(L'Ordre du Phénix) Le garçon qui mentait


La rentrée ayant eu lieu vendredi, ils avaient tout le week-end de tranquille avant de réellement commencer les cours. Pour autant, ce ne fut guère des jours tranquilles pour Neville. Et Draco aussi avait eu droit à ses moments de stress indésirables. Tout avait débuté dès le premier soir, à l'arrivée dans les salles communes.

Draco avait conduit les nouveaux Serpentard vers les cachots et leur majestueuse salle commune avec toute la dignité et la responsabilité nécessaire — bien que Théodore ne se gêna pas pour commenter qu'il était un peu trop arrogant — puisque de toute évidence Pansy n'était pas faite pour ce poste et en profitait pour l'instant uniquement pour passer du temps avec le blond. Elle userait de son autorité sans doute plus tard, quand il serait question de punir les autres maisons, en particulier les Gryffondor, et principalement Hermione. Draco se demandait combien de temps il faudrait à Pansy avant d'oublier qu'un préfet ne pouvait en sanctionner un autre et qu'elle tente de s'en prendre à Hermione.

Draco se fichait de qui étaient ces nouveaux élèves. Il se contentait de faire son devoir. Il aurait souhaité pouvoir rapidement aller se coucher après ses tâches accomplies, mais fut malheureusement retenu dans la salle commune par Pansy et les autres. Il n'était plus habitué à avoir de l'attention, et s'en trouva quelque peu dérouté, lançant des regards perturbés vers Théodore qui haussait les épaules tout en prenant place avec le groupe. Théodore perdit très vite sa désinvolture en entendant la première question qui fusa : « Est-ce que le Seigneur des Ténèbres est vraiment de retour ? »

La plupart devaient ignorer que le père même de Draco était un Mangemort. S'ils l'avaient su, ils auraient également connaissance que celui de Théodore l'était aussi, et ne se seraient pas acharnés sur le Malfoy. La raison de leur visée était plus certainement due à l'association du blond avec les Gryffondor, et en particulier le menteur par excellence dénoncé par le ministère.

« Comment voudriez-vous que Draco sache mieux que les autres si Longbottom ment ? Même s'ils sont amis, vous pensez que Longbottom serait davantage honnête sur la question avec lui ? »

« À quoi tu joues, Théo ? » exigea Draco. Tout cela sonnait comme si Théodore, qui savait mieux que quiconque — que lui-même d'ailleurs — que le seigneur des ténèbres était revenu, prétendait que ce n'était pas le cas.

« Vous voulez mon avis ? » Théodore n'attendit pas la réponse, même s'il pouvait voir les têtes se hocher pendant qu'il poursuivait ; après tout, qui aurait refusé cela ? « Longbottom va soit abandonner de déclamer sa vérité, sa version de faits que nuls ne peut confirmer, soit commencer à décrire davantage, à donner des détails à qui veut l'entendre, y compris qui seraient les Mangemorts ayant déjà répondu à l'appel. Car, après tout, imaginez-vous le Seigneur des Ténèbres revenir sans Mangemort ? Certes non, et Longbottom le saura aussi s'il souhaite rendre crédible son histoire. Ainsi donc, s'il désire ardemment nous pousser tous à le croire, il criera les noms des Mangemorts. Il n'y a pas beaucoup de noms qu'il pourrait dire sans être inévitablement accusé d'affabulateur. Beaucoup sont morts ou à Azkaban. Seuls ceux qui furent innocentés peuvent être accusés. Vous constaterez vite, que s'il n'abandonne pas son histoire, il annoncera les noms des Mangemorts. Vous ne les connaissez peut-être pas, mais moi je les connais. »

Tout le monde, du moins tous ceux qui connaissaient le fils Nott, savait qu'il était particulièrement bon en histoire. Ils s'attendaient tous à ce qu'il les sache, et comme il semblait aimer prendre du pouvoir à Serpentard, ils s'attendaient bien à ce qu'il les déclame, ce qu'il fit sans attendre de découvrir si Longbottom le ferait. « Mon propre père, le père de Draco, ceux de Crabbe et Goyle. Tous sont des Mangemorts innocentés lors de leur procès. Vous voyez, si Longbottom veut poursuivre ses déclarations, il devra critiquer le père de son ami. Nous constaterons alors s'il tient tant que cela à ses supposés amis proches. »

Théodore tourna un de ses regards appuyés vers Draco, un de ceux qui signifiaient bien qu'il y avait là un message que Draco refusait de reconnaître. Le nouveau préfet, bras croisés et air sombre, se contenta de secouer lentement la tête négativement. Théodore poursuivait son discours.

