(L'Ordre du Phénix) Décrets et Potions
« Décret d'éducation numéro vingt-neuf : Les activités extrascolaires sont sujettes à une révision par la Grande Inquisitrice. »
Celui-ci fut accroché jeudi soir. Le lendemain matin, Ombrage inspectait le Chœur de Grenouille, cette chorale dirigée par le professeur Flitwick qui chantait pour chaque grand événement. Après cette inspection, la rumeur avait rapidement couru qu'Ombrage, qui pendant un temps s'était laissée enthousiasmer par la musique et s'était "dandinée" en rythme, avait ensuite fait le tour de Flitwick, avait sorti un mètre, et l'avait mesuré. Le professeur aux lointaines origines goblines en avait été outré, et demeurait immensément vexé, pire que lorsque Hagrid lui avait planté une fourchette dans la main. Les élèves étaient plutôt surpris de cela, surtout en considérant qu'elle n'avait pas vraiment dérangé le professeur lors de ses cours. Les jumeaux avaient plaisanté en expliquant qu'elle ne pouvait pas le mesurer lorsqu'il était plus grand qu'elle, debout sur sa pile de livres. Ils avaient ajouté qu'elle devait être elle-même frustrée d'être plutôt petite, et que McGonagall lui avait bien fait comprendre avec leur jeu dans l'escalier.
Les décrets continuèrent de s'enchaîner, à la suite de divers événements énervant ou incitant l'imagination de la Grande Inquisitrice. Plusieurs élèves prétextaient tomber malades pour échapper à des cours diverses, particulièrement celui de défense contre les forces du mal. Les couples continuaient de s'embrasser… Et le moment qui énerva plus que tout Ombrage, la plaçant dans une colère si furieuse qu'elle était plus rose que ses vêtements tant elle rougissait ; les jumeaux Weasley, en partie pour se venger de l'interdiction de leurs produits — qu'ils continuaient de vendre, juste beaucoup plus discrètement — et en partie car ils ne supportaient pas davantage la propagande contre Neville et le directeur que Harry et qu'ils commençaient à avoir un certain énervement contre le ministre, les jumeaux donc, avaient décidé "d'attaquer" avec des farces le Ministre lorsqu'il vint avec des journalistes pour visiter la grande inquisitrice. Les jumeaux avaient également pris un malin plaisir à atteindre leur frère Percy, devenu l'assistant personnel de Fudge.
« Décret d'éducation numéro trente : Tous les produits Weasley sont immédiatement proscrits. »
« Décret d'éducation numéro trente et un : Les garçons et les filles ne sont pas autorisés à être à moins de vingt centimètres les uns des autres. »
« Décret d'éducation numéro trente-deux : Aucun élève n'a le droit de jeter des bombabouses au ministre pendant les visites officielles. »
Au cours suivant de potion dans le laboratoire de cinquième année, Draco prit la seconde table la plus proche du bureau du professeur, en symétrique à celle du quatuor de Gryffondor, rejoint par Nott et Zabini. Pansy et Daphnée se placèrent sur la table la plus proche d'eux, et Parvati se dirigea vers elles sans hésitations, surprenant tout le monde y compris sa meilleure amie qui resta avec Seamus et Dean sans changer de place. Millicent se positionna avec Crabbe et Goyle.
« Comment il a fait ça ? » chuchota Ron, sidéré, en fixant Draco de loin.
« Aucune idée. », souffla Harry, bien que, comme Neville et Hermione, il savait que Draco s'entendait assez convenablement avec Parvati.
Neville était particulièrement ravi de voir une Gryffondor et deux Serpentard à la même table, même si au moins l'une d'elles était des plus désagréables à côtoyer.
