(L'Ordre du Phénix) Adieux et retrouvailles
La fin des vacances d'été arriva enfin. Il était convenu que Neville, qui marchait avec Harry, Hermione et les Weasley, serait discrètement escorté par quelques membres de l'Ordre, dont Maugrey. Lily participa également à l'escorte. Elle ne monterait pas dans le train, et rentrerait comme les autres à Square Grimmaurd pour se rendre à Poudlard via la connexion de cheminette. Patmol accompagnait. C'était le grand et maigre chien noir au pelage bien lustré. Ce Sinistros employait au sein de l'Ordre le surnom de son adolescence pour sa forme canine. Le chien tira Harry vers un endroit isolé, ignorant les protestations de ses collègues qui devaient rester furtifs. Il se contenta d'aboyer joyeusement alors que Maugrey le rappelait tandis que Harry le suivait docilement. Derrière la cloison, Sirius reprit forme humaine. Son filleul l'observa avec curiosité.
« Tu veux me dire quelque chose ? »
Sirius sourit. « Oui. Viens là. » L'homme s'asseyait et tapotait le siège à côté de lui. Harry obéit facilement. Sirius tira une vieille photo usée de sa veste. Il la tendit au garçon. « Tiens. Je voulais te donner ça. »
Harry observait maintenant l'image. Il y avait de nombreuses personnes qui posaient pour ce cliché. Dumbledore était au centre. Derrière lui, à sa gauche, il y avait Hagrid qui les dominait tous. À côté du demi-géant, il y avait Maugrey, avec déjà son faux œil. Tous ceux autour de l'auror, de l'extrémité droite du tableau jusqu'à Dumbledore, étaient inconnus de Harry. Devant le directeur, sur la gauche, se tenait, fier et heureux, Sirius, côte à côte avec le père de Harry. Les deux s'amusaient. Si les autres étaient soit sérieux soit souriants pour poser en face de l'appareil, ces deux-là dégageaient un air de suffisance et agissaient comme s'ils partageaient une bonne farce. Les voir rire était toujours agréable. Harry ne connaissait pas les deux hommes à l'arrière entre son parrain et son père. Mais comment ne pas reconnaître sa mère à la droite de James, ainsi que Pettigrow dont la tête dépassait entre eux, ou encore Remus à l'arrière, aux côtés du traître. Le plus surprenant était peut-être les deux roux identiques, tout à gauche du papier, qui ressemblaient tant aux jumeaux Weasley.
« Qui est-ce ? » demanda le garçon au sujet des roux.
« C'est une photo de l'Ordre du Phénix original, quelques mois avant la fin de la guerre. J'ai patienté longtemps avant de te le donner. Les autres n'auraient pas apprécié, il fallait que j'attende le dernier moment. »
« Pourquoi ? »
« Parce qu'ils pensent que vous ne devriez pas vous battre, et que je vous inciterais à le faire. Nous étions tous jeunes à l'époque. Nous nous sommes battus pour notre avenir. C'est à votre tour. Tu vois ces deux-là ? »
Sirius désignait les deux roux. Harry opina du chef. Sirius expliqua.
« C'étaient les frères de Molly, les jumeaux Prewett, Fabian et Gideon. Ils étaient de formidables combattants. Ils ont tenu tête à de nombreux Mangemorts, y compris lors de leur dernière bataille, avant d'être finalement tués par Evan Rosier. »
Sirius pointa ensuite l'homme qui posait derrière lui, et dont la tête aux cheveux bouclés était visible entre lui et James. « Edgar Bones, abattu par les Mangemorts avec sa famille. C'était le frère d'Amelia Bones qui gère le département de la justice magique. » Sirius dirigea son doigt vers la femme la plus à droite de l'image, puis le sorcier âgé derrière elle. « Emmeline Vance, et Elphias Doge. Celui-ci est un vieil ami de Dumbledore. Ils sont encore dans l'Ordre… » Il montra les deux filles à leurs côtés. « … contrairement à Marlene McKinnon et Dorcas Meadowes. Ils ont eu toute la famille de Marlene, et Voldemort a tué Dorcas personnellement. Et ici… »
Sirius présenta avec gravité un couple entre Maugrey et Dumbledore. « Ce sont les parents de Neville, Frank et Alice Longbottom. »
Harry prit doucement la parole. « Dis, Sirius… tu voulais me convaincre de me battre alors que les autres refusent, ou tu voulais me dissuader ? »
« On a fait notre temps. Notre vieil Ordre est mort avec ces gens. Place aux jeunes. »
« Tu me présentes tant de morts pour me pousser sur cette voie ? »
« Ce n'est pas parce que c'est votre tour, que je veux que tu y meures. Soit prudent. Tu dois savoir à quel point les Mangemorts sont dangereux, pour les prendre au sérieux. »
Harry eut un rire dédaigneux. « Toi et mon père n'aviez pas l'air très "sérieux" sur cette image. »
« Nous savions ce que nous risquions. Nous nous sommes toujours battus. Cette image, c'est l'ancien Ordre, durant l'ancienne guerre. Nous commençons une nouvelle guerre, il faut un nouvel Ordre. Tu dois filer avant que Maugrey ne vienne nous sortir de là. Prends bien des nouvelles de mon affreux petit-cousin pour moi. »
Harry s'enfuit promptement, glissant la précieuse photographie dans sa poche. Il n'eut aucune difficulté à rejoindre Neville, Hermione, Ginny et Ron qui l'attendaient. Les adultes les laissèrent finir seuls, et ils longèrent le train à la recherche d'un wagon qui serait moins fréquenté. Sans prévenir, ils se firent bousculer par Zabini, Crabbe et Goyle qui étaient venus par derrière eux avec sans nul doute l'intention de les chahuter un peu. Zabini, après avoir percuté Harry et Neville tandis que Crabbe et Goyle poussaient les autres, se retourna vers eux avec une expression faussement désolée.
