(L'Ordre du Phénix) Le choix du gardien


Le groupe avait passé le week-end en plein air. Ils n'avaient aucune raison de séjourner à la bibliothèque alors que les cours n'avaient pas encore commencé, les salles communes étaient hors de question, et la cour leur plaisait agréablement. Neville avait l'esprit occupé par de sombres pensées et une appréhension inquiétante. Il se demandait ce qu'il en était de la solution contre ses cauchemars organisée par Dumbledore et Severus. Il n'avait pu approcher ni l'un ni l'autre depuis bien longtemps à présent, et aucun n'avait abordé le sujet avec lui. Ce n'était guère une surprise que Severus garderait ses distances, même si Neville n'en voyait pas l'utilité. Qu'est-ce que le retour de Voldemort pouvait bien faire ? S'il pouvait savoir ce qui se passerait maintenant entre Severus et eux, alors il pouvait aussi connaître leurs précédentes interactions. De même, s'il ne pouvait connaître les passées, pourquoi serait-il mieux informé des présentes ? Cela n'avait aucun sens. Mais il laissait Harry penser seul à ces questions-là, et ne se préoccupait pour sa part que de ses cauchemars. Le directeur lui avait promis une solution à la rentrée, et Neville hésitait à aller l'interroger à ce sujet à présent qu'ils étaient tous de retour à l'école.

Samedi après-midi, Harry trouva l'occasion de chuchoter avec Neville sans que les autres ne leur prêtent attention.

« Je veux aller voir Sev. », déclara-t-il d'un air déterminé, le regard fixé sur leurs amis afin de s'assurer qu'ils ne les écoutaient pas.

« Ce n'est peut-être pas une bonne idée. »

Harry sourit. « Si même toi tu mets un "peut-être", alors ça ne fera certainement aucun mal. Je me fiche de ce que pense Dumbledore. Je me fiche même de l'avis de Sev. Je vais le voir. Peux-tu me couvrir ? »

« Tu couvrir comment ? Personne ne va te surveiller, Harry. Tu peux parfaitement y aller sans rencontrer le moindre problème. »

« Je n'ai pas encore l'excuse de la retenue. »

« Cela t'a rarement dérangé. »

« Les autres voudront savoir où je suis. »

« Oui. Mais je ne compte pas te couvrir, Harry, parce que j'ai aussi quelque chose à discuter avec lui. »

« Alors il faudrait trouver une excuse. »

« Pour nos amis ? Cela n'a aucune espèce d'importance. Tu seras le premier à penser qu'ils n'ont pas besoin d'être au courant de nos moindres faits et gestes. Ils ne vont tout de même pas s'inquiéter s'ils découvrent que nous sommes partis. Tu connais Draco, il voudra nous suivre même sans savoir où nous nous rendons. Hermione aussi certainement, et en plus elle tenterait de nous dissuader si elle avait la moindre idée de notre projet. Je fais pleinement confiance en Ginny, dans le pire des cas, pour gérer nos autres amis dans leur curiosité mal placée. Allons-y de suite. »

Neville n'attendit pas un instant de plus avant de s'enfuir discrètement, en compagnie de Harry, pendant qu'il était sûr que les autres ne les verraient même pas.

Ils frappèrent à la porte du bureau du chef Serpentard qui ne pouvait qu'y séjourner. Le professeur devait rester disponible pour ses étudiants, même lorsqu'il ne le voulait pas. De plus, un certain nombre d'évolutions le déchargeait de toute responsabilité vis-à-vis de Lily, qui ne logeait même plus dans l'endroit mais plutôt proche de l'infirmerie, comme Madame Pomfresh. Neville se demandait si elle se contenterait d'assister la médicomage, ou si elle suivrait encore les cours de potions. Dumbledore n'avait annoncé aucun changement, et Lily s'était tenue au côté de Severus la veille, guère de Pomfresh. Cela faisait étrange et désagréable à Neville de n'être informé de rien concernant l'année par Dumbledore. Il ne devrait pas se sentir écarté alors que personne d'autre n'avait jamais eu un tel privilège.

La voix du professeur leur parvint pour leur autoriser l'entrée. Les deux garçons ouvrirent la porte. Severus se tenait à son bureau, et était arrivé d'une manière ou d'une autre à se trouver du travail même en l'absence des premiers cours. Ce n'était certainement pas de la correction de copie.