« Félicitation à Mesdemoiselles Greengrass et Parkinson pour leurs efforts à suivre les conseils du Choixpeau. 5 points à chacune pour Serpentard. »
« Évidemment. », grogna Harry, puis il leva la main, et n'attendit pas d'être interrogé. « Professeur, au cas où vos yeux se seraient égarés ailleurs, Parvati est celle qui les a rejointes. »
« Cinq points de Gryffondor, Potter. Nul doute que votre maison vous remerciera chaleureusement pour toute l'aide que vous leur apportez dans le concours à la coupe des quatre maisons. Vous devriez également vous acheter de nouvelles lunettes, Potter. Mademoiselle Patil s'est invitée sans autorisation à leur table. Elles ont aimablement toléré cela, sans la moindre obligation. »
Neville se pencha pour chuchoter à son meilleur ami. « Je pense que tu devrais arrêter de le provoquer, Harry. Il évite consciemment de te mettre en retenue. »
« J'avais remarqué. », râla l'adolescent.
Le professeur reprit. « Ce serait presque admirable de voir que vous êtes tous capables de vous arranger pour former des groupes équitables. Seulement, un certain quatuor ne semble pas avoir saisi l'importance de l'équité… » Le regard rempli d'insinuation de l'homme se tourna lentement vers le quatuor de Gryffondor.
Harry s'indigna. « On ne brasse même pas en groupe ! »
« Potter, puisque vous êtes si décidé à demeurer irrespectueux durant toute votre scolarité, vous brasserez ici. » Il désigna sa propre table où il effectuait les démonstrations, bien visible de tous, et évidemment en solitaire. « Et vous resterez bien évidemment debout toute la séance. Vous ne verrez aucun inconvénient à travailler à une place si privilégiée, sans doute. Je ne peux qu'espérer que votre arrogance s'en trouvera satisfaite. » Puis, son ton doux et glissant devint autoritaire et impératif. « Bougez. Maintenant. »
À contrecœur, Harry obéit. Il n'oublia pas de foudroyer Draco du regard, car après tout, c'était sa faute. Il envisageait de le faire à plusieurs reprises lors du cours, mais il se trouva bien vite trop concentré par sa préparation pour y songer. Du moins, il tentait de rester plongé dans son travail, car sa nuque et son visage le brûlaient de honte. Être placé à cet endroit n'était pas un privilège, c'était une punition humiliante. Plusieurs fois il entendit des Serpentard ricaner, bien que Severus les faisait taire rapidement.
À la fin du cours, le maître exprima à quel point il était déçu du travail de Harry avec une expression que le garçon connaissait assez pour comprendre, avant de faire disparaître la potion comme si elle ne valait même pas la peine d'être mise en flacon. « Potter, poursuivez sur cette voie, et vos potions abyssales ne vous permettront pas ne serait-ce que d'obtenir votre BUSE. De la concentration, Potter. C'est tout ce qu'il vous faut. Elle semble cruellement vous faire défaut cette année. »
« Mais j'étais… ! »
« Il n'y a pas d'excuses, Potter. Un potionniste devrait être capable de se concentrer en toutes circonstances, qu'ils pleuvent au-dessus de votre chaudron, que l'orage gronde à côté de vous, que vos étagères s'effondrent, que vous soyez au milieu d'une bataille avec des ennemis et des alliés se jetant des sorts entre eux et peut-être même vers vous, ou même que vous soyez devant des examinateurs pour l'examen de votre vie, observé par des journalistes, filmé, photographié, ou encore devant une foule de mille sorciers. De la concentration, Potter. Comprenez-vous ? »
Harry baissa la tête. « Oui, professeur. »
L'homme se retourna vers le reste de la salle. « Vous passez vos BUSEs cette année, aucun relâchement ne sera toléré. Monsieur Potter possède peut-être une arrogance démesurée, il n'en demeurait pas moins le troisième meilleur brasseur de cette classe les années précédentes. Vous auriez tout intérêt à ne pas perdre vos moyens comme lui, sinon vous deviendrez la pire classe à laquelle il m'a été donné d'enseigner. Je vous assure que même si vous ne pouvez pas rejoindre ma classe d'ASPIC, je serais à même de vous le faire regretter si vous me décevez autant. Mettez tous vos potions en flacon pour évaluation. »
Pendant que tous s'affairèrent, Harry chuchotait au professeur resté à ses côtés. « Comment était ma potion ? Tu m'as juste pris en exemple pour les pousser à travailler, n'est-ce pas ? Tu ne vas pas réellement me donner une note défaillante. »
Severus, observant ses élèves, lui répondit à voix basse. « Ce que j'ai dit était correct. »
« Je ne peux pas avoir fait moins que… qu'eux tous ! » Harry désignait l'assemblée, s'excitant.
