(L'Ordre du Phénix) Ombrage aux enseignements


Lundi matin, pour leurs premiers cours de l'année, Harry et Neville avaient longuement hésité à se rendre aux cours de divination du professeur Trelawney. Ron n'était guère beaucoup plus motivé qu'eux, et n'hésita pas à les approuver dans leur vacillement pour marquer sa propre réticence. Harry avait bien envie d'inciter son meilleur ami peu volontaire à ne pas se présenter en classe, mais une part de sa propre éthique refusait d'accepter de sécher un cours, quand bien même l'idée serait extrêmement tentante. De plus, Hermione remarqua, surtout grâce à l'absence totale de discrétion de Ron puis des mines assez explicites de Neville et Harry, qu'ils envisageaient de ne pas aller en divination. Bien qu'elle ait elle-même abandonné la matière, elle ne tarda pas à leur faire la morale pour les pousser à y assister. Elle réprimanda plus particulièrement Harry qui devait montrer l'exemple en tant que préfet. Le garçon aux yeux verts commençait à penser qu'il préférerait vraiment que son meilleur ami ait le titre à sa place. Ainsi ils étaient allés à un autre de ces cours étranges qui ne changeait en rien des années précédentes. Pendant ce temps, Hermione et Draco pouvaient encore se sentir en week-end jusqu'aux cours de l'après-midi.

Quand ils avaient tous été réunis, Draco n'avait pas manqué de se montrer satisfait que cette fois les Gryffondor découvriraient le nouveau professeur de défense contre les forces du mal avant lui. Sa journée était bien vide, avec juste un cours simple d'histoire en début d'après-midi, une nouvelle pause, puis un cours de potion. Il ne prenait au sérieux que ce dernier, et ne pensait pas que ce serait très pénible à suivre puisqu'il était Serpentard, le meilleur élève de la classe, le favori du professeur, disposait d'une avance considérable grâce à son parrain, et qu'il ne s'agissait là que d'une simple heure. Ils auraient le cours de potion double plus tard dans la semaine, mercredi après-midi, et Draco jugeait que ce serait là que commencerait vraiment sérieusement le programme de l'année.

Toutefois, Hermione avait rappelé à Draco qu'il n'avait guère été très coopératif l'an passé pour les avertir avant les cours dérangeants de Crouch junior, et qu'elle ne voyait aucune raison de lui expliquer le ton du professeur Ombrage avant qu'il ne le découvre lui-même. Draco, afin d'obtenir la faveur attendue, entreprit de leur fournir quelques informations préliminaires sur le professeur qu'ils allaient rencontrer à peine quelques heures plus tard.

Outre son rôle de sous-secrétaire d'État, le professeur Ombrage dont son père lui avait conseillé d'être proche et de rester un allié. Ce n'était pas une femme très intelligente, ni très douée, mais elle avait une place importante au Ministère et quelque peu d'influence, surtout auprès du ministre. Ce dernier détail semblait pourtant d'un intérêt totalement douteux concernant Lucius Malfoy qui était un homme chuchotant à l'oreille du ministre. Nul n'était plus proche de Fudge que le père de Draco, pas même Ombrage. Toutefois, il n'en restait pas moins que le Sang-Pur avait conseillé d'être allié avec la femme et même demandé à la soutenir et l'aider dans toutes les tâches qu'elle entreprendrait s'il était enfin prêt à se montrer raisonnable, cesser sa pathétique crise rebelle d'adolescence, et revenir dans les anciennes traditions plutôt que cette amitié indigne avec des Gryffondor de sang-mêlé ou né-moldu. Draco passa sous silence que son père n'avait guère été amusé du rappel que le garçon-qui-avait-survécu était un Sang-Pur, Tante Lily une née-moldue, et le Seigneur des Ténèbres un sang-mêlé dont le père était directement moldu. L'adolescent ne savait pas si la mère de Tom Jedusor était une sorcière ou non, mais il partait du principe que si, puisqu'il s'agissait tout de même du prétendu héritier de Salazar Serpentard.

Avec comme information principale qu'Ombrage était définitivement une personne qu'ils n'aimeraient pas, puisqu'une alliée non seulement de Fudge mais surtout de Lucius Malfoy, les Gryffondors se rendirent dès 13 h à leur non désiré cours de défense contre les forces du mal. Il s'agissait toujours de la matière préférée de Harry, quand il pouvait y avoir un enseignement correct, toutefois il avait déjà une assez claire idée qu'il n'apprécierait pas le professeur de cette année. Neville et Hermione tentaient de faire valoir le point que pour l'heure, ils ignoraient encore si elle serait compétente ou non, à défaut d'agréable. Ce n'était pas parce que le ministère mettait son nez dans les affaires de l'école qu'il leur donnerait de mauvais cours de défense contre les forces du mal.