« Oh, pardon, je ne vous avais pas vu. Il va falloir que Longbottom déploie plus d'efforts pour se faire remarquer. »
« Qu'est-ce que tu veux dire ? » exigea Harry.
Zabini eut l'air très amusé. « Voyons, tout le monde sait que Longbottom est en manque d'attention. D'abord la coupe de feu, puis prétendre le retour de Vous-savez-qui. Il ne sait pas quoi inventer pour se faire remarquer. Quel dommage qu'il soit toujours ce même incapable que personne ne remarque pour autre chose que sa bêtise. »
Crabbe et Goyle riaient méchamment à ses côtés. Neville sentait une colère étrangère, bien que de juste indignation, tenter de remonter en lui. Il n'en voulait pas. Ces provocations ne pouvaient pas l'énerver. « Il est un peu tôt pour déclencher un combat maintenant, vous ne croyez pas ? » argumenta-t-il.
« Quoi, un Gryffondor qui fuit une bataille ? Ah, mais nous savons tous à quel point Neville Longbottom est un lâche pleutre. Va te cacher chez ce gros balourd de Hagrid ! »
« Zabini ! » appela la voix claire de Draco. Chacun, Gryffondor comme Serpentard, tourna son attention vers le blond, qui les observait d'un peu plus loin sans faire le moindre mouvement dans leur direction. Nott était en face de Draco et les surveillait également. Les deux Sang-Pur étaient très clairement en discussion avant que l'un ne décide de s'interposer dans le combat qui s'initiait. « Tu as autre chose à faire que de perdre ton temps, non ? Trouve-toi une place dans ce train avant qu'il ne démarre pour commencer. Ce n'est pas grave si des Gryffondor sont en retard, c'est plus gênant pour des Serpentard. »
« À quoi tu joues, Draco ? » questionna Zabini, aussi interloqué que les autres par l'attitude de Draco.
« Fais ce qu'il dit. », déclara Nott d'un ton neutre, sans expression.
« Vous fricotez ensemble, maintenant ? »
« Absolument pas, surveille ton vocabulaire si tu veux pouvoir prétendre à atteindre notre rang. Toutefois, il n'y a rien de surprenant à ce que Draco et moi passions du temps ensemble. » Théodore fit dériver son regard vers Draco. « C'est mieux qu'avec des Gryffondor. », insista-t-il.
Draco serra les poings, mais ne laissa rien paraître. Nott retourna la tête vers les deux groupes ennemis, et fixa plus particulièrement Crabbe et Goyle. Crabbe opina discrètement du chef, et tira Zabini. « Allons-y. », chuchotait le grand gaillard à l'oreille du brun. Le trio s'éloigna, sans pour autant se joindre aux deux représentants Serpentard des vingt-huit sacrés.
Une fois les indésirables partis, le groupe de Gryffondor commença à s'approcher de l'étrange duo, et Ginny souffla. « J'ai bien cru que j'allais devoir leur lancer un sort. », lâcha-t-elle.
« Tu aurais perdu des points. », commenta Draco, puisqu'ils étaient dorénavant assez proches pour que le ton normal de la fille atteigne ses oreilles.
« De la part de qui ? Toi ou Nott ? »
Draco la toisa un instant avant de répondre. « Rentre dans le train, Gin. Rentrez tous. » Il tourna ses yeux clairs vers son camarade de maison. « Allons-y. »
Les deux Serpentard se dirigèrent vers le train.
« Draco ? » appela Harry alors que Neville fixait les deux garçons avait un pincement au cœur, ne sachant comment interpréter ce mouvement de leur ami.