« Par rapport à tes précédentes prestations, si. »
« Tu ne peux pas me noter en fonction de mes propres accomplissements passés ! C'est totalement inégal ! »
« Je note comme je l'entends dans ma classe, Potter. Taisez-vous avant de perdre davantage de points. »
Harry n'ajouta rien. C'était comme si Severus mettait tout en œuvre pour se faire détester.
Le bruit de marteau de Rusard qui enfonçait le lourd clou entre les pierres du mur devenait un son récurent. Parfois, les élèves s'arrêtaient pour regarder, curieux de savoir ce qu'on leur imposait encore. Rusard passait avec son échelle, sans faire attention aux élèves, ou alors les dérangeant avec intention. Les étudiants devaient se baisser pour esquiver l'outil.
« Décret d'éducation numéro trente-cinq : Tous les objets considérés comme n'ayant pas d'intérêt éducationnel sont désormais proscrits. »
Voilà qui devait plaire au concierge, qui admirait son propre travail avec satisfaction.
« Draco, comment as-tu pu pousser Parvati à s'installer avec Parkinson et Greengrass ? »
« Très aisément, Nev. Pansy et les jumelles Patil se connaissaient d'avant Poudlard. Elles étaient amies d'enfances. Certes, elles se sont légèrement éloignées quand une a été placée à Gryffondor, mais elles restent capables de s'entendre, et de se côtoyer pour un devoir individuel de potion. Et puis, Parvati a un petit faible pour moi. »
« Quoi ?! » s'écria Hermione, d'un ton qui déplaisait à Ron.
Draco se renfrogna un peu. « Je plaisantais, Mione. Si c'était le cas, Pansy ne la laisserait pas travailler à sa table. »
Hermione ne semblait pas convaincue. Harry ne l'aida pas à se calmer. « Au lieu de sortir avec Parkinson, tu pourrais songer à vérifier si c'est vraiment une plaisanterie. Parce que vous aviez l'air assez complices chaque fois que vous vous échangiez des regards. »
« Ça n'arrive pratiquement jamais ! Mon nombre d'interactions avec elle est quasi nul. »
Ron soutenait Harry. « Je suis assez d'accord, Parvati est bien meilleure que Parkinson. Cette fille est une plaie ! Elle nous enlève des points dès qu'elle peut ! »
Draco haussa un sourcil. « Je ne le fais pas, moi ? »
« Tu es une plaie. »
Ombrage passait dans les couloirs pour des tours de rondes, et corrigeait encore les mauvaises tenues des élèves qui trop souvent à son goût conservaient leurs mains dans leurs poches. Il y eut encore la fois où elle arriva dans la cour, et aperçut les jumeaux Weasley divertissants les plus jeunes avec un spectacle d'étincelles, s'échangeant un feu d'artifice magique de leur invention. La grande inquisitrice mit fin à l'amusement général. Les jumeaux la fixaient une fois de plus avec froideur. Elle commençait décidément à les agacer.