Tous les élèves eurent largement le temps de s'installer avant l'arrivée du professeur en retard. Neville et Harry restèrent évidemment côte à côte, comme à chaque cours. Cependant, ils avaient décidé de ne pas se présenter à l'avant de la salle et avaient opté pour des places plus au centre. Hermione et Ron avaient suivi ce mouvement, encore voisins, de l'autre côté de l'allée à leur droite. Les nouveaux placements ne perturbaient pas vraiment le reste de la classe. Seamus et Dean étaient positionnés juste derrière Hermione et Ron, tandis que Parvati et Lavande, ainsi que les Poufsouffle Hannah Abbott et Susan Bones, s'étaient déplacées à l'avant sans problème.

En attendant le professeur, la nouvelle préfète de Poufsouffle avait envisagé d'animer la classe. Bien qu'assise à son siège, elle se retourna vers l'ensemble de ses camarades, et prit la parole, après déjà deux minutes d'attente après que tous furent installés.

« Comme vous le savez sûrement, je suis la préfète de Poufsouffle, tout comme Ernie en est le préfet, et Granger et Potter sont ceux de Gryffondor. Quoi qu'il en soit, afin de pleinement remplir mon rôle de préfète, j'ai décidé de devenir tutrice en charmes, pour ceux qui auraient besoin d'aide. Je peux déjà vous faire une démonstration, en attendant le professeur. Vous vous souvenez probablement du petit sort de Malfoy en troisième année, lorsqu'il a voulu envoyer un message à Potter. Pas très discret, mais assez élégant. »

Plusieurs approuvèrent, certains visiblement assez curieux de découvrir où elle voulait en venir. Parvati fut plus éloquente que les autres. « Difficile d'oublier lorsqu'il se donne en spectacle. Et il est aisé d'admettre qu'il est doué pour les plus beaux enchantements. »

Abbott sourit. « Tout à fait. Je pensais à en accomplir une démonstration plus élégante. Nous ne voulons pas envoyer un message. Simplement reprendre l'élégance de l'oiseau, l'améliorer tout de même, nous sommes des cinquièmes années, et le faire voler dans la classe. »

« Je peux préparer l'oiseau. Le plier c'est à dire. Et je connais l'enchantement utilisé par Malfoy. »

Abbott sourit brillamment. « Parfais ! Tu peux préparer cela tandis que j'explique aux autres. Nous allons employer une variante du sort, plus complexe. »

Parvati plia rapidement une feuille, pendant que la Poufsouffle expliquait qu'elles allaient faire voler l'oiseau dans la pièce. Elle détailla les principes du charme, et comment le lancer, puis lorsque le papier fut prêt, elle montra l'exécution avec l'aide de Parvati. Le vol de ce bel oiseau, un pliage déjà bien plus beau et sophistiqué que celui préparé par Draco deux ans plus tôt, était assez impressionnant pour capter l'intérêt de chacun des élèves, et faire s'échapper quelques exclamations d'admiration de certains. Tous pouvaient lancer un sort sur la feuille qui semblait vivante afin de le faire changer de trajectoire, de hauteur ou même lui faire effectuer quelques acrobaties aériennes. Le divertissement dura jusqu'à ce que l'oiseau soit touché par un sort d'embrasement et devienne cendre sur la table de Parvati.

Les élèves se retournèrent alors vers la provenance du sort pour voir que le professeur se tenait à l'entrée. « Bonjour, les enfants. », s'annonça-t-elle. La femme pointa sa baguette vers le tableau et commença à faire s'écrire des lettres, tout en les disant distinctement, et en s'avançant vers l'avant de la salle. Elle parlait de sa voix aiguë et presque chantante, une voix qui se voulait douce et agréable mais que Harry n'aimait pas.

« B.U.S.E. Brevet Universel de Sorcellerie Élémentaire. Plus communément appelé sous le nom de BUSE. Il s'agit du premier examen important que vous aurez à passer. Leurs résultats sont essentiels pour la poursuite de vos études. Ils détermineront les cours que vous aurez le droit ou non de continuer durant vos sixième et septième années. Chaque matière que vous suivez à Poudlard a sa propre BUSE à préparer, et son propre résultat, qu'il s'agisse d'une matière principale, ou de vos cours d'option. »

Elle s'était déjà retournée vers les élèves, et poursuivait sa conférence comme une employée du ministère trouverait qu'il était de son rôle de donner des détails à la place du chef de maison ou du directeur. Elle ne parlait pas uniquement de sa matière, mais de l'ensemble de toutes, et les élèves ne pouvaient qu'espérer que chaque professeur ne ferait pas de même, car obtenir dix fois l'exacte même information n'était guère à leur goût.

