(L'Ordre du Phénix) Madame Potter


Ombrage entra d'un pas rapide dans la salle de potion. C'était encore un cours du mercredi après-midi, avec les cinquièmes années, à croire qu'ils étaient maudits et qu'elle choisissait expressément de venir visiter le maître des potions lorsqu'ils étaient en classe. Ils conservaient le dernier plan de classe proposé par Draco, où filles et garçons étaient mélangés, mais ne se collaient pas de manière inconvenante. Le professeur les aurait sévèrement punis s'ils avaient osé, et de toute manière ils n'y pensaient pas, en dehors de Pansy qui n'était même pas à côté de Draco, ce dernier ayant prétexté que si la dame en rose passait il préférait rester dans ses bonnes grâces et donc être plus proche de Théodore que d'elle.

Quand les souliers d'Ombrage claquèrent sur le sol à un rythme rapide, Severus vint à sa rencontre.

« Y a-t-il quelque chose qui puisse vous satisfaire aujourd'hui, Madame la Grande Inquisitrice ? » demanda-t-il d'un ton que les élèves jugeaient moqueur plus par expérience que par réelle connaissance.

Arrêtée devant lui, elle le regarda froidement, ses yeux bleus énervés, puis tourna vivement la tête vers Lily.

« Madame Potter ! »

Bien que le silence des élèves ait toujours été là, et que les chaudrons ne cessaient pas de bouillonner doucement, chacun eut l'impression que l'atmosphère s'en alourdissait, et qu'une stupeur générale s'emparait de tous. Le maître des potions, tendu durant une fraction d'instant, perdit toute sa "bonne humeur provocatrice" et retrouva son attitude froide et impénétrable. Celle qui était très très mauvais signe quant à sa patience, sa sévérité et dans le cas d'Ombrage, sa coopération. Quoiqu'à y réfléchir, il ne coopérait jamais réellement avec elle, il se contentait d'une façade.

Un sourire victorieux se dessina sur le visage de la dame en rose. « Je savais bien que votre tête me disait quelque chose. » Elle s'approcha de la femme, ignorant le maître des potions qui la suivit d'un regard fermé. « Vous n'avez rien à faire ici. »

« Vous faites erreur, il me semble. »

« Excusez-moi ? Remettez-vous en question mon jugement ? »

« Pardonnez-moi, Dame Ombrage, mais il m'a semblé que vous m'appeliez par un nom qui n'est pas le mien. Je croyais d'ailleurs avoir été clair la dernière fois. C'est Mademoiselle. Mademoiselle Evans. »

« Ah-ha ! » rit-elle ironiquement de deux notes aiguës. « Mademoiselle Evans ? Madame Potter, je vous ai reconnu, et j'ai également demandé au Ministère de faire une recherche. Que vous le sachiez ou non, vous êtes la femme Potter. Pas Mademoiselle-de-votre-nom-de-jeune-fille-moldu. Et vous n'avez rien à faire dans cette école ! »

« J'y travaille. », rétorqua-t-elle sèchement.

« En qualité de quoi, je vous le demande ? Non, en fait ne répondez pas. Il n'y a aucune raison de s'adresser à vous. » Elle se retourna vers le professeur. À présent dans le dos de la dame en rose, Lily le fixait également de ses yeux verts parfaitement éveillés. « Expliquez-moi cela, professeur. »

« Mademoiselle Evans est une employée de Poudlard au même titre que Madame Pomfresh. En tant que maître de potions compétente, elle surveille et conseille les étudiants dans cette salle. Nous avons déjà parlé longuement de ce sujet, Madame la Grande Inquisitrice, sans doute vous en souvenez-vous ? »

« Ne vous moquez pas de moi ! » cria Ombrage. « Cette femme n'a rien à faire ici ! Tenteriez-vous de mentir au ministère sur son identité ? Et vous participez à cela, professeur ? Vous me décevez énormément. Lucius Malfoy parle toujours en grand bien de vous. Que penserait-il de cette situation ? »

« Vous n'avez qu'à lui demander, Madame la Grande Inquisitrice. Si quelqu'un s'avère parfaitement conscient de la situation, ça ne peut être que Lucius Malfoy. Nul n'est mieux informé que lui, et il s'intéresse particulièrement à la bonne marche de cette école, comme vous. Il possède certainement sa propre opinion sur la question. Quand vous pourrez lui en parler, ne manquez pas de m'en faire un retour. »

« Je n'y manquerais pas. », signifia-t-elle avec rigueur, presque telle une menace. Sa voix contenait quelques trémolos d'émotions outrées et scandalisées. Ses talons claquaient encore le sol alors qu'elle partait tout aussi vigoureusement qu'elle était arrivée.

Lily se rapprocha de Severus. « Je crois qu'elle ne me tolère plus. », nota-t-elle calmement, avec une intonation légèrement moqueuse.

« Cette folle de Trelawney est encore à son poste. », rétorqua-t-il.