« Avec ces noms, vous pourriez entendre d'autre tels Avery et McNair. Et ce sera tout. Si par hasard vous l'entendez en prononcer un autre, alors vous saurez qu'il invente certainement. »

Draco intervint cette fois. « À moins que certains fussent capables d'échapper à la justice il y a toutes ces années, courraient toujours, et à présent reprennent leur place auprès du Seigneur des Ténèbres.

Théodore l'ignora, bien qu'il lui jeta un petit coup d'œil. « Vous voyez, Draco et moi serons les premiers avertis si le Seigneur des Ténèbres fait son retour. »

Draco abandonna de défendre Neville. Théodore mena la discussion toute la soirée, ce qui dérangeait l'ego du nouveau préfet. Ne l'était-il que de nom, sans aucun honneur ou réputation l'accompagnant ? Sans la moindre influence auprès de ses camarades ? Il observait les premiers années qui écoutaient avec une attention toute particulière le cinquième année. Depuis quand Nott était-il si doué pour capter l'attention ? Sans doute depuis qu'il avait commencé à s'y intéresser, quand il avait le même âge que ces enfants. Draco avait abandonné sa place de pouvoir, pour quelque chose qui en valait bien la peine pensait-il, l'amitié, il était trop tard pour la reprendre, et Théodore ne le lui permettrait pas. Les jeunes nouveaux Serpentard devaient être, au moins en moyenne, assez observateurs pour noter que Draco avait mis plus de devoir forcé et d'honneur égoïste à les conduire et leur parler de la maison. Ils avaient dû déjà comprendre que le préfet n'y avait pas mis de cœur. Théodore n'aimait probablement pas ce qu'il contait, il n'avait sans doute pas de passion, mais il jouait bien la comédie, et pouvait en donner l'impression. Il gagnait de l'influence rapidement même auprès de ceux qui ne les connaissaient pas avant ce soir. Il conserverait sans mal ceux qui lui étaient déjà acquis.

Lorsqu'ils montèrent au dortoir seulement, Draco entraîna Théodore à part pour discuter, remerciant une fois de plus son parrain pour lui avoir enseigné ce sort très utile de confidentialité.

« Pourquoi fais-tu cela ? »

« Faire quoi, Draco, il te faudrait être plus explicite. »

« Cacher le retour du Seigneur des Ténèbres. Annoncer que Neville est un menteur. Et pourquoi n'as-tu pas parlé du professeur Snape alors que tu as dénoncé nos pères. »

« Je fais ce qu'il faut, laisse-moi gérer tout cela. Libre à toi de retourner auprès de ton ami, et de voir combien de temps s'écoule avant que la pression soit trop forte ou qu'il ne dénonce lui-même ton père. Au moins, personne ici ne pourra nous accuser d'avoir menti ou caché cette information. J'ai même précisé qu'ils étaient officiellement innocents. Tu devrais m'en remercier. J'ai préparé le terrain pour que la chute te soit moins douloureuse. Et si tu annonçais que Longbottom était honnête, comment penses-tu que les autres l'accueilleraient ? Ils savent tous que tu les aimes bien. Ta parole ne serait que des sentiments. »

« C'est pour cela que tu aurais dû le dire ! Toi, ils auraient pu te croire ! »

Un regard glacé passa dans les yeux de Théodore. « J'aurais ? J'aurais pu, Draco, pouvoir, pas devoir. La situation est bien complexe, et nous ne sommes pas en position d'agir comme nous l'entendons. Je n'annoncerais pas que Longbottom dit vrai car, premièrement j'ignore dans quelle mesure c'est le cas bien que je puisse soupçonner que Longbottom soit d'une honnêteté maladive qui devrait l'orienter Poufsouffle, et deuxièmement le Seigneur des Ténèbres ne semble pas vouloir que son retour soit connu pour l'heure.

« Pour ce qui est du professeur Snape, Draco, qui me croirait ? Tout ce que je dirais perdrait en crédibilité pour une raison incroyable, n'est-ce pas, puisque tout réside dans la présence de Mademoiselle Evans. Je sais que c'est la mère de Potter. Lily Potter, qui a combattu dans la Première Guerre, avant d'être attaquée par Bellatrix Lestrange, ta tante. Oui, la plupart l'ignorent, mais encore une fois je suis un spécialiste de cette période. L'accord que j'ai passé avec Potter rend la déduction évidente quand on connaît les photos du couple Potter. Cette femme est une née-moldue, et je devrais annoncer à tous que Snape est un Mangemort qui refuse plus que tout qu'on prononce l'insulte de "Sang-de-Bourbe" ? »

« Si personne ne le sait, tous pourraient te croire. »

