(L'Ordre du Phénix) Visée parfaite
La fin de la semaine approchait trop lentement aux goûts des passionnés de Quidditch. Ron devait réussir à se retenir de s'exciter de sa nomination en tant que nouveau gardien depuis presque deux mois, puisqu'il serait malvenu que cette information parvienne aux oreilles de Serpentard. Angelina Johnson, la petite amie de Fred, était devenue le capitaine de leur équipe, et Ginny remplacerait en cas de besoin au poste d'attrapeur.
Draco ne dévoilait rien non plus de ce qui se passait dans sa Maison. Comme Dubois, Flint avait terminé ses études, et était remplacé par un grand gaillard en tant que capitaine, du nom de Montague. Ce garçon brutal avait rejoint l'équipe lors de la troisième année de Draco, après que Flint ait décidé de sortir Pucey quand il avait appris que son adjoint s'était arrangé avec l'équipe de Gryffondor pour faire cesser le match. Flint parti, Montague avait fait revenir Pucey pour sa dernière année. Crabbe et Goyle allaient également remplacer les précédents batteurs. L'optique de Serpentard demeurait la même que sous Flint : de gros bras, musclés et endurants. Draco fulminait, et s'était plaint à son parrain, de ne pas avoir été désigné comme capitaine. Le professeur justifiait cela par l'apparente appartenance de Draco au groupe de Gryffondor. Les autres joueurs ne l'écouteraient pas aisément. Draco rappelait qu'il était préfet, au contraire de Montague, mais tout était déjà décidé. Au moins, sa place d'attrapeur était assurée, et il n'avait pas besoin de perdre son temps dans les entraînements de l'équipe plus que ce qui lui plaisait.
Samedi arriva, et les deux Maisons rivales se firent face, une fois de plus, sur le terrain de Quidditch.
« Tu vas perdre, Potter. », déclara, narquois, le blond à son adversaire.
Harry roula des yeux. « Tu te rends compte que tu m'appelles par mon nom lorsqu'on participe à une activité où on se fait connaître par nos prénoms ? »
Draco haussa des sourcils provocateurs. « C'est tout l'intérêt. »
Le match commença. Les deux attrapeurs se tenaient à l'écart de toute l'agitation, à la recherche du vif d'or. Fred et George affichaient des sourires mauvais depuis deux heures avant le match, et Angelina leur avait déjà intimé de ne rien faire de stupide qui pourrait gâcher la rencontre, bien méfiante. De fait, plusieurs fois, beaucoup trop, des cognards se dirigèrent vers un gradin particulier, où se trouvait une quantité de rose déraisonnable après que les décorations aient été remaniées expressément pour cet emplacement privilégié. Harry pouvait voir Ombrage fulminer, ce qui l'amusait fort. Enfin, le vif arriva, et les deux attrapeurs se lancèrent à sa poursuite simultanément.
« Tu as amélioré ta vision ? » nargua Harry lorsqu'ils furent au coude à coude.
« Évite d'avaler le vif, cette fois. »
« Je vois, tu sais déjà que je vais l'attraper. »
Ils continuèrent ainsi presque toute la poursuite, refusant de laisser le dernier mot à l'autre. Draco était très concentré, plus que Harry. Il voulait absolument gagner, prouver qu'il n'était pas l'éternel second. Il possédait le même niveau que Harry, et tous verraient bientôt qu'il pouvait l'emporter. Harry restait plus moqueur et goguenard. C'était presque nouveau, un beau retournement, qu'il soit celui capable de provoquer l'autre, assez pour l'énerver. Ils ne comptaient pas lâcher le vif, même lorsque celui-ci s'engouffra dans une tour des gradins, et remonta entre les planches. Les deux adolescents s'insinuaient du mieux qu'ils pouvaient. Enfin, le vif sortit par l'escalier en haut, et les garçons suivaient encore, sortant à toute vitesse dans le dos de quelques professeurs ou spectateurs externes. Il s'agissait probablement d'employés du ministère puisque la roseur indiquait qu'Ombrage y était. Le vif effectua une boucle au-dessus du gradin pour redescendre, suivi à vive allure par les attrapeurs.
