(L'Ordre du Phénix) Discussion au coin du feu


Le soir venu, ils étaient tous dans la salle commune de Gryffondor. Draco bénéficiait de la cape d'invisibilité de Harry pour rester caché tant qu'il y avait d'autre Gryffondor. Le reste du groupe s'était installé autour de la cheminée, utilisant fauteuils et canapés, et travaillaient sur leurs essais dans un calme qui ne perturberait personne qui les connaissaient, sauf peut-être en ce qui concernait les Weasley. Ron n'était clairement pas connu comme travailleur. Aussi râlait-il et soupirait-il régulièrement, alors rabroué doucement par Hermione. Plus personne ne faisait attention à eux, et la salle se vida au fil du temps. L'heure approchait. Ils écoutaient également la radio sorcière, où il était question de disparitions qui se poursuivaient. Le ministre prenait la parole pour, une fois de plus, toutes les mettre sur le dos de Sirius.

Un quart d'heure avant l'heure, alors que la salle était désertée de tous, Draco jura et enleva la cape.

« Qu'est-ce que vous faites là ? » demanda-t-il à l'intention des jumeaux Weasley qui revenaient avec un sourire malicieux bien trop large pour être honnête. Les autres se retournaient pour observer les deux plus âgés.

« Nous ? »

« Rien voyons. »

« On se demandait juste… »

« … ce que vous pouviez préparer. »

« Ce n'est pas courant… »

« … de vous voir ici, »

« comme ça, »

« le soir. »

« Alors on s'est dit : »

« quelque chose mijote dans leurs têtes. »

« Et on est venu voir. »

« Ce que ça pouvait bien être. »

« Et maintenant, nous voilà surpris, »

« de découvrir un Serpentard, »

« dans notre salle commune. »

« De Gryffondor. »

« Alors. »

« Qu'est-ce que vous faites ? »

Seuls Draco, Ginny et Ron ne souriaient pas. Harry fit un mouvement de la main pour leur signifier d'approcher. « Nous attendons Sirius. Il m'a donné rendez-vous ici. »

« Vraiment ? » fit George, étonné. Le rire vint à Fred, puis à son frère.

« Il ose tout ! »

Harry s'amusa également. « Oui, c'est comme ça qu'est Sirius. » Il se leva pour aller s'accroupir devant la cheminée. « Il ne devrait plus tarder. J'espère. »

Les jumeaux se placèrent derrière le canapé, accoudés dessus, chacun d'un côté de la tête de Neville qui y était assis. Ron prit la place que Harry venait de quitter auprès du garçon-qui-avait-survécu. Draco sortit de son coin pour se rapprocher, et se positionna proche de Ginny, assise sur un fauteuil à gauche de la cheminée. Hermione reprenait sa lecture tranquille sur celui d'en face. Ils discutèrent un peu en attendant Sirius. Hermione et Neville interrogeaient beaucoup les jumeaux sur le déroulement des BUSEs. Fred et George n'en avaient validé que trois, heureusement assez haut pour les suivre toutes les trois en ASPIC. Ils avaient charmes, potions, et métamorphose, cette dernière principalement grâce à une pratique remarquable.

Enfin, la voix de Sirius émergea de la cheminée. Le feu s'était allumé, et son visage prenait forme dans les flammes. Il fut surpris de voir autant de monde.

« Psst ! Je ne m'attendais pas à vous voir si nombreux. »

Harry souriait très joyeusement. « Oui, même Draco est là. » Il désignait vers Ginny et le blond, qui fit mine d'approcher.

« Heureux de voir que Malfoy n'a pas tué son gamin. »

Draco, à présent debout à côté de Harry, croisa les bras, très peu amusé. « Ça fait toujours plaisir à entendre. », déclara-t-il à la fois froid et sarcastique.

« N'oublie pas que ton père est un Mangemort, gamin ! C'est un ennemi. De l'Ordre en tout cas, et j'espère que c'est aussi ton cas. On va dire que je n'ai rien vu sur ta présence dans la salle commune de Gryffondor. »

« Si tu voulais dire quelque chose, tu devrais te rendre. Fudge augmente de plus en plus le nombre de charges contre toi. »

« Oui, les choses que fait ton père, je suis au courant. Écoutez, j'ai peu de temps. Qui est là, exactement ? »

Harry lista chacun. « Draco, évidemment. Neville et Ron sont derrière moi avec les jumeaux, tu peux certainement les voir. Tu dois pouvoir voir Hermione aussi, et il y a Ginny. »

La fille Weasley bougea pour s'installer auprès de Neville, à un endroit plus visible pour Sirius.