« Ce sont des tests classiques menés par l'Académie des examinateurs magiques, une branche spécialisée du Ministère. Les professeurs de Poudlard peuvent surveiller les examens, mais pas celui de leur propre matière. Chaque BUSE dispose d'une partie théorique, extrêmement importante, pour laquelle vous devrez vous préparer durement. Les quelques cours pratiques disposent également d'une partie pratique, mais une seule note finale sera donnée. Les épreuves seront réparties sur deux semaines, à la fin de l'année, les deuxième et troisième semaines de juin.

« Vous ne pourrez pas tricher, alors assurez-vous de bien travailler et connaître vos cours pour les parties théoriques. Les plumes à réponse intégrées, les rapeltouts, les manchettes copieuses et l'encre autocorrectrice seront bien évidemment interdits. Mais tout cela vous sera rappelé en temps et en heure. Pour le moment, concentrons-nous sur le programme de défense contre les forces du mal. Le Ministère sait à quel point votre enseignement a été inégal au cours des années dans cette matière. Nous nous attellerons à corriger cela. Voici déjà les livres qui nous serviront cette année. »

D'un coup de baguette du professeur, une pile de livres s'éleva dans l'air, et commença à avancer entre les rangs, diminuant à chaque rencontre de table pour distribuer les manuels. L'image était simpliste, digne d'un livre pour enfant, et le titre ne présageait rien de meilleur que l'illustration enfantine. « Défense contre les Forces du Mal : Les Bases pour Débutants »

Le professeur continuait tandis que chacun récupérait son livre et que certains curieux commençaient à l'ouvrir.

« Rangez tous vos baguettes. Vous n'en aurez pas besoin. » Les élèves obéirent, quelque peu mécontents. « Ce manuel de niveau introductif, approuvé et édité par le ministère de la Magie, vous permettra d'obtenir le niveau approprié pour réussir vos BUSEs. »

Déjà, Hermione levait la main.

« Oui ? » reconnut le professeur.

« Il n'y a rien sur les sorts de défense. » Elle avait, au contraire des autres qui feuilletaient les pages au hasard, commencé par étudier le sommaire. À ces mots, Harry se dépêcha d'aller vérifier. Le reste de la classe était stupéfait. Et concernant le contenue d'un livre, tous savaient qu'ils pouvaient se fier à la je-sais-tout de service.

Ombrage parut surprise. « Les sorts de défense ? Pourquoi voudriez-vous en avoir besoin durant mes cours ? Vous apprendrez dans un environnement calme qui garantit la sécurité et l'absence de risque. Vous ne serez plus mis en danger comme cela l'a été avec le loup-garou ou l'auror Maugrey. Les enseignements que vous avez suivis avec le célèbre écrivain Lockart et plus particulièrement celui avec le professeur Quirrell étaient plus que corrects. Le ministère approuve les mesures prises par le professeur Quirrell, le seul de tous mes prédécesseurs que vous ayez rencontré qui vous donna des cours suffisants et sains, qui vous permettront d'obtenir vos BUSE sans le moindre danger. Le point de vue du ministère est que des connaissances théoriques seront suffisantes pour passer vos examens. Et après tout, dans une école, c'est ce qui prime. »

« On fera pas de magie ? » demanda Ron, béat et stupéfait, pour un éclaircissement clair et net.

Harry n'avait pas besoin qu'on lui explicite. Tout le monde devait avoir bien compris à ce stade. Tous se souviendraient que le professeur Quirrell se contentait de la théorie, prétendument trop effrayé pour prendre le moindre risque avec de la pratique. Bien sûr, Quirrell était en fait un bon sorcier et aurait été parfaitement capable de gérer la pratique sans paniquer. Tout cela n'était qu'une histoire de couverture. Harry commençait sérieusement à détester les couvertures que les espions se sentaient obligés de mettre en place. Il voulait rétorquer sur le danger qu'avait représenté ce professeur, mais Ombrage répondait déjà à Ron.

« Vous vous souviendrez sans doute tous de l'échec spectaculaire qu'aura été la tentative d'exercice pratique de monsieur Lockart. »

Il semblerait qu'elle se soit bien renseignée sur le sujet, à se demander comment elle y était parvenue.

« Comment sait-elle ? » chuchota Neville à l'oreille de Harry. À bien y réfléchir, Harry pouvait supposer que certains élèves avaient communiqué à leurs parents, et d'une manière ou d'une autre l'information était possible à découvrir.