« Dit-il comme pour me convaincre de dénoncer son parrain alors qu'il ne le veut surtout pas. Draco, tu es devenu encore plus idiot cet été. Pour la énième fois, je gère tout comme il faut, tu n'as nullement besoin de t'en soucier. Cela fait partie de notre accord, Draco. » Théodore sourit et prit une voix plus légère. « D'ailleurs, combien de faveurs me dois-tu ? »

Draco ne songea qu'un instant, vraiment qu'un seul instant, qu'il pouvait mentir. Mais il était au-dessus de cela, ça n'avait rien à voir avec le fait que Théodore saurait vite la vérité. « Tu m'en dois 4, je t'en dois 3. »

« Une année pour réfléchir à cela, merci Draco. Bonne nuit. »

Alors que Théodore s'éloignait avec légèreté et son air enjoué, Draco envisageait que l'année allait être longue et pénible.


Neville était entré dans la salle commune avec Ginny et Ron, pendant que Harry et Hermione s'occupaient des nouveaux élèves. Les regards sombres qui le fixaient, l'atmosphère lourde et pesante, lui donnèrent envie de fuir aussitôt vers les dortoirs. La compagnie de son meilleur ami, coincé dans ses devoirs de préfets, lui manquait déjà. Même si rester avec Ginny lui allait bien, il préférait se soustraire au silence qui suivait ses pas quand il passait devant les autres Gryffondor. Il monta rapidement au dortoir, seul, ne sachant que trop bien que Ron demeurerait sans doute avec Seamus et Dean.

Il se coucha et s'endormit vite, bien trop désagréablement bercé par des cauchemars où Voldemort apparaissait. Il se réveilla, en sursaut et en sueur, alors que ses camarades de chambrée étaient entrés pour la nuit. Dean était déjà couché, Seamus tout juste assis, Ron s'approchait encore de son lit, et Harry fermait la porte. Ce dernier tournait un visage inquiet vers son meilleur ami.

« Tu vas bien, Neville ? » questionna-t-il bien que la réponse aurait dû être évidente.

« Non. », déclara Neville honnêtement, trop durement, sans même le réaliser.

Seamus renifla de dédain. « N'importe quoi. »

Harry le regarda vivement. « Tu as un problème ? »

« Ouais, attends voir… ma mère voulait pas que je revienne à l'école à cause de lui. Sérieusement, pourquoi il a dit toutes ces âneries. Est-ce qu'il nous le répéterait encore ce soir ? »

Ron se tourna vers le plus petit garçon. « Tu parles du retour de Tu-sais-qui. »

« Ouais. Te le crois, toi ? »

« Oui. J'y crois. Harry aussi le croit. » À la mention de Harry, Seamus roula des yeux, ne prenant ostensiblement pas cet avis au sérieux. Ron enchaîna. « Mes frères et Ginny aussi. Ça te pose un problème ? »

Seamus ne répondit pas. Ron était non seulement de ses amis, mais il était aussi assez brutal, tandis que les jumeaux étaient des farceurs forts sympathiques qu'il ne fallait pas avoir sur son dos, et Ginny était une lionne enflammée au caractère parfois effrayant.

En revanche, Harry ne laissa pas passer la critique à son meilleur ami si facilement. « Ta mère est une idiote, si elle croit ces torchons. Et toi, tu y crois. Ça ne me surprendrait même pas te connaissant. »

« N'insulte pas ma mère ! »

« Calmez-vous. », demanda Neville.

Harry l'ignora. « Je m'en prendrais à quiconque traitera mal Neville, et ça commence par le traiter de menteur. »

« Dumbledore aussi le dit. », ajouta Ron.

Seamus contra. « Dumbledore le dit parce qu'il le dit. » Il avait fait un mouvement dédaigneux vers Neville.

« S'il vous plaît, calmez-vous. », quémanda encore Neville, totalement ignoré.

Seamus enchaînait en regardant Harry. « T'y étais pas plus que nous. Personne n'y était. Comment le croire, hein ? C'est n'importe quoi. »

« Tu as oublié que Cédric était mort ? Comment tu l'expliques ? » exigea Harry. Neville n'appréciait pas le rappel de Harry de la mort de Cédric, et gémit.

« Le tournoi est dangereux et mortel, ça n'a rien à voir. Tu n'y étais pas. »

« J'y étais quand Bartémius Crouch junior s'est dévoilé à nous. Quand il a annoncé le retour de Voldemort, et quand il a clairement montré sa marque. J'y étais quand… » Il s'interrompit de lui-même, réalisant qu'il allait évoquer que Severus était un Mangemort. Seamus prit cela comme un aveu de défaite, et rit d'un air méprisant.

