire toujours en place, mais presque comme une excuse. « Malheureusement, ton père a demandé, comme il est pleinement dans son droit, de récupérer son fils d'ici la rentrée à Poudlard. Nous ne pourrions lui refuser ta compagnie. »
Théodore eut un sentiment glacial et horrifié qui parcourut sa colonne vertébrale. Pourquoi même ressentait-il un tel effroi alors qu'il ne faisait que mépriser son père. Peut-être pouvait-il le détester, mais la peur ? Ses récentes expériences n'auraient pas dû amener une pareille sensation.
Voldemort prit le visage du garçon dans sa main et l'orienta afin de le regarder dans les yeux. « Toutefois, je peux apporter ma protection. Je comprends ton tourment, Théodore. Ton père ne pourra rien te faire si je le lui ordonne. Je pourrais faire une telle chose. »
Théodore détourna le regard et enleva sa tête de l'emprise du mage noir. « Je répondrais à toutes vos questions, mais de grâce, laisser mon esprit à lui-même. Mon verbe saura bien vous contenter, sans doute. »
« Parce que maintenant, tu me parles ? » questionna l'homme avec un ton légèrement moqueur. Pourtant, il ne força aucun contact à nouveau.
Théodore regarda derechef vers l'homme, tout en prenant bien soin de ne pas fixer ses yeux. « Bien sûr, je sais ce qui est pour le mieux. Tout comme je suis certain que Draco le découvrira bien assez tôt. »
« Ainsi donc, tu as choisi la bonne voie à suivre, mais Draco n'a pas encore recouvré ses esprits. »
« Il le fera. », déclara-t-il avec conviction. Il l'y forcerait au besoin. Théodore ne voulait plus affronter cela seul. Il entrevoyait en Draco la possibilité d'une forme de connexion nouvelle, plus plaisante. S'il pouvait un jour sortir l'étiquette de l'amitié du fond du tiroir poussiéreux où il l'avait cachée depuis si longtemps, ce serait peut-être pour la placer sur Draco. Il refusait que son camarade continue d'agir de manière à sombrer inévitablement vers la mort, la douleur ou la folie. Il voulait s'assurer que le garçon prenne, comme lui, les bonnes décisions pour sa survie. Draco n'était clairement pas encore prêt, mais Théodore ferait tout pour qu'il le devienne, comme il avait convaincu le groupe de Serpentard de se retourner contre leur supposé chef pour son propre bien, comme il les avait poussés à le rejoindre et le suivre lui au lieu d'un amoureux de Gryffondor et de nés-moldus. Même le professeur Snape suivait Voldemort, alors Draco ne pourrait que finir par entendre raison. Même si Théodore préférait rester neutre, passif, il était assez sensé pour savoir que ce n'était pas la meilleure solution pour son propre bien. Draco comprendrait qu'étant donné sa position, il n'avait pas non plus le choix du camp à suivre.
« Tu as l'air sûr de toi. », commenta Voldemort.
« Bien entendu. Je sais à quel point Draco est intelligent. Il est peut-être parfois un peu idiot, mais il a un bon esprit d'analyse quand il se donne la peine de l'utiliser. Il saura avant la fin de quel côté se tenir. Tout comme je l'ai compris. »
« Serais-tu prêt à me suivre ? »
Théodore ne put empêcher sa respiration de se couper durant un instant. Il lui fallut déployer des trésors de volonté pour ne pas perdre le contrôle, et beaucoup de sang-froid pour réfléchir à une réponse. Son silence perdura un petit temps probablement trop long au goût du mage noir qui n'apprécierait guère davantage sa réponse, mais le Seigneur des Ténèbres resta patient. « Je ne désire aucunement me battre. Permettez-moi de rester à l'écart autant que possible. Je peux vous apporter des informations, je peux répondre à vos questions, je pourrais, une fois à Poudlard, perturber les agissements de Longbottom et des Gryffondor. Je serais capable d'effectuer de nombreuses petites actions, qui peuvent sembler insignifiante mais qui seront toujours utiles pour vous. Mais je ne suis pas fait pour participer activement à un grand projet de l'ampleur de vos ambitions. Je ne veux pas être impliqué. Je peux être un soutien, guère davantage. Permettez-moi de rester éloigné des Mangemorts. Et de mon père. »
« Lucius Malfoy est un Mangemort. », s'amusa le Seigneur des Ténèbres.