La voix d'Ombrage retentit, plus vive, dure, sévère, tonitruante. « Dans ma classe, nous levons la main pour parler ! »

Neville, comme beaucoup d'autres, sursauta. Elle le fixait. Il ne pouvait pas vraiment prétexter qu'il conversait avec son voisin, ce n'était sans doute pas davantage permis. « Je… désolé, professeur. »

Harry, en revanche, n'était pas contrit le moins du monde, et décida de parler clairement. « Le professeur Quirrell était un suivant de Voldemort. » Le professeur blêmissait, et la plupart des élèves s'agitèrent en silence. Harry enchaînait sans gêne. « Lockart est un sorcier médiocre qui ne pouvait rien nous apprendre, que ce soit pratique ou théorique. Le professeur Lupin, ce loup-garou, était le meilleur professeur que nous ayons eu, quant à Maugrey, il ne s'agissait pas de l'auror mais d'un Mangemort déguisé pour permettre le retour de Voldemort ! »

Le professeur prit la parole d'une voix murmurante. Elle appuyait sur nombre de ses mots, et relevait doucement la voix au fur et à mesure, afin de marteler la fin. « J'aimerais que les choses soient bien claires. On vous a raconté qu'un certain mage noir était de retour. Ceci est entièrement faux. »

Cette fois, Neville haussa le ton à son tour, mue par une colère et une indignation méritées mais inhabituelles. « Il l'est, je l'ai vu, je l'ai combattu ! Il a ordonné la mort de Cédric Diggory ! »

Ombrage cria en retour. « La mort de Cédric Diggory était un tragique accident ! »

« Comment l'expliquez-vous ! » enchaîna Harry.

« Nous savons tous à quel point le tournoi des trois sorciers peut-être dangereux. C'est pour cela que seuls les sorciers majeurs avaient le droit d'y participer. Règle que monsieur Longbottom a ignorée, ainsi que le professeur Dumbledore qui l'a accepté comme participant clandestin. »

Autour d'eux, les autres élèves s'agitaient davantage, soit inconfortables de la situation, soit en claire contradiction avec le duo de Gryffondor et toujours perturbés par l'utilisation du nom de celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom. Ombrage était sur les nerfs, elle perdait le contrôle de la discipline, et semblait détester cela. Neville et Harry, surtout le second, ne faisaient aucunement attention à l'attitude de leurs camarades. Ils se laissaient entraîner dans le débat houleux, oubliant toute gêne. Ron ne savait plus où se mettre, quant à Hermione, elle réfléchissait à comment elle pourrait calmer les choses tout en sachant que c'était déjà peine perdue.

« Mort du tournoi ? Ça ne dit pas de quoi. », rétorqua Harry. « Nous avons besoin d'apprendre à nous défendre ! »

« Rien ne vous mettrait en danger à Poudlard. »

« Il y aurait à l'extérieur. »

« Et à l'intérieur aussi. », argumenta Neville.

Hermione se pencha vers eux, et chuchota. « Arrêtez. », mais elle se fit totalement ignorée, peut-être même sa voix n'était pas assez forte pour les atteindre sous la réplique d'Ombrage.

« Rien ne vous attend dehors. Personne ne s'en prendrait à des enfants comme vous. »

« Si, Voldemort ! » craqua Neville.

« Une retenue, messieurs ! » hurla le professeur. Les deux garçons se turent, Harry se pinçant les lèvres pour se retenir de parler. Ombrage reprit plus doucement. « Vous viendrez me voir, messieurs Longbottom et Potter, dans mon bureau. Demain, à 17 h. Puis jeudi, à 18 h 15, et vendredi à 17 h. Il me semble que vous avez assez fait pour mériter tout cela. »

Elle avait l'air incroyablement satisfaite. Harry se renfrogna pour tout le reste du cours, demeurant une tête de mule obstinée qui avait décidé de déprécier le professeur et de ne mettre aucune collaboration à suivre docilement. Neville, bien que sur les nerfs, tentait de se calmer au mieux et de ne surtout pas faire d'autres vagues qui pourraient mériter une retenue. Il ne pouvait même pas se plaindre d'être puni injustement ; il avait bel et bien crié sur un professeur. Plus aucun ne dit un mot déplacé, et surtout personne n'aborda l'idée de pratiquer, et encore moins l'éventuel retour ou son absence de Voldemort. Tout ne fut que lecture du manuel, un peu trop semblable au cours de Lockart. Bien que ce ne fut pas des écrits nombrilistes de l'auteur et professeur comme cela avait été le cas avec le célèbre écrivain, ce n'était guère meilleur. L'ouvrage était simpliste, et de fait moins bien écrit que les romans du précédent Serdaigle. Les cours de Quirrell étaient meilleurs. Théorie pour théorie, autant le reconnaître.