« On devrait pas. », commenta soudainement Draco.
« Je m'en fous. », déclara Harry, pour la première fois de ce match plus concentré sur le vif que sur sa rivalité. Ce vif allait droit vers Ombrage, et il se ferait un malin plaisir de l'attraper sous son nez.
Draco refusait de laisser la victoire à Harry. Il aperçut son père non loin de la dame en rose. Il décida qu'il attraperait cette chose, même s'il devait pousser cette femme pour cela. Les deux garçons filaient. Le vif se tenait près de l'oreille de la femme. Elle était trop concentrée sur la panique de voir les attrapeurs s'approcher pour le réaliser et s'écarter. À un instant parfaitement calculé, le Serpentard poussa soudainement son camarade pour que ce dernier s'emplafonne dans le professeur violemment, et il attrapa le vif. Harry ne savait pas s'il devait s'en amuser ou s'énerver plus que jamais. Draco ne s'attarda pas, et redescendit tranquillement vers l'arbitre pour montrer sa victoire tandis que le Gryffondor devait s'expliquer avec les spectateurs de l'endroit. Du coin de l'œil, il pouvait voir l'expression froide, fermée, et toutefois courroucée de Lucius Malfoy. Il se doutait bien que ce n'était pas dû qu'à sa chute, mais aussi à l'attitude de Draco. Le père du blond devait avoir identifié que l'accident avait été causé exprès. Deux cognards filèrent à nouveau vers Ombrage, qui les esquiva au dernier instant.
« Assez ! » hurla-t-elle.
Lucius détruisit les deux balles infernales.
« Vous tombez assez mal, monsieur Potter. », souligna-t-il.
« Merci, monsieur. », répondit l'adolescent avec un sourire sombre. Il détestait cet homme. « Excusez-moi, je dois rejoindre mon équipe. »
Il s'envola, et rallia l'attrapeur adverse.
« Tu m'as poussé ! » s'indigna-t-il.
« Et alors ? N'en retires-tu aucune satisfaction ? J'ai trouvé cela très réjouissant, moi. »
« Je me demande si tu t'amuseras toujours autant lorsque ton père te dira ce qu'il en a pensé. »
« Je sais ce qu'il en pense. La dame en rose est méprisable, ce n'est pas mon affaire. »
Harry secoua la tête. « Si cela te fait perdre le "privilège" d'être le fils de Lucius Malfoy aux yeux d'Ombrage, tu le regretteras, et nous aussi. »
« Tu l'as percuté. Je n'ai fait qu'attraper le vif sans la frôler. »
Ombrage se trouva très énervée par cet événement. Très vite, un nouveau décret fut édicté.
« Décret d'éducation numéro quarante-neuf : Tous les matchs de Quidditch sont présentement annulés. Les balais doivent être remis à la Grande Inquisitrice pour les garder en sûreté. »
Autant dire que tout le monde jugea les jumeaux Weasley, Harry et même Draco comme responsables de cette interdiction, et la majorité de l'école leur en voulait très fort et demeurait en colère contre eux. Pour ce qui était de remettre leurs balais à la dame en rose, Draco proposa de ne pas le faire. Harry lui demanda avec sarcasme s'il comptait les faire se volatiliser ou s'il allait utiliser les vieux balais miteux de l'école, et le Serpentard avait répondu que oui, pour le plus grand amusement des jumeaux qui s'avéraient dans les parages. Puisque les autres joueurs leur faisaient la tête, cet arrangement resterait entre eux quatre. Harry plaida tout de même pour que Ron puisse en bénéficier, mais les jumeaux eux-mêmes votèrent contre. Cependant, Draco, après avoir appris que Ginny en avait un aussi, justifia qu'il ne serait pas choquant que tous les Weasley remettent des balais totalement dépassés. Ainsi, le Serpentard donna discrètement son balai offert par Harry, celui de ce dernier et ceux de la fratrie Weasley à Dobby afin que l'elfe les cache quelque part. Les jumeaux allèrent chercher les balais de piteux état et les distribuèrent au groupe.