« Très bien. », déclara Sirius. « Est-ce que tout le monde sait ce que m'a écrit Harry. »

« Je ne leur ai pas montré la lettre. »

« Il y a plusieurs choses dedans. Est-ce que tout peut être abordé devant chacun d'entre vous ? »

« Je pense… » Harry se tourna vers Neville.

« Il faut l'avis de Neville. », confirma Sirius.

Le garçon hocha la tête. « Oui, ça va. Je crois que tout le monde est déjà au courant si c'est ce à quoi je pense. Enfin, presque tout le monde, mais c'est pas grave. »

Un air sombre prit place sur le visage de Harry alors qu'il regardait son meilleur ami. « Si, c'est grave, Neville. »

« Ce n'est pas grave qu'on le découvre. », insista Ginny. Elle se tourna vers Neville. « Quoi que ce soit, nous sommes avec toi. Tu sais que nous te soutiendrons toujours, n'est-ce pas ? »

Il sourit légèrement à la fille, timidement. « Oui, je sais. Merci Ginny. »

Draco roula des yeux. « Oh, franchement. Sortez ensemble vous deux, et attendez qu'on soit plus là. »

Ginny, rougissant à une vitesse folle, foudroya le Serpentard du regard. Neville rougissait également, sans doute moins de colère que de gêne. Ce n'était pas la première allusion de Draco à ce sujet, mais le blond se méprenait grandement. Certes, le champion du tournoi avait invité à danser la belle rousse l'an passé. Cependant, rien ne s'était jamais passé, et il l'avait fait davantage pour respecter son devoir de trouver une cavalière tout en faisant plaisir à une bonne amie qui désirait danser mais ne le pouvait sans invitation. Depuis qu'il avait rencontré Luna, et qu'il passait régulièrement avec Harry visiter la clairière des Sombrals, Neville trouvait toujours à la Serdaigle un charme envoûtant, tant par sa beauté que par son attitude calme et souvent silencieuse et toujours pleine de sagesse. Il aimait bien cette blonde étrange, et pensait à elle beaucoup plus souvent qu'à Ginny, qui demeurait une très bonne amie dont il se sentait plus proche que de Ron.

« Bien, alors commençons. », appela Sirius. « Harry a évoqué une inquiétude vis-à-vis d'Ombrage, mais rien de très précis. Qu'est-ce qu'elle fait ? Elle torture des hybrides ? »

Hermione prit la parole, outragée. « Elle ne nous apprend rien ! Nous ne pratiquons pas. Et Harry n'a pas évoqué les retenues ? »

L'adolescent regarda son amie. « Non, j'en ai déjà discuté avec Sev. »

« Que se passe-t-il avec les retenues ? »

« Ce n'est pas le plus important, Sirius. Tu as dit avoir peu de temps. »

« Pas important ?! » s'emporta Hermione.

« C'est quoi cette histoire ? » demanda Draco.

Harry observait Sirius fixement. Son parrain changea de sujet. « D'accord. Quant à la pratique, c'est la tactique du ministère. Fudge ne veut pas que vous appreniez à vous battre. »

« Nous battre ? » s'étonna Ron. « Il pense quoi, qu'on forme une sorte d'armée ? »

« C'est exactement ce qu'il pense. Harry mentionnait une inquiétude au sujet des pleins pouvoirs d'Ombrage, cependant. Ça ne concerne donc pas cette absence de cours. »

Harry commença par réfuter. « Bien sûr que si, l'absence de cours m'inquiète. Et c'est l'année de nos BUSE, sans compter que Voldemort est de retour et que nous devons apprendre à nous défendre. Mais tu as raison, il y a plus. Elle impose de plus en plus de restriction… »

« Elle a même annulé le Quidditch ! » s'offusquait Draco.

« Le Quidditch ? » répéta Sirius. « Ce n'est rien par rapport à ce qu'elle peut faire. Ombrage est une vicieuse, et elle déteste particulièrement les hybrides, par peur. Elle est également une puriste pire que certains Mangemorts. »

« Si tu considères encore Sev dans les Mangemorts, ce n'est pas difficile. », marmonna Harry.

« Elle a renvoyé Trelawney. », informa Ginny.

« C'est pas une perte. », grogna Ron à voix basse.