« Décret d'éducation numéro trente-sept : Les garçons doivent être vus en train de garder leurs mains hors de leur cape d'école. »
« Décret d'éducation numéro trente-huit : Les jeux et jouets non-éducationnels sont proscrits. »
« Décret d'éducation numéro trente-neuf : Les baguettes des élèves lançant des sorts récréationnels seront confisquées. Tous les objets magiques seront gardés par la Grande Inquisitrice jusqu'à nouvel ordre. »
Les jumeaux Weasley parcouraient la nouvelle liste, et jugeaient qu'elle leur déclarait spécifiquement la guerre, les visant bien trop souvent avec ses nouveaux décrets.
Au cours suivant de Potions, les places changèrent à nouveau. Parvati revint auprès de Lavande, Seamus et Dean. Nott retourna s'asseoir avec Draco, mais fit un geste dédaigneux à Zabini lorsque ce dernier le suivit. « Non, va plutôt avec Crabbe et Goyle. », déclarait-il sans regarder ni même se tourner vers son camarade.
Zabini voulut s'insurger. Il n'eut pas le temps, déjà Pansy et Daphnée venaient prendre place à cette table. « Merci de nous laisser la place, Zabini. », dit Daphnée avec douceur.
« Mais… »
Draco se tourna vers lui. « Aujourd'hui, nous faisons des groupes de quatre, exclusivement. »
« Il faut conserver des proportions égales. », ajouta Théodore.
Zabini rejoignit donc ceux qu'il appelait "les gros tas", parlant ainsi des deux garçons tout autant que de la fille.
Harry put rester avec ses amis sans punitions. Et il ne commit plus d'insolence, comme Neville le lui avait conseillé.
La fin du mois approchait, et plusieurs élèves curieux commençaient à désirer ardemment savoir ce qui s'était vraiment passé ce jour-là, la nuit où Cédric Diggory avait été tué, le dernier jour du tournoi, la veille du discours que Dumbledore prononçât devant les trois écoles. La bibliothèque n'était toujours pas un lieu où il était possible de discuter. En revanche, la grande salle ne posait aucun problème. Samedi, dernier jour de septembre, plusieurs élèves surtout de Poufsouffle ou Gryffondor s'installèrent proches du groupe qui séjournait la plupart du temps à la bibliothèque. Ce mouvement était particulièrement étrange. Il ne s'agissait pas de camarades de classe, ils étaient plus âgés ou plus jeunes.
« Que s'est-il vraiment passé, Longbottom ? Comment Cédric est mort ? »
« Je l'ai déjà dit. », répondit durement Neville, fixant son interlocuteur dans les yeux. « Vous savez tous ce que j'en dis. »
« On veut la vérité, Longbottom. »
« C'est la vérité ! »
Harry intervint. Il se souvenait encore que Severus avait mentionné qu'il serait plus crédible aux yeux des imbéciles que son meilleur ami. « Il n'y a pas que Neville qui l'ait vu. Je parle de Voldemort. Les Mangemorts aussi l'ont vu. Il les a appelés. Leur marque pas si secrète qui jusqu'alors demeurait invisible était redevenue nette. L'imposteur qui avait pris la place du professeur Maugrey était un Mangemort échappé d'Azkaban, présumé mort. Il nous a montré sa marque, il riait du retour de Voldemort. Les professeurs Snape et McGonagall peuvent en attester également. Et tous ceux qui se réunirent à l'infirmerie l'ont aussi vu. Il est vraiment revenu. Si vous cherchez le cadavre de Diggory, les Mangemorts doivent savoir ce qu'il est devenu. Ils n'ont pas assisté au meurtre, mais à tout le reste, si. »
« Des Mangemorts, maintenant ?! Il n'y en a plus ! » s'insurgea un élève.
« Oh, vraiment ? Qu'en dis-tu, Draco ? »
Draco blêmit. Oui, il en avait assez que les autres critiquent Neville. Oui, il voulait établir la vérité. Mais il aimait encore son père. Il ne voulait pas le dénoncer.
« Je… »
« Pourquoi est-ce que Malfoy en saurait davantage ! » riposta un autre.