Draco fixa les jumeaux lorsqu'ils lui remirent l'engin. « Tu te rends compte que tu n'en fais pas bénéficier ta petite amie ? »
Les jumeaux échangèrent un regard, sourirent, et observèrent le Serpentard. « Merci de ta considération. »
« Et de ton inquiétude. »
« Mais tu vois… »
« Ombrage n'a rien contre elle. »
« Elle récupérera son balai. »
« Et puis elle me fait la tête. »
« Elle ne nous parle plus. »
Harry intervint. « Si, pour vous crier dessus. »
Ils allèrent remettre leurs "balais" à la dame en rose. Elle sembla peu impressionnée en fixant ces… choses. Elle releva le regard vers les trois cinquièmes années à l'avant, Harry au milieu, Ginny de l'autre côté de Draco légèrement en arrière, et les jumeaux tout derrière.
« C'est une plaisanterie ? »
Draco se moqua. « Voyons, professeur, tout le monde sait que les Weasley n'ont pas un sou. Il est normal que leurs balais ne méritent même pas cette qualification. Ça ne semble même pas magique ! »
« Et vous, monsieur Malfoy ? » demanda-t-elle avec scepticisme.
« Mon balai a été détruit par Potter, et mon père ne m'en a pas racheté. Potter m'a donné cette… ce bout de bois pour compenser en attendant. »
« Monsieur Potter n'est pas pauvre. »
Harry répondit à son tour. « Je vis avec l'argent de parrain. Et mon parrain n'est pas très disponible ces derniers temps pour m'offrir un balai. Le mien aussi a été détruit par des détraqueurs. »
Elle les fixa encore. Les Weasley déployaient beaucoup d'effort pour ne pas montrer d'amusement et surtout ne pas rire. Harry et Draco demeuraient calmes et posés, sereins. Enfin, elle parla à nouveau.
« Lequel est le vôtre, Monsieur Malfoy. »
« Ce n'est pas à proprement parler le mien, en conséquence de l'événement abordé plus tôt. Et je me fiche de savoir lequel. Pour moi, tout ça n'est que du petit bois. »
« Bien, dans ce cas… » Elle se leva et s'éloigna de quelques pas de sa table, observée curieusement par les adolescents. Elle pointa sa baguette vers les balais. « Incendio. »
Aucun ne put cacher sa surprise. Ils furent tenus de rester jusqu'à ce qu'il ne subsiste plus que des cendres. Elle les congédia ensuite, refusant de répondre aux invectives des jumeaux qui voulaient savoir si les balais des autres avaient subi le même sort. En tout cas, ils étaient tous satisfaits d'avoir présenté de faux balais.
Les cinquièmes années et Ginny avaient raconté à Hermione et Neville ce qui s'était passé une fois de retour à la bibliothèque. Depuis qu'ils étaient six à travailler ensemble, ils avaient dû changer de coin pour s'installer à une table plus grande, avec Draco, Hermione et Ron d'un côté, Ginny, Neville et Harry en vis-à-vis. Ron, très supporté par la première de classe et un peu par l'autre préfet de Gryffondor, travaillait plus intensément que jamais auparavant dans sa vie dans l'objectif d'obtenir ses BUSEs. Il se demandait régulièrement pourquoi il avait choisi un groupe d'amis qui ne pensait qu'à lire et réviser, la bande des moralisateurs, l'équipe des têtes de classes insupportables. Pourtant, ils restaient ses amis, ses compagnons, et presque ses tuteurs lors de leurs sessions d'études.
Dobby apparut soudainement entre Hermione et Draco.
« Bonjour ! » Il salua de la main, tout souriant, les jeunes sorciers attablés.
« Que fait cet elfe ici ?! » s'étonna Ginny, les yeux exorbités.
Dobby pencha la tête de côté pour l'observer avec curiosité.