Pansy fut incapable de se retenir davantage. « Professeur ! »

Il se tourna vers elle. « Mademoiselle Parkinson ? »

« Est-ce que c'est vrai ? C'est la mère de Potter ? »

« Je crois qu'elle avait dit la femme. », mentionna Lily, amusée, avant de retourner corriger le futur échec de Seamus. Les élèves l'observèrent tous avec stupéfaction. Harry paniquait intérieurement, et Neville ne parvenait pas à le calmer. Ron était le seul à juger qu'il ferait mieux de s'occuper de ses propres affaires, et donc de sa potion. Même Hermione ne quittait plus son attention de la scène. Severus fit un discret mouvement de baguette, puis s'approcha de Parkinson. Neville aperçut le flacon voler doucement jusqu'à leur table et se poser entre lui et Harry. Il le saisit et l'inspecta. Le flacon ne possédait aucune étiquette, mais le garçon-qui-avait-survécu-pour-être-maladroit-et-anxieux reconnaissait parfaitement le contenu. Il donna le philtre calmant à son meilleur ami, qui l'avala avec grand intérêt quand il le remarqua et sut immédiatement ce dont il s'agissait.

« Aucun membre du personnel de Poudlard n'est tenu de parler de ses affaires de familles aux étudiants. », expliqua fermement le professeur.

« Alors c'est un oui. », s'ébahit la préfète de Serpentard.

« C'est pas possible ! » s'insurgea Zabini. « Je veux dire, vous, professeur Snape, vous vous entendez bien avec elle ! Alors que Potter, c'est… »

« Tu devrais te taire, Zabini. », appela Théodore. « Tu as une potion à préparer. »

« Pourquoi tu restes aussi calme ?! »

« Je suis toujours calme. »

« Il est toujours calme. », affirma Crabbe.

« Je confirme. », ajouta Goyle.

Les Serpentards retournèrent à leurs chaudrons, bien que Zabini, Pansy et Daphnée demeurèrent nerveux, déboussolés par cette accusation grotesque qu'ils ne pouvaient vérifier.

Quand l'assistante de Pomfresh quitta la table de Seamus pour étudier les préparations des autres Gryffondor, Dean prit doucement la parole auprès de ses amis. « Elle a les mêmes yeux que Harry. »

« J'y crois pas. », lâcha Seamus. « Qu'est-ce que c'est que ces conneries ? »

Parvati répondit calmement. « Tu devrais vraiment faire attention à ta potion, Seamus. Mademoiselle Evans nous aide tous, que nous soyons Gryffondor ou Serpentard. Et surtout… qui parmi vous se souvient des interventions de Nott l'année dernière ? Je veux parler de ses questions étranges auprès de Mademoiselle Evans ? Il savait quelque chose. Moi, ça me paraît crédible. »

« On parle de Snape aussi ! » s'insurgea Lavande.

« Cinq points de Gryffondor, Miss Brown. », déclara le professeur qui était retourné à son bureau et ne le quittait plus pour écrire sur des parchemins, probablement de la correction de copie du point de vue des élèves, ses recherches sur le Doloris en réalité. Elles avançaient bien, mais ce n'était toujours pas assez. D'aucuns diraient qu'il était impossible de réparer ce qui avait été détruit, toutefois, Severus ne comptait pas abandonner. C'était son entière faute si certaines choses avaient été brisées. Il devait reconstituer le plus d'entre elles. Et avec le retour du Seigneur des Ténèbres, chaque avancée sur ce sujet serait un avantage pour reconstruire le monde sorcier avec toutes les victimes qui n'auraient pas été tuées mais seulement rendues folles. S'il s'orientait pour quelques recherches sur de la mémoire disparue, il pourrait toujours expérimenter sur Lockart. Cet incapable ne manquerait à personne si cela échouait. Et grâce à Lucius, si jamais Lockart reprenait ses esprits à la suite de l'Oubliette, il irait directement à Azkaban pour ses crimes, le retour de Voldemort n'y changerait rien. Il était cependant difficile de savoir de quelle folie souffrait une victime du Doloris, surtout si de la legilimancie était utilisée en parallèle. Un remède universel serait-il même possible, ou faudrait-il être capable d'effectuer des analyses poussées sur les patients pour attribuer le bon traitement, en supposant qu'il parvienne à en fabriquer plusieurs sortes pour différents types de folies.

Lily sourit, amusée. « Regardez-moi ça… La dame en rose a dû bien énerver votre professeur. On dirait que je vais encore être seule à surveiller cette classe. »

« Nous n'avons pas besoin d'être deux. Ne dispersez pas les élèves, Mademoiselle Evans. »

À la fin du cours, Harry se plaça, immobile, devant la table du professeur Snape. Il était d'une discrétion clignotante comme un phare en pleine nuit. Le professeur mit cinq minutes avant de relever le regard. C'était long, incroyablement long, pour l'adolescent. Tous ses camarades étaient déjà partis, heureusement d'ailleurs, et quelques-uns des prochains pourraient arriver à tout moment s'ils étaient des gens stressés d'être là à l'heure au lieu de profiter de prendre une récréation.