« Lucius Malfoy est un politicien et un diplomate comme je peux les apprécier. Il est un exemple pour moi, bien plus que mon père. Toutefois, il a bien plus d'ambition et de pouvoir que je n'en aurais avant des années. Je suis bien trop jeune pour considérer agir d'arrache-pied à vos fins. » Il devint, malgré lui, implorant. Sa voix commença à osciller entre les supplications et le contrôle de soi. « Je ne suis qu'un adolescent, mineur qui plus est, encore en étude. Je ne suis pas un sorcier accompli. Je doute que la guerre, la révolution ou les forts mouvements idéologiques soient un jour pour moi. Mais pour l'heure, la question ne se pose pas encore. Je ne suis qu'un étudiant non formé. Je n'ai aucune valeur. »
Le timbre doux du Seigneur des Ténèbres le contredisait avec sagesse et compréhension. « Théodore, tu es plus digne que la plupart, aussi intelligent que je l'attendrais de mes meilleurs Mangemorts, tâche à toi de te montrer méritant. Tu as de quoi briller auprès de moi. Mais je peux comprendre tes priorités. Termine d'abord tes études avec brio. Ensuite, nous en reparlerons. Mais pour l'heure, tu m'as promis des réponses à quelques questions. Tu es mieux placé que quiconque pour les avoir. Donc, que peux-tu m'apprendre ? »
Je n'avais rien promis, songea distraitement le garçon. Du moins n'avait-il rien promis à l'homme. Il avait déjà pris la décision de parler. Alors il conta ce qu'il savait, avec bien plus d'analyse, de précision, et de verve que Crabbe et Goyle. Avec bien moins d'hypocrisie que Draco. Il expliqua en détail comment Dumbledore était proche de Longbottom, jusqu'où le directeur était prêt à aller pour satisfaire le Gryffondor, y compris en trichant de manière honteuse à la coupe des quatre maisons pour accorder la victoire à Gryffondor… et Serpentard à égalité après le premier coup d'éclat du garçon.
Il exposa comment se déroulaient les cours du professeur Snape, un homme toujours en apparence injuste, détestant Gryffondor, sans pour autant cesser d'être strict avec les Serpentard afin de les éduquer au mieux. Il n'oublia pas comment les cours devenaient plus agréables, et que l'enseignant s'adoucissait légèrement envers tous les élèves sans frontière de maison, au fil des années. Il mentionna la présence de Mademoiselle Evans, plus disponible cette dernière année pour soutenir les écoliers en cours de potions. Il indiqua l'appréciation que Potter avait pour Snape, aussi ancrée que la haine du chef Serpentard pour ce Gryffondor insolent. Il évoqua la peur absolue de Longbottom pour le maître des potions, et à quel point le garçon-qui-avait-survécu fuirait l'homme s'il en avait l'occasion.
Il développa les règles de la maison de Serpentard instaurée par Snape, y compris l'exécration du professeur pour le terme de « Sang-de-Bourbe », que Théodore définit comme étant par trop familier et vulgaire pour un emploi par de jeunes nobles Sang-Purs. Ce terme était digne de se situer dans une bouche comme celle d'un Zabini, pas d'un Nott, un Malfoy, une Parkinson ou des Greengrass. L'infériorité de classe des nés-moldus et leur pestilence devaient être évoquées par des moyens plus subtils et seyants davantage au charisme sublime de tout bon Serpentard de haut lignage.
Il narra ce qu'il savait des compétences scolaires de Granger, Longbottom et Potter, ainsi que de leurs tempéraments. Il relata les relations entre ces personnes et leurs camarades tels les Wealsey ou les Gryffondor et Serpentard de leur année. Il chercha chaque situation où Draco s'était mal entendu avec ce groupe d'amis trop braves qui était prétendument le sien. Il n'omit que peu de choses, comme les engouements décelables de Draco pour Granger, l'accord secret qu'il avait passé avec Potter et les motivations derrière, le respect de Longbottom pour Snape causé par autre chose que la peur, la déférence de Snape pour Evans, la tendresse plus qu'évidente d'Evans pour Snape qui ne pouvait exister sans un comportement d'évidence positif à l'égard de la femme rêveuse.
Il contenta Voldemort, et put repartir en pleine forme… malheureusement avec l'homme qui vint le récupérer, son père. Toutefois, le Seigneur des Ténèbres évoqua son utilité devant son géniteur, et avertit le Mangemort à demi-mot que Théodore était libre de ne pas avoir à subir des traitements délétères pour sa sanité physique ou mentale, et inappropriée au vu de sa collaboration. Théodore n'avait pas à s'inquiéter. Avec cela, il n'y aurait aucune raison pour que son père change son habitude de l'ignorer comme s'il n'existait pas, comme c'était avant le retour du Seigneur des Ténèbres.