Draco regarda entre les deux, puis devint sec avec l'elfe. « Dobby, non. Pas plus de présentations. »
L'elfe se tourna vers lui, et tendit les mains avec une enveloppe. « Dobby est venu apporter une lettre de Sirius Black. Dobby a bien suivi les instructions. Sirius Black aussi. »
Draco prit doucement l'enveloppe. « Oui, merci Dobby. »
Dobby resta, en attente, tandis que Draco vérifiait si quoi que ce soit été noté sur l'enveloppe, apparemment adressée à Harry qui le fixait intensément. Rapidement, le blond tendit la lettre à son camarade. « C'est bien pour toi. »
« De toute évidence. », répondit-il. Il ouvrit et lisait pendant que ses amis continuaient de discuter autour de lui.
Draco toisa Dobby. « Qu'est-ce que tu veux ? »
« Depuis quand les elfes de maison apportent des lettres ? » questionna Ginny.
Draco soupira de lassitude. Dobby contemplait Ginny. Hermione lui expliqua rapidement. « Apparemment, il s'agit d'un elfe de maison des Malfoy, libéré, qui travaille maintenant à Poudlard. »
« Pourquoi est-ce qu'il t'obéirait encore ? » demanda la rousse à l'intention du Serpentard.
« Il ne m'obéit pas, il m'aide dans certaines circonstances. Il n'est pas capable de comprendre qu'il ne me doit rien. » Le garçon fixait, froidement, ses yeux dans ceux de l'elfe. « Qu'est-ce que tu veux ? »
« Qui est la nouvelle amie de Maître Draco ? »
À présent, Ginny dévisageait la petite créature. « Elfe libre ? De Poudlard ? »
« On lui a déjà expliqué, il insiste sur le fait qu'il est libre de m'appeler comme il veut. Et j'en ai un peu marre de répéter ça toutes les semaines. »
« Ce n'est pas toutes les semaines. », corrigea Hermione.
« C'est la deuxième fois cette semaine. »
« Tu ne l'as jamais fait avant. »
Harry croisa les bras sur la table. « Quand vous aurez terminé, j'ai une nouvelle à transmettre. Dobby, voici Ginny Weasley, une très bonne amie de Draco. Merci de m'avoir remis la lettre de mon parrain, Dobby. Tu devrais partir avant que quelqu'un ne t'aperçoive, comme la bibliothécaire par exemple. »
Dobby hocha la tête, et disparut.
« Alors, cette lettre ? » s'enquit Ginny.
Harry pouvait voir les regards de tous se tourner vers lui. Plus aucun ne travaillait. Il jeta rapidement un œil à la ronde, afin de s'assurer que personne ne pourrait les entendre. Heureusement, ils n'étaient plus dans un coin de la bibliothèque très surveillé. « Sirius me donne rendez-vous dans la salle commune de Gryffondor à minuit pour discuter. Il explique que ce qu'il a à dire serait mieux de vive voix que par une lettre. »
Ron n'en revenait pas. « Comment compte-t-il te parler dans notre salle commune ?! »
« Il compte sans doute utiliser les connexions de cheminette. », proposa Draco.
« Comment cela ? » demanda Neville.
« La plupart des cheminées de Poudlard sont connectées au réseau de cheminette, comme pour les quartiers des professeurs, ou leurs bureaux. Il en va de même pour les salles communes, bien qu'il y ait quelques restrictions. Seul le transport de la tête est possible. »
« Pardon ? »
« Ça permet de communiquer. Ne me dis pas que Neville, le plus grand connaisseur de Poudlard, ignore cela ? »
« Je n'ai jamais vraiment eu besoin d'utiliser ça. Et Hagrid n'est pas non plus un expert du transport par cheminette. »
Ron rit. « Tu m'étonnes ! »
Draco développa. « En clair, il faut jeter une poignée de poudre de cheminette dans sa cheminée, puis passer sa tête dans les flammes et prononcer sa destination. »
Neville frissonna. « Mettre sa tête dans un feu. »
« Tu as déjà fait pire. », commenta Harry. « Nous verrons bien comment Sirius compte me parler de vive voix. »
« Pas sans moi. », imposa Draco.
S'en suivit un certain débat sur l'autorisation ou l'interdiction du Serpentard de pénétrer dans la salle commune de Gryffondor.