« Que veux-tu ? »

« Comment la dame en rose peut-elle connaître Maman ? »

Severus posa sa plume, toujours très énervé contre la femme. Vraiment, c'était le cas de dire qu'il en avait marre d'elle. « Elle était au procès de ton parrain. C'est elle qui a tout fait pour qu'il soit condamné après tout. »

« Quoi ?! »

« Elle a réfuté la validité du témoignage de ta mère, malgré l'avis des médecins, en les forçant même à admettre qu'elle n'était pas fiable. Elle a refusé d'écouter la version de Lupin, sur le prétexte à peine dissimulé qu'il est un loup-garou. Et elle m'a obligé à venir témoigner pour que je dépeigne de la manière peu élogieuse que tu connais la personnalité de Black. Elle avait déjà décidé du résultat du procès, et a tout mis en œuvre pour orienter le jugement vers son idée. »


« Théo, tu me dois une faveur. »

C'était ce qu'avait déclaré Draco après avoir éloigné l'autre garçon du groupe de Serpentard au sortir de la salle de potion, et s'être enfermé dans une salle juxtaposée.

« Plus d'une, en fait. Mais j'écoute. Ça doit être bigrement urgent pour que tu me… "convoque" de cette manière pour en parler sans attendre les dortoirs pour m'aborder. Puisqu'enfin, on ne se voit pratiquement que là-bas. »

Le regard appuyé de l'adolescent laissait entendre son reproche à cela. Draco roula des yeux.

« Nous sommes voisins en potions, et dans la majorité des cours. »

« Ceux où il n'y a pas Gryffondor. »

« Il y a potions. Nous n'allons pas en parler… »

« Alors parlons du Seigneur des Ténèbres. Tu as sous-entendu son retour. »

Draco rit amèrement. « Je n'ai rien sous-entendu. Ni son retour, ni son absence. Et tu le sais. Les autres l'interprètent comme ils veulent. La faveur, Théo. »

« Très bien. J'écoute. »

« Trouve une solution, convaincs les autres qu'Ombrage s'est trompée ou ment. Personne ne peut savoir pour la mère de Harry. »

Théodore écarquilla les yeux. « Comment pourrais-je m'y prendre ?! Il y a bien trop d'éléments pour qu'ils n'y croient pas. »

« Zabini n'y croyait pas. »

« Parce qu'il était surpris sur le moment ! » Théodore était sidéré. « Autant les Gryffondor que les Serpentard peuvent comprendre que c'est vrai. Ils vont tous le savoir, c'est tout. Et avec eux, bientôt toute l'école. »

« Corrige ça. »

« Je ne peux pas. »

« Nous avions dit que la faveur pouvait être n'importe quel service. Voici la première que je te demande. »

« Que tu exiges. Draco, c'est impossible. »

« Tu es Théodore Nott junior. Tu devrais pouvoir trouver. Tu peux tout faire quand il s'agit de manipuler les autres. Tu le fais avec les Serpentard, tu peux t'occuper des Gryffondor et du reste de l'école. » Draco tournait déjà le dos pour partir.

« La flatterie ne mènera à rien. », appela doucement Théodore.

« N'importe quel service. C'était un accord. »

Draco partit.


Ombrage circulait encore dans les couloirs. D'un coup de baguette, elle remettait en place les chemises dans les pantalons, refermait les cols et resserrait les cravates. Ses principales cibles pour la tenue correcte et appropriée étaient bien souvent des Gryffondor. Les autres savaient se tenir… du moins en moyenne. C'était incroyable à quel point la Maison, l'environnement de vie et les relations qui se nouaient grâce aux salles communes, aux dortoirs et aux cours partagés, façonnaient les élèves pour que certaines habitudes soient plus récurrentes dans une Maison ou une autre. Ils arrivaient très différents en première année, ils étaient influencés au cours de leurs études, et ressortaient davantage stéréotypés.

« Décret d'éducation numéro quarante-cinq : Une tenue correcte et le décorum doivent être de mise à tout moment. »

Et voilà qu'elle trouvait des… choses de papier moldu dans les mains de certains étudiants. Des romans infâmes. Et après quoi, ils trouveraient des écrits de loup-garou ou de demi-géants ? L'horreur.

« Décret d'éducation numéro quarante-six : Toute littérature de non-sorciers ou d'hybrides est prohibée sans délai. »

« Décret d'éducation numéro quarante-sept : Les élèves doivent consentir à ce que leur courrier soit vérifié pour risque de contrebande illégale. »

La mise en place de ce décret en offusqua plus d'un, mais rien n'empêcha Ombrage de réguler le courrier, afin de s'assurer que les nouvelles ne passaient ni de l'extérieur vers l'intérieur ni l'inverse.


« Décret d'éducation numéro quarante-huit : Toute plainte au sujet de Poudlard ou de son personnel doit être écrite à la Grande Inquisitrice. »

Ombrage souriait de cette future victoire. Il y aurait forcément des élèves pour vouloir faire plonger des professeurs qu'ils n'aimaient pas. Et s'il n'y en avait pas, elle pouvait en inventer.