« Ce sont tes recherches contre le Doloris ? » questionna immédiatement Harry, pénétrant plus avant dans la salle, avant même que Neville n'ait eu le temps de fermer la porte. Le garçon-qui-avait-survécu se dépêcha de clore l'ouverture avec un regard horrifié vers son ami quant à sa non-gêne absolue. Severus avait également relevé un regard sombre vers l'élève impudent.

« En effet, Harry. »

Harry sourit, l'emploi de son prénom ne devait-il pas être bon signe quant à la situation ?

« Néanmoins, je te demanderais dorénavant d'être un peu plus prudent. »

Avant que le professeur ne puisse dire plus de remontrances, l'adolescent aux yeux verts le coupa. « Tu as vraiment l'air d'une humeur exécrable. L'absence de Maman ne te va pas du tout. Tu vois, il n'y a rien à nier. Vous êtes vraiment fait l'un… »

« Harry. », interrompit le maître des potions d'un ton dur qui fit se stopper immédiatement le Gryffondor. « Tu n'as rien à faire dans ce bureau. »

Le garçon serra les poings, et son expression se teinta d'un mélange d'indignation, de colère et de détermination. « Non. Jouer le jeu de la discrétion, je veux bien. Être puni, ne se voir qu'à de tels moments, à la limite. Se faire insulter en classe, se faire mépriser ou détester en public, d'accord, malgré l'extrême pénibilité que cela en a. Cependant, refuser la moindre interaction positive en privé, c'est juste hors de question. Rien n'a changé. Le retour de Voldemort ne change rien. Tu sais pourquoi nous sommes dans ce bureau aujourd'hui ? Tu nous as surpris dans un couloir discuter du retour de Voldemort, et nous avons pris un malin plaisir, surtout moi je l'avoue, à te regarder en face tout en réfutant qu'il s'agissait de mensonge. Donc, tu nous as sévèrement réprimandés dans ton bureau. Tu vois, je connais ces excuses par cœur. Tu nous as, après tout, formés pour cela durant quatre années entières. Est-ce trop demandé que de passer un tant soit peu de temps avec toi ? » Harry s'assit sur une chaise, face au bureau du professeur, bras croisés, aussi têtu que ses parents. « J'y suis, j'y reste. »

Severus, toujours silencieux, tourna son regard vers Neville. Ce dernier déglutit. « Euh, eh bien… Je me garderais bien d'intervenir dans votre relation — qui n'existe pas, je sais. Toutefois, peut-être devriez-vous accorder sa chance à Harry. Je suis d'accord avec lui, rien n'a changé. »

Le professeur le contredit avec une neutralité douce et calme mais sévère. « Au contraire, une chose à changé, ou peut-être deux. Des raisons dont le professeur Dumbledore et moi avons discuté, mais que je n'évoquerais pas avec vous tout de suite. »

Neville prit une inspiration, et son courage. « Professeur, à la fin de l'année dernière, le professeur Dumbledore m'a dit qu'il parlerait avec vous d'un sujet me concernant ; et que vous auriez une solution. Qu'en est-il ? »

« Je suis à peu près certain que le professeur Dumbledore ne t'a pas dit que nous aurions assurément une solution. »

« Il a dit que vous l'auriez cette année. », insista Neville.

« Ce n'est pas encore le moment. »

« Quand sera le moment, alors ? »

« Il n'y a rien que je puisse faire, Neville. Si tu n'es venu que pour cela, tu peux repartir. Dans le cas contraire, dois-je te rappeler que tu me mets dans une situation fort précaire ? »

« Mais… »

« Pars. »

L'adolescent baissa la tête, dépité. Il devait se contrôler pour refouler le désespoir qui voulait l'assaillir. « D'accord, je vais vous laisser alors. »

Il tourna les talons et partit. Quand il ferma la porte en sortant, il ne put s'empêcher de la claquer trop violemment, puis de s'enfuir dans les couloirs, un bras devant les yeux pour cacher et essuyer les larmes qui coulèrent à flots.

Dans le bureau du professeur, Harry observa le maître des potions. Il s'était contenté d'assister à cette étrange interaction, qui parlait d'une chose qu'il ignorait, et il voulait fortement désapprouver son non-beau-père pour avoir chassé son meilleur ami de la sorte.

« Tu peux partir aussi, Harry. », déclara Severus.