« Qu'est-ce ? » questionna Draco en s'arrêtant un instant pour observer son interlocuteur.
« Qu'est-ce que tu fais ? »
« Ça ne se voit pas ? Je monte dans le train. »
« Mais… », commença Hermione.
« Ah, oui, je monte dans le train de mon côté, avec Théo, et vous montez du vôtre. »
« Pourquoi ? » voulut savoir Neville.
« Ça ne vous concerne pas. », trancha Théodore. Il porta toute son attention sur son unique potentiel ami, et l'appela. « Draco. »
L'autre Serpentard hocha la tête, et les deux garçons reprirent leur marche vers le train.
« Tu ne nous rejoins pas ? » s'étonna Harry, même de loin.
Draco l'ignora, et monta dans le train avec Thédore.
« Qu'est-ce qui lui prend ? », lâcha Ron. « Rester avec Nott, en plus ? »
« Nous devrions monter dans le train. », mentionna Neville. Tout le groupe approuva et le suivit vers un compartiment. Ils s'installèrent, et Hermione déclara qu'elle devait se rendre vers le compartiment des préfets pour une réunion. Elle insista bien en fixant Neville qui se contentait de vérifier qu'aucune des feuilles de son Alihotsy n'était abîmée. Harry n'eut aucun mal à saisir l'allusion.
« Oh, euh… Hermione, c'est moi. », annonça Harry.
« Toi quoi ? »
Il sortit l'insigne qu'il avait conservé dans sa poche. « Moi le préfet. »
« Quoi ?! » s'étrangla-t-elle.
« Mais il n'y a aucune raison pour ça ! » protesta Ginny soudainement, outrée. Les autres la fixèrent, et elle rougit. « Je veux dire… je n'ai rien contre toi, Harry, mais Neville est… idéal pour le poste. »
« Bien sûr ! » approuva Hermione. « Il est calme, gentil, attentionné, sérieux, sage, et il respecte les règles, lui, tant qu'il le peut. »
Harry la scruta de cet air Snape peu impressionné. « Gentil ? Oh, oui, il l'est. Et pas moi ? Attentionné ? Sérieux ? J'attache beaucoup d'importance à ma réussite scolaire, merci bien. »
Ron tenta d'intercéder en faveur des filles. « Ce qu'elles voulaient dire, c'est que nous savons tous que Neville serait génial dans le rôle. En dehors de sa maladresse qui en plus a diminué l'année dernière de manière drastique, il serait le préfet idéal. C'est le garçon-qui-a-survécu ! Et tout le monde sait à quel point Dumbledore est proche de lui. Ce n'est rien contre toi, Harry. Simplement… Neville est… eh bien… »
« Laisse tomber, Ronald. Admettons que j'ai compris. », trancha Harry.
Neville était peiné à la mention de Dumbledore, l'homme même en qui il avait le plus confiance mais qui l'avait ignoré tout l'été. Bien sûr, Dumbledore avait plus de choses, de haute importance, à régler que de venir le voir, mais Neville se sentait par trop mis à l'écart. Une pointe de colère tenta de remonter encore une fois, mais il s'efforça de taire le sentiment d'injustice.
Hermione croisa les bras, légèrement outrée. « Et vous n'avez pas trouvé l'occasion de me le dire plus tôt ? D'autant que vous saviez que je stress ais à l'idée de bien faire en tant que préfète. Vous auriez pu m'informer que Neville ne l'était pas, et que Harry l'était. »
Harry lui lança un regard cinglant. « Et vous auriez pu nous parler de vos vacances chez mon parrain et de vos connexions avec l'Ordre. »
« Dumbledore nous avait fait jurer de ne rien vous dire. », protesta-t-elle.
« Vous allez être en retard. », coupa Neville. « Vous devriez y aller. Ce qui est fait est fait. Dumbledore a donné une consigne, quant à nous, nous n'y avons plus pensé. Il était difficile de trouver de bonnes occasions d'aborder le sujet. »
Hermione et Harry se calmèrent et partirent vers le compartiment des préfets, laissant entre eux Neville, Ron et Ginny.
Draco et Théodore prirent place dans un compartiment vide, dans ce qui semblait devenir une routine usuelle. Le blond platine regarda sérieusement le plus chétif adolescent. Ce dernier cachait bien son air malade, que la plupart ne repéreraient ni de loin ni de près. Draco ne pouvait que le deviner grâce à la longue période durant laquelle il l'avait côtoyé pendant l'été. Le calculateur têtu demeurait parfaitement capable d'afficher cet air noble dont il se parait pour ses desseins politiques, tout autant que son expression neutre et désintéressée, blasée par un monde qui ne le touchait pas. Nott pouvait se donner toutes les apparences qu'il voudrait, le jeune Malfoy pourrait encore y lire au travers aussi sûrement qu'il l'avait vu souffrir, pleurer, trébucher, gémir, et même sur le point de supplier. Ce temps de tourments était, espéraient-ils tous les deux, derrière eux. Ils retournaient à Poudlard, et c'était le temps de ne s'occuper que des affaires de Poudlard, guère d'un Seigneur des Ténèbres ressuscité qui cachait son existence avec l'aide d'un ministère corrompu et effrayé.