« Parce que c'est un Serpentard. », expliqua Ginny rapidement.
Neville refusait de laisser cela dégénérer de la sorte vers une guerre entre les Maisons. « Non, Serpentard n'a pas de raison d'en savoir plus que les autres. Regardez-les. » Il se tournait pour désigner la table verte plus loin, dans son dos. « Ont-ils l'air plus malfaisants que les autres ? »
« Oui. », lâcha Ron sans réfléchir, comme un réflexe. Il se prit une tape d'un des jumeaux qui étaient venus les rejoindre.
« Ont-ils l'air différents de nous ? Ils ne sont pas le mal. Ce sont des élèves comme nous. Comme n'importe qui, certains peuvent faire de mauvais choix, d'autres des bons. Ce qui compte, bien plus que nos aptitudes, c'est ce que l'on choisit d'être. Ils n'ont pas tous choisi Serpentard. Tout le monde n'a pas l'opportunité de choisir sa Maison. Et même ceux qui l'on fait, ils ont choisi la ruse et l'ambition, pas le mal. »
« Ou alors de suivre leur tradition familiale. », commenta Harry.
« C'est très courant chez les Serpentard de choisir par fierté. », ajouta un autre.
Neville ne pouvait qu'acquiescer. « D'autres choisissent Poufsouffle, Gryffondor ou Serdaigle pour les mêmes raisons. Désolé de dire ça, mais même notre ancien préfet Percy Weasley me semble plus ambitieux que courageux. C'est en tout cas ce que tout le monde s'accorde à dire. De plus, les Mangemorts ne sont pas tous Serpentard. »
Draco sauta sur l'occasion. « Le premier suivant du Seigneur des Ténèbres que nous ayons rencontré était un Serdaigle. »
Des regards surpris et sceptiques se tournèrent vers le jeune Malfoy. « Vous en avez rencontré ? » fit l'un. « Tu espères nous le faire croire ? » déclarait un autre. « Tu veux vraiment faire ton inintéressant, Malfoy. »
Harry roula des yeux, et prit cette voix glissante qui rappelait Snape. « Pourquoi croyez-vous que Dumbledore nous ait donné des points en première année ? Les plus âgés peuvent se souvenir que nous avons démasqué Quirrell comme un mage noir. De quel type, à votre avis ? »
« Dumbledore débloque ! Il débloquait déjà à l'époque. », lâcha l'un des élèves.
Neville nia. « Quirrell était très lié à Voldemort. » Draco ne put s'empêcher de ricaner, et Harry et Hermione de sourire. Neville poursuivait sans interruption. « Et le premier Mangemort à avoir aidé Voldemort à revenir était un Gryffondor. C'est lui qui a tué Cédric. J'en ai assez dit cette fois ? Un Gryffondor, Mangemort, que tout le monde croyait décédé mais qui n'était qu'un animagus mutilé, est celui qui a tué Cédric, avec la baguette de Voldemort, aux ordres de ce dernier. »
Les élèves refusaient d'y croire, et un brouhaha s'en suivit. Neville parvint à saisir ce que disait, moqueur, le plus âgé. « C'est pratique d'accuser ceux qui sont morts quand les autres sont à Azkaban. » Il n'eut pas le temps de riposter. Harry le tirait par le bras pour le lever.
« Partons. Il n'y a aucun intérêt à parler avec des imbéciles. »
En partant, ils croisèrent un groupe de Serpentard. C'était des plus jeune, mais ceux de leur âge n'étaient pas loin et s'approchaient doucement. Les jeunes se moquèrent d'eux. « Qu'est-ce qui se passait, là-bas, Longbottom ? »
« T'as trop d'attention ? C'est pas ce que tu cherchais ? »
« Bouclez-la. », intima Ginny.