« Je pourrais, mais je voulais te parler d'une chose importante. »

« Il n'y a rien dont nous pourrions parler d'important. »

« Tu sais que ce n'est pas vrai ! » s'indigna l'adolescent. « Et puis d'abord, comment quiconque pourrait-il savoir ce qui se passe en huis clos, hein ? Toute cette situation est complètement ridicule ! »

L'homme haussa un sourcil sarcastique. « Comme le fait que Draco ait pu mentir au Seigneur des Ténèbres en première année, mais toi non ? »

Harry ne trouva rien à y répondre durant un petit moment, une minute peut-être, qu'ils passèrent en silence total dans ce bureau. Puis, il reprit doucement. « Je voulais parler du Fidélius avec toi. »

« Tu as de nombreux autres professeurs qui seraient compétents en la matière. Le professeur Flitwick en est un parfait exemple, c'est dans son domaine. Et je suis également certain que tu as un parrain pour t'éclairer, bien qu'il soit d'ordinaire un inepte incapable. Quant à Lupin, il t'expliquerait sans conteste avec plaisir et talent. »

Harry rit un peu. « Ça a dû te faire mal de l'admettre. »

« Premièrement, Lupin est beaucoup plus supportable que ton parrain, et Merlin sait à quel point j'ai dû apprendre à supporter Black pour participer à ton éducation. Ensuite, je suis apte à reconnaître, sans mentir, les qualités de certaines personnes même si je les déprécie. »

« Déprécier n'a-t-il pas une connotation de dévalorisation à escient ? »

« Penses-tu que reprendre son professeur sur son vocabulaire soit une bonne idée, Harry ? » Le garçon eut une mine de reconnaissance avec un léger haussement d'épaules d'indifférence. Severus reprit. « Quoi qu'il en soit, la conclusion reste la même : il n'y a nul besoin que tu viennes me demander. »

« Comment s'est fait le choix du gardien de mes parents. », questionna-t-il de but en blanc. Il avait annoncé explicitement la vraie raison de sa venue, certainement le professeur ne pourrait plus tenter de le renvoyer à présent. Il développa. « Je sais qu'ils étaient sous un Fidélius. Je sais qu'ils avaient un gardien du secret. Et je sais qu'il s'agissait de Peter Pettigrow. Pourquoi était-ce Pettigrow ? »

« Penses-tu que j'en ai été informé ? Penses-tu un seul instant que j'ai pu participer à ce choix ? J'ignore tout de leur décision, Harry. Je n'étais pas concerné, je n'étais pas un collègue, et encore moins un ami. »

« Tu t'es forcément renseigné ! Au moins lorsque Bellatrix Lestrange a attaqué mes parents. Après ça, tu as dû chercher qui était fautif, et pourquoi mes parents n'auraient pas choisi leur plus fidèle ami ! »

« Pettigrow était un ami de ton père, au même titre que Lupin et Black. Tu as connaissance de leur maudite carte, tu devrais le savoir. »

« Ahah, très amusant. », glissa Harry sarcastiquement. « On sait tous que Sirius était le meilleur ami de mon père. J'ai entendu dire qu'il avait fait croire qu'il était le gardien du secret. Pourquoi ? »

« Lui as-tu demandé ? »

« Je préfère parler avec toi. », déclara l'adolescent avec forte conviction, inébranlable.

« Tu ne devrais pas. », rétorqua extrêmement froidement le professeur. Pourtant, Severus ne pouvait nier qu'entendre une telle chose de la part de Harry était agréable. Sirius Black était le parrain chéri du garçon. Le presque orphelin de père ne devrait pas préférer discuter avec une autre figure d'autorité que cet homme trop immature et très complice. Severus était toujours satisfait de voir que l'enfant n'adorait pas le sol que foulait Black, mais même ainsi, il savait que l'adolescent écouterait trop son parrain lorsque ce dernier lui dirait qu'il pouvait partir lui-même à l'aventure et au-devant du danger sans laisser faire les adultes responsables. Ce que Black était, mais uniquement quand il le désirait.