Sirius se montra plus inquiet. « Trelawney ? La voyante ? Dites-moi que c'est une plaisanterie, elle ne l'a pas fait. »

« Si. », affirma Draco. « Y a-t-il un si grand problème avec cela ? »

« Oui, Trelawney est… sous la protection de Dumbledore. »

« Elle l'est encore. », le rassura Neville. « Le directeur a assuré que même si Ombrage pouvait la renvoyer, elle ne pouvait expulser personne du château. Seul lui en a le pouvoir. Le professeur Trelawney est encore en sécurité. »

Sirius soupira. « Aaah, tout va bien alors… »

« Elle peut renvoyer des professeurs ! » s'emporta Harry, inquiet. « Et elle n'aime ostensiblement pas Maman. Elle sait que c'est ma mère, et une née-moldue. Elle considère même que sa place est dans l'aile psychiatrique de Sainte Mangouste. »

« Ce n'est pas très surprenant. », grommela Sirius avant de reprendre une voix plus sérieuse. « Ombrage a une dent contre tout ce qui n'est pas purement humain. C'est elle qui a passé des lois contre les loups-garous, les empêchant pratiquement de trouver du travail. Je pense que Hagrid a plus à craindre que Lily. Et je suis certain que Servillus va tout faire pour rester un minimum dans les grâces d'Ombrage. Elle n'est pas Mangemort, mais c'est une alliée, qu'elle en soit consciente ou non. Et je serais prêt à parier qu'elle pourrait apprécier d'en faire partie. Bref, Servillus utilisera son influence pour l'empêcher de nuire à Lily. »

Draco nia. « Oncle Sev est la cible favorite d'Ombrage avec Trelawney. Il reste juste intouchable. »

« Oui, et bien Servillus n'est pas le personnage le plus aimable. Je suppose qu'il ne doit pas être très coopératif avec elle, alors. Il lui reste l'influence auprès de Malfoy pour faire pression sur Ombrage en cas de besoin. Il est plus proche de lui qu'elle. C'est son travail, après tout. »

« C'est mon parrain. »

« D'accord, ce n'est pas que son travail. Il fait aussi des choix déplorables dans ses amis. »

« Il y avait d'autres sujets. », signifia Harry. Il savait que Sirius avait tendance à oublier le reste quand il se lançait dans sa querelle avec Severus, et Draco ne lâcherait pas l'affaire non plus pour défendre leur professeur préféré.

« J'aimerais beaucoup vous aider au sujet d'Ombrage, mais je ne peux rien faire. Pour ce qui concerne les cauchemars de Neville… » Tandis que Sirius marquait une légère pause, les regards se tournaient vers le garçon-qui-avait-survécu. « … Je suis vraiment désolé, mais je ne sais rien. Si Dumbledore et Servillus ont vraiment préparé quelques choses, je suppose qu'ils attendent le bon moment d'après leur propre jugement. Ils ont probablement un plan. Tout ce que vous pouvez faire, c'est attendre. Ils n'en ont pas parlé à l'Ordre. Il vous faudra faire confiance en Dumbledore pour ça. »

« Mais je n'en peux plus ! » protesta Neville. « Quand serait le bon moment ? Quand je m'écroulerais, littéralement, de fatigue ? »

Ça ne ressemblait pas à Neville de s'énerver contre l'un ou l'autre des deux hommes. Ses camarades ne pouvaient qu'en déduire qu'il était véritablement épuisé.

« Je ne sais pas, Neville. Les autres ne voulaient pas que je vous le dise, mais les choses se passent mal pour l'Ordre. Fudge verrouille toutes les informations… » Un bruit de porte se fit entendre au travers de la cheminée. Sirius chuchota en urgence. « Quelqu'un vient ! Il faut que j'y aille. Pour l'instant, je crains qu'il vous faille vous débrouiller tout seul. »

Sa tête disparut du feu. Ils restèrent silencieux quelques secondes, avant que Neville ne prenne les choses en main.

« Nous ferons le point demain. Pour l'instant, nous devrions tous aller nous coucher. »

Draco souleva la cape d'invisibilité. « J'emprunte ça. »

« Tu aurais au moins pu demander. », nota Harry. « Rends-la moins demain matin, dès le petit-déjeuner. »

« Sans problème. », accepta le Serpentard qui revêtait la cape, déjà à l'entrée de leur salle commune. Il partit rapidement, et les autres allèrent vers leurs dortoirs. Harry aurait espéré pouvoir discuter davantage avec son parrain. Cependant, il n'allait pas râler sur le temps qu'il venait d'avoir.


« Décret d'éducation numéro cinquante-trois : Les garçons et les filles ne sont jamais autorisés à être à moins de vingt centimètres les uns des autres ! »

À n'en point douter, lorsque ce décret fut affiché, les élèves qui le lurent s'en amusèrent grandement. Ombrage pourrait les séparer autant qu'elle le voulait, les couples avaient toujours tendance à revenir l'un vers l'autre, encore et encore. Le bruit courut dans toute l'école que la dame en rose tentait d'accomplir l'impossible, éloigner filles et garçons. Les paris furent lancés : elle n'y arriverait pas. Pour ainsi dire, « jamais ! » Certains décidèrent même de se rapprocher dès qu'elle passerait près d'eux, par provocation. Aucun élève n'adhérait à cette règle. Ils étaient, au mieux, totalement neutres.