« Et en plus, t'as besoin de l'aide de ta petite amie pour parler. »
« Je… ce… » Neville aurait voulu rétorquer que Ginny n'était pas sa petite amie, mais il rougissait autant qu'elle en ne songeant plus qu'au bal de Noël. Les Serpentards ricanèrent davantage.
« Sérieusement ? Même pas capable de répondre à ça ? »
« Dégagez. », répéta Harry, de très mauvaise humeur.
« Vous parliez de quoi là-bas ? »
« Du fait que Voldemort était revenu. », lâcha-t-il. Après tout, ils voulaient que tout le monde le sache, et y croie, ça ne servait à rien de le cacher. Et il n'avait pas l'intention de rester plus longtemps proche de ces serpents visqueux pour découvrir ce qu'ils auraient à en dire. Le groupe s'éloigna, mais un Serpentard retint Draco par le bras.
« Sérieusement ? Et toi, Malfoy, t'en penses quoi ? »
« Que c'est… » Son regard croisa celui de Théodore, statufié, pâle, derrière les Serpentard. Personne ne semblait avoir remarqué l'allure du leader des cinquièmes années, pas même les autres du groupe l'entourant. Draco fixa son regard d'acier dans celui presque hanté de Théodore qui l'implorait de ne rien dire. Il serra les dents, et répondit avec assurance. « Je n'ai pas besoin de croire quoi que ce soit ou d'y penser. Je sais. Nous savons. » À ses deux derniers mots, plusieurs décidèrent subitement de suivre son regard. Le jeune lâcha son bras, et Draco retourna auprès des Gryffondor qui s'étaient arrêtés à deux pas de lui. Ils reprirent leur route sans attendre de voir ce qui se passerait.
Dans la grande salle, les quelques Serpentard alentour de l'accident scrutaient Théodore.
« Qu'est-ce qu'il voulait dire ? » s'enquit l'un.
« Est-ce que c'est vrai ? Tu-sais-qui est revenu ? »
Théodore espérait que son tremblement n'était pas visible. « Je ne veux pas en parler. », déclara-t-il, heureux d'y avoir placé son assurance contrôlée sans la moindre touche des sentiments qu'il voulait garder enfouis. Il partit rapidement.
« Moi, j'y crois. », affirma Luna Lovegood, haut et fort, à mi-chemin entre eux et les tables. Elle quitta l'endroit en sautillant doucement. Dans son dos, les discussions s'orientèrent peu à peu vers le même sujet : la mort de Cédric, l'inscription étrange de Longbottom au tournoi, l'imposture de Maugrey, le retour de Celui-dont-il-ne-faut-pas-prononcer-le-nom.
« Décret d'éducation numéro quarante et un : Les élèves ne doivent pas discuter des évènements perturbants de l'année dernière. Quiconque sera surpris en train de le faire sera puni. »
Lundi après-midi, le professeur Snape les attendait à sa place de conférencier avec une expression neutre plutôt positive quant à l'évaluation de son humeur que les élèves pouvaient tenter de déterminer. Ils s'installèrent tous dans le calme, légèrement détendus, quoique curieux lorsque le maître agita sa baguette et que l'écriture à la craie si familière s'afficha au tableau, annonçant « essence de Murlap ».
« Vous vous êtes tous remarquablement bien illustré au précédent cours pour vous concentrer, et présenter une capacité presque inattendue pour vous organiser comme une véritable classe dans une atmosphère de travail convenable, afin de préparer, chacun, des potions valables. »
Certains fronçaient les sourcils, suspicieux.
Le professeur conclut. « En somme, vous avez répondu à mes attentes. »
« Quoi ? » lâchèrent Ron et Zabini. Le Serpentard se reçut un regard désapprobateur quant à son manque de tenue, tandis que le Gryffondor perdait 1 point pour parler sans être interrogé.