Harry haussa les épaules avec nonchalance. « En dehors de ton travail en qualité d'espion, tous les arguments se tournent pour indiquer que tu es celui à qui parler au lieu de Sirius. Et puis, vous ne contrôlez, ni l'un ni l'autre ni quiconque, toujours pas mes sentiments. Oui, Sirius aura assurément la réponse. Et bien sûr qu'il me répondrait s'il en avait l'occasion sans que Remus ne soit en permanence sur son dos pour s'assurer qu'il ne nous pousse pas à agir ni ne nous donne une quelconque information. » Puis, un sourire rusé germa sur le jeune visage. « Sauf que toi, tu es assez sérieux pour ne pas nous dire ce que nous devrions ignorer, n'est-ce pas. » Son expression devint faussement désolée, totalement ironique. « Nul ne viendrait surveiller ce que tu nous rapporterais. Nous ne nous entendons même pas. » Il reprit un sourire doux et calculateur, victorieux avant l'heure. « Alors, quelles sont ces informations ? Pourquoi et comment ont-ils choisi Pettigrow ? Tu le sais forcément. »

Severus ne semblait pas le moins du monde impressionné. « Harry, penses-tu vraiment, en tant que Gryffondor rien de moins, jouer au Serpentard face au chef de cette maison, qui passe également beaucoup de temps avec les plus grands criminels de leurs parents, auprès même du Seigneur des Ténèbres ? »

Harry cligna des yeux d'un air innocent pas le moins du monde convaincant. « Comment s'est fait le choix du gardien de mes parents ? »

Severus soupira. « Harry, tu n'obtiendras rien ainsi. »

« Vraiment ? Mais voyons, je suis certain que tu préfères que je t'interroge une fois maintenant plutôt que je vienne tous les jours dans ton bureau, ou que je pose la question en classe. Discrètement, bien sûr. »

Harry n'était pas intimidé d'apercevoir le regard noir qui changea les traits du professeur. « Tenterais-tu de faire du chantage à un professeur, Harry ? Tu es plus raisonnable que d'opérer de telles stratégies. »

« N'en sois pas si sûr. Je suis parfois un peu trop impulsif, un peu comme lorsque je me rends à la table des professeurs pour poser une question à des personnes peu recommandables. Je tiens vraiment à la réponse. Tu peux me mettre en autant de retenue que tu voudras, ça n'y changera rien. Même si tu m'envoies à Rusard. Je peux être vraiment très têtu. Et tu le sais. »

« Tu pourrais demander à ta mère. »

Harry croisa les bras et pencha la tête de côté, désabusé. « Je pourrais, mais crois-tu vraiment qu'elle ait la réponse ? Si jamais elle l'avait, dans quel état cela la mettrait-elle d'y penser. »

« Ta mère va bien. »

« Tu veux parier là-dessus ? »

Severus observa durement le Gryffondor. Ce n'était pas son genre de céder à un sale gamin, mais celui-ci était assez fou pour en effet parler sans faire attention à l'entourage, et la situation était bel et bien délicate. Il était évident pour l'espion que le Seigneur des Ténèbres ne lui faisait pas vraiment confiance, et même si Draco ne dévoilerait rien, toute l'occlumancie de l'adolescent n'était pas encore assez bonne. Le fils Nott était tout simplement plus coincé que lui, et c'était déjà un miracle que les dires du garçon n'aient pas encore impacté la survie de l'espion. Quant aux idiots de Crabbe et Goyle, même eux seraient capables d'interpréter correctement une telle action de Harry. Le plus dérangeant était de savoir que ce garçon aux yeux verts pouvait être assez irresponsable et inconséquent pour le faire. Toutefois, céder à un chantage était toujours une mauvaise idée. Le Gryffondor pourrait se sentir victorieux de pareille réussite, assez pour réutiliser la même tactique à chacune de ses nouvelles envies. S'empourprer dans les méandres et cercles du chantage ne menait qu'à la perte.

« J'espère pour toi que tu n'as pas à cœur la coupe des quatre Maisons, ni celle de Quidditch, car je t'assure que tu perdras assez de points pour perdre la première et que ton équipe devra se contenter d'un remplaçant si tu songes à réemployer une telle tactique une fois de plus ou si tu la mets à exécution. Aussi as-tu tout intérêt à finement sélectionner ta question. Car je ne répondrais qu'une seule fois, à une seule question. Réfléchis bien à celle que tu trouverais le plus essentielle. Est-ce le cas ici ? Cette curiosité sur le choix du gardien est-elle assez importante pour risquer tant ? »

Harry hocha la tête avec, espérait-il, suffisamment de gravité pour cacher son immense sourire de victoire excitée. « Je n'ai pas d'autres questions. C'est la seule chose que je désire savoir. »

« Je ne répondrais, pour le peu que j'en sais, qu'à la condition que tu promettes de ne jamais réutiliser cette tactique malsaine et incriminante. Et je ne me contenterais pas de l'une de ces promesses en l'air que tu romps dès que l'occasion se présente, ou même dans des situations de stress ou simplement quand la fin d'année arrive. »