« Théo, si tu agis de cette manière avec Zabini, et si tu t'écartes du groupe comme je l'ai fait en première et deuxième année, tu vas les perdre. Tout comme tu me les as fait perdre. »
Théodore ricana. « Oh, vraiment, Draco ? Comme je te les ai fait perdre ? Tu n'as toujours pas compris que tu les as perdus tout seul ? Je n'ai fait que souffler des braises bien chauffées par toi. »
« Tu t'éloignes d'eux. C'est la même erreur que celle que j'ai faite. Crabbe et Goyle étaient avec Zabini. Zabini n'hésitera pas à te trahir s'il peut obtenir un avantage. Il n'y a aucune loyauté là-bas, juste de l'intérêt. Zabini est et restera un puriste. À partir du moment où tu as pris mon parti au sujet de son insulte préférée, tu l'as perdu. S'il a la moindre occasion de prendre le pouvoir, il le fera. »
« Je n'ai aucun intérêt à rester avec un groupe. »
« Tu n'y crois pas toi-même. Tu as choisi ce groupe, et tu as apprécié, selon tes propres dires, le diriger. Pourquoi renoncerais-tu maintenant ? Nous avions un accord, Théo. Ne le romps pas. Sinon, tu seras définitivement tout seul, parce que si tu me lâches même sur ça, il n'y aura plus rien entre nous. »
Théodore le fixa durant un moment avant d'enfin lui répondre. « Je gérerais les Serpentard à ma manière. Inutile de t'en soucier. Mais ne me reproche plus la décision que j'ai dû prendre pour préserver ma vie et ma santé, Draco. Seul un fou risquerait cela pour taire des secrets qui n'en sont pas. Tu devrais, toi, lâcher ces Gryffondor, Longbottom et la née-moldue. Ton père est un Mangemort, Draco. Ouvre les yeux, c'est dangereux ! Si, maintenant que le Seigneur des Ténèbres est revenu, tu continues d'agir dans le camp de son ennemi, il t'en cuira. »
« C'est un message qu'il t'a demandé de me transmettre ? Dis-moi, Théo, comment était la fin de tes vacances ? De quoi as-tu parlé avec le Seigneur des Ténèbres ? »
« Je lui ai dit tout ce que je savais. », prétendit-il, « Et tu verras les conséquences de cela. Ne fais pas l'idiot, Draco ! Tu n'as pas le choix. Tu n'auras pas des chances infinies pour le rejoindre. Même ton père ne pourra pas te protéger. Le Seigneur des Ténèbres t'a donné un avertissement clair. Tu dois l'écouter. »
Draco se leva. « Tu as choisi ton camp, Théo. » Il se dirigeait vers la sortie du compartiment. « Laisse-moi choisir le mien. » Il ouvrit la porte. « Nous verrons lequel je ferais. » Il partit, laissant seul son camarade, pour rejoindre le compartiment des préfets. Il allait bientôt savoir combien de faveurs Théodore lui devrait.
Draco ne put que grimacer. Pansy Parkinson, Hermione Granger, Harry Potter, Hannah Abbott, Ernest MacMillan, Padma Patil et Anthony Goldstein. Draco avait bien parié sur Padma Patil, Pansy, Goldstein, et MacMillan. Théodore avait misé sur Hermione, Harry, et Abbott. Cela donnait donc 4 faveurs à Draco, et 3 à Théodore. C'était beaucoup trop proche, beaucoup trop équilibré. Draco ne pouvait pas comprendre pourquoi Harry et Abbott seraient ici au lieu de Neville et Susan Bones. Pourquoi, par Merlin et Salazard, était-ce Harry et non Neville ?
« Potter, tu t'es trompé d'endroit ? » railla-t-il après sa surprise momentanée d'un instant passée. « Où est Nev ? »
Harry lui répondit d'un regard noir. « De toute évidence, il n'est pas là. Je suis le préfet de Gryffondor, Draco. Et plus ponctuel que toi. Tu étais trop occupé avec Nott pour te joindre à nous ? »
« Ne commencez pas. », requit un des préfets de Serdaigle, sixième ou septième.
Pansy vint rapidement s'accrocher au bras de Draco, et le duo de Serpentard prit place pour la réunion. Hermione ne lâchait pas du regard le couple dont la proximité ne lui plaisait pas le moins du monde. Si seulement elle pouvait faire brûler les mains de Pansy, elle le ferait.