« Pour vous… récompenser de vous être montrés pour la première fois au bout de plus de quatre ans comme une classe digne, je vais vous apprendre… une potion basique que même des premières années devraient être capables de produire, mais qui ne se trouve guère dans le programme. »
Ron renifla, et chuchota. « Tu parles d'une récompense. Du travail en plus. »
Le professeur appuya son regard sur ce jeune homme. « Je vous suggère de vous montrer attentif. Ceux qui seront incapables de prendre note ou de retenir mes explications pourraient avoir de graves ennuis. Les éléments les plus perturbateurs devraient se montrer diligents à ce cours. » Son regard bascula un instant vers Zabini, mais s'en éloigna bien rapidement pour plutôt remonter vers Draco. « J'espère… » Il tourna la tête vers le groupe du garçon-qui-avait-survécu. « … que c'est bien compris. »
« Oui, professeur. », déclara clairement Neville.
Harry lui chuchota. « Tu as décidé de t'illustrer en potion, cette année ? »
« J'ai décidé que j'aurais ma BUSE. Les potions travaillent le mieux avec la botanique et le soin aux créatures magiques. »
« Silence. », imposa le maître des potions. « Longbottom, répondez donc à ma question. »
« Euh, oui, professeur… Le Murlap, également appelé Murtlap, est une créature proche en apparence du rat, sans poils, que l'on peut reconnaître à son excroissance sur le dos. Il peuple les régions côtières de Grande-Bretagne, et s'alimente principalement avec des crustacés. Il est classé XXX, c'est-à-dire qu'il ne pose pas de problème à un sorcier compétent. Toutefois, le murlap pourrait tenter de vous… "manger" le pied si vous lui marchez dessus. »
« Approximatif, comme souvent, Longbottom. Quelqu'un saurait-il ce qu'est cette excroissance ? » Le professeur fixait Neville. Le garçon cru bon de lever la main. « Longbottom, essayons encore. »
« Il s'agit de multiples tentacules. Cette excroissance ressemblerait à une anémone de mer. »
« Avez-vous la moindre idée de pourquoi nous évoquons cet animal dans ce cours, Longbottom ? »
À l'agacement mêlé de déception du professeur, Neville rougit et baissa la tête. « J'imagine que ces tentacules ont des propriétés magiques. »
« Vous imaginez ? J'imagine alors que Granger en connaîtrait les propriétés. Potter, votre avis ? »
L'expression d'Hermione se serra, après avoir été momentanément excitée. Encore une fois, Snape l'ignorerait et ne l'interrogerait pas. Harry émit un sourire narquois. « Sur les connaissances d'Hermione ? » Le regard sévère du professeur aurait dû l'arrêter. Il n'en fut rien. « Elle possède certainement toutes celles qu'il lui faudrait pour réussir dans ce cours et tous les autres, professeur. »
« Potter. », appela sèchement le professeur. « 5 points en moins. »
« Logique. »
« Deux points de plus. »
« Pour un total de 3 points donc. »
« Ne me faites pas regretter de vous faire ce cours, Potter. 5 points négatifs supplémentaires pour Gryffondor. Répondez correctement à la question, si vous ne voulez pas en perdre davantage. »
« Et si je le veux ? »
Le groupe de Seamus s'insurgea à voix basse, et Snape enleva 1 point à chacun, ainsi que 5 autres, encore, à Harry. Sous la table, Neville donnait un coup de pied à son meilleur ami. Ce dernier devrait vraiment arrêter d'essayer de battre les records d'insolence.