L'adolescent était piqué à vif, mais s'efforçait de ne pas le montrer. « Et comment jugeras-tu si je suis plus "honnête" ? J'ai l'impression que tu me fais passer pour quelqu'un sans honneur qui ne sait pas ou refuse de tenir ses promesses ! »

« Je vais tenter de te faire confiance, Harry, mais mets un peu plus de conviction que précédemment. J'espère encore ne pas avoir besoin de te demander de jurer sur ta magie, ce serait complètement contraire à l'éthique pour un adulte de l'exiger d'un mineur. »

« Parce que tu connais des situations où ce serait bien de faire jurer sur la magie d'une personne ? »

« Tu as trente secondes avant de faire un choix. »

Harry, connaissant parfaitement le sérieux que Sev pouvait prendre pour ce genre de fausse plaisanterie, s'affola. « Ce n'est pas tellement mieux de mettre une telle pression ! »

« 25. »

Harry écarquilla les yeux. « D'accord ! » Il prit une respiration, et trouva miraculeux qu'une seule suffise pour qu'il se calme. « D'accord, je vais le faire. » Il regardait à présent le professeur avec un très grand sérieux, ses yeux verts se fixant dans ceux d'obsidienne noire avec intensité. « Je te promets que je ne ferais pas ce dont je t'ai menacé malgré toutes mes irresponsabilités adolescentes, si tu réponds à mon unique question. Je ne réemploierai pas un tel stratagème, et bien qu'il ne faille jamais dire jamais et que je ne le prononcerais pas, tu peux interpréter cette promesse comme si je le disais. Et je pourrais être amené à regretter mon action stupide, ou plutôt à te présenter mes excuses si je n'avais pas ce sentiment de n'avoir nul autre moyen pour discuter et passer du temps avec toi. Je veux bien écouter toutes ces histoires d'importances sur la guerre, mais je ne pourrais pas supporter ni accepter cette mise à l'écart de ta part. Et puis, comment puis-je prendre au sérieux quelque chose dont on ne nous parle pas ? Nous sommes totalement mis à l'écart, comme si la guerre n'existait pas pour nous. Il ne faut pas être surpris si nous ne pouvons pas réaliser la gravité de la situation. »

« Harry, tu vas trop loin. », coupa le maître des potions.

Harry haussa une fois de plus les épaules, brisant le regard en dérivant vers un coin de mur et les étagères d'ingrédients. « Pourquoi il y a des ingrédients dans un bureau ? Ça ne devrait pas être dans les laboratoires ? »

« Tu n'auras qu'à poser cette question en classe et perdre des points pour insolence. Je vais te faire confiance, Harry, mais si tu romps cette promesse, je risque de ne plus pouvoir te croire par la suite. Quant à la situation de la guerre, je ne vous informerais pas davantage que le reste de l'Ordre, en espérant que Black sache se tenir. Nous verrons pour le déroulement de certaines retenues, mais réalise que même si tu ignores les raisons, j'en ai de sérieuses pour prendre mes distances. Je suis navré que les choses se passent ainsi, nous n'avons tout simplement pas le choix. Ne viens plus jamais dans mon bureau sur un coup de tête, ou sans réels motifs importants. Pour des événements qui demanderaient mon attention immédiate. Se voir en cours devrait être suffisant. N'es-tu pas assez âgé pour prendre de l'indépendance ? Et il ne me semble pas que tes facultés intellectuelles, tes capacités de travail ou tes résultats scolaires nécessitent que tu obtiennes des cours particuliers pour prendre de l'avance. Vous en avez assez largement profité ces dernières années. N'est-ce pas injuste pour vos camarades ? »

Harry haussa les épaules, quelque peu grognon. « Comme si tu te souciais de l'équité et de la justice, avec le traitement que tu donnes aux Serpentard et Gryffondor. »

« Ceci était une insolence, Harry. »

« J'ai le droit de te parler. »

« Et tu as le devoir de changer d'attitude. Commence par perdre cette nouvelle habitude de hausser les épaules. Tu peux disposer. »

Harry fronça les sourcils un instant, cherchant ce qu'il avait manqué, car certain que quelque chose n'allait pas, puis se souvint. « Tu changes de sujet ! Alors, comment s'est fait ce choix de gardien ? »

Severus sourit presque. « J'ai failli croire que tu n'avais plus les idées en place. »

« Cru ou espéré ? » rétorqua Harry avec narquois. Seulement, au narquois plus grand encore qu'affichait le professeur, l'adolescent perdit le sien. « Réponds à la question ! S'il te plaît. » Il avait ajouté la formule de politesse un peu en retard, avec précipitation, comme pour combler son oublie.