« Tu n'en sais pas plus que nous. C'est n'importe quoi. Ou alors, peut-être que tu es aussi menteur que lui. On sait tous que vous êtes tous les deux fous, depuis le premier jour. » Il se tourna vers Ron. « Ron, tu le sais toi. Ils admirent tout le temps, Snape, ça n'a aucun sens ! Maintenant ça ? Et tu y crois ? »

« S'il vous plaît… », implora encore Neville.

« Mais tais-toi, Neville ! »

« Bien sûr que j'y crois ! » aboya Ron.

Harry enchérit. « T'es aussi con que ta p… »

« Arrêtez ! » cria l'adolescent à bout de nerf. Tous tournèrent leurs regards vers le garçon-qui-avait-survécu. Il tremblait légèrement, encore secoué par son cauchemar et sa fatigue latente. « Au moins, taisez-vous pour dormir. Harry, tu es préfet, tu ne devrais pas te battre de cette manière. »

« Je te défendais ! Et je n'ai toujours employé que mes mots. »

Neville le toisa durement. « Le professeur Snape aussi n'emploie que des mots lorsqu'il insulte les élèves. Ça ne le rend pas plus agréable. Il ne me semble pas que tu tolères quand il insulte ton père. Les mots sont, de l'avis de Dumbledore qui n'est pas si humble, notre plus grande source de pouvoir. Avec des mots, on crée et on défait. Avec des mots, on se bat. Ne vous battez pas ici, ne vous battez pas devant moi, ne vous battez pas ce soir. »

Harry alla à son lit en grognant. « Ça continuera ainsi demain, et tous les jours qui suivront. Ils sont toujours aussi cons qu'avant. »

Neville sourit, rassurant. « Ron est avec nous, c'est déjà pas si mal. »

Et ainsi, en effet, avait été tout le week-end. Neville s'était isolé de leurs camarades, comme d'autres fois auparavant, accompagné par Harry, Hermione, Ginny et Ron. Draco les avait évidemment rejoints dès le samedi matin, optant cette fois pour retourner à la table Poufsouffle. Le symbole était clair : Draco désirait s'éloigner des Serpentard. Il était en fait le premier levé et dans la Grande Salle, et avait choisi sa place. Les autres, en arrivant, avaient implicitement compris qu'il mangerait avec eux, pas que cela aurait dû être une surprise, et loin de ses propres camarades. Harry ne manqua pas de lui demander des comptes pour son attitude de la veille. Draco lui avait lancé un regard sombre.

« Il se trouve, mon cher Potter, que le Seigneur des Ténèbres est revenu, comme mon parrain ne manquera pas de le savoir parfaitement. Je n'ai rien à t'expliquer. Ni à toi, ni aux autres. J'avais quelques affaires à régler avec Nott, mais vous devriez savoir de quel côté je me tiens vraiment. Autre question stupide ? »

Il tendit la main vers un panier de pomme, que Ginny eut le temps d'éloigner rapidement avant qu'il n'en saisisse une.

« Oh, non, certainement pas. », déclara la fille. « Tu ne vas pas recommencer comme l'année dernière. Tu es avec nous, Draco. Des disputes dans l'air à Serpentard ? Avec Nott ? »

« Laisse-moi prendre ma pomme. »

« Non. »

« Donne-moi une pomme. »

« N'insiste pas, Drac. »

Draco vira pivoine. « Ne m'appelle pas comme ça. »

Elle haussa les épaules, et posa le panier plus loin. « Tu m'appelles bien "Gin". »

Hermione intervint. « Draco, il y a assez de monde à Gryffondor pour faire la tête à Neville — et par extension Harry — pour que tu ne nous délaisses pas au profit de Serpentard. »

Draco resta sombre et contrarié quelques instants avant que son expression ne se mue en sourire provocateur. « Bien sûr, Mione. En revanche, je me dois d'assumer mes devoirs de préfet, et donc… Ronald, moins cinq points pour manger comme un porc. » Ron se tourna vers lui avec ahurissement, la bouche ouverte, et une bonne part du contenu retombant sur son assiette. Draco sourit d'une plus grande fierté. « Voilà, maintenant ça, c'est fait. »

Hermione observait Ron avec écœurement tandis que Harry se mit à rire de bon cœur. Neville baissa les épaules, désolé pour Ron. Ginny fixait Draco.

« Harry, il a enlevé des points à Gryffondor. », souligna-t-elle.

Harry cessa immédiatement de rire. Draco prit la relève. « Finalement, peut-être que cette année pourrait être follement excitante. »

Follement excitante…, songeait Neville pendant que ses amis discutaient avec bon entrain. Son esprit commençait à vagabonder vers une certaine demoiselle considérée comme folle, une jeune Serdaigle au parler doux et à la beauté superbe, une étrange fée à la gentillesse peu commune, une excentrique intrigante qu'il aimerait bien connaître un peu mieux.