« Les tentacules de murlap sont très recherchés en raison de leurs propriétés magiques remarquables. Ils permettent notamment de résister aux sortilèges. »
« Le problème avec les Gryffondor, c'est qu'ils sont toujours trop vagues. Obtenir des informations de votre part revient à vous les arracher au compte-gouttes. »
« Nous sommes des ingrédients très délicats à manipuler, professeur. Hermione répondrait certainement de manière plus précise si vous l'interrogiez. »
« J'ai déjà assez à gérer avec votre arrogance remarquable, Potter, maladive, et avec l'incapacité époustouflante de Longbottom, pour ne pas en plus m'encombrer de ce cas d'école classique de je-sais-tout qui pense être unique et irréprochable. Quelqu'un de compétent saurait-il informer la classe de l'utilisation principale des tentacules de murlap ? Draco ? »
« Bien sûr. Les tentacules de murlap sont des ingrédients de potions que l'on retrouve pour de multiples usages. Toutefois, leur emploi principal consiste à les conserver dans de la saumure. Leur consommation permet alors de résister aux sorts et maléfices. Cependant, une ingestion excessive provoquera des effets secondaires, telle l'apparition de poils violets dans les oreilles. »
« S'il vous plaît, professeur. », appela Hermione, la main levée. Il n'y avait aucune raison pour que Draco soit le seul à pouvoir répondre.
« Non. Poursuivez, Draco. »
Les yeux du garçon se posèrent rapidement sur le tableau, avant de revenir au professeur. « L'essence de Murlap est une potion obtenue en filtrant le liquide dans lequel les tentacules ont mariné. Elle permet de soigner les blessures magiques. »
« Comme les plumes de sangs ? » questionna Harry.
« Potter, vous vous ridiculisez encore. », nota le professeur en tournant son regard sombre vers l'adolescent. « Il faudrait que vous utilisiez une plume de sang durant des heures avant d'avoir besoin de soin. Et comme le seul usage légal de la plume de sang est la signature de contrats, et qu'une telle chose prend tout juste quelques secondes et une quantité infime de votre sang, vous ne risquez certainement pas de vous blesser suffisamment. Cependant, dans le cas où vous parviendriez à vous fournir illégalement un tel objet sombre et maudit, et que vous décidiez dans l'une de vos folies autodestructrices de l'employer, oui, l'essence de Murlap soulagera votre blessure. Si les plumes de sangs étaient conçues de telle sorte à faire ressentir de la douleur, je vous informerais bien que vous ne souffririez plus, mais comme ce n'est pas le cas, ça n'aurait aucun effet. »
« Les plumes de sangs ne devraient pas faire mal ? » s'ébahit Harry.
« Bien sûr que non. » Le professeur se détourna de l'adolescent. « Je vous conseillerai, surtout aux plus maladroits d'entre vous, de bien mémoriser la recette sans effets secondaires que je vais vous fournir. Toutefois, il ne saurait être recommandable d'abuser de cette solution aqueuse. Bien que je suis absolument certain qu'aucun d'entre vous ne se blesserait suffisamment pour en avoir trop besoin. »
Tandis que le professeur continuait ses explications sur la posologie, Neville se penchait vers Harry. « Il était encore sarcastique, ou sérieux ? »
« Cette fois, je pense que c'était vrai. La potion doit être faite pour enlever tout effet secondaire. Il ne nous l'apprend pas par hasard. »
Ce n'était pas une potion bien compliquée, et même le plus mauvais élève de la classe parvint à produire une pommade parfaitement valable. Severus avait déjà enseigné cette solution à chacune des autres classes, de la première à la dernière année. Tous les ingrédients nécessaires demeuraient accessibles dans chaque salle de potions, usitée ou inusitée, y compris les si recherchés tentacules de murlap marinés. Il fournissait en parallèle madame Pomfresh avec une pommade bien plus performante, conçue expressément pour guérir de cette sombre magie noire que contenait cet artefact hautement illégal. Grâce à cela, les élèves les plus raisonnables recevraient un traitement impeccable des plus adaptés, tandis que les autres pourraient songer à préparer un remède de fortune à leur portée. Les moins compétents pourraient toujours ingérer directement les tentacules de murlap, s'ils ne songeaient pas à demander à d'autres de préparer la solution pour eux. Les soins gérés, il ne restait plus qu'à trouver le moyen de dénoncer la femme qui portait si bien son prénom.