« Pas vraiment. »

« Nous avions un accord ! » protesta le Gryffondor.

Severus hocha doucement la tête. « Très bien. De ce que j'en sais, tes parents devaient évidemment choisir une personne de confiance, et la première sélection ne s'est pas porté simplement sur les membres de l'Ordre, mais directement sur les amis les plus proches de ton père ; Sirius Black, Remus Lupin et Peter Pettigrow. Leur première idée était de prendre l'ami le plus "fidèle", pas qu'il y aurait dû y en avoir un plus que les autres, le meilleur ami de Potter. Black était tout désigné. Mais il jugea qu'il était par trop évident. Étant donné la teneur du sort, et la conviction de Black qu'il préférerait mourir que de trahir ses amis, il est difficile de concevoir en quoi il pensa qu'il s'agissait d'une meilleure solution, mais il décida de simplement servir de chèvre et que quelqu'un d'autre soit le réel gardien à sa place. Ils montèrent aisément une telle supercherie, puisque Black était l'évidence quand il s'agissait de Potter. Cela eut été réciproque d'ailleurs. Le véritable choix se passa donc entre Pettigrow et Lupin. Ce qu'il faut savoir également, c'est que l'Ordre soupçonnait d'avoir un espion parmi eux. J'ignore si c'était vrai, ou si Pettigrow ne se retourna que plus tard. Après tout, le Seigneur des Ténèbres mit supposément plus d'un an à les trouver, bien que l'on puisse présumer qu'il choisît la date davantage pour sa symbolique que parce que l'information lui aurait été récente. Quoi qu'il en soit, Black se méfiait de tous, jusqu'à l'un de ses amis, Lupin. Il conseilla à Potter d'opter pour Pettigrow à sa place, sans même en informer leur dernier ami. »

Bien que Severus n'ait pas eu l'air d'avoir terminé, Harry le coupa. « Si personne d'autre n'était au courant, pourquoi avez-vous cru Sirius quand il a déclaré qu'il n'était pas le gardien après l'attaque ? »

« Ceci est une autre question. La décision de faire confiance aux autres ou non a toujours incombé au directeur. Le plus surprenant est sans doute le fait que le directeur était supposé être le lanceur du sort, mais il ne semblait pas au fait du changement entre Black et Pettigrow. Toutefois, Lily est une experte en charme, et aurait pu le faire elle-même. »

« Donc ils ont choisi Pettigrow parce qu'ils n'avaient pas confiance en Oncle Remus ? Pourquoi n'avaient-ils pas confiance en lui ? Ou plutôt, pourquoi Sirius n'avait-il pas confiance ? »

« Pettigrow a durant longtemps été un fervent adorateur de Black et Potter, du moins pendant nos études. Il n'est guère surprenant qu'ils n'aient pas pensé qu'il les trahirait. Quant à Lupin, j'ignore quelles tensions il y aurait pu y avoir au sein de leur groupe, mais il avait pour tâche de rallier les loups-garous à la cause du professeur Dumbledore. Ou, à défaut, de les espionner. Que ce soit les espions, les Serpentard, ou les "hybrides", ils sont assez mal vus. Nous pourrions supposer que Black est au-dessus que de faire de la discrimination envers un ami pour lequel il a par ailleurs appris à devenir animagus et prétendument fabriqué cette maudite carte. Mais il est difficile de savoir ce que pense un Black, et Sirius Black n'en est pas exclu. Ils sont tous un peu fous, et même s'ils crient fort leurs idéaux, ils sont assez instables pour que seule une partie de leur action soit totalement prévisible et que leur cheminement de pensée ne soit pas aussi simple qu'en apparence. »

« Tu critiques encore Sirius. »

« À quoi t'attendais-tu en me posant une pareille question ? Il était évident que cela le concernerait, et je n'ai jamais caché ce que je pensais de lui. Il me semble que j'ai terminé de répondre. Que ta curiosité soit satisfaite ou non, tu peux quitter mon bureau maintenant, et me laisser travailler. »

Harry se leva et s'approcha de la sortie. Il se retourna juste avant d'ouvrir. « À lundi, Sev. »

« Tu as tout compris. », rétorqua simplement le maître des potions. Cela n'était guère pour satisfaire l'adolescent qui quitta néanmoins le lieu sans faire plus d'histoire.